Léon XIII

256ᵉ pape ; de 1878 à 1903

29 janvier 1895

Lettre pour le huit-centenaire des croisades

Les auto­ri­tés reli­gieuses et civiles de Clermont-​Ferrand pré­pa­raient de concert des fêtes solen­nelles, qui seront célé­brées du 6 au 20 mai, à l’occasion du hui­tième cen­te­naire du Concile de Clermont, tenu en cette ville, et de la pre­mière croi­sade qu’y prê­cha Pierre l’Ermite.

Voici, à ce sujet, la lettre adres­sée par Mgr Belmont aux fidèles de son diocèse :

Lettre pas­to­rale de Mgr l’Evêque de Clermont por­tant communi­cation d’une lettre pon­ti­fi­cale, au sujet du hui­tième cen­te­naire du Concile de Clermont et de la pre­mière croisade.

Nos Très Chers Frères,

Ce n’est point notre humble parole qui vous expor­te­ra à célé­brer digne­ment le cen­te­naire si glo­rieux pour l’Auvergne et la France que nous ramène la pré­sente année. C’est celle du suc­ces­seur d’Ur­bain II et de saint Pierre ; c’est l’immortel Léon XIII qui vous dit : Dieu le veut !

Oui, Dieu veut que vous fas­siez revivre, par la doci­li­té, par la géné­ro­si­té de vos cœurs, les dis­po­si­tions de ceux qui, en disant autre­fois : Dieu le veut ! renon­cèrent à tout pour aller en Judée, les uns seule­ment pour véné­rer le tom­beau du Christ, les autres, pour l’arracher à la domi­na­tion des infi­dèles, tous pour souf­frir, expier leurs fautes dans cette dou­lou­reuse expé­di­tion, consa­crer à la défense de la jus­tice, à la pro­tec­tion de la fai­blesse, des épées trop sou­vent jusque-​là enga­gées dans des que­relles injustes, des vies trop sou­vent aban­don­nées à la dis­so­lu­tion et à la débauche. Aujour­d’hui, de nou­veau, Léon XIII nous dit : Levez-​vous ! Dieu le veut !

L’Europe chan­celle, le dan­ger n’est plus à la fron­tière d’Orient, il est au milieu de vous ; ce ne sont plus les chré­tiens d’Orient qu’on force à abju­rer, ce sont vos enfants ; la France court à sa perte parce qu’elle a ces­sé de vou­loir être chré­tienne alors qu’elle l’est jusque dans ses moelles. Vous êtes chré­tiens, ren­dez donc à la loi de Dieu sa place dans vos mœurs, dans vos lois ; que votre vie soit pure, sobre, chré­tienne, dévouée à l’Eglise.

Dieu le veut ! Il vous le dit par son Vicaire, écoutez :


Lettre de Sa Sainteté Léon XIII à Monseigneur l’Evêque de Clermont.

Au Vénérable Frère Pierre-​Marie Belmont, évêque de Clermont, Vénérable Frère,

Vous Nous avez fait savoir, tant de vive voix que par vos lettres, qu’il était dans vos inten­tions de célé­brer, avec une par­ticulière solen­ni­té, le pro­chain hui­tième cen­te­naire du Concile géné­ral tenu en 1095 dans votre ville épis­co­pale sous la pré­si­dence de Notre pré­dé­ces­seur Urbain II, de sainte mémoire. Nous ne pou­vons que louer hau­te­ment un sem­blable des­sein. Le con­cile de Clermont, en effet, a été un évé­ne­ment d’une impor­tance excep­tion­nelle dans les fastes de l’his­toire, et la capi­tale de l’Auvergne se glo­ri­fie à juste titre d’en avoir été le théâtre. Sans par­ler des per­son­nages nom­breux et dis­tin­gués qui vinrent y prendre part, ce Concile res­te­ra à jamais mémo­rable entre tous les autres pour avoir sus­ci­té la pre­mière de ces héroïques expé­ditions mili­taires dont le but était d’essuyer les larmes des chré­tiens de la Palestine, et de déli­vrer les lieux sanc­ti­fiés par la pré­sence, la pas­sion, la mort et la résur­rec­tion du Sauveur des hommes.

ce Concile res­te­ra à jamais mémo­rable entre tous les autres pour avoir sus­ci­té la pre­mière de ces héroïques expé­ditions mili­taires dont le but était d’essuyer les larmes des chré­tiens de la Palestine, et de déli­vrer les lieux sanc­ti­fiés par la pré­sence, la pas­sion, la mort et la résur­rec­tion du Sauveur des hommes.

A plu­sieurs reprises, les Pontifes romains, comme Sylvestre II et Grégoire VII, s’étaient faits l’écho de leurs plaintes et de leurs sup­pli­ca­tions, et avaient éle­vé la voix en leur faveur. Au bien­heureux Urbain était réser­vée la joie de voir les nations répondre effi­ca­ce­ment à son appel. L’expédition fut déci­dée, et, trois années après, les chré­tiens entrèrent triom­phants dans Jérusalem.

Comme vous le rap­pe­lez dans votre lettre, Vénérable Frère cette grande expé­di­tion obtint ce mer­veilleux suc­cès parce qu’elle avait été pré­pa­rée sous les aus­pices de la Reine du ciel, par des prières publiques dont l’usage s’est per­pé­tué dans l’Eglise. – Tels sont les grands et pieux sou­ve­nirs que ce pro­chain cente­naire va rap­pe­ler à tous les fidèles. – Ils leur seront une invi­tation nou­velle à diri­ger leurs regards vers cette terre ché­rie, où se sont accom­plis les mys­tères de la Rédemption des hommes, vers ces antiques églises d’Orient, aux­quelles, comme Nous l’avons dit ailleurs, Nous por­tons un si vif inté­rêt. – Mais ces sou­ve­nirs doivent être chers sur­tout aux fils de la noble nation fran­çaise, à qui revient la prin­ci­pale part dans cette expé­di­tion. Qu’ils veuillent dès lors se rap­pe­ler avec quelle reli­gieuse abné­gation, quelle obéis­sance et quelle una­ni­mi­té, leurs aïeux d’il y a huit siècles ont accueilli la parole du Vicaire de Jésus-​Christ, et com­ment, à son invi­ta­tion, écar­tant toute cause de divi­sion, et, par suite, de fai­blesse, ils ont uni leurs efforts dans un même sen­ti­ment pour com­battre ensemble les bons com­bats, à la plus grande gloire de Dieu et de leur patrie. – Qu’à leur exemple, les fidèles de la France cultivent de plus en plus dans leurs cœurs la dévo­tion envers la Bienheureuse Vierge Marie, la patronne de leur nation. Qu’ils se fassent, comme eux, un devoir et un bon­heur de se mon­trer tou­jours les fils obéis­sants de leur Père com­mun, le Pontife de Rome, et les béné­dic­tions du ciel seront avec eux.

Qu’à leur exemple, les fidèles de la France cultivent de plus en plus dans leurs cœurs la dévo­tion envers la Bienheureuse Vierge Marie, la patronne de leur nation.

Et afin d’exciter de plus en plus leur zèle et leur pié­té, Nous accor­dons volon­tiers, en ver­tu de Notre auto­ri­té apos­to­lique, que les fidèles de France et des autres pays qui visi­te­ront, durant l’année du pro­chain jubi­lé du Concile de Clermont en Auvergne, la basi­lique de cette même ville, où est véné­rée de date immé­mo­riale la sainte image de la Bienheureuse Vierge sous le titre de Notre-​Dame du Port, puissent gagner une fois toutes les indul­gences plé­nières et par­tielles que les Pontifes Romains ont atta­chées au pèle­ri­nage de Jérusalem, pour­vu que, s’étant confes­sés de leurs péchés et ayant com­mu­nié, ils y prient pour les besoins géné­raux de la Sainte Eglise, pour l’extirpation des héré­sies et des schismes, et notam­ment pour le retour à l’unité catho­lique des Eglises Orientales séparées.

En atten­dant, Vénérable Frère, et comme gage de Notre par­ti­cu­lière bien­veillance, Nous vous accor­dons, à vous, à votre cler­gé et à tous vos fidèles, la béné­dic­tion apostolique.

Rome, du Vatican, le 29 janvier.

LEO PP. XIII.


Voilà donc, Nos Très Chers Frères, nos fêtes jubi­laires ouvertes, c’est à l’appel de Léon XIII, et nous ins­pi­rant de ses pen­sées, que nous les célébrerons.

Dès ce jour, jusqu’au 31 décembre, les fidèles pour­ront gagner une fois toutes les indul­gences du pèle­ri­nage de Terre Sainte, moyen­nant la confes­sion et la com­mu­nion, en visi­tant l’é­glise de Notre-​Dame du Port, et en y priant aux inten­tions de Notre Saint-​Père le Pape, et spé­cia­le­ment pour le retour des chré­tiens d’Orient à l’unité catho­lique. Nous le ferons avec une fer­veur d’autant plus grande que nous y serons por­tés par notre recon­nais­sance pour les faveurs insignes dont notre Eglise est l’objet de la part du Chef de l’Eglise.

Les indul­gences sus­dites, soit plé­nières, soit par­tielles, et appli­cables aux âmes du Purgatoire, sont tel­le­ment nom­breuses que l’énumération en serait impossible.

En outre des autres indul­gences pré­cé­dem­ment accor­dées à cette église, nous ajou­tons une indul­gence de 40 jours pour chaque visite à Notre-​Dame du Port pen­dant cette même année jubi­laire, à la condi­tion de prier aux inten­tions expri­mées par Notre Saint-​Père le Pape.

Dans peu de jours nous publie­rons, avec notre man­de­ment sur le saint temps du Carême, le dis­po­si­tif des solen­ni­tés reli­gieuses de nos fêtes jubi­laires, et nous recom­man­de­rons, s’il y a lieu, à votre géné­rosité, les moyens qui nous sem­ble­ront propres à en per­pé­tuer le sou­ve­nir. L’époque en demeure fixée du 16 au 20 mai.

Et seront, la pré­sente lettre et la lettre pon­ti­fi­cale, lues en chaire dans toutes les églises et cha­pelles du dio­cèse, le dimanche de la Septuagésime.

Donné à Clermont, sous le sceau de nos armes, le 5 février 1895.
† Pierre-​Marie, Évêque de Clermont.

30 décembre 1892
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