Lettre aux Amis et bienfaiteurs du District du Canada de février 2009

Chers fidèles,

La levée des excom­mu­ni­ca­tions et l’émoi pro­vo­qué par l’interview de Monseigneur Williamson à la Télévision Suédoise sont peut-​être les deux sujets qui ont le plus rem­pli les pages des jour­naux durant ce der­nier mois.

Historique des excommunications

Le 30 juin 1988, Monseigneur Lefebvre consacre quatre évêques pour la Fraternité St-​Pie X. Le Pape Jean-​Paul II juge que « cet acte a été une déso­béis­sance au Souverain Pontife en une matière très grave et d’une impor­tance capi­tale pour l’unité de l’Eglise…, une telle déso­béis­sance, qui consti­tue en elle-​même un véri­table refus de la pri­mau­té de l’évêque de Rome, … un acte schis­ma­tique. » (Motu Proprio Ecclesia Dei) Monseigneur Lefebvre accom­plit cet acte mal­gré la moni­tion for­melle qui lui a été envoyée, et le pape pro­nonce l’excommunication contre Monseigneur Lefebvre, Monseigneur de Castro Mayer et les quatre évêques consa­crés. Jusqu’au pèle­ri­nage de la Tradition à Rome, en l’Année Sainte 2000, il n’y a que des déve­lop­pe­ments insi­gni­fiants dans les rela­tions entre Rome et la Fraternité. Mais ce pèle­ri­nage démontre aux auto­ri­tés romaines les fruits de la Tradition Catholique : de mul­tiples jeunes voca­tions, les familles nom­breuses, un peuple catho­lique, fervent, joyeux et fier de sa foi. Déjà pen­dant ce pèle­ri­nage, une porte à de nou­veaux contacts s’ouvre, grâce à la foi convain­cante des pèle­rins : le Cardinal Castrillon Hoyos invite les quatre évêques de la Fraternité au Vatican. Certes, ce n’est qu’une pre­mière prise de contact, mais elle montre la volon­té romaine de s’occuper de la Fraternité. Comment va pro­cé­der cette faible petite Fraternité en face du géant puis­sant qu‘est Rome ?

En jan­vier 2001, le Conseil Général esquisse les contours du futur che­min de la Fraternité. Comme l’expérience de la Tradition avec Rome n’inspire pas confiance, la Fraternité doit logi­que­ment s’attendre à se voir trai­tée comme tous ceux qui ont quit­té le com­bat de Monseigneur Lefebvre. Pour se pro­té­ger, elle demande des actions concrètes qui indiquent sans équi­voque les inten­tions romaines à son égard : que la célé­bra­tion de la messe Tridentine soit libé­rée pour tous les prêtres, et que le décret d’excommunication soit reti­ré. Ces deux mesures ne sont pas récla­mées pour obte­nir direc­te­ment un avan­tage pour la Fraternité elle-​même, mais bien pour redon­ner un souffle tra­di­tion­nel au Corps mys­tique et ain­si, indi­rec­te­ment, aider à un sain rap­pro­che­ment entre la Fraternité et Rome. Une fois que Rome aura satis­fait à la demande de ces deux préa­lables et que le cli­mat ‘anti-​traditionnel’ aura com­men­cé à chan­ger, la Fraternité accep­te­ra de s’engager dans des dis­cus­sions avec Rome. Á la fin, sa situa­tion cano­nique se règlera.

Le 7 juillet 2007 – suite à la Croisade du Rosaire – le Motu Proprio ‘Summorum Pontificum’ est ren­du publique. Quel bel acte – acte encou­ra­geant – pour la Tradition. Non seule­ment la messe est libé­rée et tous les prêtres peuvent doré­na­vant la dire, mais le Pape sta­tue encore qu’elle n’a jamais été abro­gée. Le com­bat de Monseigneur Lefebvre est réha­bi­li­té, son cou­rage cou­ron­né de l’aval papal. En plus, le Motu Proprio donne aux prêtres le droit de dire le Bréviaire et d’utiliser, pour l’administration des sacre­ments et pour les béné­dic­tions, le Rituel de 1962. Le pre­mier obs­tacle est passé !

Au début de juin 2008, le Cardinal Castrillon Hoyos envoie un ulti­ma­tum à Monseigneur Fellay et menace la Fraternité de ‘re’-déclarer le schisme si elle ne montre pas publi­que­ment sa volon­té de col­la­bo­rer avec Rome avant la fin du mois. La Fraternité est sup­po­sée s’engager :

  • à don­ner une réponse pro­por­tion­née à la géné­ro­si­té du Pape
  • à évi­ter toute inter­ven­tion publique qui ne res­pecte pas la per­sonne du Saint-​Père et qui serait néga­tive pour la cha­ri­té ecclésiale
  • à évi­ter la pré­ten­tion d’un magis­tère supé­rieur au Saint-​Père et à ne pas pro­po­ser la Fraternité en contra­po­si­tion à l’Eglise
  • à démon­trer la volon­té d’agir hon­nê­te­ment en toute cha­ri­té ecclé­siale et dans le res­pect de l’autorité du Vicaire du Christ
  • à res­pec­ter la date – fixée à la fin du mois de juin – pour répondre posi­ti­ve­ment. Cela sera une condi­tion requise et néces­saire comme pré­pa­ra­tion immé­diate à l’adhésion pour accom­plir la pleine communion.

Au mois d’Octobre, Monseigneur Fellay répond à cette menace dans sa ‘Lettre aux Amis et Bienfaiteurs’ : « Nos prises de posi­tion sont inter­pré­tées comme des retards, des ater­moie­ments vou­lus, on met en doute nos inten­tions et notre bonne volon­té de dis­cu­ter vrai­ment avec Rome. On ne com­prend pas pour­quoi nous ne vou­lons pas d’une solu­tion cano­nique immé­diate. Pour Rome, le pro­blème de la Fraternité serait par là-​même réso­lu, les dis­cus­sions doc­tri­nales seraient évi­tées ou repor­tées. Pour nous, chaque jour nous apporte des preuves sup­plé­men­taires de la néces­si­té de cla­ri­fier au maxi­mum les ques­tions sous-​jacentes avant d’aller plus avant dans une situa­tion cano­nique, qui n’est cepen­dant pas pour nous déplaire. Mais c’est là un ordre de nature, et inver­ser les choses nous met­trait imman­qua­ble­ment dans une situa­tion invi­vable ; nous en avons la preuve tous les jours. Il y va ni plus ni moins de notre exis­tence future. Nous ne pou­vons pas et nous ne vou­lons pas lais­ser d’ambiguïté sur la ques­tion de l’acceptation du Concile, des réformes, des nou­velles atti­tudes tolé­rées ou favo­ri­sées. » Notre Supérieur Général se montre ferme et déci­dé à ne pas aban­don­ner le che­min esquis­sé en 2001 : tant qu’il n’aura pas été satis­fait aux deux préa­lables, la Fraternité ne s’engagera pas dans des dis­cus­sions, et une solu­tion cano­nique n’est envi­sa­geable qu’après la fin de ces dis­cus­sions. Dans la même lettre il relance les fidèles à une nou­velle Croisade du Rosaire.

En date du 15 décembre, Monseigneur Fellay envoie une lettre au Cardinal Hoyos réaf­fir­mant notre volon­té de res­ter catho­liques : « Nous croyons fer­me­ment à la Primauté de Pierre … Nous sommes prêts à écrire avec notre sang le Credo…, nous fai­sons nôtres tous les conciles jusqu’à Vatican I. Mais nous ne pou­vons qu’émettre des réserves au sujet du Concile Vatican II. » Dans la même lettre, Monseigneur exprime clai­re­ment les grandes souf­frances cau­sées par la situa­tion actuelle, et demande de nou­veau le retrait du docu­ment de l’excommunication de 1988.

Au mois de jan­vier, Monseigneur porte à Rome les résul­tats de la deuxième Croisade du Rosaire : 1.703.000 cha­pe­lets pour la levée des excom­mu­ni­ca­tions. Dans les jours qui suivent sa visite à Rome, le 21 jan­vier, le décret romain est signé et ren­du public le 24 janvier.

Conséquences

Le Concile Vatican II était le détour­ne­ment clair et net de la Tradition et l’ouverture vers les idées nou­velles ; le décret de la levée des excom­mu­ni­ca­tions sera le com­men­ce­ment d’un nou­vel inté­rêt pour l’enseignement tra­di­tion­nel et le retour des chan­ge­ments conci­liaires. Le décret, après plus de qua­rante ans, rap­proche Rome de la Tradition. Il est un grand pas vers la réuni­fi­ca­tion de l’Autorité catho­lique avec la Vérité catho­lique. Trop long­temps auto­ri­té et véri­té étaient divor­cées. Depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum, on ne peut plus affir­mer que le véri­table rite de la Messe est ban­ni par Rome. Bien sûr, cer­tains vont se com­por­ter tout de même comme si ce rite était tou­jours inter­dit. Après le décret du 21 jan­vier, per­sonne ne peut plus dire que les catho­liques atta­chés à la Tradition sont ‘en dehors de l’Église’. Et là aus­si, cer­tains conci­liaires vont conti­nuer à agir comme si les tra­di­tio­na­listes étaient en dehors. Mais cette fois, ils n’auront plus le Pape de leur côté.

La mul­ti­tude des articles publiés contre la levée des excom­mu­ni­ca­tions montre clai­re­ment que les adeptes du Concile Vatican II sont oppo­sés à la démarche du Pape. Ils craignent les consé­quences logiques de la levée des excom­mu­ni­ca­tions. Des articles titrés comme : « Tenir le cap du Concile Vatican II » montrent l’enjeu de la ques­tion. La péti­tion contre l’acte papal en Allemagne révèle ce que les théo­lo­giens modernes demandent de nous et ce qu’ils dési­rent défendre : « C’est la recon­nais­sance abso­lue des déci­sions arrê­tées au Concile de Vatican II qui est récla­mée ». Ces théo­lo­giens invitent tous les visi­teurs de leur site à voter contre la déci­sion parce qu’ils refusent d’accepter « dans l’Église un groupe qui refuse d’accepter le Concile » … Le Cardinal Kasper, Président du Conseil Pontifical pour l’Unité des Chrétiens déplore le décret qui est pour lui une ‘réha­bi­li­ta­tion par­tiale de la Tradition’, et CWN-​news marque dans un article : « Le Pape Benoît XVI a fait un pas auda­cieux visant à mettre fin à une divi­sion qui a com­men­cé voi­ci plus de 20 ans. Dans le même temps, il a ouvert la voie à un débat sur la ques­tion théo­lo­gique la plus impor­tante qui se pose au monde chré­tien d’aujourd’hui. Le résul­tat de ce débat aura une impor­tance qui s’étend bien au-​delà des cercles du tra­di­tio­na­lisme catholique.

Discussions

Si, dans un futur proche, la Fraternité s’engage dans des dis­cus­sions avec Rome, cela ne veut pas dire qu’elle sera rame­née auto­ma­ti­que­ment sous l’égide de Vatican II. Le décret n’engage à rien d’autre qu’à entre­prendre des dis­cus­sions aux­quelles la Fraternité s’était enga­gée elle-​même dès l’année 2000, quand elle avait deman­dé comme préa­lables la libé­ra­tion de la Messe et la levée des ‘excom­mu­ni­ca­tions’. Comment la Fraternité pourrait-​elle ne pas se réjouir de l’occasion qui lui est don­née de pou­voir expo­ser devant Rome les sérieux motifs doc­tri­naux qu’elle croit être à la base de la crise actuelle de l’Église ? Bien sûr, il y a des deux côtés – les sédé­va­can­tistes et les conci­liaires – des voix qui pré­tendent savoir que Monseigneur Fellay aurait déjà signé des accords avec Rome. Les uns mobi­lisent les ‘durs’ en ran­gée de bataille contre ‘Bernie Fellay’ et font des péti­tions pour enle­ver de son poste ‘le traître à la mis­sion de Monseigneur Lefebvre’. Les autres veulent cal­mer les cercles moder­nistes et disent : « Nous savons que les déli­cates négo­cia­tions entre le Vatican et la Fraternité Saint Pie X ont été menées au cours des der­nières années. Mgr Fellay a ren­con­tré le Pape en 2005 ; les excom­mu­ni­ca­tions sont res­tées en vigueur pen­dant plus de trois ans après cette réunion. On peut affir­mer sans crainte que, pen­dant ce temps, le Vatican a cher­ché à obte­nir l’assurance que la Fraternité serait ouverte à une véri­table récon­ci­lia­tion. Les excom­mu­ni­ca­tions n’ont été levées que lorsque ces assu­rances ont été reçues. En d’autres termes, le geste public du Pape nous dit que des entre­tiens pri­vés sont déjà bien avancés. »

Nouvelle Croisade

Le Pape a mon­tré un cou­rage et une bien­veillance extra­or­di­naires à l’égard de la Tradition en satis­fai­sant aux deux préa­lables posés en 2001. Ce que sem­blait, à l’époque, être une demande irréa­liste et au-​dessus des toutes les pos­si­bi­li­tés ‑et dont l’accomplissement est un miracle mani­feste – est deve­nu main­te­nant la réalité.

Mais rendons-​nous compte que tout jusqu’ici n’était qu’une modeste intro­duc­tion dans le vrai com­bat, que jusqu’à main­te­nant on n’a rien fait d’autre que de pla­cer les pièces sur l’échiquier et de se faire valoir comme un joueur res­pec­table : rien de plus. Le grand jeu ne com­mence que main­te­nant. La dis­cus­sion sera enga­gée et on ver­ra fina­le­ment du mou­ve­ment sur les positions.

Qui sera le gagnant ? Personne n’en doute : la Sainte Vierge ! Par elle nous avons obte­nu la libé­ra­tion de la Messe dans une pre­mière Croisade du Rosaire. Elle nous a com­blés de nou­velles grâces dans notre Deuxième Croisade. Les 1.703.000 cha­pe­lets nous ont valu la levée des excommunications.

Une troi­sième Croisade ne peut qu’aboutir à la vic­toire finale !

Pendant ce temps du Carême, prions donc fidè­le­ment notre cha­pe­let. Rajoutons volon­tai­re­ment un deuxième ou même un troi­sième cha­pe­let par jour. L’enjeu est d’une impor­tance immense : l’Église peut, oui, elle doit sor­tir de sa crise.

La pre­mière inten­tion dans la réci­ta­tion de notre cha­pe­let sera par consé­quence l’action de grâce à l’égard de la Sainte Vierge.

La deuxième inten­tion sera pour notre Saint Père le Pape. Il n’y a fort pro­ba­ble­ment aucun autre Cardinal – éli­gible en 2005 – qui aurait vou­lu, ou aurait osé faire les démarches qu’a entre­prises le Pape Benoît XVI. Certainement il avait pré­vu le refus de la part de beau­coup des évêques et le ‘tol­lé’ de la part de la presse chaque fois qu’il entre­pren­drait une démarche en faveur de la Tradition. Et tout de même, il n’a pas hési­té à libé­rer la Messe et à lever les excom­mu­ni­ca­tions. À cause de cela, son pon­ti­fi­cat est cri­ti­qué comme jamais aupa­ra­vant. Parmi les théo­lo­giens modernes, des voix se sont éle­vées qui demandent le Pape de renon­cer à son poste et de se reti­rer. La pres­sion faite sur lui aug­mente de jour en jour. Ce sera à lui de prendre la der­nière déci­sion dans les dis­cus­sions à venir, à lui donc d’assumer la res­pon­sa­bi­li­té, et de rece­voir à son compte toutes les attaques des per­sonnes et des orga­nismes oppo­sés. Il mérite notre sou­tien par la prière au maximum.

La troi­sième inten­tion sera pour les Supérieurs de la Fraternité, spé­cia­le­ment pour Monseigneur Fellay, notre Supérieur Général. La nou­velle situa­tion n’est pas sans dan­ger, les dis­cus­sions seront dif­fi­ciles, pro­ba­ble­ment fort longues, et les adver­saires sont nom­breux. Monseigneur a sur le dos toute la res­pon­sa­bi­li­té des 500 prêtres de la Fraternité, une cer­taine res­pon­sa­bi­li­té des com­mu­nau­tés amies, et la res­pon­sa­bi­li­té des quelques cen­taines de mil­liers de fidèles de toutes parts.

Je vous confie ces inten­tions pen­dant ce temps du Carême et compte sur votre enga­ge­ment ; je sais à qui je m’adresse : lors de la der­nière Croisade du Rosaire, les fidèles du Canada se sont mon­trés extrê­me­ment fervents.

Qu’ils aug­mentent encore leur enga­ge­ment : pour Dieu, pour l’Église, pour la foi catholique !

Que ce saint temps du Carême soit, pour nous et pour notre chère Église un temps de renou­vel­le­ment spi­ri­tuel grâce à nos efforts sin­cères, per­sé­vé­rants et généreux.

Abbé Jürgen Wegner , Supérieur du District du Canada