Lettre de l’abbé Y. le Roux, directeur du séminaire de Dyllwin (USA), à propos du prochain chapitre général

Chers amis et bienfaiteurs,

En peu de mots Notre Seigneur Jésus-​Christ révèle aux hommes la nature intime de Dieu et notre adop­tion divine : « Mon Père et votre Père ».

Pour autant, cette voca­tion ne sau­rait conduire l’homme à s’affranchir des lois qui contraignent sa nature et veillent à son fra­gile équi­libre. C’est ain­si qu’il doit res­pec­ter et se sou­mettre à la loi de l’Incarnation, dans laquelle Dieu s’est fait homme sans rien perdre de sa digni­té, pour que l’homme puisse par­ti­ci­per à Sa vie intime, sans tou­te­fois s’affranchir de ses propres limites.

Ce rap­pel de la condi­tion humaine est essen­tiel car depuis la chute ori­gi­nelle, l’homme est constam­ment atti­ré par l’excès. Or, si l’infini de Dieu Lui per­met de ne rien mesu­rer pour lui-​même, l’homme, créa­ture finie, ne peut s’inscrire dans la déme­sure, sans dévier de sa nature.

Cette déviance s’observe par­ti­cu­liè­re­ment dans les périodes de crise, quand les repères s’estompent les uns après les autres et que les fon­da­tions vacillent. Peu à peu aveu­glé et déso­rien­té par le tour­billon des erreurs envi­ron­nantes, l’homme est conduit à juger et à ne se déter­mi­ner qu’en fonc­tion des effets de la crise. Or, celle-​ci n’étant que la néga­tion et la des­truc­tion de l’ordre, elle ne peut consti­tuer la base d’un juge­ment droit : il faut pour cela reve­nir à l’ordre. Et ce retour devient plus impé­rieux encore quand la crise n’ébranle pas seule­ment un indi­vi­du, mais remet en cause les fon­de­ments mêmes d’une société.

L’histoire de l’Eglise montre que tous les ordres reli­gieux sont nés d’une crise. Mais la crise ne sau­rait consti­tuer l’ADN de la vie des consa­crés : elle n’est que l’occasion pro­vi­den­tielle de leur éclo­sion. L’essence de l’ordre est évi­dem­ment d’une toute autre nature. Ainsi, pas plus que l’ordre de saint Dominique ne se défi­nit par sa lutte contre l’hérésie cathare, la Fraternité Saint-​Pie X ne sau­rait être réduite à sa lutte essen­tielle et néces­saire contre les erreurs du temps pré­sent. Si la crise deve­nait par mal­heur la seule rai­son de son exis­tence, la Fraternité Saint-​Pie X dis­pa­raî­trait à court terme, sans avoir œuvré à l’établissement du Règne du Christ par la sain­te­té des prêtres. Car telle est bien l’essence de la vie de cette Fraternité Sacerdotale : l’im­mo­la­tion de ses prêtres à la gloire de Dieu le Père sur l’autel de la sainte messe. Regnavit a ligno Deus, Dieu règne par la Croix comme nous le rap­pelle le Vexilla Regis.

Aussi, plus la crise de l’Eglise s’intensifie, plus ses fon­de­ments doc­tri­naux sont ébran­lés, plus Satan espère que l’homme soit fas­ci­né par ces mou­ve­ments sans pré­cé­dents et perde ses repères, plus la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X doit demeu­rer fidèle à sa voca­tion par­ti­cu­lière reçue de son fon­da­teur Mgr Lefebvre : veiller à la sain­te­té du prêtre, homme de la messe et donc du cal­vaire. Et pré­tendre que la Fraternité Saint-​Pie X, née de la crise pro­gres­siste, doit se déter­mi­ner en fonc­tion de l’évolution de cette der­nière serait une lourde et funeste erreur.

Or, si l’on observe le vent de panique qui a pu sai­sir ces der­niers mois cer­tains d’entre nous, une ten­ta­tion de déme­sure sem­ble­rait vou­loir s’installer à la veille du nou­veau cha­pitre élec­tif de notre Société reli­gieuse. Chacun donne son avis, écha­faude ses plans, pro­nos­tique, cri­tique à tout-​va, crie haro sur le bau­det : ne serait-​il pas temps de reve­nir à un peu de raison ?

Cette déme­sure porte la signa­ture démo­niaque de l’esprit éga­li­taire issu de la Révolution où cha­cun s’érige en auto­ri­té sou­ve­raine. Cette crise de l’autorité n’est en fait que le refus farouche de toute pater­ni­té et par­ti­cu­liè­re­ment de la Paternité divine. Elle est aus­si celle du refus de l’enracinement néces­saire de l’homme, être dépen­dant et sou­mis par nature.

Il est néces­saire de ne pas se lais­ser entraî­ner par cette déme­sure et de conser­ver le cap dans cette tem­pête. Il suf­fit de regar­der la réa­li­té en face : à une époque où l’Eglise et le monde tra­versent une crise pro­fonde et durable, notre jeune Société reli­gieuse n’a pas encore fêté ses cin­quante ans. Ce qui, pour un ordre reli­gieux, cor­res­pond à l’âge de l’adolescence ; âge fra­gile entre tous où la crois­sance s’opère par­fois de manière un peu désor­don­née et génère de réels dés­équi­libres. Il ne faut donc pas s’étonner de cer­taines dys­har­mo­nies mais y appor­ter remède. Et, au risque de se répé­ter, il n’y a pas d’autre remède que se res­sour­cer à l’esprit qui a pré­si­dé à la fon­da­tion de l’œuvre.

Lorsque la crise essaie de nous entraî­ner dans son tour­billon, il faut en effet s’en sor­tir par le haut en recou­rant aux prin­cipes et tout par­ti­cu­liè­re­ment en res­pec­tant la règle suprême de la pater­ni­té, clef de voûte de toute socié­té. C’est en vivant en fils, en s’enracinant dans la pater­ni­té divine que nous tra­vaille­rons, prêtres et fidèles, cha­cun à notre place, à la fidé­li­té de la Fraternité Saint-​Pie X à sa vocation.

Aussi prions pour les prêtres afin qu’ils tiennent leur place, vivant d’obéissance sans s’arroger des pou­voirs qui ne leur appar­tiennent pas, par­ti­cu­liè­re­ment celui de juger à tout crin. Qu’ils déve­loppent au contraire une vie sacer­do­tale intense faite de fidé­li­té à leur vie de prière, de renon­ce­ment et de dévoue­ment auprès des âmes.

Espérons que les fidèles for­ti­fient de leur côté leur vie de prière et qu’ils n’omettent pas de réci­ter une prière quo­ti­dienne à l’intention de notre pro­chain Chapitre. Qu’ils écoutent le mes­sage de Notre-​Dame à Fatima sur la néces­saire pra­tique de la péni­tence par la fidé­li­té au devoir d’état. Qu’ils déve­loppent éga­le­ment un esprit de dévoue­ment envers leurs prêtres et leurs paroisses.

Un Chapitre élec­tif dans une socié­té reli­gieuse est un moment impor­tant qui ne peut être trai­té comme un tier­cé sur lequel les paris sont ouverts. Cet évé­ne­ment est solen­nel pour une socié­té reli­gieuse car il est un moment par­ti­cu­lier de grâce au cours duquel la fidé­li­té aux sta­tuts doit être renou­ve­lée. Il doit per­mettre une plus grande union des membres sous la dépen­dance hié­rar­chique. C’est un temps où l’armée se reprend et se remet en ordre de bataille pour affron­ter les com­bats qui l’attendent.

Demandons dès main­te­nant la grâce d’éviter la déme­sure, les invec­tives, les pro­cès d’intention et la for­ma­tion de par­tis ou de clans pour reve­nir tout sim­ple­ment à la fidé­li­té à la règle.

Il s’agit de prendre réso­lu­ment par­ti pour que le Règne social du Christ s’établisse par le Règne sacer­do­tal du Christ.

Nous confions à votre bien­veillance ordi­naire et par­ti­cu­liè­re­ment à vos prières, notre Fraternité que nous aimons d’un cœur filial afin qu’Elle soit toute dédiée au ser­vice de la royau­té du Christ dans l’Eglise, dans le monde et dans les familles et que son Fondateur, notre Père dans la foi, notre véné­ré Mgr Lefebvre, la garde.

In Christo sacer­dote et Maria.

Abbé Yves le Roux, Directeur du sémi­naire Saint-​Thomas d’Aquin de Dillwyn aux USA

Sources : Séminaire de Dylwinn aux USA / Fsspx​.news