Inanité des deux gardes du tombeau ; nous vivons au temps des chiens muets

Chers amis et bienfaiteurs,

La pierre a été rou­lée fer­mant le tom­beau soli­de­ment gar­dé par deux sol­dats, tan­dis que les apôtres se terrent, incré­dules et trem­blants. Mortes dans leurs cœurs, la foi et l’es­pé­rance ont som­bré sous les coups répé­tés qui se sont abat­tus sur le Christ en cette dure jour­née et qui ont eu rai­son de la fidé­li­té des douze. Les saintes femmes elles-​mêmes se sont éloi­gnées, vain­cues par la loi du sab­bat qui les réduit à l’im­puis­sance, étouf­fant toute forme de cha­ri­té. La nuit qui des­cend sur Jérusalem pénètre les âmes d’une inquié­tude deve­nue trop lourde à por­ter : la foi, l’es­pé­rance et la cha­ri­té ne les éclairent plus. Désabusés, les dis­ciples aban­don­nant Jérusalem n’au­ront d’autre issue que s’é­loi­gner, à l’image de ceux qui s’en­ga­ge­ront, tristes et défaits, sur le che­min qui mène à Emmaüs.

Au cours des siècles qui suivent, dans son corps qui est l’Eglise, le Christ renou­velle sa pas­sion invi­tant ain­si, mys­té­rieu­se­ment et misé­ri­cor­dieu­se­ment, ses dis­ciples aux noces de l’Agneau.

Et sous nos yeux incré­dules, l’histoire ori­gi­nelle semble subi­te­ment se répé­ter. A nou­veau, la pierre a été rou­lée : le concile Vatican II obs­true les canaux de la saine doc­trine. Désormais, deux autres gardes, Jean XXIII et Jean-​Paul II, sont offi­ciel­le­ment man­dés pour que per­sonne ne vienne mettre en doute la sain­te­té du der­nier concile. Aux yeux de ceux qui les ont ain­si nom­mé­ment assi­gnés, ils incarnent le sum­mum de l’es­prit du concile.

Comment ne point noter que l’a­veu­gle­ment des grands prêtres modernes porte à son comble la res­sem­blance de la pas­sion de l’Eglise avec celle du Christ et sou­ligne avec un éclat qu’ils ne mesurent pas la for­fai­ture accom­plie ? Ces deux papes sont pré­sen­tés comme les témoins authen­tiques de l’es­prit du concile ? Nous ne pou­vons qu’ac­quies­cer : ils sont plei­ne­ment, exac­te­ment, ces deux gardes qui veillent sur la pierre qui ferme le tom­beau dans lequel reposent les richesses de la doc­trine catho­lique. Comment le nier ?

Ne se trouvera-​t-​il pas une poi­gnée d’é­vêques pour se lever et cla­mer haut et fort les droits intan­gibles de la saine doc­trine, prin­cipe de vie pour les âmes ? Nous vivons au temps des chiens muets, en ces jours sombres où les apôtres, dans leurs suc­ces­seurs, se terrent, étran­ge­ment absents et silen­cieux, comme si, de nou­veau, la foi et l’es­pé­rance leur fai­saient défaut.

Tout est désor­mais jau­gé à l’aune du der­nier concile et les âmes asser­vies à ce nou­veau léga­lisme, vrai sab­bat des temps modernes, sont réduites à l’im­puis­sance. Aussi, la cha­ri­té d’un grand nombre est-​elle refroi­die et les voca­tions se taris­sant, les âmes s’é­tiolent et meurent faute de secours.

La nuit qui est des­cen­due sur Rome et qui l’en­ve­loppe, enté­nèbre les âmes des fidèles qui, débous­so­lés, quittent la sainte Église cher­chant sur des che­mins de hasard de quoi don­ner quelque lumière à leurs âmes inquiètes. Les grandes mani­fes­ta­tions orga­ni­sées à grand ren­fort de publi­ci­té ne sont que des feux de Bengale et ne peuvent cacher la désaf­fec­tion des fidèles qui consti­tue une réa­li­té et un désastre sans pré­cé­dent. Dans les églises vides vacille, bien seule, la petite lumière rouge.

Les heures se renou­vellent, les faits se répètent, ou plu­tôt, ils se per­pé­tuent. Notre époque ne ressemble-​t-​elle point, à s’y méprendre, au soir du ven­dre­di saint ? Les cœurs las et décou­ra­gés se prennent à pen­ser que la défaite est consom­mée et que la puis­sance des ténèbres a vaincu.

Au soir du ven­dre­di saint, seul vibrait et veillait, intré­pide, le cœur de la Vierge-​Mère. Elle savait, sans l’ombre d’un doute, que la vic­toire avait été rem­por­tée par la mort du Christ, elle atten­dait, ferme dans l’es­pé­rance, l’aube sou­daine et lumi­neuse du matin de Pâques. Jamais sa cha­ri­té n’a­vait atteint de tels degrés ; elle res­tait debout, forte comme une armée ran­gée en bataille.

Ne nous sommes-​nous pas enga­gés un peu trop hâti­ve­ment sur le che­min d’Emmaüs ? N’est-​il pas temps de reve­nir à Notre Dame et de nous mettre à son école afin que les appa­rences ne déter­minent plus nos choix mais que seules les ver­tus théo­lo­gales conduisent nos pas ?

Avec Elle, res­tons dans l’es­pé­rance, cer­tains que dans la sainte Eglise se renou­vel­le­ra aus­si la vic­toire défi­ni­tive du matin de Pâques. Alors le Christ se rira des gardes pos­tés devant la pierre rou­lée, lais­se­ra le tom­beau vide et vivi­fie­ra les âmes de sa cha­ri­té retrouvée.

In Christo sacer­dote et Maria.

Abbé le Roux +