Certitudes N° 15

Editorial de l’abbé Guillaume de Tanouärn

Tiré de la « Nouvelle revue Certitudes » n° 15 de Juillet-​août-​septembre 2004

’actua­li­té reli­gieuse a paru extrê­me­ment char­gée en France à par­tir du 31 mars der­nier, date à laquelle le film de Mel Gibson « La Passion du Christ » est sor­ti en salles. Chacun y est allé de son com­men­taire. Le car­di­nal Lustiger a don­né le ton à ses frères évêques en publiant un com­mu­ni­qué où il déplo­rait de pos­sibles inter­pré­ta­tions sado-​masochistes du film, tout en se van­tant de ne pas l’avoir vu. Les jour­na­listes crai­gnaient une recru­des­cence de l’antisémitisme en France. Finalement, selon un son­dage com­man­dé à la sor­tie des salles, plus de 80 % des per­sonnes inter­ro­gées n’ont pas vu la moindre allu­sion anti­sé­mite, dans cette repré­sen­ta­tion de la Passion. Le pape Jean Paul II aurait dit : « C’est comme c’était ». Et j’entendais récem­ment René Girard tirer la conclu­sion de toute cette affaire Gibson :

« On a com­pris fina­le­ment que l’attitude des gens vis-​à-​vis du film cor­res­pon­dait à leur sen­ti­ment vis-​à-​vis de la Passion elle-même … »

On peut mettre, bien enten­du, tous les bémols et toutes les nuances à une telle opi­nion, mais ce juge­ment reste vrai (indé­pen­dam­ment de cri­tiques d’ordre esthé­tique, his­to­rique ou mys­tique que l’on peut faire au film de Gibson).

Et c’est ce juge­ment qui a foca­li­sé notre atten­tion pour ce numé­ro de Certitudes. D’autant plus qu’en France La Passion a coïn­ci­dé avec une série télé­vi­sée sur Les ori­gines du chris­tia­nisme, que l’on pou­vait suivre sur la chaîne cultu­relle Arte. Les auteurs, Jérôme Prieur et Gérard Mordillat, se sont fait une spé­cia­li­té du repor­tage biblique. Ils nous imposent comme pré­ten­due scien­ti­fique leur image du Christ. Mais ce sont les réac­tions sus­ci­tées par cette image d’un Christ réso­lu­ment et uni­que­ment juif, n’ayant jamais seule­ment son­gé à fon­der une Église qui nous inté­ressent au pre­mier chef. Là encore les évêques sont déce­vants : Mgr Francis Deniau, auteur d’un livre curieux inti­tu­lé Jésus l’ami dérou­tant, a tenu à lâcher du lest, au nom de ses confrères. Le Christ, dit-​il, n’est pas le fon­da­teur d’une Église. Il a sim­ple­ment ser­vi de fon­de­ment… Malgré quelques cri­tiques à leur endroit, il rejoint ain­si, en tant qu’évêque, la cri­tique essen­tielle de Prieur et Mordillat. Quant à Mgr Bruguès, évêque d’Angers, il finit lui aus­si par déclarer :

« Cette série est bonne pour l’Église… »

La reli­gion des évêques fran­çais est faite : « non » à Gibson. Petit « oui » à Prieur et Mordillat. Mais que reste-​t-​il de la foi catho­lique tra­di­tion­nelle, quand on a dit oui à de telles thèses ? Si cela conti­nue, il fau­dra éla­bo­rer une nou­velle reli­gion, sur les ruines de l’ancienne. Dans ce numé­ro, nous publions le diag­nos­tic de Jean Madiran, qui, en toute indé­pen­dance et en toute ami­tié, rejoint le nôtre sur ce point capi­tal de l’avenir du christianisme.

Abbé Guillaume de Tanouärn †