LE DOSSIER de ce numéro (NDLR : Fideliter n° 161) est consacré à un très important document pontifical, le Syllabus, à l’occasion du 140ème anniversaire de sa promulgation par le pape Pie IX, le 8 décembre 1864 (exactement dix ans après la promulgation du dogme de l’Immaculée Conception).
Plus généralement, ce dossier est consacré à l’ensemble du corpus doctrinal que nous ont légué les papes post-révolutionnaires, de Pie VI à Pie XII, ainsi qu’à l’œuvre des grands auteurs catholiques des deux précédents siècles, tout spécialement ceux que l’on classe dans « l’école catholique antilibérale ».
Évidemment, un simple dossier d’une revue telle que la nôtre ne peut prétendre faire le tour d’une si vaste question : tout au plus pouvons-nous donner quelques aperçus et, surtout, susciter le goût d’aller un peu plus loin, de lire quelques ouvrages sur ce sujet, comme y invite la petite bibliographie.
Mais même le fait de s’instruire, d’acquérir une culture minimale sur l’héritage qui fait de nous des catholiques contrerévolutionnaires, me semble aujourd’hui largement insuffisant, au regard de la situation dramatique de l’Église et de la société. Ce n’est donc pas seulement une invitation à s’instruire, c’est plutôt un rappel du grave devoir de se former doctrinalement que je veux faire aujourd’hui.
Dans sa lettre sur le Sillon, du 25 août 1910, saint Pie X, qui vient de louer l’élévation d’âme, l’enthousiasme, le dévouement des fondateurs et des membres du Sillon (et j’espère que chacun de nous mériterait de tels éloges), ajoute que ceux-ci
n’étaient pas suffisamment armés de science historique, de saine philosophie et de forte théologie.
Avant donc de leur faire des reproches moraux, le pape dénonce des défaillances de formation.
Ne croyons pas cependant que ce reproche s’adressait à des clercs : les membres du Sillon ne l’étaient pas. C’était à de simples laïcs engagés dans des activités apostoliques, charitables, politiques, journalistiques, économiques, etc. que parlait saint Pie X, c’était à de simples laïcs qu’il reprochait vivement un manque de formation en histoire, en philosophie et en théologie.
Que dire de nous, alors ? Car les laïcs du Sillon vivaient dans une Église en plein renouveau et une société qui gardait encore des pans entiers du patrimoine chrétien. Nous, nous avons à agir dans une Église bouleversée par une crise terrible et une société presque entièrement redevenue païenne. Et nous voudrions le faire sans une formation intellectuelle adéquate ? Nos égarements risquent d’être encore bien pires que ceux du Sillon.
Il y a ainsi un devoir de se former, devoir impératif, urgent. Chacun doit certes se former à son niveau : un laïc n’a pas l’obligation d’avoir la même formation qu’un prêtre, le dirigeant d’une association catholique a plus d’obligation qu’un membre. Une telle consigne doit donc être adaptée à la situation de chacun.
Mais il faut se former, par la lecture de livres, par les bonnes et sérieuses revues, par l’écoute de conférences, par la participation à des cercles d’étude, par la consultation des personnes instruites en ces matières, en premier lieu des prêtres. Mais surtout, il faut se former par la réflexion personnelle, l” assimilation attentive des vérités, la méditation des principes. Ces vérités fondamentales, étant à la fois élevées, vastes et profondes, réclament une attention proportionnée et le temps nécessaire à leur compréhension.
C’est donc essentiellement à cet effort méthodique de formation que le présent dossier entend vous inviter, pour faire face aux très graves responsabilités qui sont inévitablement les vôtres, même si vous êtes de simples « fidèles du rang », dans cette crise terrible de l’Église et de la civilisation.
Abbé Régis de Cacqueray †
Supérieur du District de France