Lettre aux mamans n° 4

N° 4 – Mars 2006

hère Madame,

Continuons à par­ler de cet amour-​charité. Si je m’at­tache à vous expli­quer ce qu’est l’amour-​charité, la rai­son en est qu’au­jourd’­hui cet amour est mal com­pris. C’est, à mon avis, la cause prin­ci­pale des effets néga­tifs de l’é­du­ca­tion actuelle. Notre socié­té, depuis la Révolution, est imbue de l’exal­ta­tion de l’homme, à tous les éche­lons. Du coup, rares sont ceux qui savent ce qu’est le véri­table amour que Notre-​Seigneur est venu nous ensei­gner. Nous l’a­vons nous-​mêmes peut-​être oublié ou d’autres nous l’ont fait oublier. Cet amour s’est trans­for­mé en amour de « soi » et beau­coup agissent comme s’ils disaient : « moi d’a­bord ». Voilà un amour qu’il convient plu­tôt de dénom­mer « égoïsme ». Un exemple : n’est-​il pas vrai de voir par­fois une maman, pour être tran­quille et « avoir la paix », lais­ser volon­tiers son enfant devant la télé­vi­sion, « car là, il est sage ! ». Connaissez-​vous tous les méfaits de la TV ? Je vous en par­le­rai plus tard. Sachez, cepen­dant, que pour avoir « votre » tran­quilli­té, vous don­nez à votre enfant un « pro­duit » qui lui est extrê­me­ment néfaste, aus­si bien à son intel­li­gence qu’à son cour. C’est donc un aspect de l’é­goïsme que cette forme d’a­mour pour votre enfant. Le saviez-​vous ? Par là, vous ne l” aimez pas pour lui mais pour vous. Sachez que l’en­fant sent tout et res­sent votre amour ou votre « égoïsme » dans cet amour, même s’il ne sait pas le défi­nir. Plus tard, il agi­ra de même vis-​à-​vis de vous et de son entou­rage. Il ne sau­ra pas sacri­fier son plai­sir pour vous obéir, dans la mesure où vous-​même ne l’a­vez pas fait pour lui, devant lui, et ce fai­sant, vous ne le lui aurez pas appris.

Un méde­cin a écrit :

« Rares sont les enfants qui sentent qu’on les aime véri­ta­ble­ment et que l’on s’oc­cupe d’eux sin­cè­re­ment. C’est là la cause prin­ci­pale de ces ter­ribles crises per­son­nelles de leur adolescence ».

Dans l’exemple cité plus haut, l’en­fant voit bien que la maman s’est débar­ras­sée de lui en le met­tant devant la TV. A‑t-​il per­çu son amour et son atten­tion à ses besoins ? Peut-​être voulait-​il s’ou­vrir à elle, s’ex­pri­mer. Cependant, il a cap­té le mes­sage d’é­goïsme. Plus tard, il agi­ra de même, quand sa maman lui deman­de­ra un ser­vice. Et alors on se plain­dra de nos enfants désobéissants.

Je suis frap­pée de consta­ter com­bien la géné­ro­si­té de l’en­fant (des jeunes aus­si) devient de plus en plus raris­sime. Il rend ser­vice…, non pas gra­tui­te­ment, par amour de Dieu ou pour faire plai­sir, mais moyen­nant une récom­pense. D’où cela vient-​il ? Le cour de ses parents et de ses édu­ca­teurs ne lui a pas appris ce don gra­tuit qui n’at­tend pas de retour, parce qu’il est fait pour Dieu, par amour de Dieu. L’amour de Dieu pour nous est essen­tiel­le­ment gra­tuit. Et Il nous demande d’ai­mer « comme Lui ».

Comme nous avons l’ha­bi­tude de res­pi­rer l’air de cette socié­té anti-​chrétienne, je vous invite à res­pi­rer « l’air frais » qui vient d’en-​haut, de Dieu, par l’in­ter­mé­diaire de Saint Thomas d’Aquin. A son école, nous appren­drons ce qu’est aimer.

Nature de l’amour-charité

Saint Thomas dis­tingue deux sortes d’amour :

- l’a­mour de concu­pis­cence : il s’a­git d’un amour pour « soi », un amour qui s’a­grège les choses à soi ; cela peut être un bien (j’aime lire tel livre.), mais cela peut être un dan­ger, car l’u­nique terme, c’est le « moi ».

- l’a­mour qui a son terme dans une per­sonne : j’aime telle per­sonne pour elle-​même. Dans ce deuxième cas il faut intro­duire une subdivision :
. la pre­mière forme de cet amour, c’est ce que St Thomas appelle un amour de bien­veillance (bene­vo­len­tiae) : j’aime quel­qu’un comme la per­sonne à qui je veux du bien. Aimer, c’est vou­loir du bien à la per­sonne qu’on aime. Un exemple : Tout l’a­mour de la maman, lorsque son enfant est encore au ber­ceau, part d’elle, tombe sur l’en­fant, mais il n’y a pas encore de retour. L’enfant n’a pas encore com­men­cé à lui sou­rire. Si une maman aime son enfant pour lui, elle ne cherche pas sa propre gloire : tout ce qu’elle désire c’est le bien de son enfant. (Attention, le bien, qu’au­jourd’­hui la socié­té nous donne comme le bien de l’en­fant, ne l’est pas tou­jours pour notre enfant que nous vou­lons éle­ver chré­tien­ne­ment. C’est là où il faut faire très atten­tion et juger les choses à la lumière de Dieu).
. la seconde forme de cet amour, c’est l’a­mour d’a­mi­tié. C’est un amour mutuel, en sorte qu’il peut y avoir dia­logue, com­mu­ni­ca­tion, et, par là, il se dis­tingue de l’a­mour de bien­veillance. Pour qu’il y ait amour d’a­mi­tié, il ne suf­fit pas que j’aime quel­qu’un, il faut en même temps que j’en sois aimé. Cet amour de lui à moi et de moi à lui est un lien, et c’est ce lien qui carac­té­rise l’a­mour d’amitié.

Dieu qui est « AMOUR » nous a aimés ainsi le premier.

Il nous aime d’un amour de bien­veillance : il m’aime alors que je ne cesse de l’of­fen­ser, moi qui suis pécheur. Et Il veut me sau­ver ; pour cela Il a envoyé Son Fils​.et c’est toute l’ouvre de la Rédemption. Quelle mer­veille que l’a­mour de Dieu pour sa créa­ture ! Il veut donc mon bien éter­nel, celui de mon âme.

Cela ne Lui suf­fit pas.

Il nous aime d’un amour d’a­mi­tié et c’est cela : la Charité. L’amour d’a­mi­tié de Dieu, venant de Dieu, est pre­mier. Il des­cend dans l’âme, l’en­va­hit le jour de son bap­tême. Dieu habite alors dans l’âme avec les trois ver­tus théo­lo­gales que sont la Foi, l’Espérance et la Charité. Que demande Dieu en retour de son grand don ? Dieu demande de sa créa­ture d’être aimé d’elle. Là est le fon­de­ment de toute l’é­du­ca­tion : nous devons apprendre à l’en­fant à aimer Dieu et le pro­chain (c’est-​à-​dire en com­men­çant par ses parents).

Mais, me direz-​vous peut-​être, com­ment apprendre à mon enfant ce qui ne m’a jamais été dit quand je le découvre seule­ment main­te­nant ? Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Dieu est Miséricorde et vien­dra à votre secours, si vous le Lui deman­dez hum­ble­ment. Mais il est cer­tain que pour appendre à votre enfant à aimer de cet amour de cha­ri­té, il faut que vous le pra­ti­quiez vous-​même cet amour-​charité. Comprenez bien que l’o­béis­sance n’est rien, si l’en­fant n’o­béit pas par amour. Et si l’en­fant aime véri­ta­ble­ment, il lui sera rela­ti­ve­ment facile d’o­béir. Si l’on dit que l’a­mour décuple les forces, que dire si, à la base, ce qui fait agir c’est l’a­mour de l’âme pour Dieu.

C’est avec cet amour-​charité que Dieu nous com­mande de L’aimer et d’ai­mer notre prochain.

« Là est toute la Loi » dit Jésus (cf. Matthieu 22, 34–40).

Saint Vincent de Paul décrit le ciel comme une véri­table famille, la famille de Dieu, modèle de nos familles.

« Le para­dis de la terre est comme celui du ciel, dans la charité.Le para­dis n’est autre chose qu’a­mour, union et cha­ri­té. Le bon­heur prin­ci­pal de la vie éter­nelle consiste à aimer. Dans le ciel, les bien­heu­reux sont inces­sam­ment occu­pés à l’a­mour. Enfin, rien de plus dési­rable que de vivre avec ceux qu’on aime et de qui l’on est aimé.
Cela ne semble pas si évident à cause de notre atta­che­ment au péché.
L’amour qu’il faut avoir, celui qui seul est digne d’un enfant de Dieu et qui pro­duit un dévoue­ment sans borne et sans fin, c’est l’a­mour chré­tien. L’amour chré­tien qui est for­mé dans nos cours par la cha­ri­té est non seule­ment au-​dessus de l’a­mour d’in­cli­na­tion et de l’a­mour sen­si­tif, mais au-​dessus de l’a­mour rai­son­nable. Cet amour chré­tien est un amour par lequel on s’aime les uns les autres en Dieu, selon Dieu et pour Dieu. C’est un amour qui fait que l’on s’en­tr’aime pour la même fin pour laquelle Dieu aime les hommes. C’est ce même amour qui fait des saints dans ce monde et des bien­heu­reux dans l’autre. L’amour chré­tien est le seul amour rai­son­nable, puis­qu’il a pour prin­cipe et pour fin la loi de Dieu, c’est-​à-​dire la rai­son par essence. La grâce aime pour l’a­mour de Dieu et a pour fin d’ai­der ceux qu’on aime ain­si à par­ve­nir à la sainteté. »
(cita­tions de St Vincent de Paul).

(à suivre…)

Une Religieuse.

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