Cardinaux, évêques et prêtres unis dans le Credo : la grandeur non négociable du mariage chrétien

Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.


Rome – Conférence de la Fondation Lepante du 5 décembre 2016 : Mgr Schneider et le Professeur de Mattei

Le chant du Credo fut le moment le plus fort de la ren­contre du 5 décembre à la Fondation Lépante, qui a vu envi­ron 150 per­sonnes, par­mi les­quelles plus de quatre-​vingt prêtres, reli­gieux et sémi­na­ristes, se ras­sem­bler autour des car­di­naux Walter Brandmüller et Raymond Leo Burke et des évêques Andreas Laun et Athanasius Schneider, réunis pour assis­ter à la confé­rence que don­nait ce der­nier au sujet de La gran­deur non négo­ciable du mariage chrétien. 

Mgr Schneider a rap­pe­lé dans son inter­ven­tion com­ment les apôtres et leurs suc­ces­seurs, en pre­mier lieu les Pontifes romains, suc­ces­seurs de Pierre, ont, dès l’origine de l’Église, tou­jours sain­te­ment gar­dé et fidè­le­ment trans­mis la doc­trine non négo­ciable du Verbe Incarné sur la sain­te­té et l’indissolubilité du mariage, même dans la pra­tique pas­to­rale. Cette doc­trine du Christ est expri­mée dans les affir­ma­tions sui­vantes des apôtres : « « Que le mariage soit hono­ré de tous, et le lit conju­gal exempt de souillure, car Dieu juge­ra les impu­diques et les adul­tères » (Hébreux 13, 4) et « A ceux qui sont mariés, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari ; si elle est sépa­rée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se récon­ci­lie avec son mari, et que le mari ne répu­die point sa femme » (1 Cor. 7, 10–11). Ces paroles ins­pi­rées par l’Esprit-Saint furent tou­jours pro­cla­mées dans l’Eglise durant deux mille ans, ser­vant d’indication qui oblige, et de norme indis­pen­sable pour la dis­ci­pline sacra­men­telle et la vie pra­tique des fidèles ». « Par consé­quent, – a pour­sui­vi Mgr Schneider– l’Eglise, selon la logique divine et humaine, n’a pas la com­pé­tence d’approuver ne serait-​ce qu’implicitement une coha­bi­ta­tion more uxo­rio en dehors d’un mariage valide, admet­tant ces per­sonnes adul­tères à la sainte com­mu­nion. Une auto­ri­té ecclé­sias­tique qui pro­mulgue des règles ou orien­ta­tions pas­to­rales pré­voyant une telle admis­sion, s’arroge un droit que Dieu ne lui a pas don­né. Un accom­pa­gne­ment et dis­cer­ne­ment pas­to­ral qui ne pro­pose pas aux per­sonnes adul­tères (ceux que l’on appelle les divor­cés rema­riés) l’obligation divi­ne­ment éta­blie de vivre dans la conti­nence comme condi­tion sine qua non pour être admis aux sacre­ments, se révèle en réa­li­té un clé­ri­ca­lisme arro­gant, puisqu’il n’y a pas de clé­ri­ca­lisme plus pha­ri­sien que celui qui s’arroge des droits divins ».

Mgr Schneider a ensuite rap­pe­lé que « le pre­mier grand péché du cler­gé fut celui du grand prêtre Aaron, quand il céda aux demandes imper­ti­nentes des pécheurs et leur per­mit de véné­rer l’idôle du veau d’or (cf. Ex. 32, 4), rem­pla­çant en ce cas concret le Premier Commandement du Décalogue de Dieu, c’est-à-dire rem­pla­çant la volon­té et la parole de Dieu par la volon­té péche­resse de l’homme. Aaron jus­ti­fiait son acte de clé­ri­ca­lisme exa­cer­bé par le recours à la misé­ri­corde et à la com­pré­hen­sion des exi­gences des hommes. La Sainte Ecriture dit à ce pro­pos : « Moïse vit que le peuple était livré au désordre, parce qu’Aaron l’avait lais­sé dans ce désordre, l’exposant à deve­nir la risée de ses enne­mis » (Ex. 32, 25).

Ce pre­mier péché clé­ri­cal se renou­velle aujourd’hui dans la vie de l’Eglise. Aaron avait don­né la licence de pécher contre le pre­mier com­man­de­ment du Décalogue et de pou­voir demeu­rer sereins et joyeux dans ce péché, si bien que les gens dan­saient. Il s’agissait en ce cas d’une joie dans l’idolâtrie : « Le peuple s’assit pour man­ger et pour boire ; puis ils se levèrent pour se diver­tir » (Ex. 32, 6). Au temps d’Aaron, il s’agissait du pre­mier com­man­de­ment. De nos jours, plu­sieurs membres du cler­gé, même par­mi les plus hauts pla­cés, rem­placent le sixième com­man­de­ment par la nou­velle idôle de la pra­tique sexuelle entre des per­sonnes qui ne sont pas vali­de­ment mariées, en un cer­tain sens le veau d’or véné­ré aujourd’hui par des membres du cler­gé. L’admission de ces per­sonnes au sacre­ments sans leur deman­der de vivre dans la conti­nence comme condi­tion sine qua non, revient au fond à per­mettre de ne pas obser­ver le sixième com­man­de­ment. Et ces ecclé­sias­tiques, comme de nou­veaux « Aaron », tran­quillisent ces per­sonnes, leur disant qu’elles peuvent être sereines et joyeuses, c’est-à-dire conti­nuer dans la joie à pra­ti­quer l’adultère, en rai­son d’une nou­velle « via cari­ta­tis » et du sens « mater­nel » de l’Eglise, et qu’ils peuvent même rece­voir l’Eucharistie. Par une telle orien­ta­tion pas­to­rale, les nou­veaux « Aaron » du cler­gé font du peuple catho­lique la risée de ses enne­mis, soit du monde non croyant et sans morale, qui pour­ra vrai­ment dire, par exemple : 

- Dans l’Eglise catho­lique, on peut avoir un nou­veau par­te­naire à côté de son conjoint, et la coha­bi­ta­tion avec lui est admise dans la pratique.
Dans l’Eglise catho­lique, une cer­taine poly­ga­mie est donc acceptée.
Dans l’Eglise catho­lique, l’observance du sixième com­man­de­ment du Décalogue, que hait tant notre socié­té moderne, éco­lo­gique et éclai­rée, peut admettre de légi­times exceptions.
Le prin­cipe du pro­grès moral de l’homme moderne, selon lequel on doit accep­ter la légi­ti­mi­té des actes sexuels hors mariage, est fina­le­ment recon­nu et accep­té de façon impli­cite par l’Eglise catho­lique, qui a tou­jours été rétro­grade, rigide et enne­mie de la joie de l’amour et du pro­grès moral de l’homme moderne ».

Après avoir cité de nom­breux exemples de résis­tance des catho­liques fidèles, comme les treize car­di­naux « noirs », pri­vés des insignes car­di­na­lices par Napoléon pour ne pas avoir recon­nu l’irrégularité de son mariage avec Joséphine de Beauharnais, Mgr Schneider a conclu en ces termes : « Que le Saint-​Esprit sus­cite en tous les membres de l’Eglise, du plus simple et humble fidèle jusqu’au Souverain Pontife, tou­jours davan­tage de cou­ra­geux défen­seurs de la véri­té de l’indissolubilité du mariage et de la pra­tique immuable de l’Eglise en cette matière, même si une telle défense devait ris­quer de leur appor­ter de consi­dé­rables pré­ju­dices per­son­nels. L’Eglise doit plus que jamais s’employer à annon­cer la doc­trine et la pas­to­rale du mariage, afin que dans la vie des époux et spé­cia­le­ment de ceux que l’on appelle les dicor­cés rema­riés, soit obser­vé ce que l’Esprit-Saint a dit dans la Sainte Ecriture : « Que le mariage soit hono­ré de tous, et le lit conju­gal exempt de souillure » (Héb. 13, 4). Seule une pas­to­rale du mariage qui prend encore au sérieux ces paroles de Dieu se révèle véri­ta­ble­ment misé­ri­cor­dieuse, puisqu’elle conduit les âmes péche­resses sur la voie sûre de la vie éter­nelle. Et c’est cela qui compte ! ».

Enfin Son Eminence le car­di­nal Burke a pris la parole pour remer­cier tous ceux qui prient avec fer­veur pour l’Église en ce temps de crise : « Une véri­table crise – a‑t-​il sou­li­gné – de la véri­té sur le mariage ». « Nous devons res­ter dans la véri­té et être prêts à com­battre pour elle. Nous devons voir cette situa­tion sub spe­cie aeter­ni­ta­tis, res­ter dans le Seigneur, Lui res­ter fidèles, jusqu’au bout. Nous devons évi­ter abso­lu­ment d’avoir une vision mon­daine de l’Eglise, qui en fait un ensemble de fac­tions poli­tiques. A un jour­na­liste qui me deman­dais si je suis conser­va­teur, j’ai répon­du : ‘Non, je suis catho­lique’. Nous défen­dons tout sim­ple­ment notre foi catho­lique, et nous ne vou­lons pas deve­nir des poli­tiques. Nous ne devons ser­vir que le Seigneur et Son ensei­gne­ment, et, avec l’aide de Dieu, nous espé­rons le faire ».

Le car­di­nal Burke a aus­si ajou­té : « Le poids qui pèse sur les épaules d’un car­di­nal est très lourd. Nous sommes le Sénat du pape, ses pre­miers conseillers, et nous devons sur­tout ser­vir le pape en lui disant la véri­té. Poser des ques­tions au pape, comme nous l’avons fait, fait par­tie de la tra­di­tion de l’Église, pré­ci­sé­ment pour évi­ter divi­sions et confu­sion. Nous l’avons fait avec le plus grand res­pect pour la charge pétri­nienne, sans man­quer de révé­rence envers la per­sonne du pape. Il y a de nom­breuses ques­tions, mais les cinq demandes prin­ci­pales que nous lui avons faites doivent néces­sai­re­ment obte­nir une réponse, pour le salut des âmes. Nous prions tous les jours pour rece­voir une réponse fidèle à la Tradition, dans la ligne apos­to­lique inin­ter­rom­pue qui remonte à Notre-​Seigneur Jésus-​Christ ».

« Notre pré­sence – avait affir­mé le Professeur Roberto de Mattei en ouvrant cette ren­contre, – veut être avant tout un acte de véné­ra­tion envers la per­sonne du pape et de fidé­li­té à l’enseignement de l’Eglise. En tant que catho­liques nous véné­rons le pape, qui est aujourd’hui le pape François, parce que nous savons que le terme Vicaire du Christ ne désigne pas un trône abs­trait, comme le pensent les gal­li­cans, mais une per­sonne concrète et vivante. Toutefois, au-​dessus encore de la dévo­tion et de la véné­ra­tion que nous por­tons au Saint-​Père, se place l’amour et la fidé­li­té au Magistère pon­ti­fi­cal, qui ne peut être limi­tée à une per­sonne ou à une époque his­to­rique, mais relie tout l’enseignement que l’Eglise dis­pense, de saint Pierre à nos jours, et qui s’exprime dans la Tradition. Le pape ne se sert pas de la Tradition, mais est à son ser­vice. Il doit être en cohé­rence avec elle et ne peut la contre­dire. Si une inco­hé­rence se mani­feste, il est juste et il est de notre devoir de poser des ques­tions. N’est pas irres­pec­tueux celui qui mani­feste des doutes, mais bien celui qui ne les résout pas, sur­tout quand ceux qui posent des ques­tions sont des évêques et car­di­naux, les suc­ces­seurs directs des apôtres et les plus proches conseillers du pape. Nous sou­hai­tons connaître leurs pré­coc­cu­pa­tions, qui sont aus­si les nôtres. Et c’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui, deman­dant à l’Esprit-Saint de nous illu­mi­ner et à Notre-​Dame de nous pro­té­ger ».

Pour expri­mer la com­mu­nion sur­na­tu­relle de la roma­ni­té des par­ti­ci­pants, Mgr Schneider, à la fin de cette ren­contre, a enton­né le Credo, auquel se sont asso­ciés tous les prêtres et laïcs pré­sents, dont cer­tains venus de Hollande, d’Autriche, d’Allemagne, d’Irlande, de France et de dif­fé­rentes villes ita­liennes, avec à leurs têtes les repré­sen­tants des prin­ci­pales familles reli­gieuses liées à la défense de l’orthodoxie de la foi en ces temps de crise.

Veronica Rasponi

Sources : Correspondance Européenne/​Traduction de Marie Perrin