Après le Synode : l’indissolubilité en question

Le mariage est l’un des sept sacre­ments ins­ti­tués par le Christ et confiés à la garde de l’Eglise qu’Il a fon­dée.[1] Tout au long de son his­toire, celle-​ci a constam­ment rap­pe­lé la gran­deur et la sain­te­té du mariage chré­tien, véri­table sacre­ment qui cause la grâce divine et sanc­ti­fie les époux tout au long de leur vie.[2] La grâce sacra­men­telle aide ces der­niers à accom­plir leurs devoirs fidè­le­ment et à prendre les moyens en vue de réa­li­ser les deux fins du mariage : La pro­créa­tion et l’é­du­ca­tion des enfants ; Le secours mutuel dans l’a­mour conjugal.

1 – Unité et indissolubilité

L’Eglise enseigne qu’il existe deux pro­prié­tés essen­tielles du mariage. D’une part, l’unité : le lien du mariage n’est contrac­té qu’entre un homme et une femme, et fonde un droit exclu­sif à la fidé­li­té de cha­cun des époux envers son conjoint. D’autre part, l’indissolubilité qui marque le carac­tère per­pé­tuel du lien conju­gal. Ces deux pro­prié­tés essen­tielles font la beau­té du mariage et lui assurent sa solidité.

Rien ni per­sonne, aucune auto­ri­té sur la terre ne peut dis­soudre le lien conju­gal ou le faire ces­ser. L’Eglise, lorsqu’elle ins­truit un pro­cès en nul­li­té, ne cherche qu’à véri­fier si le consen­te­ment des époux était valide, et donc s’il y a bien mariage. Mais elle ne peut annu­ler ou faire que n’existe pas un lien vali­de­ment contrac­té : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mt 19, 6).

Face aux attaques contre l’inviolabilité du lien matri­mo­nial, en par­ti­cu­lier de la part des légis­la­tions civiles modernes qui ont répan­du la pra­tique du divorce depuis deux siècles, l’Eglise, par la voix des Souverains Pontifes, a constam­ment insis­té sur l’indissolubilité du mariage. [3]

Les fondements naturel et divin de l’indissolubilité

En ver­tu du droit natu­rel, le mariage est indis­so­luble parce que le divorce s’oppose gra­ve­ment aux deux fins de l’union des époux : d’une part, les enfants sont les pre­mières vic­times d’un divorce, et leur édu­ca­tion tou­jours en pâtit ; d’autre part, la fidé­li­té ain­si que l’aide mutuelle sont for­cé­ment mises à mal. De plus, les maux qui résultent des divorces affectent la socié­té dans son entier : les familles bri­sées, les cas sociaux, la paupérisation.

En ver­tu du droit divin, le mariage est indis­so­luble selon l’institution pri­mi­tive que le Christ est venu res­tau­rer. L’épisode rap­por­té par saint Matthieu et saint Marc est bien connu :

« Alors les Pharisiens l’abordèrent pour le ten­ter ; ils lui dirent : « Est-​il per­mis à un homme de répu­dier sa femme pour quelque motif que ce soit ? » Il leur répon­dit : « N’avez-vous pas lu que le Créateur, au com­men­ce­ment, les fit homme et femme, et qu’il dit : « A cause de cela, l’homme quit­te­ra son père et sa mère, et s’attachera à sa femme et ils devien­dront les deux une seule chair. – Ainsi ils ne sont plus deux mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni ». « Pourquoi donc, lui dirent-​ils, Moïse a‑t-​il pres­crit de don­ner un acte de divorce et de ren­voyer la femme ? » Il leur répon­dit : « C’est à cause de la dure­té de vos cœurs que Moïse vous a per­mis de répu­dier vos femmes ; au com­men­ce­ment, il n’en fut pas ain­si. Mais je vous le dis, celui qui ren­voie sa femme, si ce n’est pour impu­di­ci­té, et en épouse une autre, com­met un adul­tère ; et celui qui épouse une femme ren­voyée se rend adul­tère. » » (Mt 19, 4–9)

Si donc la sépa­ra­tion de corps est per­mise, toute nou­velle union consti­tue en revanche un adul­tère. C’est le sens de la réponse de Notre Seigneur à la Samaritaine qui recon­naît ne pas être légi­ti­me­ment mariée : « Tu as eu rai­son de dire : « Je n’ai point de mari ». Car tu as eu cinq maris, et celui que tu as main­te­nant n’est pas ton mari. En cela tu as dit vrai. » (Jn 4, 17–18).

Un lien perpétuel

Cet ensei­gne­ment est dur à entendre pour les hommes incons­tants et trop sou­vent infi­dèles à leurs enga­ge­ments. Tel est pour­tant le régime matri­mo­nial par­fait, celui que le Christ est venu réta­blir.[4] Car il fut le régime que connurent nos pre­miers parents, dont l’union fut le pro­to­type de tout mariage à venir.[5] Le concile de Trente enseigne qu’Adam, « sous l’inspiration du Saint-​Esprit », a pro­cla­mé le lien per­pé­tuel et indis­so­luble du mariage quand il a dit : « Voilà main­te­nant l’os de mes os, la chair de ma chair. C’est pour­quoi l’homme quit­te­ra son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront deux en une seule chair » (Gn. 2, 24).[6]

L’indissolubilité étant de droit divin, aucun motif ne sau­rait pré­va­loir et l’emporter sur cette pro­prié­té du lien matri­mo­nial. Ni l’hérésie, ni l’adultère ou quelque dif­fi­cul­té que ce soit ne peut dis­soudre ce lien exis­tant,[7] qui ne cesse qu’à la mort de l’un des conjoints : « Le lien du mariage légi­ti­me­ment contrac­té est per­pé­tuel ».[8]

2 – Le Synode sur la famille

La XIVe Assemblée géné­rale ordi­naire du Synode des évêques s’est pen­chée durant le mois d’octobre 2015 sur « la voca­tion et la mis­sion de la famille dans l’Eglise et dans le monde contem­po­rain ». Chaque par­ti­ci­pant avait pu prendre connais­sance de l’Instrumentum labo­ris que le Secrétariat géné­ral du Synode avait ren­du public le 21 juin 2015. Le docu­ment se devait de trai­ter de l’indissolubilité du mariage.

L’Instrumentum labo­ris aborde l’indissolubilité dans la deuxième par­tie (« le dis­cer­ne­ment de la voca­tion fami­liale »). Il affirme que « l’union indis­so­luble entre l’homme et la femme » cor­res­pond « au des­sein ini­tial sur le couple humain » (n°41) que Jésus est venu réaf­fir­mer. Car « c’est en rai­son de votre dure­té de cœur que Moïse a per­mis [aux Juifs] de répu­dier [leurs femmes] ; mais dès l’origine il n’en fut pas ain­si » (Mt 19, 16). Rendant pos­sible « de retrou­ver le pro­jet ini­tial de Dieu », le Christ, à tra­vers ses ren­contres avec la Samaritaine et la femme adul­tère, a mis en pra­tique la doc­trine qu’il ensei­gnait. Par son « atti­tude d’amour envers la per­sonne péche­resse », Jésus « conduit au repen­tir et à la conver­sion (« Va, désor­mais ne pèche plus »[9]), condi­tion du par­don » (n°41).

Cependant, le docu­ment inter-​synodal répugne à ce que l’indissolubilité soit « com­prise comme un « joug » impo­sé aux hommes, mais bien plu­tôt comme un « don » fait aux per­sonnes unies par le mariage » (ibid.). Il est pour­tant avé­ré que l’union conju­gale signi­fie le par­tage d’un même joug (c’est son éty­mo­lo­gie). Mais il s’agit d’être posi­tif, d’éviter de par­ler des devoirs contrac­tés par le consen­te­ment des époux, et de pré­sen­ter fina­le­ment le lien de l’indissolubilité comme un don réci­proque, ordon­né à l’épanouissement des per­sonnes : « L’indissolubilité repré­sente la réponse de l’homme au désir pro­fond d’amour réci­proque et durable. Un amour « pour tou­jours » qui devient choix et don de soi » (n°42). Nous retrou­vons ici l’esprit du concile Vatican II qui, au nom de la pas­to­rale, innove par de nou­veaux mots, for­mules et concepts, répu­gnant à reprendre le voca­bu­laire tra­di­tion­nel éta­bli, et qui déploie une vision toute cen­trée sur le bien des per­sonnes plu­tôt que sur le bien du foyer. Or par leur union, les per­sonnes mariées sont ordon­nées à un bien com­mun supé­rieur, celui de la socié­té qu’elles fondent : la famille.

Ainsi pré­sen­tée comme « don réci­proque », l’indissolubilité est sur­tout axée sur le bien des per­sonnes et leur épa­nouis­se­ment dans l’amour (seconde fin du mariage), au risque de se réduire à leur seule fidé­li­té. Or cela n’est pas exact. Même si les époux sont infi­dèles l’un à l’autre, même s’ils remettent en cause ce « don réci­proque » et se reprennent, le lien du mariage qui les unit demeure indis­so­luble. Et lorsque ce lien est fou­lé aux pieds par une nou­velle union extra-​conjugale – c’est le cas des divor­cés impro­pre­ment appe­lés « rema­riés » – il n’en demeure pas moins constant, per­pé­tuel et tou­jours vivace.

3 – L’Exhortation Amoris lætitia

Le 8 avril 2016, le pape François a publié l’Exhortation apos­to­lique post-​synodale, Amoris læti­tia. Si au fil des pages se déploient de pro­fondes et spi­ri­tuelles consi­dé­ra­tions sur le mariage, on retrouve cepen­dant les pers­pec­tives ouvertes par l’Instrumentum labo­ris du 21 juin 2015.

Dès le pre­mier cha­pitre, le pape mul­ti­plie les réflexions sur la famille à tra­vers la Bible, « l’Eglise domes­tique » qu’elle repré­sente et les ana­lo­gies avec le Dieu Trinité, créa­teur et sau­veur, qu’elle entre­tient (n°11 à 30). Mais la famille n’est jamais défi­nie que comme « une com­mu­nion de per­sonnes, qui soit image de l’union entre le Père, le Fils et l’Esprit-Saint » (n°29).

Ce n’est qu’à la faveur des défis ren­con­trés dans le monde actuel, au cha­pitre deuxième, que l’Exhortation avance que la famille est « une socié­té natu­relle fon­dée sur le mariage » où « seule l’union exclu­sive et indis­so­luble entre un homme et une femme rem­plit une fonc­tion sociale pleine, du fait qu’elle est un enga­ge­ment stable et per­met la fécon­di­té » (n°52). Sont alors men­tion­nées les « notes d’exclusivité, d’indissolubilité et d’ouverture à la vie » comme signes dis­tinc­tifs du mariage sacra­men­tel (n°53).[10] De même, dans le cha­pitre consa­cré à « l’amour dans le mariage » (ch. 4), le pape François insiste pour ajou­ter à cet amour d’amitié qu’est l’amour conju­gal, l’élément « d’une exclu­si­vi­té indis­so­luble » qui réclame fidé­li­té (n°123). Même sans enfant, « le mariage, comme com­mu­nau­té et com­mu­nion de toute la vie, demeure, et il garde sa valeur et son indis­so­lu­bi­li­té » (n°178).

Cependant, le docu­ment papal prend soin de pré­ci­ser que l’indissolubilité « ne doit pas avant tout être com­prise comme un « joug » impo­sé aux hommes, mais bien plu­tôt comme un « don » fait aux per­sonnes unies par le mariage » (n°62). Et d’insister : « L’amour matri­mo­nial ne se pré­serve pas avant tout en par­lant de l’indissolubilité comme une obli­ga­tion, ou en répé­tant une doc­trine, mais en le conso­li­dant grâce à un accrois­se­ment constant sous l’impulsion de la grâce » (n°134). Sans doute est-​ce l’idéal, mais com­ment l’appliquer aux situa­tions d’échec ou de rup­ture ? C’est là que, à l’évidence, s’introduit une dicho­to­mie entre doc­trine et pas­to­rale, celle-​ci contour­nant celle-​là pour ouvrir une dan­ge­reuse brèche.

Une perspective pastorale pour contourner la doctrine

Le cha­pitre sixième, consa­cré à « quelques pers­pec­tives pas­to­rales », aborde en effet la situa­tion des « per­sonnes divor­cées enga­gées dans une nou­velle union ». Comme elles conti­nuent de faire par­tie de l’Eglise et ne sont pas excom­mu­niées, explique le Souverain Pontife, elles doivent béné­fi­cier d’un « dis­cer­ne­ment atten­tif » et être accom­pa­gnées « avec beau­coup de res­pect, en évi­tant tout lan­gage et toute atti­tude qui fassent peser sur [elles] un sen­ti­ment de dis­cri­mi­na­tion ; il faut encou­ra­ger leur par­ti­ci­pa­tion à la vie de la com­mu­nau­té. Prendre soin d’[elles] ne signi­fie pas pour la com­mu­nau­té chré­tienne un affai­blis­se­ment de sa foi et de son témoi­gnage sur l’indissolubilité du mariage, c’est plu­tôt pré­ci­sé­ment en cela que s’exprime sa cha­ri­té » (n°243).[11] Voilà la dif­fi­cul­té : ne pas remettre en cause le témoi­gnage sur l’indissolubilité tout en accueillant ceux qui témoignent du contraire !

Mais c’est bien évi­dem­ment sur la ques­tion de la com­mu­nion eucha­ris­tique des divor­cés ayant contrac­té une nou­velle union que le pape François était atten­du par tous les obser­va­teurs. Ceux-​ci se sont donc foca­li­sés sur le cha­pitre hui­tième, que le pape lui-​même pré­sente comme devant inter­pel­ler tout le monde (n°7). Il ne se trompe pas.

Dans une pre­mière par­tie, ce cha­pitre aborde les situa­tions irré­gu­lières (unions civiles et coha­bi­ta­tions libres), pré­sen­tées comme des situa­tions inter­mé­diaires appe­lées gra­duel­le­ment à s’orienter vers le mariage chré­tien. Celui-​ci, « reflet de l’union entre le Christ et son Eglise, se réa­lise plei­ne­ment dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclu­sif et dans une fidé­li­té libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la trans­mis­sion de la vie, consa­crés par le sacre­ment qui leur confère la grâce pour consti­tuer une Eglise domes­tique et le ferment d’une vie nou­velle pour la socié­té » (n°292). On remar­que­ra l’inversion des fins du mariage, où la pro­créa­tion et l’éducation des enfants semblent gom­mées par rap­port à l’amour des per­sonnes. Quant aux unions qui « réa­lisent au moins en par­tie et par ana­lo­gie » tel aspect du mariage chré­tien, « les Pères syno­daux ont affir­mé que l’Eglise ne cesse de valo­ri­ser les élé­ments construc­tifs dans ces situa­tions qui ne cor­res­pondent pas encore ou qui ne cor­res­pondent plus à son ensei­gne­ment sur le mariage » (ibid.). Cela revient à fer­mer les yeux sur le carac­tère pec­ca­mi­neux de ces rela­tions hors mariage, afin de les tolé­rer dans l’espoir que les concu­bins che­mi­ne­ront vers « la plé­ni­tude du mariage et de la famille à la lumière de l’Evangile » (n°294). Le pape estime pos­sible « de mettre en valeur ces signes d’amour qui, d’une manière ou d’une autre, reflètent l’amour de Dieu » (ibid.). Jamais le Vicaire du Christ n’avait affi­ché une telle com­plai­sance envers des situa­tions si contraires à la morale catho­lique et au mariage chré­tien. Comment est-​il pos­sible que des bap­ti­sés unis civi­le­ment ou vivant dans des unions libres, autre­ment dit des concu­bins, puissent reflé­ter l’amour de Dieu ? Lui dont la sain­te­té est offen­sée par de tels com­por­te­ments où la chair a rai­son de l’esprit. Est-​ce là un amour digne des enfants de Dieu et digne d’être cou­ron­né éter­nel­le­ment par Lui ?

La seconde par­tie aborde enfin la ques­tion des divor­cés dits « rema­riés ». Là encore il est ques­tion « d’intégrer tout le monde » et de trou­ver la manière de les faire « par­ti­ci­per à la vie de la com­mu­nau­té » (n°297), « en évi­tant toute occa­sion de scan­dale » (n°299). Mais com­ment des pécheurs publics peuvent-​ils « vivre et mûrir comme membres vivants de l’Eglise » ? Si ce n’est en se sépa­rant pour que cesse le scan­dale, ou, à tout le moins, s’il y a des enfants, en vivant comme frère et sœur. Mais ce n’est pas dit. Plus grave, au terme d’une réflexion les excu­sant de toute faute per­son­nelle (voir les n°300 à 305), le pape en vient à affir­mer que « à cause des condi­tion­ne­ments ou des fac­teurs atté­nuants, il est pos­sible que, dans une situa­tion objec­tive de péché – qui n’est pas sub­jec­ti­ve­ment impu­table ou qui ne l’est pas plei­ne­ment – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse éga­le­ment gran­dir dans la vie de la grâce et dans la cha­ri­té, en rece­vant à cet effet l’aide de l’Eglise » (n°305).[12] Cette aide, indique la note 351, passe par le confes­sion­nal et l’accès à l’Eucharistie. Le pape indique donc que l’on peut appor­ter l’aide des sacre­ments dans cer­tains cas aux divor­cés rema­riés. S’ils vivent dans la conti­nence per­pé­tuelle et ne pèchent plus, cela pour­rait s’envisager, tout risque de scan­dale étant écar­té – mais ce n’est pas dit, ni même envi­sa­gé : le pape parle des situa­tions irré­gu­lières aux­quelles les lois morales ne peuvent s’appliquer telles quelles (n°305).

Pire, la déci­sion est lais­sée soit au pas­teur invi­té à faire preuve de misé­ri­corde, c’est-à-dire à ne pas être mes­quin (n°304), à ne pas avoir un cœur fer­mé (n°305), et à ne pas faire du confes­sion­nal « une salle de tor­ture » (note 351) – quel pas­teur aura encore le cou­rage de refu­ser l’absolution sacra­men­telle au pécheur impé­ni­tent, ou l’Eucharistie au pécheur public ? –, soit au dis­cer­ne­ment du sujet qui « même connais­sant bien la norme, peut avoir une grande dif­fi­cul­té à sai­sir les « valeurs com­prises dans la norme »… » (n°301). C’est la porte ouverte au sub­jec­ti­visme moral. Au contraire, l’Eglise est fidèle à sa mis­sion lorsqu’elle défend la sain­te­té du mariage, son uni­té et son indis­so­lu­bi­li­té, et qu’elle explique au pécheur qu’en pre­nant la femme de son pro­chain, il com­met un adul­tère. Ce que la Loi affir­mait déjà (cf. Ex. 20, 17 ; Lev. 20, 10 ; Prov. 6, 29), le Christ l’a confir­mé : « Quiconque répu­die sa femme et en épouse une autre com­met un adul­tère, et qui­conque épouse une femme répu­diée par son mari com­met un adul­tère » (Lc 16, 18). Pour l’avoir confes­sé sans mol­lir, saint Jean Baptiste l’a payé de sa vie.

Conclusion

Comme au concile Vatican II, c’est au nom d’une nou­velle pas­to­rale que la doc­trine de l’Eglise se trouve comme contour­née dans la pra­tique, et fina­le­ment altérée.

L’exposé contient assu­ré­ment de nom­breuses élé­va­tions, ain­si que d’indiscutables encou­ra­ge­ments don­nés aux familles : « C’est avec une joie intime et une pro­fonde conso­la­tion que l’Eglise regarde les familles qui demeurent fidèles aux ensei­gne­ments de l’Evangile, en les remer­ciant et en les encou­ra­geant pour le témoi­gnage qu’elles offrent. En effet, elles rendent cré­dible la beau­té du mariage indis­so­luble et fidèle pour tou­jours » (n°86).

Malheureusement, dès qu’il aborde les « Défis pas­to­raux de la famille dans le contexte de l’évangélisation »[13], le pape François semble mettre de côté la doc­trine – et la dis­ci­pline qui en découle – pour favo­ri­ser une praxis délétère.

Déjà, le 8 décembre 2015, sont entrées en vigueur les nou­velles pro­cé­dures cano­niques visant à assou­plir la recon­nais­sance des cas de nul­li­té de mariage (motu pro­prio Mitis judex Dominus Jesus et Mitis et Misericors Jesus du 15 août 2015). L’Exhortation apos­to­lique post-​synodale presse les évêques de les mettre en œuvre sérieu­se­ment (n°244).

Aujourd’hui, les divor­cés « rema­riés », mais aus­si les concu­bins, qu’ils soient enga­gés dans une union civile ou non, font l’objet des pré­ve­nances d’une pas­to­rale laxiste qui risque fort de les encou­ra­ger à res­ter dans leurs situa­tions ouver­te­ment pec­ca­mi­neuses. Au grand scan­dale du peuple fidèle, tou­jours plus déso­rien­té par la nou­velle reli­gion conciliaire.

« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » (Mt 19, 6). Fidèle à la parole de Dieu, l’Eglise se doit de défendre la sain­te­té du mariage, quoi qu’il en coûte. C’est là une belle preuve d’amour envers le divin Maître, qui confiait à ses Apôtres : « Si vous m’aimez, gar­dez mes com­man­de­ments » (Jn 14, 15).

Abbé Christian Thouvenot, Secrétaire Général de la Fraternité Sacerdotale Saint-​Pie X

Sources : FSSPX/​MG – DICI n°334 du 22/​04/​16

Notes de bas de page
  1. Concile de Lyon II, 6 juillet 1274, pro­fes­sion de foi de l’empereur Michel Paléologue au pape Grégoire X ; concile de Florence, 22 novembre 1439, Bulle d’union avec les Arméniens Exultate Deo ; concile de Trente, 24e ses­sion, 11 novembre 1563 sur la doc­trine du sacre­ment de mariage.[]
  2. Léon XIII, ency­clique Arcanum divinæ sapien­tiæ, 10 février 1880 ; Pie XI, ency­clique Casti connu­bii, 31 décembre 1930.[]
  3. Pie IX, Syllabus, 8 décembre 1864, pro­po­si­tion n°67 ; Pie XI, ency­clique Casti connu­bii, 31 décembre 1930.[]
  4. Cf. Mc 10, 6–9.[]
  5. Pie XI, Casti connu­bii, Dz 3711.[]
  6. Concile de Trente, décret du 11 novembre 1563, Dz 1797.[]
  7. Concile d’Elvire, vers 306, canon 9, Dz 117.[]
  8. Concile de Florence, 1439, Dz 1327. De nom­breuses autres sources pour­raient être citées, chez les Pères de l’Eglise, les Conciles et les écrits des papes.[]
  9. Jn 8, 11.[]
  10. Le n°77 ajoute l’unité, la fidé­li­té ain­si que l’aide mutuelle.[]
  11. Le même argu­ment est repris et déve­lop­pé au n°246, au nom du bien des enfants : « Les com­mu­nau­tés chré­tiennes ne doivent pas lais­ser seuls, dans leur nou­velle union, les parents divor­cés. Au contraire, elles doivent les inclure et les accom­pa­gner dans leur res­pon­sa­bi­li­té édu­ca­tive. Comment pourrions-​nous recom­man­der à ces parents [divor­cés] de faire tout leur pos­sible pour édu­quer leurs enfants à la vie chré­tienne, en leur don­nant l’exemple d’une foi convain­cue et pra­ti­quée, si nous les tenions à dis­tance de la vie de la com­mu­nau­té, comme s’ils étaient excom­mu­niés ? Il faut faire en sorte de ne pas ajou­ter d’autres poids à ceux que les enfants, dans ces situa­tions, doivent déjà por­ter ! Aider à gué­rir les bles­sures des parents et les pro­té­ger spi­ri­tuel­le­ment est un bien pour les enfants aus­si, qui ont besoin du visage fami­lial de l’Eglise qui les pro­tège dans cette expé­rience trau­ma­ti­sante. Le divorce est un mal, et l’augmentation du nombre des divorces est très pré­oc­cu­pante. » On admi­re­ra com­ment dans un même para­graphe le pape par­vient à dénon­cer le divorce comme un mal tout en trai­tant les parents divor­cés comme des chré­tiens à part entière, sou­cieux de don­ner l’exemple « d’une foi convain­cue et pra­ti­quée ».[]
  12. Et ce n’est pas seule­ment l’ignorance ou la mécon­nais­sance de la loi morale, natu­relle ou divine, qui est en jeu : « il n’est plus pos­sible de dire que tous ceux qui se trouvent dans une cer­taine situa­tion dite ‘‘irré­gu­lière’’ vivent dans une situa­tion de péché mor­tel, pri­vés de la grâce sanc­ti­fiante. Les limites n’ont pas à voir uni­que­ment avec une éven­tuelle mécon­nais­sance de la norme » (n°301).[]
  13. C’est le titre de l’Instrumentum labo­ris de la pre­mière ses­sion du Synode sur la famille, ren­du public le 24 juin 2014.[]