Notre-​Dame du Cap, Reine du Canada, Reine du Rosaire – 22 juin 1888

Notre-​Dame du Cap, Reine du Très Saint Rosaire, Reine du Canada, a une très belle his­toire. Le Cap-​de-​la-​Madeleine est un lieu de pèle­ri­nage natio­nal et même inter­na­tio­nal éri­gé en l’honneur de Marie et qui a débu­té dès la décou­verte du Canada. L’histoire de Notre-​Dame du Cap démontre indu­bi­ta­ble­ment que lorsque le peuple délaisse le Rosaire, tout se dété­riore dans la socié­té et dans les familles. Que les familles reprennent le cha­pe­let pour que revive notre nation !

Faits historiques

Jacques Cartier, remon­tant le majes­tueux fleuve Saint-​Laurent en 1535, avait plan­té la croix du Christ sur une des îles du Saint-​Maurice, qui sépare les villes d’aujourd’hui de Trois-​Rivières et du Cap-​de-​la-​Madeleine. C’était le 7 octobre, jour qui devait être pro­cla­mé plus tard, fête du Saint Rosaire, par le Pape Saint Pie V.

Messire Jacques de la Ferté, abbé de Sainte-​Marie-​Madeleine de Châteaudun, en France, et asso­cié de la Compagnie des Cent asso­ciés, reçut en fief une éten­due de ter­rain appe­lé le Cap des Trois-Rivières.

En 1651, Messire de la Ferté cédait aux Pères Jésuites, pre­miers mis­sion­naires de la région tri­flu­vienne, une sei­gneu­rie, leur don­nant la charge d’y fon­der un poste cen­tral de mis­sion­naires en faveur des indi­gènes, qui s’y ren­daient chaque année à la traite des fourrures.

Les mis­sion­naires, en sou­ve­nir du pre­mier béné­fi­ciaire, l’abbé de La Ferté, appe­lèrent la loca­li­té Cap-​de-​la-​Madeleine. Cette terre fut sanc­ti­fiée dès l’origine par le pas­sage des pères Brébeuf, Daniel et Lalemant, trois des saints Martyrs cana­diens. Le père Jacques Buteux fut sur­tout l’apôtre de cette chré­tien­té pen­dant dix-​huit ans et il l’arrosa de son sang. Il tom­bait vic­time de l’Iroquois, en 1652, un an après la nais­sance du Cap-de-la-Madeleine.

En 1659, une modeste cha­pelle en bois fut éri­gée par le gou­ver­neur des Trois-​Rivières, Pierre Boucher. Elle fut cédée en 1661 à la paroisse nais­sante de Sainte-​Marie-​Madeleine, qui inau­gu­ra le culte de la Vierge Marie.

Le Cap-​de-​la-​Madeleine fut éri­gé en paroisse le 30 octobre 1678 par Mgr de Laval, pre­mier évêque du Canada. En 1694, le culte de la Vierge Marie s’implanta en per­ma­nence sous la forme de la Confrérie du Rosaire.

Mgr de Saint-​Vallier se déter­mi­na à rem­pla­cer le modeste ora­toire par une église en pierre ; mais les parois­siens, sur le conseil du curé Paul Vachon, qui avait suc­cé­dé (1685) aux Récollets, suc­ces­seurs eux-​mêmes des Jésuites, durent sol­li­ci­ter les aumônes à Québec, à Ville Marie (Montréal), aux Trois-​Rivières, ter­ri­toire qui for­mait le Canada à cette époque. Dès ce moment, Notre-​Dame posait les bases d’une œuvre vrai­ment nationale.

L’acte de nais­sance du Sanctuaire de la Reine du Très Saint Rosaire remonte au 13 mai 1714, et porte la signa­ture de Mgr de Saint-​Vallier, deuxième évêque de Québec. Le temple s’édifie en len­teur, si bien qu’il n’est livré au culte, encore inache­vé, qu’en 1720.

Toutefois, fleu­ris­sante à ses débuts, la Confrérie du Rosaire subit, l’espace d’un siècle, un sérieux ralen­tis­se­ment à cause d’un prêtre peu zélé. Le cha­pe­let fut aban­don­né et les parois­siens n’aillaient même plus à la messe le dimanche. Privé de sa Protectrice et de pas­teurs zélés le peuple se dégrade. Il en est tou­jours ainsi.

150e anniversaire de la statue – 150e anniversaire du dogme de l’Immaculée

En 1854, année de la pro­cla­ma­tion du dogme de son Immaculée Conception, Notre-​Dame ins­pire à un géné­reux parois­sien du Cap-​de-​la-​Madeleine, la pen­sée de faire don à son église d’une Madone de belles pro­por­tions, aux yeux bais­sés et aux mains tendues.

Cette sta­tue devien­dra la Vierge mira­cu­leuse dont la célé­bri­té dépas­se­ra les fron­tières du pays. C’est celle-​là qu’on vénère encore aujourd’hui sur le maître-​autel du sanctuaire.

Cette sta­tue devien­dra comme par droit de conquête, la propre Madone du pèle­ri­nage cana­dien, quand un pro­dige du ciel l’aura mar­quée de son sceau, et sur­tout quand, plus tard, le dia­dème de la royau­té cein­dra son front.

Lorsque l’abbé Désilets fut nom­mé curé de la paroisse, les parois­siens avaient aban­don­né la pra­tique reli­gieuse et la réci­ta­tion du Rosaire. Les curés qui l’avaient pré­cé­dé n’avaient obte­nu aucun suc­cès. On avait semé dans la paroisse un cli­mat anticlérical.

Un soir, déso­lé, mais non décou­ra­gé, M. l’abbé Désilets entre dans le sanc­tuaire. Quelle ne fut pas sa sur­prise d’y voir un porc mâchouillant un cha­pe­let. Il s’est dit : « les hommes aban­donnent le Chapelet et ce sont les porcs qui le reprennent. » Ce fut le sujet de son ser­mon sui­vant. Les parois­siens enten­dirent le mes­sage. L’abbé Désilets pro­mit à Notre-​Dame de ravi­ver la dévo­tion au saint Rosaire. A par­tir de ce moment la paroisse chan­gea de visage. Comme d’habitude, le cha­pe­let avait conquis les âmes : sa vieille église revê­tit l’éclat d’un pèle­ri­nage pri­vé, local.

Le miracle du pont de glace en 1879

En 1873, Cap-​de-​la-​Madeleine comp­tait envi­ron 1300 âmes. L’église était deve­nue trop étroite. Mgr Laflèche ordon­na la construc­tion d’une nou­velle église. La pierre de l’édifice devait pro­ve­nir de la paroisse Sainte-​Angèle, sise sur la rive sud du fleuve. Les habi­tants comp­taient sur un pont de glace sur le fleuve au cours de l’hiver, car les parois­siens n’avaient pas les moyens finan­ciers pour faire trans­por­ter ces pierres par bateau. Dès le mois de novembre 1878, M. le curé Désilets avait deman­dé de prier à cette fin. Tous les dimanches, après la messe, on réci­tait le cha­pe­let pour obte­nir un pont de glace, mais on avait beau prier, le fleuve res­tait tou­jours libre de glace. Janvier et février étaient pas­sés, mars s’écoulait de même ; la sai­son des grands froids était ter­mi­née ; il sem­blait que l’on ne pou­vait plus rien espérer.

Les mar­guilliers vou­laient démo­lir la pré­cieuse relique qu’était la petite église de 1714 pour se ser­vir des pierres, afin de dimi­nuer le nombre de pierres à char­royer à par­tir de Ste-​Angèle, de l’autre côté du fleuve.

La Sainte Vierge en avait déci­dé autre­ment. Malgré les cha­pe­lets qu’on lui réci­tait, tous les dimanches après la messe, elle ne lais­sait pas le fleuve geler devant le Cap.

Elle atten­dait le vœu du curé Désilets : « Si vous nous accor­dez de la glace sur le fleuve pour la fête de saint Joseph, nous ne détrui­rons pas votre petite église, mais nous la dédie­rons à votre saint Rosaire », promit-​il à Notre-​Dame. Tout de suite, il fut exau­cé ; dans la nuit du 15 au 16 mars, un dimanche, les glaces de la débâcle, ser­rées entre les deux rives, s’arrêtent vis-​à-​vis du Cap. Le vent se met à souf­fler. Une neige mouillée sui­vie d’un froid vif les soude et forme le pont de glace tant atten­du. Un miracle sûre­ment, la veille, on avait tra­ver­sé le fleuve en petit bateau, preuve que le fleuve était libre de glace.

Les parois­siens se sont ris­qués l’après-midi et le soir, à la bru­nante, sur ces tron­çons de glace. L’abbé Duguay en tête mar­chant à quatre pattes. « N’ayons pas peur se disaient-​ils, ce sont les Ave du saint curé Désilets qui nous portent. » Par une heu­reuse coïn­ci­dence, la pre­mière charge de pierres, conduite par M. Jos Longval, arri­va sur le ter­rain de l’église, près de la cha­pelle du Saint Rosaire, juste comme son­nait l’Angelus de midi, le 18 mars.

Le len­de­main, tous les parois­siens se ren­dirent à la grand’messe annon­cée en l’honneur de saint Joseph, pour obte­nir une heu­reuse tra­ver­sée de la pierre. Après avoir enten­du la messe dévo­te­ment en habit de tra­vail, et avoir réci­té le cha­pe­let comme à l’ordinaire, ils par­tirent, par un temps magni­fique, avec une file de 80 à 100 voi­tures, vers le sud du fleuve pour com­men­cer le trans­port des pierres. Ils le firent gratuitement.

La tra­verse était conti­nuel­le­ment cou­verte de voi­tures. On char­roya pen­dant huit jours consé­cu­tifs, jusqu’à l’octave de la Saint-​Joseph, sans aucun acci­dent … Quand les der­nières charges néces­saires furent tra­ver­sées, la glace com­men­ça à se dété­rio­rer, dévo­rée qu’elle était inté­rieu­re­ment par la rapi­di­té du courant.

Flavien Lapointe, de Saint-​Maurice de Champlain, avait 19 ans, il a tra­vaillé sur le pont de glace obte­nu grâce aux cha­pe­lets de l’abbé Désilets et de ses parois­siens. Il par­tait dès 8.30 heures du matin et ne reve­nait que dans la soi­rée pen­dant une semaine de temps. Il racon­ta : « Tous les hommes et jeunes gens du Cap ont par­ti­ci­pé à cette cor­vée. Il y en avait de plus peu­reux que les autres, sur­tout quand ils voyaient l’eau mon­ter sur le bord de la glace et le che­min ondu­ler sous la pesan­teur de la charge. Le trans­port se fai­sait avec des « sleighs » de 10 à 20 pieds de long, chaque « sleigh » était tirée par un seul che­val. Le pont de glace était étroit mais il y avait quelques endroits pour se ren­con­trer. Il n’y a pas eu d’accident, ni de panique. Les gens tra­vaillaient avec confiance, ils voyaient M. le curé réci­ter son cha­pe­let dans le haut de son presbytère. »

Sœur Ste-​Gertrude (Montplaisir), des Sœurs de l’Assomption de Nicolet, avait 12 ans au moment du miracle du « pont des cha­pe­lets », elle a cer­ti­fié avoir vu le pont de glace qui s’est fait à la suite des prières deman­dées par M. le curé Désilets. Elle a été témoin de la pro­ces­sion des voi­tures qui allaient du nord au sud, char­royant les pierres. M. L’abbé Duguay, vicaire, était pas­sé de porte en porte pour invi­ter tous les hommes à prendre part à cette cor­vée. Il deman­da aux femmes de res­ter à la mai­son et de réci­ter le cha­pe­let avec les enfants. Tous les parois­siens du Cap ont réa­li­sé que le pont de glace ne s’était for­mé que par miracle.

Les parois­siens du Cap n’ont pas hési­té à recon­naître l’intervention divine dans ce pont de glace. Spontanément, ils l’ont bap­ti­sé : LE PONT DES CHAPELETS.

1879–2004, 125e anniversaire du « pont des chapelets »

En 1924, en sou­ve­nir de cet évé­ne­ment mira­cu­leux, les Oblats de Marie Immaculée, gar­diens du Pèlerinage à Notre-​Dame du Cap, construi­sirent le « pont des cha­pe­lets ». Le 15 août, de la même année, Mgr Cloutier le bénis­sait solen­nel­le­ment et dit à l’immense foule qui l’entourait : « Quand on exa­mine dans son ensemble la façon dont le pont s’est for­mé à l’heure où tout sem­blait déses­pé­ré, les far­deaux qu’il a por­tés, et que l’on se rend compte sur­tout des mer­veilleux déve­lop­pe­ments du pèle­ri­nage dont il a mar­qué le point de départ, ne doit-​on pas l’attribuer à une inter­ven­tion sur­na­tu­relle ? C’est Seigneur qui a fait cela. »

Le Pont des cha­pe­lets affirme donc de façon écla­tante la pré­sence de Marie au Cap-​de-​la-​Madeleine. S’il sub­siste des doutes à ce sujet, un autre pro­dige achè­ve­ra de les dissiper.

Le prodige des yeux de la statue le 22 juin 1888

La nou­velle église de Sainte-​Madeleine s’édifie len­te­ment et, quoique inache­vée, elle est bénite et livrée au culte le 3 octobre 1880.
Durant les années qui sui­virent, on res­taure l’ancienne en vue de sa dédi­cace solen­nelle à Notre-​Dame du saint Rosaire, selon la pro­messe de M. le curé Désilets. Enfin ce grand jour se lève. Le 22 juin 1888, jour de joie, jour d’intenses prières. Monsieur le curé Luc Désilets accom­plit solen­nel­le­ment son vœu. A la suite d’une belle céré­mo­nie, la sta­tue a été pla­cée sur l’autel principal.

Le bon Père Frédéric, qui devien­dra l’un des plus fer­vents pré­di­ca­teurs des gloires de Marie au Cap-​de-​la-​Madeleine, (béa­ti­fié par Jean-​Paul II en 1988) arri­vait d’Europe au Canada comme com­mis­saire de Terre Sainte. Il fit plu­sieurs ins­truc­tions ce jour-​là à la foule rassemblée.

L’abbé Duguay, vicaire de M. le curé Désilets et son suc­ces­seur, raconte le miracle qui s’est pro­duit le soir même de cette jour­née inoubliable :

« Vers sept heures du soir, arrive un han­di­ca­pé du nom de Philippe Lacroix. Je le vis entrer dans le Sanctuaire en mar­chant entre M. le Curé, Luc Désilets et le Rev. Père Frédéric. Je les vis à genoux au balustre… Or voi­ci ce qui s’est pas­sé tel que M. le curé Désilets me l’a racon­té bien des fois avec émo­tion : pen­dant qu’ils étaient tous les trois en prière, ils virent la sta­tue de Notre-​Dame du Cap, les yeux gran­de­ment ouverts, elle qui nor­ma­le­ment a les yeux baissés…»

L’enthousiasme et le zèle du bon Père Frédéric ne connurent plus de limites. Propagantiste-​né, le Père Frédéric ne se conten­ta pas de racon­ter le « pro­dige des yeux » à ses audi­teurs, il en publia le récit en pre­mière page du jour­nal « la Presse » le 22 mai 1897.

« La sta­tue, y écrit-​il, qui a les yeux entiè­re­ment bais­sés, avait les yeux gran­de­ment ouverts : le regard de la Vierge était fixe : elle regar­dait devant elle, droit à sa hau­teur. L’illusion était dif­fi­cile : son visage se trou­vait en pleine lumière, par suite du soleil qui lui­sait dans une fenêtre et éclai­rait par­fai­te­ment tout le sanc­tuaire. Ses yeux étaient noirs, bien for­més et en pleine har­mo­nie avec l’ensemble du visage. Le regard de la Vierge était celui d’une per­sonne vivante ; il avait une expres­sion de sévé­ri­té, mêlée de tristesse. »

Ecoutons main­te­nant Pierre Lacroix, l’handicapé, lui aus­si témoin ocu­laire du prodige :

« J’entrai dans la cha­pelle vers 7 heures du soir, accom­pa­gné par mon­sieur Désilets et le Père Frédéric. Je mar­chais sup­por­té par eux. Nous sommes allés nous pla­cer à la table de com­mu­nion … Après avoir prié un moment, je levai les yeux vers la sta­tue de la sainte Vierge en face de moi. Immédiatement, je vis que ses yeux étaient bien ouverts ; d’une manière abso­lu­ment vivante, comme si elle regar­dait par-​dessus nos têtes en direc­tion des Trois-​Rivières. J’observai sans dire un mot. Alors, M. Désilets qui était à ma droite, quit­ta sa place pour aller rejoindre le Père Frédéric. Je l’entends deman­der : « Avez-​vous remarqué ? »

« Oui, répon­dit le Franciscain, la sta­tue a ouvert les yeux, n’est-ce pas ?»

« Oui, dit M. le curé, mais est-​ce bien réel ? »

« C’est à ce moment que je leur dis que je voyais la même chose qu’eux depuis quelques instants. »

Après avoir com­man­dé aux vents, aux flots, à la neige et à la glace, pour que lui soit éle­vé un sanc­tuaire, Notre-​Dame du Cap mani­fes­tait son conten­te­ment d’y avoir été éta­blie à demeure sous son vocable Notre-​Dame du Rosaire.

Pour le curé Désilets, ces yeux ouverts de la Madone avaient leur lan­gage : celui que Dieu lui-​même avait jadis tenu au roi Salomon :

« J’ai exau­cé ta prière et la sup­pli­ca­tion que tu m’as pré­sen­tée. J’ai consa­cré cet édi­fice pour y fixer mon nom à jamais ; mes yeux et mon cœur y seront per­pé­tuel­le­ment » (I Rois 9,3.)

Le 22 juin 1888, à sept heures du soir, Notre-​Dame du Cap deve­nait de par la volon­té expresse de Marie, la Madone des Canadiens. (Rosario Desnoyers, O.M.I.) Ce jour-​là, lors de la consé­cra­tion du Sanctuaire à la Reine du Rosaire, en cette fameuse jour­née où la sta­tue ouvrit les yeux, le Père Frédéric s’était écrié :

« Des pèle­rins vien­dront de toutes les familles de la paroisse ; de toutes les paroisses du dio­cèse ; de tous les dio­cèses du Canada. Cette petite Maison de Dieu sera trop petite pour conte­nir les foules qui vien­dront invo­quer la puis­sance et la muni­fi­cence de la douce Reine du Très Saint Rosaire. »

Une couronne royale

En 1898, cinq cents Tertiaires fran­cis­cains de l’Immaculée Conception de Montréal, offrent, à Notre-​Dame du Cap, au nom de leurs confrères irlan­dais, un magni­fique cœur en or et un très riche dia­dème. Le cœur et le dia­dème devront être insé­pa­rables puisqu’ils signi­fient que Marie est Mère et Reine. Le cœur est trans­per­cé d’un glaive et sur­mon­té d’un lis, repré­sen­tant le Cœur dou­lou­reux et Immaculé de Marie.

Le dia­dème aura, en 1904, l’insigne hon­neur de ser­vir au cou­ron­ne­ment solen­nel de la sta­tue de Notre-​Dame du Cap pro­cla­mée offi­ciel­le­ment par l’Eglise, la Madone des Canadiens.

Cette cou­ronne d’or, de pla­tine et de dia­mants venus des mil­liers de bijoux offerts par les Canadiens, est d’une valeur sym­bo­lique infi­ni­ment supé­rieure à sa richesse maté­rielle. Les armoi­ries des dix pro­vinces de notre immense pays encerclent la base de cette cou­ronne et pro­clament Notre-​Dame du Cap : Madone natio­nale de tous les Canadiens.

C’est à Mgr Cloutier, évêque de Trois-​Rivières, de 1899 à 1934, que revint l’honneur de l’approbation offi­cielle et défi­ni­tive du culte voué à Notre-​Dame du Cap. Il a offi­ciel­le­ment décla­ré mira­cu­leux le « pont de glace » de 1879 et recon­nu le carac­tère sur­na­tu­rel du « pro­dige de yeux » de la statue.

Quand un pèle­ri­nage, mar­qué à sa nais­sance du sceau divin, s’anémie, s’étiole et meurt, la faute n’en est pas à Dieu, mais aux prêtres trop peu nom­breux ou trop peu zélés.

Alors Mgr Cloutier a confié la garde du sanc­tuaire aux Oblats de Marie Immaculée.

1904, couronnement de la Reine du Rosaire

Le cin­quan­te­naire de la pro­cla­ma­tion du dogme de l’Immaculée Conception crée un cli­mat d‘enthousiasme marial extra­or­di­naire dans l’univers catho­lique. Au Canada, les cœurs exultent de joie ! Une nou­velle vient d’être publiée : Le Pape va cou­ron­ner Notre-​Dame du Cap.

Le cou­ron­ne­ment d’une sta­tue revêt une très haute signi­fi­ca­tion. Par ce geste, le Vicaire de Jésus-​Christ scelle de son auto­ri­té apos­to­lique le culte ren­du à cette sta­tue, les miracles qu’on lui attri­bue, la renom­mée et la gloire dont on l’entoure. Seule la sta­tue de Notre-​Dame de Guadaloupe, au Mexique, avait reçu cet hon­neur dans toute l’Amérique.

La veille de la fête, le Délégué apos­to­lique Mgr Sbarretti pré­si­da à la pro­ces­sion aux flam­beaux. Enfin se leva le jour glo­rieux pour Notre-​Dame du Cap. Jamais aupa­ra­vant, le Cap-​de-​la-​Madeleine n’avait été témoin d’une aus­si grande affluence de pèle­rins et d’un aus­si gran­diose spectacle.

Le matin de cette inou­bliable jour­née, Son Excellence le Délégué Apostolique, Mgr Sbarretti célébre la sainte Messe, entou­ré des repré­sen­tants de tout l’Episcopat cana­dien. Deux Archevêques, celui d’Ottawa, Mgr Duhamel, et celui de Québec, Mgr Bégin, exaltent, le pre­mier en anglais et le second en fran­çais, les gloires et les bien­faits de Notre-​Dame du Cap.

Puis, c’est l’instant pal­pi­tant entre tous. Monseigneur Cloutier, revê­tu des habits pon­ti­fi­caux, s’avance vers la Madone. Derrière lui vient le bon père Frédéric por­tant sur un cous­sin de soie, la cou­ronne d’or, ornée de trèfles. L’Evêque bénit la cou­ronne, la prend dans ses mains et, au nom de Sa Sainteté le Pape Pie X, la pose sur la tête de Notre-​Dame du Cap. Au même moment des salves de canon déchirent l’air, les cloches sonnent à toute volée… La foule vit des moments d’indicible émo­tion… Les cœurs se gonflent de joie, les yeux s’embuent de larmes. Notre-​Dame du Cap devient, par la Volonté du Vicaire du Christ, La Reine du Canada, la Madone natio­nale des Canadiens !

Pendant les cin­quante années qui sui­virent notre Reine du Rosaire conti­nua à atti­rer des foules tou­jours plus nom­breuses à ses pieds. La sai­son des pèle­ri­nages atteint son point culmi­nant en août. Le 15 août est célé­bré, au Sanctuaire, de façon grandiose.

Introduite au Sanctuaire depuis long­temps, depuis le 5 juin 1898, alors que le cœur fleu­ri d’un lis fut sus­pen­du au cou de la Madone, la dévo­tion au cœur imma­cu­lé de Marie n’a tou­te­fois pris de l’ampleur et du rayon­ne­ment qu’à par­tir de 1947. Cette année-​là, en effet, notre madone quitte le Cap-​de-​la-​Madeleine et com­mence une tour­née à tra­vers le pays. Partout sur son pas­sage, elle montre le lis de son cœur.

Le peuple com­prend son mes­sage et se consacre au Cœur imma­cu­lé de Marie.

Lors du voyage de Notre-​Dame du Cap vers Ottawa, en 1947, plus d’un mil­lion de cana­diens ont réci­té avec fer­veur la prière de Pie XII consa­crant le genre humain au Cœur Immaculé de Marie, ont signé cette consé­cra­tion et l’ont dépo­sé au pied de notre Madone pen­dant que la foule chan­tait avec conviction :

« A votre cœur, ô Mère,
«Je veux me consa­crer ;
«C’est le désir du Très Saint Père,
«Votre mes­sage au monde entier. »

Ce cœur de Notre-​Dame du Cap nous enseigne le plus bel amour du plus beau des cœurs ; celui de notre Mère du Ciel.

L’apothéose ; Année mariale 1954

L’année mariale célé­brée avec fer­veur dans tout le Canada, attei­gnit son apo­gée au Cap-​de-​la-​Madeleine, où la nation entière s’était don­né rendez-​vous, au pied de la Reine du Rosaire.

Le cen­te­naire de la pro­cla­ma­tion du dogme de l’Immaculée Conception coïn­ci­dait en effet, chez-​nous avec le « jubi­lé d’or » du cou­ron­ne­ment de Notre-​Dame du Cap.

Longtemps à l’avance, les Oblats de Marie Immaculée, gar­diens atti­trés du Sanctuaire de Notre-​Dame du Cap, pré­pa­rèrent les célé­bra­tions de ce glo­rieux anniversaire.

A Son Excellence Mgr Georges-​Léon Pelletier, évêque de Trois-​Rivières, revient le mérite et la gloire d’avoir sol­li­ci­té et obte­nu de Rome non seule­ment un nou­veau cou­ron­ne­ment de Notre-​Dame du Cap, mais aus­si un Légat a latere et un mes­sage par radio du Vicaire de Jésus-​Christ au peuple canadien.

D’une voix una­nime et enthou­siaste, les évêques du Canada, de Terre-​Neuve à la Colombie Canadienne, répon­dirent à l’invitation conjointe de l’Evêque de Trois-​Rivières et des Gardiens du Sanctuaire de Notre-​Dame du Cap : tous seraient présents.

Dans les dix jours qui pré­cé­dèrent immé­dia­te­ment le cou­ron­ne­ment, cha­cune des dix pro­vinces du Canada eut sa jour­née offi­cielle aux pieds de Notre-​Dame du Cap. Se pouvait-​il plus élo­quente pro­cla­ma­tion du carac­tère natio­nal de notre Madone ?

Enfin se leva le jour tant dési­ré ! Tout le pays « d’une mer à l’autre », en ce quinze août mil neuf cent cinquante-​quatre, est repré­sen­té au pied de sa Reine et se joint au Vicaire du Christ, le Pape.

En effet, Sa Sainteté Pie XII, par son envoyé per­son­nel, ras­semble dans son cœur toute la nation cana­dienne pour la pré­sen­ter au divin Maître par les mains très pures de Marie Immaculée.

Ils sont en foule ce matin-​là les pèle­rins du 15 août. Avec joie et confiance on enva­hit le Sanctuaire de Notre-​Dame du Cap dont les ter­rains seront bien­tôt bon­dés de pèle­rins pieux et atten­tifs. Dès 9 heures, il n’y a plus d’espace libre. Soixante confes­seurs suc­cèdent aux deux-​cents de la nuit. Quelques minutes avant dix heures, le cor­tège s’ébranle du Monastère des Oblats. En tête, le célé­brant, Son Eminence Révérendissime le Cardinal Vallerio Valeri. Le légat s’avance en sou­riant, escor­té de sa cour, au milieu de deux ran­gées de zouaves pon­ti­fi­caux et sui­vi des deux Cardinaux et de tous les évêques du Canada.

La messe de l’Immaculée Conception débute dans la séré­ni­té toute spi­ri­tuelle. A l’issue de la messe, Son Ém. le car­di­nal Légat, par pri­vi­lège du Saint-​Père, donne la béné­dic­tion apos­to­lique à tous les fidèles assis­tants et leur accorde l’indulgence plénière.

Les orga­ni­sa­teurs de cette jour­née inou­bliable ont eut l’idée d’une parade pré­cé­dant la céré­mo­nie du cou­ron­ne­ment. Un défi­lé de chars allé­go­riques illus­trait les épi­sodes locaux ou natio­naux d’histoire mariale et for­mait une escorte gran­diose à la Madone dans cette marche vers l’autel de son triomphe. Le Nouvelliste écri­vait dans son édi­tion du 16 août, « Jamais de mémoire d’homme, on a vu pareille démons­tra­tion à Trois-Rivières. »

La céré­mo­nie du cou­ron­ne­ment eut lieu au Parc de l’exposition de Trois-​Rivières. Le trône tout blanc sur lequel on pla­ça la sta­tue mira­cu­leuse était enca­dré par un arc qui por­tait à 35 pieds dans le ciel les mots : FULGENS CORONA et A Mari USQUE AD MARE, devise du congrès marial qui se dérou­lait en fer­veur et en splen­deur depuis dix jours. Fixés au bord de la mar­quise et gar­nis des dra­peaux papal et marial, les bla­sons des dix pro­vinces pro­cla­maient avec élo­quence la royau­té de Notre-​Dame sur le peuple canadien.

A 3h30, la foule n’avait pas ces­sé de gros­sir depuis la mati­née. Le cor­tège d’honneur de la madone, une alter­nance de chars allé­go­riques et de gardes parois­siales, défi­lèrent pen­dant deux heures devant l’estrade, sous le regard émer­veillé des fidèles.

Des applau­dis­se­ments pro­lon­gés mar­quèrent l’arrivée du char du cou­ron­ne­ment. Le Légat du Pape, entou­ré des membres de la mis­sion pon­ti­fi­cale et des deux car­di­naux, Léger et McGuigan, et les Evêques revê­tus de la chape et por­tant la mitre mon­tèrent majes­tueu­se­ment sur l’estrade.

Le rituel du cou­ron­ne­ment com­por­tait en pre­mier lieu le mes­sage radio­dif­fu­sé du Saint-​Père. Après avoir exal­té les gran­deurs de la très Sainte Vierge et pro­cla­mé la conti­nui­té de sa pro­tec­tion sur l’Eglise du Canada, Sa Sainteté Pie XII exhor­tait les fidèles à une vigi­lance constante dans l’exercice de leur devoir reli­gieux, à l’accomplissement éner­gique et inté­gral de leurs obli­ga­tions sociales en tant que citoyens catholiques.

« Nous vous choi­sis­sons et nom­mons notre légat, avait écrit S.S. le Pape Pie XII, à S. Eminence le car­di­nal Valerio Valeri, pour que, au Sanctuaire de Notre-​Dame du Cap, dans le dio­cèse de Trois-​Rivières, au Canada, en Notre nom et par Notre auto­ri­té, vous orniez d’une cou­ronne d’or l’insigne sta­tue de la Madone. »

Après avoir bénit la cou­ronne, le Légat du Pape la prit et la dépo­sa solen­nel­le­ment sur la tête de la Reine du Rosaire, Reine des Canadiens, pen­dant qu’éclatait de toute part le chant du Regina Coeli (Reine du Ciel).

Le Légat enton­na le Te Deum. Puis les car­di­naux et arche­vêques de Toronto et de Montréal, lurent, dans les deux langues offi­cielles du pays, l’acte de consé­cra­tion du Canada au Cœur Immaculé de Marie.

Par ordre de sénio­ri­té, arche­vêques et évêques vinrent pré­sen­ter leurs crosses à Notre-​Dame du Cap, Reine et gar­dienne de l’autorité spi­ri­tuelle dont sont inves­tis les pre­miers pas­teurs des diocèses.

Puis les Cardinaux cana­diens pro­non­cèrent de vibrants dis­cours sur la por­tée sociale et spi­ri­tuelle de la dévo­tion à Marie. Et le der­nier mot fut réser­vé à Son Ém. le Cardinal Valerio Valeri : « exhor­ta­tion à tous et à cha­cun de demeu­rer loyaux ser­vi­teurs de Marie ; vœux pour le salut et la pros­pé­ri­té de la nation. » Son Eminence don­na ensuite la béné­dic­tion papale.

Enfin sui­vie d’un immense cor­tège au milieu des chants, des prières et des accla­ma­tions le char de la Reine retourne triom­pha­le­ment à sa demeure du Cap, qu’Elle-même s’est si judi­cieu­se­ment choisie.

La foule se dis­per­sa et Notre-​Dame est reve­nue sur son autel du petit sanc­tuaire en Reine dou­ble­ment cou­ron­née, en Mère dou­ble­ment aimée ». La cou­ronne que porte habi­tuel­le­ment Notre-​Dame du Cap, est celle du cou­ron­ne­ment de 1904. Aux grandes solen­ni­tés, elle por­tait le dia­dème du deuxième cou­ron­ne­ment papal de 1954 [pho­to n° 1 ci-​dessus]. Mais, mal­heu­reu­se­ment, il y a quelques années des mains sacri­lèges se sont empa­ré de ce trésor.

Que Notre-​Dame du Cap, Reine du Rosaire, Reine du Canada, daigne faire refleu­rir l’Eglise au Canada comme au temps de son glo­rieux couronnement !

NDLR : Pour cet article, nous nous sommes ser­vis de trois beaux livres : l’un dont l’auteur a signé « Un gar­dien du Sanctuaire» ; le deuxième, par le Père Rosario Cournoyer, o.m.i., impri­ma­tur Mgr Arthur Douville, évêque de St-​Hyacinthe, 8 sep­tembre 1958 ; le troi­sième, par James G. Shaw © 1954. Les trois livres portent le titre « Notre-​Dame du Cap ».