Par un concours vraiment providentiel de circonstances, la Fraternité Saint-Pie X est devenue propriétaire, depuis le 2 janvier 2013, de l’une des maisons du petit village de Pontmain. Pas de n’importe laquelle de ces maisons ! Pour qui connaît les lieux, il s’agit de celle qui se trouve immédiatement à gauche de la fameuse grange où les deux garçons Barbedette, Eugène et Joseph, travaillaient avec leur père le soir du 17 janvier, juste avant que ne leur apparaisse la Sainte Vierge.
Une journée qui commence comme les autres. Ce matin, l’église était remplie de fidèles, comme les autres jours. Il y a beaucoup de neige et il fait un froid glacial « à fendre les pierres ». Vers midi et demi, la terre a tremblé ce qui a fortement impressionné tous les habitants, surtout en cette période troublée. C’est la guerre franco-prussienne. Depuis le 23 septembre dernier, 38 jeunes de la paroisse sont partis à la guerre et l’on est sans nouvelles. Alors, on vit dans l’angoisse et dans la peur. Et puis il y a cette épidémie de typhoïde qui commence à reprendre.
Malgré tout, on prie avec ferveur car il en est ainsi à Pontmain. Depuis l’arrivée de notre curé, l’abbé Michel Guérin, le 24 novembre 1836, dans chaque famille, on prie le chapelet tous les jours.
Ce soir, deux enfants, Eugène et Joseph Barbedette, aident leur père, dans la grange, à piler les ajoncs pour la nourriture de la jument. La nuit est tombée. Il est environ 17 H 30. Jeannette Détais, une vieille femme, vient donner quelques nouvelles qu’elle a pu glaner un peu plus loin près des fuyards de l’armée de la Loire en déroute. Eugène profite de l’arrêt du travail pour sortir à la porte « voir le temps ». Et voilà que tout à coup, en plein ciel, au dessus de la maison d’en face, il voit une « Belle Dame » qui tend les bras comme dans un geste d’accueil et qui lui sourit. Elle est vêtue d’une robe bleue semée d’étoiles d’or (comme la voûte de l’église peinte ainsi en 1860). Sur la tête, elle a un voile noir surmonté d’une couronne d’or avec un liseré rouge au milieu. Aux pieds, elle porte des chaussons bleus avec une boucle d’or. Elle est au milieu d’un triangle formé de trois grosses étoiles. L’enfant sourit à la Belle Dame. Ce sourire sera le seul dialogue car, de toute l’apparition, la Belle Dame ne dira pas un seul mot.
Le jeune frère Joseph, venu à la porte, voit lui aussi la « Belle Dame » tandis que les grandes personnes ne voient rien sinon les trois étoiles.
Victoire, leur mère, ne verra rien non plus, bien qu’elle soit retournée à la maison chercher ses lunettes. Elle se rend à l’école demander à sœur Vitaline de venir devant la grange. Ne voyant que les étoiles, la sœur retourne à l’école et en revient avec une autre sœur, Marie-Edouard, et trois petites pensionnaires. A leur arrivée, les deux plus jeunes, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé s’écrient : « Oh ! La belle Dame ! Qu’elle est belle ! » et la décrivent à leur tour. Sœur Marie-Edouard s’en va prévenir M. le curé tandis que sœur Vitaline commence à prier avec les gens qui accourent de plus en plus nombreux.
« M. le curé, dit sœur Marie-Edouard depuis la porte du presbytère, venez vite chez les Barbedette, il y a un prodige : les enfants voient la Sainte Vierge ! » Et M. le curé, saisi par la surprise, répond : « Un prodige ! La Sainte Vierge ! La Sainte Vierge ! Mais, ma sœur, vous me faites peur ! » La vieille servante, Jeannette Pottier, intervient : « Faut aller voir, M. le curé ! » et elle allume la lanterne pour sortir dans la nuit.
Lorsqu’il arrive au milieu de ses paroissiens, les enfants, que l’on avait séparés pour éviter qu’ils puissent communiquer entre eux, s’écrient : « V’là d’qué qui s’fait ! » (voilà quelque chose qui se fait) et ils décrivent un grand ovale bleu qui est venu entourer la Belle Dame. A l’intérieur quatre bobèches sont fixées portant quatre bougies éteintes. Ces bougies rappellent celles que l’abbé Guérin allumait sur l’autel de la Sainte Vierge depuis le 8 décembre 1854 à tous les offices de la paroisse. En même temps apparaît une petite croix rouge sur la robe, à l’endroit du cœur.
Et puis voilà que l’attention se relâche. On commence à parler, à discuter et la Belle Dame devient triste : « V’là qu’elle tombe en humilité » dit Eugène. « Prions » ajoute M. le curé. Sœur Marie-Edouard commence le chapelet. Aussitôt, la Dame sourit à nouveau. Tout au long du chapelet, au rythme des Ave Maria, la Belle Dame grandit lentement. L’ovale grandit dans les mêmes proportions et les étoiles se multiplient sur sa robe et autour d’elle.
« C’est comme une fourmilière, ça se tape sur sa robe, disent les enfants. Oh ! Qu’elle est belle ! » Après le chapelet, on chante le Magnificat. Au début du chant, les enfants s’écrient : « V’là cor’de qué qui s’fait » (voilà encore quelque chose qui se fait). Une grande banderole vient se dérouler entre le bas de l’ovale et le toit de la maison. Des lettres commencent alors à s’écrire, en majuscule, couleur d’or. « C’est un M » – « Un A » – « un I » – « un S ». Le mot MAIS qui va rester tout seul jusqu’au moment où arrive Joseph Babin, un charretier, qui revient d’Ernée, à 20 km de là, et qui lance à la foule : « Vous pouvez bien prier, les Prussiens sont à Laval ». Le mot PRIEZ vient s’écrire alors après MAIS. Le message continue de s’écrire lettres après lettres. A la fin des litanies que l’on chante après le Magnificat, les enfants peuvent lire une première ligne se terminant par un gros point :
Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps
Au début de l’Inviolata qui va suivre, des lettres commencent une seconde ligne : MON. Au moment où l’on chante « Ô Mater alma Christi carissima », le mot FILS vient s’écrire à la suite. « MON FILS » lisent les enfants. Alors c’est un cri de joie général : « C’est Elle ! C’est bien Elle ! C’est la Sainte Vierge ! » Jusque là, on pensait que ce pouvait être Elle. Mais maintenant, on en est sûr. C’est bien écrit : MON FILS. Pendant que l’on termine l’Inviolata et que l’on chante le Salve Regina, le message continue et se termine
Mon fils se laisse toucher
Il n’y a pas de point final mais cette deuxième ligne est soulignée par un gros trait d’or comme les lettres.
« Chantons notre cantique à Marie » dit alors M. le curé et les paroles s’élèvent joyeuses vers le ciel, alors que, dimanche dernier, on l’avait chanté la gorge serrée :
« Mère de l’Espérance dont le nom est si doux, Protégez notre France. Priez, priez pour nous. »
Au début, la Vierge lève les mains à hauteur de ses épaules et agite les doigts au rythme du cantique. Puis un rouleau « couleur du temps » passe et efface la banderole et le message.
Suit un autre cantique « Mon doux Jésus » avec le refrain « Parce Domine, parce populo tuo ». Les enfants, joyeux jusque là, deviennent subitement tout tristes. C’est que la Vierge elle aussi est devenue toute triste. Elle ne pleure pas mais un frémissement au coin des lèvres marque l’intensité de sa douleur. « Jamais on n’a vu une pareille tristesse sur un visage humain » disent les enfants.
C’est alors qu’une croix d’un rouge vif apparaît devant la Vierge. Sur la croix, Jésus, d’un rouge plus foncé. Au sommet de la croix, sur une traverse blanche, est écrit : JESUS CHRIST. La Vierge prend la croix à deux mains et la présente aux enfants pendant qu’une petite étoile vient allumer les quatre bougies de l’ovale avant d’aller se placer au dessus de la tête de la Vierge. La foule prie en silence et beaucoup pleurent.
Puis sœur Marie-Edouard chante l’Ave Maris Stella. Le crucifix rouge disparait et la Vierge reprend l’attitude du début. Le sourire « un sourire plus grave » revient sur ses lèvres et une petite croix blanche apparaît sur chacune de ses épaules. Il est 20 H 30.
« Mes chers amis, dit M. le curé, nous allons faire tous ensemble la prière du soir ». Tout le monde se met à genoux, là où il est, qui dans la neige, qui dans la grange pour ceux qui ont voulu s’abriter du froid glacial. Jeannette Pottier, la vieille servante, commence la prière : « Mettons-nous en présence de Dieu et adorons-le. » Au moment de l’examen de conscience, les enfants signalent la présence d’un voile blanc qui vient d’apparaître aux pieds de la Vierge et qui monte lentement en la cachant à leurs yeux. Le voile arrive à hauteur de la couronne, s’arrête un instant et, brusquement, tout disparaît : le voile, la couronne, l’ovale, les bougies et les trois étoiles.
« Voyez-vous encore ? » demande M. le curé. « Non, M. le curé, tout a disparu, c’est tout fini ! ». Il est près de 21 H 00. Chacun rentre chez soi, le cœur en paix. Toute crainte, toute peur s’en est allée.
Les Prussiens qui devaient prendre Laval ce soir-là n’y sont pas entrés. Le lendemain, ils se sont repliés. L’armistice est signé le 25 janvier. Les 38 jeunes de Pontmain reviennent tous sains et saufs.
Le 2 février 1872, après l’enquête et le procès canonique, Mgr Wicart, évêque de Laval publie un mandement dans lequel il déclare :
Nous jugeons que l’Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu le 17 janvier 1871 à Eugène Barbedette, Joseph Barbedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé dans le hameau de Pontmain.
Les voyants
Le 2 février 1872, Mgr Wicart, évêque de Laval, reconnaît quatre voyants officiels.
Eugène BARBEDETTE est né le 4 novembre 1858. Il est le premier à apercevoir la Belle Dame. Il devient prêtre. Il est ordonné en 1883. Curé dans plusieurs paroisses du diocèse de Laval, il a laissé le souvenir d’un prêtre « droit, zélé, fervent et intransigeant ». Il meurt le 2 mai 1927. Il est enterré dans le cimetière de Châtillon-sur-Colmont.
Joseph BARBEDETTE est né le 20 novembre 1860. Il désire devenir missionnaire. Il entre chez les Missionnaires Oblats de Marie Immaculée. Il est ordonné prêtre en 1884. A la demande de ses supérieurs, il écrit un récit très complet de l’apparition. Il meurt le 3 novembre 1930. Il est enterré dans le cimetière de Pontmain.
Françoise RICHER est née en 1861. Elle reste ce qu’elle est au moment de l’apparition : une âme profondément chrétienne, accomplissant simplement sa tâche de chaque jour « pour faire plaisir au Bon Dieu et à la Bonne Vierge ». Elle gagne sa vie comme domestique puis comme institutrice dans plusieurs petites écoles de campagne. Vers 1900, elle devient gouvernante de l’abbé Eugène Barbedette. Elle meurt le 28 mars 1915. Elle est enterrée dans le cimetière de Châtillon-sur-Colmont.
Jeanne-Marie LEBOSSE est née le 12 septembre 1861 à Gosné (Ille-et-Vilaine). Orpheline de père et ayant sa mère paralysée, elle est recueillie par sa tante Sœur Timothée, directrice de l’école de Pontmain. En 1881, elle entre chez les Sœurs de la Sainte Famille de Bordeaux. Pendant dix ans, elle sera paralysée, et en mars 1933 elle sera réduite à une impuissance absolue. Elle meurt le 12 décembre 1933. Elle est enterrée dans le cimetière central de Bordeaux, dans le caveau de sa communauté.