Pontmain : l’histoire de l’apparition

Le 17 jan­vier 1871, la sainte Vierge va appa­raitre durant trois heures, dans le ciel du petit vil­lage de Pontmain, situé en Mayenne, à la fron­tière de la Bretagne. 

Cette appa­ri­tion doit être com­prise comme la réponse d’une mère à son enfant, vic­time de ses propres éga­re­ments. Car c’est exac­te­ment cela que l’on peut contem­pler dans cette appa­ri­tion. La France à l’époque était en guerre depuis plu­sieurs mois contre la Prusse et en jan­vier 1871, c’était la défaite et la débâcle des armées fran­çaises. Juste puni­tion pour un pays qui, même s’il don­nait beau­coup de voca­tions mis­sion­naires à l’époque, conti­nuait de pro­pa­ger aus­si par ses gou­ver­nants les idées de la révo­lu­tion fran­çaise à tra­vers le monde. Les armées prus­siennes défer­laient dans toute la France et se trou­vaient le 17 jan­vier à envi­ron une jour­née de marche de Pontmain et de la Bretagne. Cette situa­tion catas­tro­phique fai­sait redou­bler de prières les catho­liques de ce pays. Et c’était le cas aus­si à Pontmain, grâce à son curé sur­tout, très zélé, très pro­fond, un saint prêtre : l’abbé Guérin. D’ailleurs ce prêtre mour­ra à la tâche un an et demi plus tard en rai­son de l’affluence des pèle­rins, et du tra­vail apos­to­lique qui en découlera. 

L’abbé Guérin, curé de Pontmain

Pontmain à l’époque était un petit vil­lage de 500 âmes ; il y avait donc un curé et éga­le­ment trois reli­gieuses qui s’occupaient de l’école du vil­lage. Intéressons­-​nous aux deux futurs voyants les plus âgés, deux frères, Eugène et Joseph Barbedette, âgés res­pec­ti­ve­ment de 12 et 10 ans en jan­vier 1871. En par­ti­cu­lier, voyons com­ment se pas­sait leur jour­née. Un pro­gramme qui à l’époque, dans la plu­part des pays catho­liques, était mon­naie cou­rante : ils se levaient tous les jours à 6h et fai­saient aus­si­tôt l’offrande de la jour­née à Dieu. Après s’être habillés, ils allaient aider leurs parents en pré­pa­rant la nour­ri­ture pour les bêtes. Ensuite avait lieu le cha­pe­let en famille, à la mai­son, réci­té en par­ti­cu­lier pour leur frère aîné par­ti à la guerre et dont ils n’avaient plus de nou­velles depuis 3 semaines. Venait alors le petit­ déjeu­ner et ensuite les deux gar­çons se ren­daient à l’église dis­tante d’une cen­taine de mètres, pour la Messe. En atten­dant l’heure de la Messe, ils avaient pris l’habitude de dire leur prière du matin, plus consé­quente que l’offrande au saut du lit ; et, à la sug­ges­tion du curé faite un dimanche en chaire, ils fai­saient un che­min de croix pour leur pays. Puis tous les deux ser­vaient la messe. Après cela, ils par­taient pour l’école jusqu’au soir et à leur retour à la mai­son, ils aidaient leur père aux tra­vaux de la ferme. 

Et donc le 17 jan­vier 1871, un petit peu avant 18h, les deux gar­çons sont dans la grange fami­liale à aider leur père. Après un quart d’heure de tra­vaux, l’aîné se rend à la porte de la grange pour voir le temps qu’il fait dehors : le sol est cou­vert de neige, mais le ciel est déga­gé. Et c’est jus­te­ment le ciel qui attire le regard de l’enfant. En effet, au­ des­sus d’une des mai­sons du vil­lage, il voit une grande et belle Dame habillée d’une robe bleue par­se­mée d’étoiles d’or, sans cein­ture, mais avec un voile noir cachant tota­le­ment ses che­veux et avec une cou­ronne d’or sur la tête. C’est sur­tout le sou­rire de cette Dame qui va ravir l’enfant. Il va res­ter là comme en extase, pen­dant un quart d’heure envi­ron ; au point que son père s’inquiète de ne pas voir reve­nir son fils qui était sor­ti sur le pas de la porte de la grange. De fait, il le trouve le visage ravi, les yeux tour­nés vers un point du ciel qui, pour le père, ne dif­fère en rien du reste du ciel étoi­lé de ce début de soi­rée. Eugène raconte à son père ce qu’il est le seul à voir, mais bien­tôt le deuxième gar­çon, Joseph, les rejoint et décrit la même vision que son grand frère. Le père est tout de même intri­gué car il sait que ses gar­çons ne sont pas des men­teurs. Il essaie de les cal­mer, de les rame­ner au tra­vail mais c’est lui-​même, au bout de quelques minutes, qui demande à ses fils de retour­ner voir si rien n’a chan­gé : ce qui est le cas. 

Finalement, plu­sieurs voi­sins, intri­gués et aler­tés par les cris de joie et d’excitation des gar­çons, viennent se ren­sei­gner. Devant les expli­ca­tions des gar­çons et d’autres enfants venus voir ce qui se passe et témoi­gnant de la même vision, on fait appe­ler les reli­gieuses puis le curé. Et fina­le­ment, ce sont envi­ron 80 per­sonnes qui se retrou­ve­ront devant la grange des Barbedette. Sept enfants ver­ront Notre Dame dans le ciel de Pontmain ; la plus jeune, ayant 2 ans expri­me­ra sa joie en frap­pant des mains et répé­tant « Jésus, Jésus » : la seule façon pour elle d’exprimer sa joie de la vision qui la ravit. 

A un moment, alors que le visage de la Dame était jusque-​là sou­riant, les enfants la voient deve­nir triste. Le curé s’aperçoit que c’est au moment où cer­tains adultes, qui eux ne voient rien, com­mencent à par­ler plus fort, à émettre des doutes et à se moquer. Le curé va alors prendre les choses en main : il impose le silence, fait mettre tout le monde à genoux dans la neige et entame la réci­ta­tion du cha­pe­let : alors le sou­rire de la Dame revient. 

A la fin du cha­pe­let, les reli­gieuses entament le chant du Magnificat : et alors com­mence à appa­raître une sorte de ban­deau aux pieds de la Dame et des lettres com­mencent à s’inscrire à l’intérieur du ban­deau, les unes après les autres : un M, puis un A, puis un I, etc. Tout le monde est sus­pen­du à l’énumération des lettres par les enfants. Une phrase va s’inscrire ain­si dans le ciel : « mais priez mes enfants ; Dieu vous exau­ce­ra en peu de temps. » 

« Mais priez mes enfants. Dieu vous exau­ce­ra en peu de temps. Mon fils se laisse toucher »

Puis une 2e ligne com­mence aus­si à être écrite, lettre après lettre : « Mon fils » : là l’émotion de la foule est à son comble, parce que c’est l’assurance qu’il s’agit bien de la Très Sainte Vierge Marie. Les enfants conti­nuent d’épeler : un S, puis un E puis, après un petit espace, un L, puis un A, puis un I. A ce moment, une des sœurs pré­sentes inter­vient en disant aux enfants qu’ils ont dû se trom­per : ça doit sûre­ment être un S et pas un I, car la Sainte Vierge veut sûre­ment dire « Mon Fils se lasse », sous-​­entendu des péchés des hommes. Mais non, l’inscription des lettres dans le ciel conti­nue et ce qui s’inscrira sera la phrase sui­vante : « Mon Fils se laisse tou­cher ». Ce sera la der­nière phrase, il y aura d’autres chan­ge­ments dans le ciel, comme des cierges qui appa­raî­tront autour de Notre Dame. Il res­te­ra un der­nier évè­ne­ment qui mar­que­ra les enfants. Plus rien ne s’inscrivant dans le ciel, le curé fera enton­ner un chant, Mère de l’Espérance, très à la mode en Bretagne à l’époque : au chant de ce can­tique, les enfants ver­ront la très sainte Vierge Marie éle­ver les mains à hau­teur de ses épaules, puis agi­ter les doigts len­te­ment, comme si elle accom­pa­gnait le chant, regar­dant les enfants avec un sou­rire d’une dou­ceur infinie. 

Après ce chant, le curé fera faire la prière du soir à tous ceux qui étaient pré­sents : pen­dant ce temps, l’inscription dis­pa­rai­tra petit à petit ain­si que la Très Sainte Vierge Marie. Il est alors à peu près 21h : l’apparition aura duré en tout trois heures. 

Conséquences immé­diates de cette Apparition : Les armées prus­siennes qui allaient ren­trer à Laval et qui sem­blaient vou­loir conti­nuer d’avancer vers la Bretagne, s’arrêteront et n’entreront pas dans Laval : un pro­blème de logis­tique et de condi­tions météo, semble­-​t-​­il … Sept jours plus tard, l’armistice sera signé. Parmi les 38 jeunes hommes mobi­li­sés à Pontmain, tous revien­dront sains et saufs, sans déplo­rer la moindre bles­sure. Ce ne sera pas le cas de tous les vil­lages alen­tours. Enfin, par­mi les quatre enfants les plus âgés, témoins de l’apparition, deux devien­dront prêtres et une entre­ra en religion.

Abbé T. Legrand

Source : Le Saint Anne n° 329.