Jean XXIII

261e pape ; de 1958 à 1963

11 avril 1963

Lettre encyclique Pacem in Terris

Sur l’établissement d’une paix universelle dans la vérité, justice, charité et liberté

Table des matières

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le Jeudi saint, 11 avril de l’année 1963

À nos véné­rables Frères, Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires, en paix avec le siège Apostolique, au cler­gé et aux fidèles de l’univers, ain­si qu’à tous les hommes de bonne volonté.

Vénérables frères et chers fils, Salut et béné­dic­tion apostolique

Introduction

L’ordre dans l’univers

1 – La paix sur la terre, objet du pro­fond désir de l’hu­ma­ni­té de tous les temps, ne peut se fon­der ni s’af­fer­mir que dans le res­pect abso­lu de l’ordre éta­bli par Dieu.

2 – Les pro­grès des sciences et les inven­tions de la tech­nique nous en convainquent : dans les êtres vivants et dans les forces de l’u­ni­vers, il règne un ordre admi­rable, et c’est la gran­deur de l’homme de pou­voir décou­vrir cet ordre et se for­ger les ins­tru­ments par les­quels il capte les éner­gies natu­relles et les assu­jet­tit à son service.

3 – Mais ce que montrent avant tout les pro­grès scien­ti­fiques et les inven­tions de la tech­nique, c’est la gran­deur infi­nie de Dieu, Créateur de l’u­ni­vers et de l’homme lui-​même. Il a créé l’u­ni­vers en y déployant la muni­fi­cence de sa sagesse et de sa bon­té. Comme dit le Psalmiste : « Seigneur, Seigneur, que ton nom est magni­fique sur la terre [1], que tes œuvres sont nom­breuses, Seigneur ! Tu les as toutes accom­plies avec sagesse [2]. »

Et il a créé l’homme intel­li­gent et libre à son image et res­sem­blance [3], l’é­ta­blis­sant maître de l’u­ni­vers : « Tu l’as fait de peu infé­rieur aux anges ; de gloire et d’honneur tu l’as cou­ron­né ; tu lui as don­né pou­voir sur les œuvres de tes mains, tu as mis toutes choses sous ses pieds [4]. »

L’ordre dans les être humains

4 – L’ordre si par­fait de l’u­ni­vers contraste dou­lou­reu­se­ment avec les désordres qui opposent entre eux les indi­vi­dus et les peuples, comme si la force seule pou­vait régler leurs rap­ports mutuels.

5 – Pourtant le Créateur du monde a ins­crit l’ordre au plus intime des hommes : ordre que la conscience leur révèle et leur enjoint de res­pec­ter : « Ils montrent gra­vé dans leur cœur le conte­nu même de la Loi, tan­dis que leur conscience y ajoute son témoi­gnage [5]. »

Comment n’en irait-​il pas ain­si, puisque toutes les œuvres de Dieu reflètent son infi­nie sagesse, et la reflètent d’au­tant plus clai­re­ment qu’elles sont plus éle­vées dans l’é­chelle des êtres [6].

6 – Mais la pen­sée humaine com­met fré­quem­ment l’er­reur de croire que les rela­tions des indi­vi­dus avec leur com­mu­nau­té poli­tique peuvent se régler selon les lois aux­quelles obéissent les forces et les élé­ments irra­tion­nels de l’u­ni­vers. Alors que les normes de la conduite des hommes sont d’une autre essence : il faut les cher­cher là où Dieu les a ins­crites, à savoir dans la nature humaine.

7 – Ce sont elles qui indiquent clai­re­ment leur conduite aux hommes, qu’il s’a­gisse des rap­ports des indi­vi­dus les uns envers les autres dans la vie sociale ; des rap­ports entre citoyens et auto­ri­tés publiques au sein de chaque com­mu­nau­té poli­tique ; des rap­ports entre les diverses com­mu­nau­tés poli­tiques ; enfin des rap­ports entre ces der­nières et la com­mu­nau­té mon­diale, dont la créa­tion est aujourd’­hui si impé­rieu­se­ment récla­mée par les exi­gences du bien com­mun universel.

I. L’ordre entre les êtres humains

Tout être humain est une personne, sujet de droits et de devoirs.

8 – Il faut, en pre­mier lieu, par­ler de l’ordre qui doit régner entre les êtres humains.

9 – Le fon­de­ment de toute socié­té bien ordon­née et féconde, c’est le prin­cipe que tout être. humain est une per­sonne, c’est-​à-​dire une nature douée d’in­tel­li­gence et de volon­té libre. Par là même iI est sujet de droits et de devoirs, décou­lant les uns et les autres, ensemble et immé­dia­te­ment, de sa nature : aus­si sont-​ils uni­ver­sels, invio­lables, inalié­nables [7].

10 – Si nous consi­dé­rons la digni­té humaine à la lumière des véri­tés révé­lées par Dieu, nous ne pou­vons que la situer bien plus haut encore. Les hommes ont été rache­tés par le sang du Christ Jésus, faits par la grâce enfants et amis de Dieu et ins­ti­tués héri­tiers de la gloire éternelle.

Les droits

Le droit à l’existence et à un niveau de vie décent

11 – Tout être humain a droit à la vie, à l’in­té­gri­té phy­sique et aux moyens néces­saires et suf­fi­sants pour une exis­tence décente, notam­ment en ce qui concerne l’a­li­men­ta­tion, le vête­ment, l’ha­bi­ta­tion, le repos, les soins médi­caux, les ser­vices sociaux. Par consé­quent, l’homme a droit à la sécu­ri­té en cas de mala­die, d’in­va­li­di­té, de veu­vage, de vieillesse, de chô­mage et chaque fois qu’il est pri­vé de ses moyens de sub­sis­tance par suite de cir­cons­tances indé­pen­dantes de sa volon­té [8].

Droits relatifs aux valeurs morales et culturelles

12 – Tout être humain a droit au res­pect de sa per­sonne, à sa bonne répu­ta­tion, à la liber­té dans la recherche de la véri­té, dans l’ex­pres­sion et la dif­fu­sion de la pen­sée, dans la créa­tion artis­tique, les exi­gences de l’ordre moral et du bien com­mun étant sau­ve­gar­dées ; il a droit éga­le­ment à une infor­ma­tion objective.

13 – La nature reven­dique aus­si pour l’homme le droit d’ac­cé­der aux biens de la culture, et, par consé­quent, d’ac­qué­rir une ins­truc­tion de base ain­si qu’une for­ma­tion technico-​professionnelle cor­res­pon­dant au degré de déve­lop­pe­ment de la com­mu­nau­té poli­tique à laquelle il appar­tient. Il faut faire en sorte que le mérite de cha­cun lui per­mette d’ac­cé­der aux degrés supé­rieurs de l’ins­truc­tion et d’ar­ri­ver, dans la socié­té, à des postes et à des res­pon­sa­bi­li­tés aus­si adap­tés que pos­sible à ses talents et à sa com­pé­tence [9].

Le droit d’honorer Dieu selon la juste exigence de la droite conscience

14 – Chacun a le droit d’ho­no­rer Dieu sui­vant la juste règle de la conscience et de pro­fes­ser sa reli­gion dans la vie pri­vée et publique. Lactance le déclare avec clar­té : « Nous rece­vons l’exis­tence pour rendre à Dieu, qui nous l’accorde, le juste hom­mage qui lui revient, pour le connaître lui seul et ne suivre que lui. Cette obli­ga­tion de pié­té filiale nous enchaîne à Dieu et nous relie à lui, d’où son nom de reli­gion [10]. »

A ce sujet, Notre pré­dé­ces­seur d’im­mor­telle mémoire, Léon XIII, affir­mait : « Cette liber­té véri­table, réel­le­ment digne des enfants de Dieu, qui sau­ve­garde comme il faut la noblesse de la per­sonne humaine, pré­vaut contre toute vio­lence et toute injuste ten­ta­tive ; l’Église l’a tou­jours deman­dée, elle n’a jamais rien eu de plus cher. Constamment les apôtres ont reven­di­qué cette liber­té. là, les apo­lo­gistes l’ont jus­ti­fiée dans leurs écrits, les mar­tyrs en foule l’ont consa­crée de leur sang [11]. »

Le droit à la liberté dans le choix d’un état de vie

15 – Tout homme a droit à la liber­té dans le choix de son état de vie. Il a par consé­quent le droit de fon­der un foyer, où l’é­poux et l’é­pouse inter­viennent à éga­li­té de droits et de devoirs, ou bien celui de suivre la voca­tion au sacer­doce ou à la vie reli­gieuse [12].

16 – La famille, fon­dée sur le mariage libre­ment contrac­té, un et indis­so­luble, est et doit être tenue pour la cel­lule pre­mière et natu­relle de la socié­té. De là, l’o­bli­ga­tion de mesures d’ordre éco­no­mique, social, cultu­rel et moral de nature à en conso­li­der la sta­bi­li­té et à lui faci­li­ter l’ac­com­plis­se­ment du rôle qui lui incombe.

17 – Aux parents, en tout pre­mier lieu, revient le droit d’as­su­rer l’en­tre­tien et l’é­du­ca­tion de leurs enfants [13].

Droits relatifs au monde économique

18 – Tout homme a droit au tra­vail et à l’i­ni­tia­tive dans le domaine éco­no­mique [14].

19 – A ces droits est lié indis­so­lu­ble­ment le droit à des condi­tions de tra­vail qui ne com­pro­mettent ni la san­té ni la mora­li­té et qui n’en­travent pas le déve­lop­pe­ment nor­mal de la jeu­nesse ; et, s’il s’a­git des femmes, le droit à des condi­tions de tra­vail en har­mo­nie avec les exi­gences de leur sexe et avec leurs devoirs d’é­pouses et de mères [15].

20 – La digni­té humaine fonde éga­le­ment le droit de déployer l’ac­ti­vi­té éco­no­mique dans des condi­tions nor­males de res­pon­sa­bi­li­té per­son­nelle [16].

Il en résulte aus­si – et il convient de le sou­li­gner – qu’à l’ou­vrier est dû un salaire à déter­mi­ner selon les normes de la jus­tice ; compte tenu des pos­si­bi­li­tés de l’employeur, cette rému­né­ra­tion devra per­mettre au tra­vailleur et à sa famille un niveau de vie conforme à la digni­té humaine. Notre pré­dé­ces­seur, Pie XII, le disait : « A la loi du tra­vail, ins­crite dans la nature, répond le droit tout aus­si natu­rel pour l’homme de tirer de son labeur de quoi vivre et faire vivre ses enfants : si pro­fon­dé­ment est ordon­né en vue de la conser­va­tion de l’homme l’empire sur la nature [17]. »

21 – De la nature de l’homme dérive éga­le­ment le droit à la pro­prié­té pri­vée des biens, y com­pris les moyens de pro­duc­tion. Comme Nous l’a­vons ensei­gné ailleurs, ce droit « est une garan­tie effi­cace de la. digni­té de la per­sonne humaine et une aide pour le libre exer­cice de ses diverses res­pon­sa­bi­li­tés ; il contri­bue à la sta­bi­li­té et à la tran­quilli­té du foyer domes­tique, non sans pro­fit pour la paix et la pros­pé­ri­té publiques [18] ».

22 – Par ailleurs, il n’est pas hors de pro­pos de rap­pe­ler que la pro­prié­té pri­vée com­porte en elle-​même une fonc­tion sociale [19].

Droits de réunion et d’association

23 – Du fait que l’être humain est ordon­né à la vie en socié­té découle le droit de réunion et d’as­so­cia­tion, celui de don­ner aux grou­pe­ments les struc­tures qui paraissent mieux ser­vir leurs buts, le droit d’y assu­mer libre­ment cer­taines res­pon­sa­bi­li­tés en vue d’at­teindre ces mêmes buts [20].

24 – L’encyclique Mater et Magistra dit à bon droit que la créa­tion de bon nombre d’as­so­cia­tions ou corps inter­mé­diaires, capables de pour­suivre des objec­tifs que les indi­vi­dus ne peuvent atteindre qu’en s’as­so­ciant, appa­raît comme un moyen abso­lu­ment indis­pen­sable pour l’exer­cice de la liber­té et de la res­pon­sa­bi­li­té de la per­sonne humaine [21].

Droits d’émigration et d’immigration

25 – Tout homme a droit à la liber­té de mou­ve­ment et de séjour à l’in­té­rieur de la com­mu­nau­té poli­tique dont iI est citoyen ; il a aus­si le droit, moyen­nant des motifs valables, de se rendre à l’é­tran­ger et de s’y fixer [22]. Jamais, l’ap­par­te­nance à telle ou telle com­mu­nau­té poli­tique ne sau­rait empê­cher qui que ce soit d’être membre de la famille humaine, citoyen de cette com­mu­nau­té uni­ver­selle où tous les hommes sont ras­sem­blés par des liens communs.

Droits d’ordre civique

26 – A la digni­té de la per­sonne humaine est atta­ché le droit de prendre une part active à la vie publique et de concou­rir per­son­nel­le­ment au bien com­mun. « L’homme comme tel, bien loin d’être l’ob­jet et un élé­ment pas­sif de la vie sociale, en est et doit en être, en res­ter le sujet, le fon­de­ment et la fin [23] »

27 – Autre droit fon­da­men­tal de la per­sonne, la pro­tec­tion juri­dique de ses propres droits, pro­tec­tion effi­cace, égale pour tous et conforme aux normes objec­tives de la jus­tice. « De l’ordre juri­dique, vou­lu par Dieu, découle pour les hommes ce droit inalié­nable qui garan­tit à cha­cun la sécu­ri­té juri­dique et une sphère concrète de droits défen­due contre tout empié­te­ment arbi­traire [24]. »

Les devoirs

Rapport indissoluble entre droits et devoirs dans une même personne

28 – Jusqu’ici, Nous avons rap­pe­lé une suite de droits de nature. Chez l’homme, leur sujet, ils sont liés à autant de devoirs. La loi natu­relle confère les uns, impose les autres ; de cette loi ils tiennent leur ori­gine, leur per­sis­tance et leur, force indéfectible.

29 – Ainsi, par exemple, le droit à la vie entraîne, le devoir de la conser­ver ; le droit à une exis­tence décente com­porte le devoir de se conduire avec digni­té ; au droit de cher­cher libre­ment le vrai répond, le devoir d’ap­pro­fon­dir et d’é­lar­gir cette recherche.

Réciprocité de droits et de devoirs entre personnes différentes

30 – Dans la vie en socié­té, tout droit confé­ré à une per­sonne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de recon­naître et de res­pec­ter ce droit. Tout droit essen­tiel de l’homme emprunte en effet sa force impé­ra­tive à la loi natu­relle qui le donne et qui impose l’o­bli­ga­tion cor­res­pon­dante. Ceux qui, dans la reven­di­ca­tion de leurs droits, oublient leurs devoirs ou ne les rem­plissent qu’im­par­fai­te­ment risquent de démo­lir d’une main ce qu’ils construisent de l’autre.

Dans la collaboration mutuelle

31 – Etres essen­tiel­le­ment sociables, les hommes ont à vivre les uns avec les autres et à pro­mou­voir le bien les uns des autres. Aussi, l’har­mo­nie d’un groupe réclame-​t-​elle la recon­nais­sance et l’ac­com­plis­se­ment des droits et des devoirs. Mais en outre cha­cun est appe­lé à concou­rir géné­reu­se­ment à l’a­vè­ne­ment d’un ordre col­lec­tif qui satis­fasse tou­jours plus lar­ge­ment aux droits et aux obligations.

32 – Ainsi, il ne suf­fit pas de recon­naître et de res­pec­ter le droit de l’homme aux moyens d’exis­tence ; iI faut s’employer, cha­cun selon ses forces, à les lui pro­cu­rer en suffisance.

33 – La vie en socié­té ne doit pas seule­ment assu­rer l’ordre ; elle doit appor­ter des avan­tages à ses membres. Cela sup­pose la recon­nais­sance et le res­pect des droit et devoirs, mais cela demande de plus la col­la­bo­ra­tion de tous selon les mul­tiples moda­li­tés que le déve­lop­pe­ment actuel de la civi­li­sa­tion rend pos­sibles, dési­rables ou nécessaire.

Avec le sens des responsabilités

34 – La digni­té de la per­sonne humaine exige que. cha­cun agisse sui­vant une déter­mi­na­tion consciente et libre. Dans la vie de socié­té, c’est sur­tout de déci­sions per­son­nelles qu’il faut attendre le res­pect des droits, l’ac­com­plis­se­ment des obli­ga­tions, la coopé­ra­tion à une foule d’ac­ti­vi­tés. L’individu devra y être mû par convic­tion per­son­nelle ; de sa propre ini­tia­tive, par son sens des res­pon­sa­bi­li­tés, et non sous l’ef­fet de contraintes ou de pres­sions extérieures.

Une socié­té fon­dée uni­que­ment sur des rap­ports de forces n’au­rait rien d’hu­main : elle com­pri­me­rait néces­sai­re­ment la liber­té des hommes, au lieu d’ai­der et d’en­cou­ra­ger celle-​ci à se déve­lop­per et à se perfectionner.

Vivre ensemble dans la vérité, la justice, l’amour, la liberté

35 – Voilà pour­quoi une socié­té n’est dûment ordon­née, bien­fai­sante, res­pec­tueuse de la per­sonne humaine, que si elle se fonde sur la véri­té, selon l’a­ver­tis­se­ment de saint Paul : « Rejetez donc le men­songe ; que cha­cun de vous dise la véri­té à son pro­chain, car nous sommes membres les uns des autres [25]. » Cela sup­pose que soient sin­cè­re­ment recon­nus les droits et les devoirs mutuels. Cette socié­té doit, en outre, repo­ser sur la jus­tice, c’est-​à-​dire sur le res­pect effec­tif de ces droits et sur l’ac­com­plis­se­ment loyal de ces devoirs ; elle doit être vivi­fiée par l’a­mour, atti­tude d’âme qui fait éprou­ver à cha­cun comme siens les besoins d’au­trui, lui fait par­ta­ger ses propres biens et incite à un échange tou­jours plus intense dans le domaine des valeurs spi­ri­tuelles. Cette socié­té, enfin, doit se réa­li­ser dans la liber­té, c’est-à-dire de la façon qui convient à des êtres rai­son­nables, faits pour assu­rer la res­pon­sa­bi­li­té de leurs actes.

36 – La vie en socié­té, véné­rables frères et chers fils, doit être consi­dé­rée avant tout comme une réa­li­té d’ordre spi­ri­tuel, Elle est, en effet, échange de connais­sances dans la lumière de la véri­té, exer­cice de droit et accom­plis­se­ment de devoirs ; ému­la­tion dans la recherche du bien moral ; ému­la­tion dans la noble jouis­sance du beau en toutes ses expres­sions légi­times ; dis­po­si­tion per­ma­nente à com­mu­ni­quer à autrui le meilleur de lui-​même et aspi­ra­tion com­mune à un constant enri­chis­se­ment spi­ri­tuel. Telles les valeurs qui doivent ani­mer et orien­ter toutes choses : acti­vi­té cultu­relle, vie éco­no­mique, orga­ni­sa­tion sociale, mou­ve­ments et régimes poli­tiques, légis­la­tion et toute autre expres­sion de la vie sociale dans sa conti­nuelle évolution.

Dieu, fondement objectif de l’ordre moral

37 – L’ordre propre aux com­mu­nau­tés humaines est d’es­sence morale. En effet, c’est un ordre qui a pour base la véri­té, qui se réa­lise dans la jus­tice qui demande à être vivi­fié par l’amour et qui trouve dans la liber­té un équi­libre sans cesse réta­bli et tou­jours plus humain.

38 – Cet ordre moral – uni­ver­sel, abso­lu et immuable dans ses prin­cipes – a son fon­de­ment objec­tif dans le vrai Dieu trans­cen­dant et per­son­nel, Vérité pre­mière et Souverain Bien, source la plus pro­fonde de vita­li­té pour une socié­té ordon­née, féconde et conforme à la digni­té des per­sonnes qui la com­posent [26]. Saint Thomas d’Aquin s’exprime clai­re­ment à ce sujet : « La Volonté humaine a pour règle et pour mesure de son degré de bon­té la rai­son de l’homme ; celle-​ci tient son auto­ri­té de la loi éter­nelle, qui n’est autre que la rai­son divine… Ainsi, c’est bien clair, la bon­té du vou­loir humain dépend bien plus de la loi éter­nelle que de la rai­son humaine [27]. ».

Signes des temps

39 – Trois traits carac­té­risent notre époque.

40 – D’abord la pro­mo­tion éco­no­mique et sociale des classes labo­rieuses. Celles-​ci ont, en pre­mier lieu, concen­tré leur effort dans la reven­di­ca­tion de droits sur­tout éco­no­miques et sociaux ; puis elles ont élar­gi cet effort au plan poli­tique ; enfin au droit de par­ti­ci­per dans les formes appro­priées aux biens de la culture. Aujourd’hui, chez les tra­vailleurs de tous les pays, l’exi­gence est vive­ment sen­tie d’être consi­dé­rés et trai­tés non comme des êtres sans rai­son ni liber­té, dont on use à son gré, mais comme des per­sonnes, dans tous les sec­teurs de la vie col­lec­tive : sec­teur économico-​social, cultu­rel et politique.

41 – Une seconde consta­ta­tion s’im­pose à tout obser­va­teur : l’en­trée de la femme dans la vie publique, plus rapide peut-​être dans les peuples de civi­li­sa­tion chré­tienne ; plus lente, mais de façon tou­jours ample, au sein des autres tra­di­tions ou cultures. De plus en plus consciente de sa digni­té humaine, la femme n’ad­met plus d’être consi­dé­rée comme un ins­tru­ment ; elle exige qu’on la traite comme une per­sonne aus­si bien au foyer que dans la vie publique.

42 – Enfin l’hu­ma­ni­té, par rap­port à un pas­sé récent, pré­sente une orga­ni­sa­tion sociale et poli­tique pro­fon­dé­ment trans­for­mée. Plus de peuples domi­na­teurs et de peuples domi­nés : toutes les nations ont consti­tué ou consti­tuent des com­mu­nau­tés poli­tiques indépendantes.

43 – Les hommes de tout pays et conti­nent sont aujourd’­hui citoyens d’un Etat auto­nome et indé­pen­dant, ou ils sont sur le point de l’être. Personne ne veut être sou­mis à des pou­voirs poli­tiques étran­gers à sa com­mu­nau­té ou à son groupe eth­nique. On assiste, chez beau­coup, à la dis­pa­ri­tion du com­plexe d’in­fé­rio­ri­té qui a régné pen­dant des siècles et des mil­lé­naires ; chez d’autres, s’at­té­nue et tend à dis­pa­raître, au contraire, le com­plexe de supé­rio­ri­té, issu de pri­vi­lèges éco­no­miques et sociaux, du sexe ou de la situa­tion politique.

44 – Maintenant, en effet, s’est pro­pa­gée lar­ge­ment l’i­dée de l’é­ga­li­té natu­relle de tous les hommes. Aussi, du moins en théo­rie, ne trouve-​t-​on plus de jus­ti­fi­ca­tion aux dis­cri­mi­na­tions raciales. Voilà qui repré­sente une étape impor­tante sur la route condui­sant à une com­mu­nau­té humaine éta­blie sur la base des prin­cipes que Nous avons rap­pe­lés. Maintenant, à mesure que l’homme devient conscient de ses droits, germe comme néces­sai­re­ment en lui la conscience d’o­bli­ga­tions cor­res­pon­dantes : ses propres droits, c’est avant tout comme autant d’ex­pres­sions de sa digni­té qu’il devra les faire valoir, et à tous les autres incom­be­ra l’o­bli­ga­tion de recon­naître ces droits et de les respecter.

45 – Et une fois que les normes de la vie col­lec­tive se for­mulent en termes de droits et de devoirs, les hommes s’ouvrent aux valeurs spi­ri­tuelles et com­prennent ce qu’est la véri­té, la jus­tice, l’a­mour, la liber­té ; ils se rendent compte qu’ils appar­tiennent à une socié­té de cet ordre. Davantage : ils sont por­tés à mieux connaître le Dieu véri­table, trans­cen­dant et per­son­nel. Alors leurs rap­ports avec Dieu leur appa­raissent comme le fond même de la vie, de la vie intime vécue au secret de l’âme et de celle qu’ils mènent en com­mu­nau­té avec les autres.

II. Rapports entre les hommes et les pouvoirs publics au sein de chaque communauté politique

Nécessité de l’autorité ; son origine divine

46 – A la vie en socié­té man­que­raient l’ordre et la fécon­di­té sans la pré­sence d’hommes légi­ti­me­ment inves­tis de l’au­to­ri­té et qui assurent la sau­ve­garde des ins­ti­tu­tions et pour­voient dans une mesure suf­fi­sante au bien com­mun. Leur auto­ri­té, ils la tiennent tout entière de Dieu, comme l’en­seigne sait Paul : « Il n’est pas d’au­to­ri­té qui ne vienne de Dieu [28]. » La doc­trine de l’Apôtre est ain­si expli­quée par saint Jean Chrysostome : « Que voulez-​vous dire ? Chacun des gou­ver­nants serait-​il éta­bli par Dieu dans sa fonc­tion ? Ce n’est pas ce que j’affirme, répon­dra Paul ; je ne parle pas des indi­vi­dus revê­tus du pou­voir, mais pro­pre­ment de leur man­dat. Qu’il y ait des pou­voirs publics, que des hommes com­mandent, que d’autres soient subor­don­nés et que tout n’ar­rive pas au hasard, voi­là, dis-​je, ce qui est le fait de la sagesse divine [29]. » En d’autres termes : puisque Dieu a doté de socia­bi­li­té la créa­ture humaine ; mais puisque nulle socié­té « n’a de consis­tance sans un chef dont l’action effi­cace et uni­fiante mobi­lise tous les membres au ser­vice des buts com­muns, toute com­mu­nau­té humaine a besoin d’une auto­ri­té qui la régisse. Celle. ci, tout comme la socié­té, a donc pour auteur la nature et du même coup Dieu lui. même [30]. »

47 – Pour autant l’au­to­ri­té n’é­chappe point à toute loi. Elle consiste pré­ci­sé­ment dans le pou­voir de com­man­der selon la droite rai­son. Dés lors toute sa force impé­ra­tive lui vient de l’ordre moral, lequel à son tour repose sur Dieu, son prin­cipe et sa fin. « L’ordre abso­lu des vivants et la fin même de l’homme – de l’homme libre, sujet de devoirs et de droits invio­lables, de l’homme ori­gine et fin de la socié­té – regardent aus­si la cité comme com­mu­nau­té néces­saire et dotée de l’autorité ; sans celle-​ci pas d’exis­tence, pas de vie pour le groupe… Suivant la droite rai­son et sur­tout la foi chré­tienne, cet ordre uni­ver­sel trouve néces­sai­re­ment son ori­gine en Dieu, être per­son­nel et notre Créateur à tous ; par consé­quent les titres des pou­voirs publics se ramènent à une cer­taine par­ti­ci­pa­tion de l’au­to­ri­té divine elle. même [31]. »

48 – Aussi bien, si le pou­voir s’ap­puie exclu­si­ve­ment ou prin­ci­pa­le­ment sur la menace et la crainte des sanc­tions pénales ou sur la pro­messe des récom­penses, son action ne réus­sit aucu­ne­ment à sus­ci­ter la recherche du bien com­mun ; y parviendrait-​il, ce serait d’une façon étran­gère à la digni­té de l’homme, être libre et rai­son­nable. L’autorité est avant tout une force morale. Ses déten­teurs doivent donc faire appel, en pre­mier lieu à la conscience, au devoir qui incombe à tous de ser­vir avec empres­se­ment les inté­rêts com­muns. Mais les hommes sont tous égaux en digni­té natu­relle ; aucun n’a le pou­voir de déter­mi­ner chez un autre le consen­te­ment intime ; ce pou­voir est réser­vé à Dieu, le seul qui scrute et qui juge les déci­sions secrètes de chacun.

49 – Par suite, l’au­to­ri­té humaine ne peut lier les consciences que dans la mesure où elle se relie à l’au­to­ri­té de Dieu et en consti­tue une par­ti­ci­pa­tion [32].

50 – Ainsi se trouve garan­tie la digni­té même des citoyens, car l’o­béis­sance qu’ils rendent aux déten­teurs de l’au­to­ri­té ne va pas à des hommes comme tels ; elle est un hom­mage adres­sé à Dieu, Créateur et Providence, qui a sou­mis les rap­ports humains à l’ordre qu’il a lui-​même éta­bli. Et, bien loin de nous abais­ser en ren­dant à Dieu le res­pect qui lui est dû, nous ne fai­sons en cela que nous éle­ver et nous enno­blir, puisque c’est régner que ser­vir Dieu [33].

51 – L’autorité exi­gée par l’ordre moral émane de Dieu. Si donc il arrive aux diri­geants d’é­dic­ter des lois ou de prendre des mesures contraires à cet ordre moral et par consé­quent, à la volon­té divine, ces dis­po­si­tions ne peuvent obli­ger les consciences, car « il faut obéir à Dieu plu­tôt qu’aux hommes [34] ». Bien plus, en pareil cas, l’au­to­ri­té cesse d’être elle-​même et dégé­nère en oppres­sion. « La légis­la­tion humaine ne revêt le carac­tère de loi qu’au­tant qu’elle se conforme à la juste rai­son ; d’où il appert qu’elle tient sa vigueur de la loi éter­nelle. Mais dans la mesure où elle s’é­carte de la rai­son, on la déclare injuste, elle ne véri­fie pas la notion de loi, elle est plu­tôt une forme de la vio­lence [35]. »

52 – L’origine divine de l’au­to­ri­té n’en­lève aucu­ne­ment aux hommes le pou­voir d’é­lire leurs gou­ver­nants, de défi­nir la forme de l’Etat ou d’im­po­ser des règles et des bornes à l’exer­cice de l’au­to­ri­té. Ainsi la doc­trine que Nous venons d’ex­po­ser convient à toute espèce de régime vrai­ment démo­cra­tique [36].

La réalisation du bien commun, raison d’être des pouvoirs publics

53 – Tous les indi­vi­dus et tous les corps inter­mé­diaires sont tenus de concou­rir, cha­cun dans sa sphère, au bien de l’en­semble. Et c’est en har­mo­nie avec celui-​ci qu’ils doivent pour. suivre leurs propres inté­rêts et suivre, dans leurs apports – en biens et en ser­vices – les orien­ta­tions que fixent les pou­voirs publics selon les normes de la jus­tice et dans les formes et limites de leur com­pé­tence. Les actes com­man­dés par l’au­to­ri­té devront être par­fai­te­ment cor­rects en eux-​mêmes, d’un conte­nu mora­le­ment bon, ou tout au moins sus­cep­tible d’être orien­té au bien.

54 – Toutefois, la fonc­tion gou­ver­ne­men­tale n’ayant de sens qu’en vue du bien com­mun, les dis­po­si­tions prises par ses titu­laires doivent à la fois res­pec­ter la véri­table nature de ce bien et tenir compte de la situa­tion du moment [37].

Aspects fondamentaux du bien commun

55 – Les par­ti­cu­la­ri­tés eth­niques qui dis­tinguent les dif­fé­rents groupes humains s’ins­crivent dans l’aire du bien com­mun, sans suf­fire pour autant à sa défi­ni­tion com­plète [38]. Ce bien com­mun ne peut être défi­ni doc­tri­na­le­ment dans ses aspects essen­tiels et les plus pro­fonds, ni non plus être déter­mi­né his­to­ri­que­ment qu’en réfé­rence à l’homme ; il est, en effet, un élé­ment essen­tiel­le­ment rela­tif à la nature humaine [39].

56 – Ensuite, la nature même de ce bien impose que tous les citoyens y aient leur part, sous des moda­li­tés diverses d’a­près l’emploi, le mérite et la condi­tion de cha­cun. C’est pour­quoi l’ef­fort des pou­voirs publics doit tendre à ser­vir les inté­rêts de tous sans favo­ri­tisme à l’é­gard de tel par­ti­cu­lier ou de telle classe de la socié­té. Notre pré­dé­ces­seur Léon XIII le disait en ces termes : « On ne sau­rait en aucune façon per­mettre que l’autorité civile tourne au pro­fit d’un seul ou d’un petit nombre, car elle a été ins­ti­tuée pour le bien com­mun de tous [40]. » Mais des consi­dé­ra­tions de jus­tice et d’é­qui­té dic­te­ront par­fois aux res­pon­sables de l’Etat une sol­li­ci­tude par­ti­cu­lière pour les membres les plus faibles du corps social, moins armés pour la défense de leurs droits et de leurs inté­rêts légi­times [41].

57 – Ici Nous devons atti­rer l’at­ten­tion sur le fait que le bien com­mun concerne l’homme tout entier, avec ses besoins tant spi­ri­tuels que maté­riels. Conçu de la sorte, le bien com­mun réclame des gou­ver­ne­ments une poli­tique appro­priée, res­pec­tueuse de la hié­rar­chie des valeurs, ména­geant en juste pro­por­tion au corps et à l’âme les res­sources qui leur conviennent [42].

58 – Ces prin­cipes sont en par­faite har­mo­nie avec ce que Nous avons expo­sé dans Notre ency­clique Mater et Magistra : « le bien com­mun embrasse l’ensemble des condi­tions de vie en socié­té qui per­mettent à l’homme d’at­teindre sa per­fec­tion propre de façon plus com­plète et plus aisée [43]. »

59 – Composé d’un corps et d’une âme immor­telle, l’homme ne peut, au cours de cette exis­tence mor­telle, satis­faire à toutes les requêtes de sa nature ni atteindre le bon­heur par­fait. Aussi les moyens mis en œuvre au pro­fit du bien com­mun ne peuvent-​ils faire obs­tacle au salut éter­nel des hommes, mais encore doivent-​ils y aider posi­ti­ve­ment [44].

Rôles des pouvoirs publics à l’égard des droits et des devoirs de la personne

60 – Pour la pen­sée contem­po­raine, le bien com­mun réside sur­tout dans la sau­ve­garde des droits et des devoirs de la per­sonne humaine ; dès lors le rôle des gou­ver­nants consiste sur­tout à garan­tir la recon­nais­sance et le res­pect des droits, leur conci­lia­tion mutuelle, leur défense et leur expan­sion, et en consé­quence à faci­li­ter à chaque citoyen l’ac­com­plis­se­ment de ses devoirs. Car « la mis­sion essen­tielle de toute auto­ri­té poli­tique est de pro­té­ger les droits invio­lables de l’être humain et de faire en sorte que cha­cun s’ac­quitte plus aisé­ment de sa fonc­tion par­ti­cu­lière [45]. »

61 – C’est pour­quoi si les pou­voirs publics viennent à mécon­naître ou à vio­ler les droits de l’homme, non seule­ment ils manquent au devoir de leur charge, mais leurs dis­po­si­tions sont dépour­vues de toute valeur juri­dique [46].

Conciliation harmonieuse et protection efficace des droits et des devoirs de la personne

62 – C’est donc là un devoir fon­da­men­tal des pou­voirs publics d’or­don­ner les rap­ports juri­diques des citoyens entre eux, de manière que l’exer­cice des droits chez les uns n’empêche ou ne com­pro­mette pas chez les autres le même usage et s’ac­com­pagne de l’ac­com­plis­se­ment des devoirs cor­res­pon­dants. Il s’a­git enfin de main­te­nir l’in­té­gri­té des droits pour tout le monde et de la réta­blir en cas de vio­la­tion [47].

Promotion des droits de la personne

63 – Il incombe encore aux pou­voirs publics de contri­buer à la créa­tion d’un état de choses qui faci­lite à cha­cun la défense de ses droits et l’ac­com­plis­se­ment de ses devoirs. Car l’ex­pé­rience nous montre que si l’au­to­ri­té n’agit pas oppor­tu­né­ment en matière éco­no­mique, sociale ou cultu­relle, des inéga­li­tés s’ac­cen­tuent entre les citoyens, sur­tout à notre époque, au point que les droits fon­da­men­taux de la per­sonne res­tent sans por­tée effi­cace et que soit com­pro­mis l’ac­com­plis­se­ment des devoirs correspondants.

64 – II est donc indis­pen­sable que les pou­voirs publics se pré­oc­cupent de favo­ri­ser l’a­mé­na­ge­ment social paral­lè­le­ment au pro­grès éco­no­mique ; ain­si veilleront-​ils à déve­lop­per dans la mesure de la pro­duc­ti­vi­té natio­nale des ser­vices essen­tiels tels que le réseau rou­tier, les moyens de trans­port et de com­mu­ni­ca­tion, la dis­tri­bu­tion d’eau potable, l’ha­bi­tat, l’as­sis­tance sani­taire, l’ins­truc­tion, les condi­tions pro­pices à la pra­tique reli­gieuse, les loi­sirs. Ils s’ap­pli­que­ront à orga­ni­ser des sys­tèmes d’as­su­rances pour les cas d’é­vé­ne­ments mal­heu­reux et d’ac­crois­se­ment de charges fami­liales, de sorte qu’au­cun être humain ne vienne à man­quer des res­sources indis­pen­sables pour mener une vie décente. Ils auront soin que les ouvriers en état de tra­vailler trouvent un emploi pro­por­tion­né à leurs capa­ci­tés ; que cha­cun d’eux reçoive le salaire conforme à la jus­tice et à l’é­qui­té ; que les tra­vailleurs puissent se sen­tir res­pon­sables dans les entre­prises ; qu’on puisse consti­tuer oppor­tu­né­ment des corps inter­mé­diaires qui ajoutent à l’ai­sance et à la fécon­di­té des rap­ports sociaux ; qu’à tous enfin les biens de la culture soient acces­sibles sous la forme et au niveau appropriés.

Équilibre entre les deux formes d’action des pouvoirs publics

65 – L’intérêt com­mun exige que les pou­voirs publics, en ce qui concerne les droits de la per­sonne, exercent une double action : l’une de conci­lia­tion et de pro­tec­tion, l’autre de valo­ri­sa­tion, tout en veillant soi­gneu­se­ment à leur judi­cieux équi­libre. D’une part, on veille­ra à ce que la pré­do­mi­nance accor­dée à des indi­vi­dus ou à cer­tains groupes n’installe dans la nation des situa­tions pri­vi­lé­giées ; par ailleurs, le sou­ci de sau­ve­gar­der les droits de tous ne doit pas déter­mi­ner une poli­tique qui, par une sin­gu­lière contra­dic­tion, rédui­rait exces­si­ve­ment ou ren­drait impos­sible le plein exer­cice de ces mêmes droits. « Une chose demeure acquise : l’action de l’Etat en matière éco­no­mique, si loin qu’elle porte, si pro­fon­dé­ment qu’elle atteigne les res­sorts de la socié­té, ne peut sup­pri­mer la liber­té d’ac­tion des indi­vi­dus ; elle doit au contraire la favo­ri­ser, pour­vu que soient sau­ve­gar­dés les droits essen­tiels de chaque per­sonne humaine [48]. »

66 – C’est tou­jours à cet équi­libre que doivent tendre les mul­tiples efforts entre­pris par les pou­voirs publics pour faci­li­ter aux citoyens la jouis­sance de leurs droits et leur rendre moins ardu l’ac­com­plis­se­ment de leurs obli­ga­tions dans tous les sec­teurs de la vie sociale.

Structure et fonctionnement des pouvoirs publics

67 – Il est impos­sible de défi­nir une fois pour toutes quelle est la struc­ture la meilleure pour l’or­ga­ni­sa­tion des pou­voirs publics, et selon quelles for­mules s’exer­ce­ront le mieux les pou­voirs légis­la­tif, exé­cu­tif et judiciaire.

68 – En effet, pour déter­mi­ner la forme du gou­ver­ne­ment et les moda­li­tés de son fonc­tion­ne­ment, la situa­tion par­ti­cu­lière et les cir­cons­tances his­to­riques de chaque peuple sont d’un très grand poids ; or, elles varient selon les temps et les lieux. Cependant, Nous esti­mons conforme aux don­nées de la nature humaine l’or­ga­ni­sa­tion poli­tique des com­mu­nau­tés humaines fon­dées sur une conve­nable divi­sion des pou­voirs, cor­res­pon­dant aux trois fonc­tions prin­ci­pales de l’au­to­ri­té publique. En effet, dans ce régime sont défi­nis en termes de droit non seule­ment les attri­bu­tions et le fonc­tion­ne­ment des pou­voirs publics, mais aus­si les rap­ports entre simples citoyens et repré­sen­tants de l’autorité, ce qui consti­tue, pour les pre­miers, une garan­tie dans l’exer­cice de leurs droits et l’ac­com­plis­se­ment de leurs devoirs.

69 – Toutefois, pour qu’un sys­tème juri­dique et poli­tique de ce genre pro­cure les avan­tages escomp­tés, il faut que, dans leur action et dans leurs méthodes, les pou­voirs publics soient conscients de la nature et de la com­plexi­té des pro­blèmes qu’ils sont appe­lés à résoudre confor­mé­ment aux conjonc­tures du pays. Et il est indis­pen­sable que cha­cun d’eux exerce de façon per­ti­nente sa propre fonc­tion. Cela sup­pose que le pou­voir légis­la­tif s’exerce dans les limites pres­crites par l’ordre moral et par les normes consti­tu­tion­nelles, et qu’il inter­prète objec­ti­ve­ment les exi­gences du bien com­mun dans l’é­vo­lu­tion conti­nuelle des situa­tions ; que le pou­voir exé­cu­tif fasse régner par­tout le droit, à la lumière d’une par­faite connais­sance des lois et d’une conscien­cieuse ana­lyse des cir­cons­tances ; que le pou­voir judi­ciaire admi­nistre la jus­tice avec une impar­tia­li­té péné­trée de sens humain, et soit inflexible en face des pres­sions dic­tées par l’intérêt des par­ties en cause. Le bon ordre veut enfin que les citoyens non moins que les corps inter­mé­diaires, dans l’exer­cice de leurs droits et l’ac­com­plis­se­ment de leurs devoirs, béné­fi­cient d’une pro­tec­tion juri­dique effi­cace tant dans leurs rap­ports réci­proques que dans leurs rap­ports avec les agents publics [49].

Ordre juridique et conscience morale

70 – Un ordre juri­dique en har­mo­nie avec l’ordre moral et répon­dant au degré de sa matu­ri­té poli­tique dont il est l’ex­pres­sion consti­tue sans aucun doute un fac­teur fon­da­men­tal pour la réa­li­sa­tion du bien commun.

71 – Mais à notre époque, la vie sociale est si variée, com­plexe et dyna­mique, que les dis­po­si­tions juri­diques, même si elles sont le fruit d’une expé­rience consom­mée et de la plus sage pré­voyance, appa­raissent tou­jours insuffisantes.

72 – De plus, les rap­ports des par­ti­cu­liers entre eux, ceux des indi­vi­dus ou des corps inter­mé­diaires avec les pou­voirs publics, ceux enfin qui existent entre les divers organes du pou­voir au sein d’un même Etat, posent par­fois des pro­blèmes com­pli­qués et déli­cats au point de ne pas trou­ver leur solu­tion adé­quate dans les cadres juri­diques bien défi­nis. En pareil cas, les gou­ver­nants pour être à la fois fidèles à l’ordre juri­dique exis­tant, consi­dé­ré dans ses élé­ments et dans son ins­pi­ra­tion pro­fonde, et ouverts aux appels qui montent de la vie sociale pour savoir adap­ter le cadre juri­dique à l’é­vo­lu­tion des situa­tions et résoudre au mieux des pro­blèmes sans cesse nou­veaux, doivent avoir des idées claires sur la nature et l’am­pleur de leur charge ; il leur faut un équi­libre, une droi­ture morale, une péné­tra­tion, un sens pra­tique qui leur per­mettent d’in­ter­pré­ter rapi­de­ment et objec­ti­ve­ment les cas concrets, et une volon­té déci­dée et vigou­reuse pour agir avec promp­ti­tude et effi­ca­ci­té [50].

Participation des citoyens à la vie publique

73 – Que les citoyens puissent prendre une part active à la vie publique, c’est là un droit inhé­rent à leur digni­té de per­sonnes, encore que les moda­li­tés de cette par­ti­ci­pa­tion soient subor­don­nées au degré de matu­ri­té atteint par la com­mu­nau­té poli­tique dont ils sont membres et dans laquelle ils agissent.

74 – Cette facul­té d’in­ter­ven­tion ouvre aux êtres humains de nou­velles et vastes pos­si­bi­li­tés de ser­vice à rendre. Invités à mul­ti­plier les contacts et les échanges avec leurs admi­nis­trés, les diri­geants com­prennent mieux les exi­gences objec­tives du bien com­mun ; par ailleurs, le renou­vel­le­ment pério­dique des titu­laires des charges publiques pré­serve l’au­to­ri­té de tout vieillis­se­ment et lui pro­cure comme un regain de vita­li­té en har­mo­nie avec l’a­vance de la socié­té [51].

Signes des temps

75 – Dans l’or­ga­ni­sa­tion juri­dique des com­mu­nau­tés poli­tiques à l’é­poque moderne, on note tout d’a­bord une ten­dance à rédi­ger en des for­mules claires et concises une charte des droits fon­da­men­taux de l’homme : charte qui est sou­vent insé­rée dans les Constitutions ou en consti­tue une par­tie intégrante.

76 – En second lieu, on tend à fixer en termes juri­diques, dans ces Constitutions, le mode de dési­gna­tion des man­da­taires publics, leurs rap­ports réci­proques, le rayon de leurs com­pé­tences, et enfin les moyens et modes qu’ils sont tenus d’ob­ser­ver dans leur gestion.

77 – On éta­blit enfin, en termes de droits et de devoirs, quels sont les rap­ports entre citoyens et pou­voirs publics ; et on assigne à l’au­to­ri­té le rôle pri­mor­dial de recon­naître et de res­pec­ter les droits et les devoirs des citoyens, d’en assu­rer la conci­lia­tion réci­proque, la défense et le développement.

78 – On ne peut, certes, admettre la théo­rie selon laquelle la seule volon­té des hommes – indi­vi­dus ou groupes sociaux – serait la source unique et pre­mière d’où naî­traient droits et devoirs des citoyens, et d’où déri­ve­raient la force obli­ga­toire. des consti­tu­tions et l’au­to­ri­té des pou­voirs publics [52].

79 – Toutefois, les ten­dances que Nous venons de rele­ver le prouvent à suf­fi­sance : les hommes de notre temps ont acquis une conscience plus vive de leur digni­té ; ce qui les amène à prendre une part active aux affaires publiques et à exi­ger que les sti­pu­la­tions du droit posi­tif des États garan­tissent l’in­vio­la­bi­li­té de leurs droits per­son­nels. Ils exigent en outre que les gou­ver­nants n’ac­cèdent au pou­voir que sui­vant une pro­cé­dure défi­nie par les lois et n’exercent leur auto­ri­té que dans les limites de celles-ci.

III. Rapports entre les communautés politiques

Droits et devoirs

80 – Nous affir­mons à nou­veau l’en­sei­gne­ment maintes fois don­né par Nos pré­dé­ces­seurs : les com­mu­nau­tés poli­tiques ont, entre elles, des droits et des devoirs réci­proques : elles doivent donc har­mo­ni­ser leurs rela­tions selon la véri­té et la jus­tice, en esprit d’ac­tive soli­da­ri­té et dans la liber­té. La même loi morale qui régit la vie des hommes doit régler aus­si les rap­ports entre les États.

81 – Ce prin­cipe s’im­pose clai­re­ment quand on consi­dère que les gou­ver­nants, lors­qu’ils agissent au nom et pour l’in­té­rêt de leur com­mu­nau­té, ne peuvent en aucune façon renon­cer à leur digni­té d’homme ; dès lors, il ne leur est abso­lu­ment pas per­mis de tra­hir la loi de leur nature, qui est la loi morale.

82 – Ce serait d’ailleurs un non-​sens que le fait d’être pro­mus à la conduite de la chose publique contraigne des hommes à abdi­quer leur digni­té humaine. N’occupent-​ils pas pré­ci­sé­ment ces postes émi­nents parce que, en rai­son de qua­li­tés sin­gu­lières, on a vu en eux les membres les meilleurs du corps social ?

83 – En outre, c’est l’ordre moral qui pos­tule dans toute socié­té la pré­sence d’une auto­ri­té ; fon­dée sur cet ordre, l’au­to­ri­té ne peut être uti­li­sée contre lui sans se rui­ner elle-​même. L’Esprit-​Saint nous en aver­tit : « Ecoutez donc, rois, et com­pre­nez ! Instruisez-​vous, sou­ve­rains des terres loin­taines ! Prêtez l’oreille, vous qui com­man­dez aux peuples ! Car c’est le Seigneur qui Vous a don­né le pou­voir et le Très-​Haut la sou­ve­rai­ne­té ; c’est lui qui exa­mi­ne­ra votre conduite et scru­te­ra vos des­seins [53]. »

84 – Faut-​il enfin rap­pe­ler, en ce qui concerne les rap­ports inter­na­tio­naux, que l’au­to­ri­té doit s’exer­cer en vue du bien com­mun ? Telle est sa pre­mière rai­son d’être.

85 – Or, l’un des pre­miers impé­ra­tifs majeurs du bien com­mun concerne jus­te­ment la recon­nais­sance et le res­pect de l’ordre moral. « La bonne orga­ni­sa­tion des États trouve son assise sur le roc inébran­lable et immuable de la loi morale, mani­fes­tée par le Créateur lui-​même…, de l’ordre natu­rel, et ins­crite par lui dans le cœur des hommes en carac­tères inef­fa­çables. Comme un phare res­plen­dis­sant, elle éclaire de ses prin­cipes la route à tenir par les hommes et les peuples. Qu’ils se guident sur les signes et les aver­tis­se­ments si sûrs qu’elle leur adresse, s’ils ne veulent pas livrer à la tem­pête et au nau­frage toute la peine et l’ingéniosité dépen­sées pour éta­blir une orga­ni­sa­tion nou­velle [54]. »

Dans la vérité

86 – La véri­té doit pré­si­der aux rela­tions entre les com­mu­nau­tés poli­tiques. Cette véri­té ban­nit notam­ment toute trace de racisme ; l’é­ga­li­té natu­relle de toutes les com­mu­nau­tés poli­tiques en digni­té humaine doit être hors de conteste. Chacune a donc droit à l’exis­tence, au déve­lop­pe­ment, à la pos­ses­sion des moyens néces­saires pour le réa­li­ser, à la res­pon­sa­bi­li­té pre­mière de leur mise en œuvre. Chacune reven­di­que­ra légi­ti­me­ment son droit à la consi­dé­ra­tion et aux égards.

87 – L’expérience nous montre les dif­fé­rences sou­vent notables de savoir, de ver­tus, de capa­ci­tés intel­lec­tuelles et de res­sources maté­rielles qui dis­tinguent les hommes les uns des autres. Mais cet état de fait ne donne aux plus favo­ri­sés aucun droit d’ex­ploi­ter les plus faibles ; iI leur crée, à tous et à cha­cun, un devoir plus pres­sant de col­la­bo­rer à leur élé­va­tion réciproque.

88 – De même, cer­taines com­mu­nau­tés poli­tiques peuvent se trou­ver eu avance sur d’autres dans le domaine des sciences, de la culture, du déve­lop­pe­ment éco­no­mique. Bien loin d’au­to­ri­ser une domi­na­tion injuste sur les peuples moins favo­ri­sés, cette supé­rio­ri­té oblige à contri­buer plus lar­ge­ment au pro­grès général.

89 – Il ne peut, certes, pas exis­ter d’êtres humains supé­rieurs à d’autres par nature ; par nature, tous sont d’é­gale noblesse. Et pas davan­tage les com­mu­nau­tés, poli­tiques ne connaissent d’i­né­ga­li­té entre elles au point de vue de la digni­té natu­relle. Chacune est comme un corps dont les membres sont des hommes. D’ailleurs, l’his­toire montre que rien n’af­fecte les peuples comme ce qui touche de près ou de loin à leur hon­neur, et cette sen­si­bi­li­té est légitime.

90 – La véri­té exige encore que, dans les nom­breuses ini­tia­tives ren­dues pos­sibles par les der­nières inven­tions de la tech­nique et qui favo­risent une plus large connais­sance mutuelle entre peuples dif­fé­rents, on observe tou­jours une sereine objec­ti­vi­té. Chaque com­mu­nau­té peut assu­ré­ment mettre en relief ses richesses propres, mais il faut abso­lu­ment pros­crire les méthodes d’in­for­ma­tion qui en vio­la­tion de la véri­té, por­te­raient injus­te­ment atteinte à la répu­ta­tion de tel ou tel peuple [55].

Dans la justice

91 Les rap­ports entre les com­mu­nau­tés poli­tiques doivent se confor­mer aus­si aux règles de la jus­tice ; ceci implique la recon­nais­sance des droits mutuels et l’ac­com­plis­se­ment des devoirs correspondants.

92 – Puisque les com­mu­nau­tés poli­tiques ont droit à l’exis­tence, au pro­grès, à l’ac­qui­si­tion des res­sources néces­saires pour leur déve­lop­pe­ment à la pre­mière place dans les réa­li­sa­tions qui les concernent, à la défense de leur répu­ta­tion et de leur digni­té, on en conclu­ra qu’elles sont obli­gées, à titre égal, de sau­ve­gar­der cha­cun de ces droits et de s’in­ter­dire tout acte qui les lése­rait. Dans leurs rap­ports pri­vés, les hommes ne peuvent pour­suivre leurs inté­rêts propres au prix d’une injus­tice envers les autres ; pareille­ment, les com­mu­nau­tés poli­tiques ne peuvent légi­ti­me­ment se déve­lop­per en cau­sant un pré­ju­dice aux autres ou en exer­çant sur elle une pres­sion injuste. Il n’est pas hors de pro­pos de citer ici le mot de saint Augustin : « Une fois la jus­tice mise de côté, que deviennent les empires, sinon des bri­gan­dages en grand [56] ? »

93 – Il peut évi­dem­ment arri­ver, et de fait il arrive, que les com­mu­nau­tés poli­tiques entrent en riva­li­té d’in­té­rêts ; ces conflits ne peuvent pour­tant se régler ni par la force des armes ni par la fraude ou la trom­pe­rie, mais comme il convient à des hommes, grâce à la com­pré­hen­sion mutuelle, par une esti­ma­tion objec­tive des don­nées et moyen­nant un com­pro­mis équitable.

Le sort des minorités

94 – Depuis le XIXe siècle, s’est accen­tuée et répan­due un peu par­tout la ten­dance des com­mu­nau­tés poli­tiques à coïn­ci­der avec les com­mu­nau­tés natio­nales. Pour divers motifs ; il n’est pas tou­jours pos­sible de faire coïn­ci­der les fron­tières géo­gra­phiques et eth­niques : d’où le phé­no­mène des mino­ri­tés et les pro­blèmes si dif­fi­ciles qu’elles soulèvent.

95 – A ce pro­pos, Nous devons décla­rer de la façon la plus expli­cite que toute poli­tique ten­dant à contra­rier la vita­li­té et l’ex­pan­sion des mino­ri­tés consti­tue une faute grave contre la jus­tice, plus grave encore quand ces manœuvres visent à les faire disparaître.

96 – Par contre, rien de plus conforme à la jus­tice que l’ac­tion menée par les pou­voirs publics pour amé­lio­rer les condi­tions de vie des mino­ri­tés eth­niques, notam­ment en ce qui concerne leur langue, leur culture, leurs cou­tumes, leurs res­sources et leurs entre­prises éco­no­miques [57].

97 – On obser­ve­ra pour­tant que ces mino­ri­tés, soit par réac­tion contre la situa­tion pénible qui leur est impo­sée, soit en rai­son des vicis­si­tudes de leur pas­sé, sont assez sou­vent por­tées à exa­gé­rer l’im­por­tance de leurs par­ti­cu­la­ri­tés, au point même de les faire pas­ser avant les valeurs humaines uni­ver­selles, comme si le bien de toute la famille humaine devait être subor­don­né aux inté­rêts de leur propre nation. Il serait nor­mal, au contraire, que les inté­res­sés prennent éga­le­ment conscience des avan­tages de leur condi­tion : le contact quo­ti­dien avec des hommes dotés d’une culture ou d’une civi­li­sa­tion dif­fé­rente les enri­chit spi­ri­tuel­le­ment et intel­lec­tuel­le­ment et leur offre la pos­si­bi­li­té d’as­si­mi­ler pro­gres­si­ve­ment les valeurs propres au milieu dans lequel ils se trouvent implan­tés. Cela se réa­li­se­ra s’ils consti­tuent comme un pont qui faci­lite la cir­cu­la­tion de la vie, sous ses formes diverses, entre les dif­fé­rentes tra­di­tions ou cultures, et non pas une zone de fric­tion, cause de dom­mages sans nombre et obs­tacle à tout pro­grès et à toute évolution.

Solidarité efficace

98 – La véri­té et la jus­tice pré­si­de­ront donc aux rela­tions entre les com­mu­nau­tés poli­tiques, et celles-​ci seront ani­mées par une soli­da­ri­té effi­cace, mise en œuvre sous les mille formes de col­la­bo­ra­tion éco­no­mique, sociale, poli­tique, cultu­relle, sani­taire et spor­tive : formes pos­sibles et fécondes pour notre époque. A ce pro­pos, ne per­dons pas de vue que la mis­sion natu­relle du pou­voir poli­tique n’est pas de limi­ter aux fron­tières du pays l’ho­ri­zon des citoyens, mais de sau­ve­gar­der avant tout le bien com­mun natio­nal, lequel assu­ré­ment est insé­pa­rable du bien de toute la com­mu­nau­té humaine.

99 – Ainsi, iI ne suf­fit pas que les com­mu­nau­tés poli­tiques, dans la pour­suite de leurs inté­rêts, se gardent de se cau­ser du tort les unes aux autres. Il leur faut mettre en com­mun leurs pro­jets et leurs res­sources pour atteindre les objec­tifs qui leur seraient autre­ment inac­ces­sibles. Dans ce cas, tou­te­fois, on évi­te­ra par-​dessus tout que des arran­ge­ments avan­ta­geux pour tel ou tel groupe de com­mu­nau­tés poli­tique ne se soldent pour d’autres par des dom­mages, mais bien par des avan­tages positifs.

100 – Pour satis­faire à une autre exi­gence du bien com­mun uni­ver­sel, chaque com­mu­nau­té poli­tique doit favo­ri­ser en son sein les échanges de toute sorte, soit entre les par­ti­cu­liers, soit entre les corps inter­mé­diaires. En beau­coup de régions du monde coexistent des groupes plus ou moins dif­fé­rents sous le rap­port eth­nique ; il faut veiller à ce que les élé­ments qui carac­té­risent un groupe ne consti­tue pas une cloi­son étanche entra­vant les rela­tions entre des hommes de groupes divers. Cela déton­ne­rait bru­ta­le­ment à notre époque, où les dis­tances d’un pays à l’autre ont à peu près dis­pa­ru. On n’ou­blie­ra pas non plus que, si chaque famille eth­nique pos­sède des par­ti­cu­la­ri­tés qui forment sa richesse sin­gu­lière, les hommes ont en com­mun des élé­ments essen­tiels et sont por­tés par nature à se ren­con­trer dans le monde des valeurs spi­ri­tuelles, dont l’as­si­mi­la­tion pro­gres­sive leur per­met un déve­lop­pe­ment tou­jours plus pous­sé. Il faut donc leur recon­naître le droit et le devoir d’en­trer en com­mu­nau­té les uns avec les autres.

Équilibre entre populations, terres et capitaux

101 – Personne n’i­gnore la dis­pro­por­tion qui règne en cer­taines zones entre les ter­rains culti­vables et l’ef­fec­tif de la popu­la­tion, ou bien entre les richesses du sol et l’é­qui­pe­ment néces­saire à leur exploi­ta­tion. Cet état de choses réclame, de la part des peuples, une col­la­bo­ra­tion qui faci­lite la cir­cu­la­tion des biens, des capi­taux et des per­sonnes [58].

102 – Nous esti­mons oppor­tun que, dans toute la mesure du pos­sible, le capi­tal se déplace pour rejoindre la main-​d’œuvre et non l’in­verse. Ainsi, on per­met à des foules de tra­vailleurs d’a­mé­lio­rer leur condi­tion sans avoir à s’ex­pa­trier, démarche qui entraîne tou­jours des déchi­re­ments et des périodes dif­fi­ciles de réadap­ta­tion et d’as­si­mi­la­tion au nou­veau milieu.

Le problème des réfugiés politiques

103 – L’affection pater­nelle que Dieu Nous ins­pire envers tous les hommes Nous fait consi­dé­rer avec tris­tesse le phé­no­mène des réfu­giés poli­tiques. Ce phé­no­mène a pris d’amples pro­por­tions et cache tou­jours d’in­nom­brables et très dou­lou­reuses souffrances.

104 – Ce fait montre que cer­tains gou­ver­ne­ments restreignent à l’ex­cès la sphère de liber­té à laquelle chaque citoyen a droit et dont il a besoin pour vivre en homme ; ces régimes vont par­fois jus­qu’à contes­ter le droit même à la liber­té, quand ils ne le sup­priment pas tout à fait. Une telle spo­lia­tion consti­tue sans aucun doute un ren­ver­se­ment de l’ordre social, puisque la rai­son d’être des pou­voirs publics est de réa­li­ser le bien com­mun, dont un élé­ment fon­da­men­tal consiste à recon­naître le juste domaine de la liber­té et d’en pro­té­ger les droits.

105 – Il n’est pas super­flu de rap­pe­ler que le réfu­gié poli­tique est une per­sonne, avec sa digni­té, avec tous ses droits. Ceux-​ci doivent lui être recon­nus ; ils ne sont point caducs du fait que l’exi­lé serait, dans son pays, décla­ré déchu de ses titres civiques ou politiques.

106 – Aussi bien est-​ce un droit inhé­rent à la per­sonne humaine que la facul­té de se rendre en tel pays où on espère trou­ver des condi­tions de vie plus conve­nables pour soi et sa famille. Il incombe donc aux gou­ver­ne­ments d’ac­cueillir les immi­grants et, dans la mesure com­pa­tible avec le bien réel de leur peuple, d’en­cou­ra­ger ceux qui dési­rent s’in­té­grer à la com­mu­nau­té nationale.

107 – Nous sai­sis­sons cette occa­sion d’ex­pri­mer offi­ciel­le­ment Notre appro­ba­tion et Nos éloges pour les ini­tia­tives qui, selon les prin­cipes de la soli­da­ri­té fra­ter­nelle et de la cha­ri­té chré­tienne, tra­vaillent à allé­ger les épreuves des per­sonnes contraintes à s’expatrier.

108 – Nous pro­po­sons à l’at­ten­tion et à la gra­ti­tude de tout homme loyal les mul­tiples acti­vi­tés que déploient, dans un domaine si déli­cat, les ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales spécialisées.

Désarmement

109 – Mais par ailleurs, il Nous est dou­lou­reux de voir, dans des pays à l’é­co­no­mie plus déve­lop­pée, les arme­ments redou­tables déjà créés et d’autres tou­jours en voie de créa­tion, non sans d’é­normes dépenses d’éner­gie humaine et de res­sources maté­rielles. De là, des charges très lourdes pour les citoyens de ces pays, tan­dis que d’autres nations manquent de l’aide néces­saire à leur déve­lop­pe­ment éco­no­mique et social.

110 – On a cou­tume de jus­ti­fier les arme­ments en répé­tant que dans les conjonc­tures du moment la paix n’est assu­rée que moyen­nant l’é­qui­libre des forces armées. Alors, toute aug­men­ta­tion du poten­tiel mili­taire en quelque endroit pro­voque de la part des autres États un redou­ble­ment d’ef­forts dans le même sens. Que si une com­mu­nau­té poli­tique est équi­pée d’armes ato­miques, ce fait déter­mine les autres à se four­nir de moyens simi­laires d’une égale puis­sance de destruction.

111 – Et ain­si les popu­la­tions vivent dans une appré­hen­sion conti­nuelle et comme sous la menace d’un épou­van­table oura­gan, capable de se déchaî­ner à tout ins­tant. Et non sans rai­son, puisque l’ar­me­ment est tou­jours prêt. Qu’il y ait des hommes au monde pour prendre la res­pon­sa­bi­li­té des mas­sacres et des ruines sans nombre d’une guerre, cela peut paraître incroyable ; pour­tant, on est contraint de l’a­vouer, une sur­prise, un acci­dent suf­fi­raient à pro­vo­quer la confla­gra­tion. Mais admet­tons que la mons­truo­si­té même des effets pro­mis à l’u­sage de l’ar­me­ment moderne détourne tout le monde d’en­trer en guerre ; si on ne met pas un terme aux expé­riences nucléaires ten­tées à des fins mili­taires, elles risquent d’a­voir, on peut le craindre, des suites fatales pour la vie sur le globe.

112 – La jus­tice, la sagesse, le sens de l’hu­ma­ni­té réclament par consé­quent, qu’on arrête la course aux arme­ments ; elles réclament la réduc­tion paral­lèle et simul­ta­née de l’ar­me­ment exis­tant dans les divers pays, la pros­crip­tion de l’arme ato­mique et enfin le désar­me­ment dûment effec­tué d’un com­mun accord et accom­pa­gné de contrôles effi­caces. « Il faut empê­cher à tout prix, pro­cla­mait Pie XII, que la guerre mon­diale, avec ses ruines éco­no­miques et sociales, ses aber­ra­tions et ses désordres moraux, déferle une troi­sième fois sur l’humanité [59]. »

113 – Mais que tous en soient bien convain­cus : l’ar­rêt de l’ac­crois­se­ment du poten­tiel mili­taire, la dimi­nu­tion effec­tive des arme­ments et – à plus forte rai­son – leur sup­pres­sion, sont choses irréa­li­sables ou presque sans un désar­me­ment inté­gral qui atteigne aus­si les âmes : il faut s’employer una­ni­me­ment et sin­cè­re­ment à y faire dis­pa­raître la peur et la psy­chose de guerre. Cela sup­pose qu’à l’axiome qui veut que la paix résulte de l’é­qui­libre des arme­ments, on sub­sti­tue le prin­cipe que la vraie paix ne peut s’é­di­fier que dans la confiance mutuelle. Nous esti­mons que c’est là un but qui peut être atteint, car il est à la fois récla­mé par la rai­son, sou­ve­rai­ne­ment dési­rable, et de la plus grande utilité.

114 – D’abord il s’a­git d’un objec­tif vou­lu par la rai­son. Pour tous la chose est évi­dente ou du moins elle devrait l’être : tout comme les rap­ports entre les par­ti­cu­liers, les rela­tions inter­na­tio­nales ne peuvent se régler par la force des armes ; ce qui doit les régir, c’est la norme de la sagesse, autre­ment dit la loi de véri­té, de jus­tice, de soli­da­ri­té cor­dia­le­ment pratiquée.

115 – Objectif sou­ve­rai­ne­ment dési­rable. Qui ne vou­drait voir les risques de guerre éli­mi­nés, la paix sau­ve­gar­dée et tou­jours mieux garantie ?

116 – Enfin, rien de fécond comme un tel résul­tat. La paix rend ser­vice à tous : indi­vi­dus, familles, nations, huma­ni­té entière. Il résonne encore à nos oreilles, l’a­ver­tis­se­ment de Pie XII : « Avec la paix, rien n’est per­du ; mais tout peut l’être par la guerre [60]. »

117 – Aussi, comme Vicaire du Christ-​Jésus, Sauveur du monde et Auteur de la paix, tra­dui­sant les aspi­ra­tions les plus ardentes de la famille humaine tout entière et sui­vant l’im­pul­sion de Notre cœur, anxieux du bien de tous, Nous esti­mons de Notre devoir d’ad­ju­rer tous les hommes, et sur­tout les gou­ver­nants, de n’é­par­gner aucun effort pour impri­mer aux évé­ne­ments un cours conforme à la rai­son et à l’humanité.

118 – Que les assem­blées les plus hautes et les plus qua­li­fiées étu­dient à fond le pro­blème d’un équi­libre inter­na­tio­nal vrai­ment humain, d’un équi­libre à base de confiance réci­proque, de loyau­té dans la diplo­ma­tie, de fidé­li­té dans l’ob­ser­va­tion des trai­tés. Qu’un exa­men appro­fon­di et com­plet dégage le point à par­tir duquel se négo­cie­raient des accords amiables, durables et bénéfiques.

119 – De Notre côté, Nous implo­re­rons sans cesse les béné­dic­tions de Dieu sur ces tra­vaux, afin qu’ils créent des résul­tats positifs.

Dans la liberté

120 – L’organisation inter­na­tio­nale doit res­pec­ter la liber­té. Ce prin­cipe inter­dit aux nations toute ingé­rence dans les affaires internes des autres comme toute action oppres­sive à leur égard. A cha­cune, au contraire, de favo­ri­ser chez les autres l’é­pa­nouis­se­ment du sens des res­pon­sa­bi­li­tés, d’en­cou­ra­ger leurs bonnes ini­tia­tives et de les aider à pro­mou­voir elles-​mêmes leur déve­lop­pe­ment dans tous les secteurs.

La promotion des pays en voie de développement économique

121 – Une com­mune ori­gine, une égale Rédemption, un sem­blable des­tin unissent tous les hommes et les appellent à for­mer ensemble une unique famille chré­tienne. C’est pour­quoi Notre ency­clique Mater et Magistra a recom­man­dé aux pays mieux pour­vus l’as­sis­tance à dépar­tir sous les formes les plus variées aux nations en voie de déve­lop­pe­ment [61].

122 – Nous éprou­vons une vive satis­fac­tion à consta­ter l’ac­cueil très favo­rable fait à Notre appel. Nous espé­rons que celui-​ci trou­ve­ra encore plus d’é­cho à l’a­ve­nir et que les peuples pauvres, en amé­lio­rant leur situa­tion maté­rielle le plus vite pos­sible, par­vien­dront à un degré de déve­lop­pe­ment per­met­tant à cha­cun de mener une exis­tence plus humaine.

123 Mais, soulignons-​le avec insis­tance, l’aide appor­tée à ces peuples ne peut s’ac­com­pa­gner d’au­cun empié­te­ment sur leur indé­pen­dance. Ils doivent d’ailleurs se sen­tir les prin­ci­paux arti­sans et les pre­miers res­pon­sables de leur pro­grès éco­no­mique et social.

124 – C’est l’en­sei­gne­ment si sage de Notre pré­dé­ces­seur Pie XII : « L’organisation nou­velle fon­dée sur les prin­cipes moraux exclut toute atteinte à la liber­té, à l’in­té­gri­té ou à la sécu­ri­té des nations étran­gères, quelles que soient l’é­ten­due de leur ter­ri­toire ou leur capa­ci­té de défense. Forcément, en rai­son de la supé­rio­ri­té de leurs res­sources et de leur influence, les grandes puis­sances défi­nissent, en géné­ral, par prio­ri­té, le sta­tut des unions éco­no­miques qu’elles forment avec des nations plus petites et plus faibles. Mais à celles-​ci non moins qu’aux autres, dans le domaine de l’in­té­rêt géné­ral, on doit lais­ser leur indé­pen­dance poli­tique et la facul­té réelle de res­ter neutres lors des conflits inter­na­tio­naux confor­mé­ment aux droits de défendre leur déve­lop­pe­ment éco­no­mique propre. Moyennant ces condi­tions, elles pour­ront concou­rir au bien com­mun de l’hu­ma­ni­té et assu­rer le pro­grès maté­riel et spi­ri­tuel de leur peuple [62]. »

125 – Les com­mu­nau­tés poli­tiques éco­no­mi­que­ment déve­lop­pées, dans leur action mul­ti­forme d’as­sis­tance aux pays moins favo­ri­sés, sont tenues de recon­naître et de res­pec­ter les valeurs morales et les par­ti­cu­la­ri­tés eth­niques de ceux-​ci, et de s’in­ter­dire à leur égard le moindre cal­cul de domi­na­tion. C’est ain­si qu’elles apportent « une pré­cieuse contri­bu­tion à la for­ma­tion d’une com­mu­nau­té mon­diale, dont tous les membres, conscients de leurs obli­ga­tions comme de leurs droits, tra­vaille­raient sur un pied d’é­ga­li­té à la mise en œuvre du bien com­mun uni­ver­sel [63]. »

Signes des temps

126 – Il est une per­sua­sion qui, à notre époque, gagne de plus en plus les esprits, c’est que les éven­tuels conflits entre les peuples ne doivent pas être réglés par le recours aux armes, mais par la négociation.

127 – Il est vrai que, d’or­di­naire, cette per­sua­sion vient de la ter­ri­fiante puis­sance de des­truc­tion des armes modernes et de la crainte des cata­clysmes et des ruines épou­van­tables qu’oc­ca­sion­ne­rait l’emploi de ces armes. C’est pour­quoi il devient humai­ne­ment impos­sible de pen­ser que la guerre soit, en notre ère ato­mique, le moyen adé­quat pour obte­nir jus­tice d’une vio­la­tion de droits.

128 – Le fait est, cepen­dant, que nous voyons encore, hélas ! régner bien sou­vent sur les peuples la loi de la crainte, ce qui les conduit à consa­crer des sommes énormes aux dépenses mili­taires. Ils agissent ain­si non dans un des­sein offen­sif, affirment-​ils – et il n’y a pas de rai­son de mettre en doute leur sin­cé­ri­té, – mais pour dis­sua­der les autres de les attaquer.

129 – Néanmoins, il est per­mis d’es­pé­rer que les peuples, inten­si­fiant entre eux les rela­tions et les échanges, décou­vri­ront mieux les liens d’u­ni­té qui découlent de leur nature com­mune ; ils com­pren­dront plus par­fai­te­ment que l’un des devoirs pri­mor­diaux issus de leur com­mu­nau­té de nature, c’est de fon­der les rela­tions des hommes et des peuples sur l’a­mour et non sur la crainte. C’est, en effet, le propre de l’a­mour d’a­me­ner les hommes à une loyale col­la­bo­ra­tion, sus­cep­tible de formes mul­tiples et por­teuse d’in­nom­brables bienfaits.

IV. Rapports des individus et des communautés politiques avec la communauté mondiale

Interdépendance entre les communautés politiques

130 – Les récents pro­grès de la science et de la tech­nique ont exer­cé une pro­fonde influence sur les hommes et ont déter­mi­né chez eux, sur toute la sur­face de la terre, un mou­ve­ment ten­dant à inten­si­fier leur col­la­bo­ra­tion. et à ren­for­cer leur union. De nos jours, les échanges de biens et d’i­dées, ain­si que les mou­ve­ments de popu­la­tions se sont beau­coup déve­lop­pés. On voit se mul­ti­plier les rap­ports entre les citoyens, les familles et les corps inter­mé­diaires des divers pays, ain­si que les contacts entre les gou­ver­nants des divers États. De même la situa­tion éco­no­mique d’un pays se trouve de plus en plus dépen­dante de celle des autres pays. Les éco­no­mies natio­nales se trouvent peu à peu tel­le­ment liées ensemble qu’elles finissent par consti­tuer cha­cune une par­tie inté­grante d’une unique éco­no­mie mon­diale. Enfin, le pro­grès social, l’ordre, la sécu­ri­té et la tran­quilli­té de chaque com­mu­nau­té poli­tique sont néces­sai­re­ment soli­daires de ceux des autres [64].

131 – On voit par là qu’un pays pris iso­lé­ment n’est abso­lu­ment plus en mesure de sub­ve­nir conve­na­ble­ment à ses besoins, ni d’at­teindre son déve­lop­pe­ment nor­mal. Le pro­grès et la pros­pé­ri­té de chaque nation sont à la fois cause et effet de la pros­pé­ri­té et du pro­grès de toutes les autres.

Insuffisance de l’organisation actuelle des pouvoirs publics pour assurer le bien commun universel

132 – L’unité de la famille humaine a exis­té en tout temps, puis­qu’elle ras­semble des êtres qui sont tous égaux en digni­té natu­relle. C’est donc une néces­si­té de nature qui exi­ge­ra tou­jours qu’on tra­vaille de façon suf­fi­sante au bien com­mun uni­ver­sel, celui qui inté­resse l’en­semble de la famille humaine.

133 – Autrefois, les gou­ver­ne­ments pas­saient pour être suf­fi­sam­ment à même d’as­su­rer le bien com­mun uni­ver­sel. Ils s’ef­for­çaient d’y pour­voir par la voie des rela­tions diplo­ma­tiques nor­males ou par des ren­contres à un niveau plus éle­vé, à l’aide des ins­tru­ments juri­diques que sont les conven­tions et les trai­tés : pro­cé­dés et moyens que four­nissent le droit natu­rel, le droit des gens et le droit international.

134 – De nos jours, de pro­fonds chan­ge­ments sont inter­ve­nus dans les rap­ports entre les États. D’une part, le bien com­mun uni­ver­sel sou­lève des pro­blèmes extrê­me­ment graves, dif­fi­ciles, et qui exigent une solu­tion rapide, sur­tout quand il s’agit de la défense de la sécu­ri­té et de la paix mon­diales. D’autre part, au regard du droit, les pou­voirs publics des diverses com­mu­nau­tés poli­tiques se trouvent sur un pied d’é­ga­li­té les uns à l’é­gard des autres ; ils ont beau mul­ti­plier les Congrès et les recherches en vue d’é­ta­blir de meilleurs ins­tru­ments juri­diques, ils ne par­viennent plus à affron­ter et à résoudre effi­ca­ce­ment ces pro­blèmes. Non pas qu’eux-​mêmes manquent de bonne volon­té et d’i­ni­tia­tive, mais c’est l’au­to­ri­té dont ils sont inves­tis qui est insuffisante.

135 – Dans les condi­tions actuelles de la com­mu­nau­té humaine, l’or­ga­ni­sa­tion et le fonc­tion­ne­ment des États aus­si bien que l’au­to­ri­té confé­rée à tous les gou­ver­ne­ments ne per­mettent pas, il faut l’a­vouer, de pro­mou­voir comme il faut le bien com­mun universel.

Rapports entre l’évolution historique du bien commun et le fonctionnement des pouvoirs publics

136 – A bien y regar­der, un rap­port essen­tiel unit le bien com­mun avec la struc­ture et le fonc­tion­ne­ment des pou­voirs publics. L’ordre moral, qui pos­tule une auto­ri­té publique pour ser­vir le bien com­mun dans la socié­té civile, réclame en même temps pour cette auto­ri­té les moyens néces­saires à sa tâche. Il en résulte que les organes de l’Etat – dans les­quels l’au­to­ri­té prend corps, s’exerce et atteint sa fin – doivent avoir une forme et une effi­ca­ci­té telles qu’ils trouvent pour assu­rer le bien com­mun les voies et moyens nou­veaux, adap­tés à l’é­vo­lu­tion de la société.

137 – De nos jours, le bien com­mun uni­ver­sel pose des pro­blèmes de dimen­sions mon­diales. Ils ne peuvent être réso­lus que par une auto­ri­té publique dont le pou­voir, la consti­tu­tion et les moyens d’ac­tion prennent eux aus­si des dimen­sions mon­diales et qui puisse exer­cer son action sur toute l’é­ten­due de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-​même qui exige la consti­tu­tion d’une auto­ri­té publique de com­pé­tence universelle.

Pouvoirs publics constitués d’un commun accord et non imposés par la force

138 – Cet orga­nisme de carac­tère géné­ral, dont l’au­to­ri­té vaille au plan mon­dial et qui pos­sède les moyens effi­caces pour pro­mou­voir le bien uni­ver­sel, doit être consti­tué par un accord una­nime et non pas impo­sé par la force. La rai­son en est que l’au­to­ri­té en ques­tion doit pou­voir s’ac­quit­ter effi­ca­ce­ment de sa fonc­tion ; mais il faut aus­si qu’elle soit impar­tiale envers tous, abso­lu­ment étran­gère à l’es­prit de par­ti et atten­tive aux exi­gences objec­tives du bien com­mun uni­ver­sel. Si ce pou­voir supra­na­tio­nal ou mon­dial était ins­tau­ré de force par les nations plus puis­santes, on pour­rait craindre qu’il soit au ser­vice d’in­té­rêts par­ti­cu­liers ou bien qu’il ne prenne le par­ti de telle ou telle nation ; ce qui com­pro­met­trait la valeur et l’ef­fi­ca­ci­té de son action. En dépit des inéga­li­tés que le déve­lop­pe­ment éco­no­mique et l’ar­me­ment intro­duisent entre les com­mu­nau­tés poli­tiques, elles sont toutes très sen­sibles en matière de pari­té juri­dique et de digni­té morale. C’est la rai­son très valable pour laquelle les com­mu­nau­tés natio­nales n’ac­ceptent qu’à contre­cœur un pou­voir, qui leur serait impo­sé de force, ou aurait été consti­tué sans leur inter­ven­tion ou auquel elles ne se seraient pas libre­ment ralliées.

Le bien commun universel et les droits de la personne

139 – Pas plus que le bien com­mun d’une nation en par­ti­cu­lier, le bien com­mun uni­ver­sel ne peut être défi­ni sans réfé­rence à la per­sonne humaine. C’est pour­quoi les pou­voirs publics de la com­mu­nau­té mon­diale doivent se pro­po­ser comme objec­tif fon­da­men­tal la recon­nais­sance, le res­pect, la défense et le déve­lop­pe­ment des droits de la per­sonne humaine. Ce qui peut être obte­nu soit par son inter­ven­tion directe, s’il y a lieu, soit en créant sur le plan mon­dial les condi­tions qui per­met­tront aux gou­ver­ne­ments natio­naux de mieux rem­plir leur mission.

Le principe de subsidiarité

140 – A l’in­té­rieur de chaque pays, les rap­ports des pou­voirs publics avec les citoyens, les familles et les corps inter­mé­diaires doivent être régis et équi­li­brés par le prin­cipe de sub­si­dia­ri­té. Il est nor­mal que le même prin­cipe régisse les rap­ports de l’au­to­ri­té uni­ver­selle avec les gou­ver­ne­ments des États. Le rôle de cette auto­ri­té uni­ver­selle est d’exa­mi­ner et de résoudre les pro­blèmes que pose le bien com­mun uni­ver­sel en matière éco­no­mique, sociale, poli­tique ou cultu­relle. C’est la com­plexi­té, l’am­pleur et l’ur­gence de ces pro­blèmes qui ne per­mettent pas aux gou­ver­ne­ments natio­naux de les résoudre à souhait.

141 – Il n’ap­par­tient pas à l’au­to­ri­té de la com­mu­nau­té mon­diale de limi­ter l’ac­tion que les États exercent dans leur sphère propre, ni de se sub­sti­tuer à eux. Elle doit au contraire tâcher de sus­ci­ter dans tous les pays du monde des condi­tions qui faci­litent non seule­ment aux gou­ver­ne­ments, mais aus­si aux indi­vi­dus et aux corps inter­mé­diaires l’ac­com­plis­se­ment de leurs fonc­tions, l’ob­ser­va­tion de leurs devoirs et l’u­sage de leurs droits dans des condi­tions de plus grande sécu­ri­té [65].

Signes des temps

142 – Comme cha­cun sait, le 6 juin 1945, a été fon­dée l’Organisation des Nations Unies (O. N. U.), à laquelle sont venus se rat­ta­cher, par la suite, des orga­nismes inter­gou­ver­ne­men­taux. A ces orga­ni­sa­tions ont été confiées de vastes attri­bu­tions de por­tée inter­na­tio­nale, sur le plan éco­no­mique et social, cultu­rel, édu­ca­tif et sani­taire. Le but essen­tiel de l’Organisation des Nations Unies est de main­te­nir et de conso­li­der la paix entre les peuples, de favo­ri­ser et de déve­lop­per entre eux des rela­tions ami­cales, fon­dées sur le prin­cipe de l’é­ga­li­té, du res­pect réci­proque et de la col­la­bo­ra­tion la plus large dans tous les sec­teurs de l’ac­ti­vi­té humaine.

143 – Un des actes les plus impor­tants accom­plis par l’O. N. U. a été la Déclaration uni­ver­selle des droits de l’homme, approu­vée le 10 décembre 1948 par l’Assemblée géné­rale des Nations Unies. Son pré­am­bule pro­clame comme objec­tif com­mun à pro­mou­voir par tous les peuples et toutes les nations la recon­nais­sance et le res­pect effec­tifs de tous les droits et liber­tés énu­mé­rés dans la Déclaration.

144 – Nous n’i­gno­rons pas que cer­tains points de cette Déclaration ont sou­le­vé des objec­tions et fait l’ob­jet de réserves jus­ti­fiées. Cependant, Nous consi­dé­rons cette Déclaration comme un pas vers l’é­ta­blis­se­ment d’une orga­ni­sa­tion juridico-​politique de la com­mu­nau­té mon­diale. Cette Déclaration recon­naît solen­nel­le­ment à tous les hommes, sans excep­tion, leur digni­té de per­sonne ; elle affirme pour chaque indi­vi­du ses droits de recher­cher libre­ment la véri­té, de suivre les normes de la mora­li­té, de pra­ti­quer les devoirs de jus­tice, d’exi­ger des condi­tions de vie conformes à la digni­té humaine, ain­si que d’autres droits liés à ceux-ci.

145 – Nous dési­rons donc vive­ment que l’or­ga­ni­sa­tion des Nations Unies puisse de plus en plus adap­ter ses struc­tures et ses moyens d’ac­tion à l’é­ten­due et à la haute valeur de sa mis­sion. Puisse-​t-​il arri­ver bien­tôt, le moment où cette Organisation garan­ti­ra effi­ca­ce­ment les droits qui dérivent direc­te­ment de notre digni­té natu­relle, et qui, pour cette rai­son, sont uni­ver­sels, invio­lables et inalié­nables. Ce vœu est d’au­tant plus ardent qu’au­jourd’­hui les hommes par­ti­cipent davan­tage aux affaires publiques de leur propre pays, qu’ils témoignent d’un inté­rêt crois­sant pour les pro­blèmes de por­tée mon­diale et prennent une conscience plus vive de leur qua­li­té de membres actifs de la famille humaine universelle.

V. Directives pastorales

Devoir de participer à la vie publique

146 – Une fois de plus, Nous invi­tons Nos fils à par­ti­ci­per acti­ve­ment à la ges­tion des affaires publiques et Nous leur deman­dons de contri­buer à pro­mou­voir le bien com­mun de toute la famille humaine ain­si que de leur propre pays. Eclairés par leur foi et mus par la cha­ri­té, ils s’ef­for­ce­ront aus­si d’ob­te­nir que les ins­ti­tu­tions rela­tives à la vie éco­no­mique, sociale, cultu­relle ou poli­tique ne mettent pas d’en­trave, mais au contraire apportent une aide à l’ef­fort de per­fec­tion­ne­ment des hommes, tant au plan natu­rel qu’au plan surnaturel.

Compétence scientifique, capacité technique, qualification professionnelle

147 – Pour péné­trer de sains prin­cipes une civi­li­sa­tion et pour l’im­pré­gner d’es­prit chré­tien, Nos fils ne se conten­te­ront pas des lumières de la foi ni d’une bonne volon­té ardente à pro­mou­voir le bien. Mais il faut qu’ils soient pré­sents dans les ins­ti­tu­tions de la socié­té et qu’ils exercent du dedans une influence sur les struc­tures [66].

148 – Or, la civi­li­sa­tion moderne se carac­té­rise sur­tout par les acqui­si­tions de la science et de la tech­nique. Il n’est donc pas d’ac­tion sur les ins­ti­tu­tions sans com­pé­tence scien­ti­fique, apti­tude tech­nique et qua­li­fi­ca­tion professionnelle.

Synthèse des facteurs scientifiques, techniques, professionnels et des valeurs spirituelles dans l’action

149 – Ces qua­li­tés, tou­te­fois, ne suf­fisent nul­le­ment, il faut bien s’en rendre compte, pour impri­mer aux rap­ports de la vie quo­ti­dienne un carac­tère plei­ne­ment humain. Celui-​ci réclame la véri­té comme fon­de­ment des rela­tions, la jus­tice comme règle, l’a­mour mutuel comme moteur et la liber­té comme climat.

150 – Les hommes ne pour­ront atteindre cet objec­tif que s’ils veillent atten­ti­ve­ment aux points sui­vants : d’a­bord, dans leurs acti­vi­tés tem­po­relles, obser­ver les lois propres à chaque domaine et adop­ter ses méthodes propres ; ensuite, confor­mer leur conduite per­son­nelle aux règles de la morale, et donc se com­por­ter en sujets qui exercent leurs droits, accom­plissent leurs devoirs et s’ac­quittent d’un ser­vice. Enfin, il faut déployer son acti­vi­té comme une réponse fidèle au com­man­de­ment de Dieu, comme une col­la­bo­ra­tion à son œuvre créa­trice et comme un apport per­son­nel à la réa­li­sa­tion de son plan pro­vi­den­tiel dans l’his­toire. Ce qui exige des hommes qu’ils vivent leur action comme une syn­thèse de l’ef­fort scien­ti­fique, tech­nique et pro­fes­sion­nel avec les plus hautes valeurs spirituelles.

Harmonie entre la foi religieuse du croyant et ses activités temporelles

151 – C’est un fait bien connu : dans des pays impré­gnés depuis long­temps de la tra­di­tion chré­tienne, le pro­grès des sciences et des tech­niques est actuel­le­ment très flo­ris­sant, et les moyens aptes à réa­li­ser ce qu’on désire ne manquent pas ; mais sou­vent, l’es­prit et le ferment chré­tiens y tiennent peu de place.

152 – On s’in­ter­roge à bon droit sur les rai­sons de ce défi­cit. En effet, l’é­la­bo­ra­tion de ce sys­tème a été et reste lar­ge­ment rede­vable à des hommes qui, fai­sant pro­fes­sion de chris­tia­nisme, règlent au moins par­tiel­le­ment leur vie sur les pré­ceptes de l’Évangile. Le dom­mage tient au fait que leur action au plan tem­po­rel n’est pas en har­mo­nie avec leur foi. Il est donc néces­saire qu’ils réta­blissent leur uni­té inté­rieure de pen­sée et de dis­po­si­tions, de manière que toute leur acti­vi­té soit péné­trée par la lumière de la foi et le dyna­misme de l’amour.

Développement intégral dans l’éducation de la jeunesse

153 – Si la foi reli­gieuse des croyants est maintes fois en désac­cord avec leur manière d’a­gir, cela pro­vient encore, pensons-​Nous, du fait que leur for­ma­tion en matière de doc­trine et de morale chré­tiennes est res­tée insuf­fi­sante. Trop sou­vent, dans beau­coup de milieux, se trouve rom­pu l’é­qui­libre entre les études reli­gieuses et l’ins­truc­tion pro­fane, celle-​ci se pour­sui­vant jus­qu’au stade le plus éle­vé, tan­dis que pour la for­ma­tion reli­gieuse on reste à un degré élé­men­taire. Il faut donc abso­lu­ment à la jeu­nesse une édu­ca­tion com­plète et conti­nue, conduite de telle façon que la culture reli­gieuse et l’af­fi­ne­ment de la conscience pro­gressent du même pas que les connais­sances scien­ti­fiques et le savoir-​faire tech­nique, sans cesse en déve­lop­pe­ment. Il faut enfin pré­pa­rer les jeunes à rem­plir digne­ment les tâches qui attendent cha­cun d’entre eux.

Nécessité d’un effort constant

154 – Soulignons ici comme il est dif­fi­cile de sai­sir cor­rec­te­ment le rap­port réel des faits humains aux exi­gences de la jus­tice, autre­ment dit de défi­nir avec exac­ti­tude de quelle façon et à quel degré les prin­cipes doc­tri­naux et les direc­tives doivent trou­ver leur appli­ca­tion dans la situa­tion actuelle de la société.

155 – Difficulté accrue du fait qu’au­jourd’­hui cha­cun devant mettre son acti­vi­té au ser­vice du bien com­mun uni­ver­sel, tout subit une accé­lé­ra­tion de plus en plus mar­quée. C’est jour après jour qu’il faut exa­mi­ner com­ment sou­mettre les condi­tions sociales aux exi­gences de la jus­tice, et voi­là qui inter­dit à Nos fils de s’i­ma­gi­ner qu’il leur est per­mis de s’ar­rê­ter, contents du che­min déjà parcouru.

156 – Du reste, les hommes en géné­ral auront plu­tôt rai­son de juger insuf­fi­sant ce qu’ils ont fait jus­qu’i­ci. Ils ont à entre­prendre des réa­li­sa­tions tou­jours plus impor­tantes et plus adap­tées dans les domaines les plus divers : orga­nismes de pro­duc­tion, grou­pe­ments syn­di­caux, Unions pro­fes­sion­nelles, ser­vices de Sécurité sociale, œuvres cultu­relles, ins­ti­tu­tions juri­diques et poli­tiques, assis­tance sani­taire, acti­vi­tés spor­tives et autres semblables.

C’est là ce que dési­rent les géné­ra­tions actuelles qui, avec l’in­ves­ti­ga­tion de l’a­tome et les pre­mières incur­sions dans l’es­pace, s’ouvrent des voies tota­le­ment nou­velles aux pers­pec­tives presque infinies.

Rapports entre catholiques et non-​catholiques dans le domaine économique, social et politique

157 – Les prin­cipes que Nous venons d’ex­po­ser ici trouvent leur fon­de­ment dans les exi­gences mêmes de la nature humaine, et sont le plus sou­vent du domaine du droit natu­rel. Assez fré­quem­ment, dans la mise en œuvre de tels prin­cipes, les catho­liques col­la­borent de mul­tiples manières soit avec des chré­tiens sépa­rés de ce Siège apos­to­lique, soit avec des hommes qui vivent en dehors de toute foi chré­tienne, mais qui, gui­dés par les lumières de la rai­son, sont fidèles à la morale naturelle.

« Qu’alors les catho­liques veillent avec grand soin à res­ter consé­quents avec eux-​mêmes et à n’ad­mettre aucun com­pro­mis nui­sible à l’in­té­gri­té de la reli­gion ou de la morale. Mais aus­si qu’ils ne consi­dèrent pas leurs seuls inté­rêts et col­la­borent loya­le­ment en toute matière bonne en soi ou qui peut mener au bien [67]. »

158 – C’est jus­tice de dis­tin­guer tou­jours entre l’er­reur et ceux qui la com­mettent, même s’il s’a­git d’hommes dont les idées fausses ou l’in­suf­fi­sance des notions concernent la reli­gion ou la morale. L’homme éga­ré dans l’er­reur reste tou­jours un être humain et conserve sa digni­té de per­sonne à laqueIIe il faut tou­jours avoir égard. Jamais non plus l’être humain ne perd le pou­voir de se libé­rer de l’er­reur et de s’ou­vrir un che­min vers la véri­té. Et pour l’y aider, le secours pro­vi­den­tiel de Dieu ne lui manque jamais. Il est donc pos­sible que tel homme, aujourd’­hui pri­vé des clar­tés de la foi ou four­voyé dans l’er­reur, se trouve demain, grâce à la lumière divine, capable d’adhé­rer à la véri­té. Si en vue de réa­li­sa­tions tem­po­relles les croyants entrent en rela­tion avec des hommes que des concep­tions erro­nées empêchent de croire ou d’a­voir une foi com­plète, ces contacts peuvent être l’oc­ca­sion ou le sti­mu­lant d’un mou­ve­ment qui mène ces hommes à la vérité.

159 – De même, on ne peut iden­ti­fier de fausses théo­ries phi­lo­so­phiques sur la nature, l’o­ri­gine et la fina­li­té du monde et de l’homme, avec des mou­ve­ments his­to­riques fon­dés dans un but éco­no­mique, social, cultu­rel ou poli­tique, même si ces der­niers ont dû leur ori­gine et puisent encore leur ins­pi­ra­tion dans ces théo­ries. Une doc­trine, une fois fixée et for­mu­lée, ne change plus, tan­dis que des mou­ve­ments ayant pour objet les condi­tions concrètes et chan­geantes de la vie ne peuvent pas ne pas être lar­ge­ment influen­cées par cette évo­lu­tion. Du reste, dans la mesure où ces mou­ve­ments sont d’ac­cord avec les sains prin­cipes de la rai­son et répondent aux justes aspi­ra­tions de la per­sonne humaine, qui refu­se­rait d’y recon­naître des élé­ments posi­tifs et dignes d’approbation ?

160 – Il peut arri­ver, par consé­quent, que cer­taines ren­contres au plan des réa­li­sa­tions pra­tiques qui jus­qu’i­ci avaient paru inop­por­tunes ou sté­riles, puissent main­te­nant pré­sen­ter des avan­tages réels ou en pro­mettre pour l’a­ve­nir. Quant à juger si ce moment est arri­vé ou non, et à déter­mi­ner les moda­li­tés et l’am­pleur d’une coor­di­na­tion des efforts en matière éco­no­mique, sociale, cultu­relle ou poli­tique à des fins utiles au vrai bien de la com­mu­nau­té, ce sont là des pro­blèmes dont la solu­tion et l’am­pleur relèvent de la pru­dence, régu­la­trice de toutes les ver­tus qui ordonnent la vie indi­vi­duelle et sociale. Quand il s’a­git de catho­liques, la déci­sion à cet égard appar­tient avant tout aux hommes les plus influents sur le plan poli­tique et les plus com­pé­tents dans le domaine en ques­tion, pour­vu que, fidèles aux prin­cipes du droit natu­rel, ils suivent la doc­trine sociale de l’Église et obéissent aux direc­tives des auto­ri­tés ecclé­sias­tiques. On se sou­vien­dra, en effet, que les droits et les devoirs de l’Église ne se limitent pas à sau­ve­gar­der l’in­té­gri­té de la doc­trine concer­nant la foi ou les mœurs, mais que son auto­ri­té auprès de ses fils s’é­tend aus­si au domaine pro­fane, lors­qu’il s’a­git de juger de l’ap­pli­ca­tion de cette doc­trine aux cas concrets [68].

Agir par étapes

161 – Il ne manque pas d’hommes au cœur géné­reux qui, mis en face de situa­tions peu conformes ou contraires à la jus­tice, sont por­tés par leur zèle à entre­prendre une réforme com­plète et dont l’é­lan, brû­lant les étapes, prend alors des allures qua­si­ment révolutionnaires.

162 – Nous vou­drions leur rap­pe­ler que la pro­gres­sion est la loi de toute vie et que les ins­ti­tu­tions humaines, elles aus­si, ne peuvent être amé­lio­rées qu’à condi­tion qu’on agisse sur elles de l’in­té­rieur et de façon pro­gres­sive. C’est l’a­ver­tis­se­ment de Notre pré­dé­ces­seur Pie XII : « Ce n’est pas la révo­lu­tion, mais une évo­lu­tion har­mo­nieuse qui appor­te­ra le salut et la jus­tice. L’œuvre de la vio­lence a tou­jours consis­té à abattre, jamais à construire ; à exas­pé­rer les pas­sions, jamais à les apai­ser. Génératrice de haine et de désastre, au lieu de réunir fra­ter­nel­le­ment, elle jette hommes et par­tis dans la dure néces­si­té de recons­truire len­te­ment, après de dou­lou­reuses épreuves, sur les ruines amon­ce­lées par la dis­corde [69]. »

Tâches immenses

163 – A tous les hommes de bonne volon­té incombe aujourd’­hui une tâche immense, celle de réta­blir les rap­ports de la vie en socié­té sur les bases de la véri­té, de la jus­tice, de la cha­ri­té et de la liber­té : rap­ports des par­ti­cu­liers entre eux, rap­ports entre les citoyens et l’Etat, rap­ports des États entre eux, rap­ports enfin entre indi­vi­du et familles, corps inter­mé­diaires et États d’une part et com­mu­nau­té mon­diale d’autre part. Tâche noble entre toutes, puis­qu’elle consiste à faire régner la paix véri­table, dans l’ordre éta­bli par Dieu.

164 – Ceux qui s’y emploient sont trop peu nom­breux, certes, mais ils ont magni­fi­que­ment méri­té de la socié­té humaine, et il est juste que Nous leur décer­nions un éloge public. En même temps, nous les enga­geons à inten­si­fier leur action si bien­fai­sante. Nous osons espé­rer qu’à eux se join­dront d’autres hommes en grand nombre, tout spé­cia­le­ment des croyants, pous­sés par la cha­ri­té et la conscience du devoir. A tout croyant, il revient d’être, dans le monde d’au­jourd’­hui, comme une étin­celle lumi­neuse, un centre d’a­mour et un ferment pour toute la masse. Cela, cha­cun le sera dans la mesure de son union à Dieu.

165 – De fait, la paix ne sau­rait régner entre les hommes, si elle ne règne d’a­bord en cha­cun d’eux, c’est-​à-​dire si cha­cun n’ob­serve en lui-​même l’ordre vou­lu par Dieu. « Ton âme veut-​elle vaincre les pas­sions qui sont en elle ? », inter­roge saint Augustin. Et il répond : « Qu’elle se sou­mette à celui qui est en haut et elle vain­cra ce qui est en bas. Et tu auras la paix : la vraie paix, la paix sans équi­voque, la paix plei­ne­ment éta­blie sur l’ordre. Et quel est l’ordre propre à cette paix ? Dieu com­mande à l’âme et l’âme com­mande au corps. Rien de plus ordon­né [70]. »

Le Prince de la paix

166 – L’enseignement que Nous venons de consa­crer aux pro­blèmes qui, à l’heure actuelle, pré­oc­cupent si fort l’hu­ma­ni­té et inté­ressent immé­dia­te­ment le pro­grès de la socié­té humaine, Nous a été dic­té par une pro­fonde aspi­ra­tion que Nous savons com­mune à tous les hommes de bonne volon­té : celle de voir régner dans le monde une paix plus solide.

167 – Remplissant, mal­gré Notre indi­gni­té, la charge de Vicaire de Celui que le pro­phète a nom­mé par avance le « Prince de la paix [71] », Nous esti­mons qu’il est de Notre devoir de vouer Nos pré­oc­cu­pa­tions et Nos éner­gies à pro­mou­voir ce bien com­mun uni­ver­sel. Mais la paix n’est qu’un mot vide de sens, si elle n’est pas fon­dée sur l’ordre dont Nous avons, avec une fer­vente espé­rance, esquis­sé dans cette ency­clique les lignes essen­tielles ; ordre qui repose sur la véri­té, se construit selon la jus­tice, reçoit de la cha­ri­té sa vie et sa plé­ni­tude, et enfin s’ex­prime effi­ca­ce­ment dans la liberté.

168 – Il s’a­git là, en fait, d’une entre­prise trop sublime et trop éle­vée, pour que sa réa­li­sa­tion soit au pou­voir de l’homme lais­sé à ses seules forces, fût-​il par ailleurs ani­mé de la plus louable bonne volon­té. Pour que la socié­té humaine pré­sente avec la plus par­faite fidé­li­té l’i­mage du royaume de Dieu, le secours d’en haut est abso­lu­ment nécessaire.

169 – C’est la rai­son pour laquelle, durant ces jours saints, Notre prière monte avec plus de fer­veur vers Celui qui, par sa dou­lou­reuse pas­sion et par sa mort, a vain­cu le péché, source pre­mière de toutes les dis­cordes, détresses et inéga­li­tés, et qui, par son sang, a récon­ci­lié le genre humain avec son Père céleste. « C’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a fait qu’un peuple.- Il est venu pro­cla­mer la paix, paix pour vous qui étiez loin, et paix pour ceux qui étaient proches [72]. »

170 – Et c’est le même mes­sage que nous fait entendre la litur­gie de ces saints jours : « Jésus Notre-​Seigneur, res­sus­ci­té, se dres­sa au milieu de ses dis­ciples et leur dit : Pax vobis, alle­luia. Et les dis­ciples, ayant vu le Seigneur, furent rem­plis de joie [73]. » Le Christ nous a appor­té la paix, nous a lais­sé la paix : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne [74]. »

171 – C’est cette paix appor­tée par le Rédempteur que Nous lui deman­dons ins­tam­ment dans Nos prières. Qu’il ban­nisse des âmes ce qui peut mettre la paix en dan­ger, et qu’il trans­forme tous les hommes en témoins de véri­té, de jus­tice et d’a­mour fra­ter­nel. Qu’il éclaire ceux qui pré­sident aux des­ti­nées des peuples, afin que, tout en se pré­oc­cu­pant du légi­time bien-​être de leurs com­pa­triotes, ils assurent le main­tien de l’i­nes­ti­mable bien­fait de la paix. Que le Christ, enfin, enflamme le cœur de tous les hommes et leur fasse ren­ver­ser les bar­rières qui divisent, res­ser­rer les liens de l’a­mour mutuel, user de com­pré­hen­sion à l’é­gard d’au­trui et par­don­ner à ceux qui leur ont fait du tort. Et qu’ain­si, grâce à lui, tous les peuples de la terre forment entre eux une véri­table com­mu­nau­té fra­ter­nelle, et que par­mi eux ne cesse de fleu­rir et de régner la paix tant désirée.

172 – Pour que cette paix s’é­tende à tout le trou­peau confié à vos soins, et spé­cia­le­ment pour l’a­van­tage des classes les plus modestes, qui appellent une aide et une pro­tec­tion par­ti­cu­lières, Nous vous accor­dons de grand cœur dans le Seigneur la Bénédiction apos­to­lique, à vous-​mêmes, véné­rables Frères, aux prêtres du cler­gé sécu­lier et régu­lier, aux reli­gieux et aux reli­gieuses, et à tous les fidèles, très par­ti­cu­liè­re­ment à ceux qui répon­dront géné­reu­se­ment à Notre exhor­ta­tion. Et pour tous les hommes de bonne volon­té à qui Notre lettre s’a­dresse aus­si, Nous implo­rons du Dieu très-​haut bon­heur et prospérité.

Donné à Rome, près Saint-​Pierre, le Jeudi saint, 11 avril de l’an­née 1963, la cin­quième de Notre pontificat.

IOANNES PP. XXIII

Notes de bas de page
  1. Ps. 8, 1.[]
  2. Ps. 103, 24.[]
  3. Cf. Gen., 1, 26.[]
  4. Ps. 8, 5–6.[]
  5. Rom., 2, 15.[]
  6. Cf. Ps. 18, 8–11.[]
  7. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de. Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 9–24, et Jean XXIII, Sermon du 4 jan­vier 1963, A. A. S., LV, 1963, p. 89–91.[]
  8. Cf. Pie XI, ency­cl. Divini Redemptoris, A. A. S., XXIX, 1937, p. 78, et Pie XII, Radio mes­sage de Pentecôte, 194I, A. A. S., XXXIII, 1941, p. 195–205.[]
  9. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S. XXXV, 1943, p. 9–24.[]
  10. Divinae Institutiones, lib. IV, c. 28, 2 ; P. L., VI, 535.[]
  11. Encycl. Libertas praes­tan­tis­si­mum, Acta Leonis XIII, VIII, 1888, p. 237–238.[]
  12. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 9–24.[]
  13. Cf. Pie XI, ency­cl. Casti Connubii, A. A. S., XXII, 1930, p. 539–592, et Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942 A. A. S., XXXV, 1943, p. 9–24.[]
  14. Pie XII, Radio mes­sage de Pentecôte, 1941, A. A. S., XXXIII, 1941, p. 201.[]
  15. Cf. Léon XIII, ency­cl. Rerum Novarum., Acta Leonis XIII, XI, 1891, p. 128.129.[]
  16. Cf. Jean XXIII, ency­cl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, 1961, p. 422.[]
  17. Cf. Radio mes­sage de Pentecôte, 1941, A. A. S., XXXIII, 1941, p. 201.[]
  18. Encycl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, 1961, p. 428.[]
  19. CL ibid., p. 430.[]
  20. Cf. Léon XIII, ency­cl. Rerum Novarum, Acta Leonis XIII, XI, 1891, p. 134–142 ; Pie XI, ency­cl. Quadragesimo Anno, A. A. S., XXIII, 1931, p. 199–200, et Pie XII, ency­cl. Sertum lae­ti­tiae, A. A. S., XXXI, 1939, p. 635–644.[]
  21. Cf. A. A. S., LIII, 1961, p. 430.[]
  22. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1952, A. A. S., XLV, 1953, p. 33–46.[]
  23. Cf. Radio mes­sage de Noël, 1944, A. A. S., XXXVII, 1945, p. 12.[]
  24. Cf. Radio mes­sage de Noël, 1952, A. A. S., XXXV, 1943, p. 21.[]
  25. Eph., 4, 25.[]
  26. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 14.[]
  27. Summa Theol., Ia-​IIae, q. 19, a. 4 ; cf. a. 9.[]
  28. Rom., 13, 1–6.[]
  29. Epître aux Romains, c.13, v. 1–2, hom. XXIII, P. G. LX, 615.[]
  30. Léon XIII, ency­cl. Immortale Dei Acta Leonis XIII, V, 1885, p. 120.[]
  31. Cf. Radio mes­sage de Noël, 1944, A. A. S., XXXVII, 1945, p.15.[]
  32. Cf. Léon XIII, ency­cl. Diuturnum illud, Acta Leonis XIII, II, 188I, p. 274.[]
  33. Ci. ibid, p. 278, et Léon XIII, ency­cl. Immortale Dei, Acta Leonis XIII, V, 1885, p. 130.[]
  34. Act 5, 29.[]
  35. Summa Theol. Ia-​IIae, q. 93, a. 3, ad 2m ; cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1944, A. A. S., XXXVII, 1945, p. 5–23.[]
  36. Cf. Léon XIII, ency­cl. Diuturnum illud, Acta Leonis XIII, II, 1881, p. 271–272, et Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1944, A. A. S., XXXVII, 1945, p. 5–23.[]
  37. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p.13, et Léon XIII, ency­cl. Immortale Dei, Acta Leonis XIII, V, 1885, p. 120.[]
  38. Cf. Pie XII, ency­cl. Summi Pontificatus, A. A. S., XXXI, 1939, p. 412–453.[]
  39. Cf. Pie XI, ency­cl. Mit Brennender Sorge, A. A. S., XXIX, 1937, p. 159, et ency­cl. Divini Redemptoris, A. A. S., XXIX, 1937, p. 65–106.[]
  40. Encycl. Immortale Dei, Acta Leonis XIII, V, 1885, p. 121.[]
  41. Cf. Léon XIII, ency­cl. Rerum Novarum, Acta Leonis XIII, XI, 1891, p. 133–134.[]
  42. Cf. Pie XII, ency­cl. Summi Pontificatus, A. A. S., XXXI, 1939, p. 433.[]
  43. A. A. S., LIII, 1961, p. 19.[]
  44. Cf. Pie XI, ency­cl. Quadragesimo Anno, A. A. S., XXIII, 1931, p. 215.[]
  45. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de la Pentecôte, 1er juin 1941, A. A. S., XXXIII, 1941, p. 200.[]
  46. Cf. Pie XI, ency­cl. Mit Brennender Sorge, A. A. S., XXIX, 1937, p. 159, et ency­cl. Divini Redemptoris, A. A. S., XXIX, 1937, p. 79, et Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 9–24.[]
  47. Cf. Pie XI, ency­cl. Divini Redemptoris, A. A. S., XXIX, 1937, p. 81, et Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 9–24.[]
  48. Jean XXIII, ency­cl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, p. 415.[]
  49. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 21.[]
  50. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1944, A. A. S., XXXVII, 1945, p. l5-​16.[]
  51. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1942, A. A. S., XXXV, 1943, p. 12.[]
  52. Cf. Léon Xiii, lettre apost. Annum ingres­si, Acta Leonis XIII, XXII, 1902–1903, p. 52–80.[]
  53. Sagesse, 6, 2–4.[]
  54. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1941, A. A. S., XXXIV, 1942, p. 16.[]
  55. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1940, A. A. S., XXXIII, 1941, p. 5–14.[]
  56. De civi­tate Dei, lib. IV, c. 4 ; P. L., XLI, 115 ; cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, A. A. S., XXXII, 1940, p. 5–13.[]
  57. Cf. Pie XII, Radio mes­sage de Noël, 1941, A. A. S., XXXIV, 1942, p. 10–21.[]
  58. Cf. Jean XXIII, ency­cl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, 1961, p. 439.[]
  59. Cf. Radio mes­sage de Noël, 1941, A. A. S., XXXIV, 1942, p. 17, et Benoît XV, Exhortation aux gou­ver­nants des peuples bel­li­gé­rants, 1er ? août 1917, A. A. S., IX, 1917, p. 418.[]
  60. Cf. Radio mes­sage du 24 août 1939, A. A. S., XXXI, 1939, p. 334.[]
  61. A. A. S., L111, 1961, p. 440–441.[]
  62. Cf. Radio mes­sage de Noël, 1941, A. A. S., XXXIV, 1942, p. 16–17.[]
  63. Jean XXIII, ency­cl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, 1961, p. 443.[]
  64. Cf. Pie XII, Allocution aux jeunes de l’Action catho­lique des dio­cèses d’Italie, réunis à Rome, 12 sep­tembre 1948, A. A. S., XL, p. 412.[]
  65. Cf. Pie XII, Allocution aux jeunes de l’Action catho­lique des dio­cèses d’Italie, réunis à Rome, 12 sep­tembre 1948, A. A. S., XL, p. 412.[]
  66. Cf. Jean XXIII, ency­cl. Mater et Magistra, A. A. S., LIII, 1961, p. 454.[]
  67. Ibid., p. 456.[]
  68. Ibid., p. 456 ; cf. Léon XIII, ency­cl. Immortale Dei, Acta Leonis XIII, V, 1885, p. 128 ; Pie XI, ency­cl. Ubi Arcano, A. A. S., XIV, 1922, p. 698, et Pie XII, Allocution aux délé­gués de l’Union mon­diale des orga­ni­sa­tions fémi­nines catho­liques, réunies en Congrès à Rome, 11 sep­tembre 1947, A. A. S., XXXIX, 1947, p. 486.[]
  69. Allocution aux ouvriers des dio­cèses d’Italie, Pentecôte de 1943, A. A. S., XXXV, 1943, p. 175.[]
  70. Miscellanea Augustiniana. Saint Augustin, Sermones post Maurinos reper­ti, Rome, 1930, p. 633.[]
  71. Cf. Is., 9, 6.[]
  72. Eph. 2, 14–17.[]
  73. Répons de Matines, ven­dre­di après Pâques.[]
  74. Jean, 14, 27.[]