Donné à Rome, près de Saint Pierre, en la fête de la
Résurrection de Notre Seigneur, le 21 Avril de l’année 1957A nos Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, evêques et autres Ordinaires en paix et communion avec le Siège apostolique, ainsi qu’à tout le clergé et aux fidèles de l’univers catholique
Vénérables Frères,
Salut et Bénédiction apostolique !
Les incomparables richesses que Dieu dépose en nos âmes avec le don de la foi sont le motif d’une inépuisable gratitude. Cette foi, en effet, nous introduit dans les secrets mystères de la vie divine ; en elle reposent toutes nos espérances et elle constitue dès ici-bas le lien de la communauté chrétienne : « Il n’y a qu’un Seigneur, une foi, un baptême » (Ephésiens 4, 5). Elle est, par excellence, le don qui fait monter à nos lèvres l’hymne de la reconnaissance : « Que rendrai-je au Seigneur pour tous ses bienfaits à mon égard ? » (Psaume 115, 12). Pour ce don divin, qu’offrir au Seigneur, outre notre propre fidélité, sinon notre zèle à répandre parmi les hommes les lumières de la vérité divine ? L’esprit missionnaire qu’anime le feu de la charité est en quelque sorte la première réponse de notre gratitude envers Dieu : pour la foi que nous avons reçue de vous, voici que nous vous offrons, Seigneur, la foi de nos frères !
2. Aussi bien, considérant la foule innombrable de Nos fils qui, spécialement dans les pays d’ancienne chrétienté, bénéficient des richesses surnaturelles de la foi et, par ailleurs, la foule plus innombrable encore de ceux qui attendent toujours le message du salut, Nous voulons vous exhorter instamment, vénérables Frères, à soutenir par votre zèle la cause sacrée de l’expansion de l’Église dans le monde. Dieu veuille qu’à Notre appel l’esprit missionnaire pénètre plus profondément au cœur de tous les prêtres et, par leur ministère, enflamme tous les fidèles !
3. Ce n’est certes pas la première fois, vous le savez, que Nos prédécesseurs et Nous-même vous entretenons de ce grave sujet bien propre à nourrir la ferveur apostolique des chrétiens éveillés aux devoirs que leur crée la foi reçue de Dieu [1] . Que cette ferveur s’oriente donc vers les régions déchristianisées d’Europe et vers les vastes contrées d’Amérique du Sud, où Nous savons que les nécessités sont grandes ; qu’elle se mette au service de tant d’importantes missions d’Asie ou d’Océanie, là surtout où se livre un combat difficile ; qu’elle soutienne fraternellement ces milliers de chrétiens spécialement chers à Notre cœur, qui sont l’honneur de l’Église parce qu’ils connaissent l’évangélique béatitude de ceux « qui souffrent persécution pour la justice » (Mt 5, 10) ; qu’elle prenne en pitié la détresse spirituelle des innombrables victimes de l’athéisme moderne, des jeunes surtout qui grandissent dans l’ignorance et parfois même la haine de Dieu. Autant de tâches nécessaires, pressantes, qui exigent de tous comme un sursaut d’énergie apostolique faisant se lever « d’immenses phalanges d’apôtres, semblables à celles que connut l’Église à son aube » [2]. Mais, tout en conservant présentes à Notre pensée et à Notre prière ces tâches indispensables, en les recommandant même à votre zèle, il Nous a semblé opportun d’orienter aujourd’hui vos regards vers l’Afrique, à l’heure où celle-ci s’ouvre à la vie du monde moderne et traverse les années les plus graves peut-être de son destin millénaire.
I. La situation de l’Église en Afrique
A. – Regards sur ce continent
4. L’expansion de l’Église en Afrique au cours de ces dernières décades est pour les chrétiens un sujet de joie et de fierté. Selon l’engagement que Nous prenions, au lendemain de Notre élévation au souverain pontificat, « de n’épargner aucune fatigue pour que… la croix, dans laquelle résident le salut et la vie, étende son ombre jusqu’aux plages les plus éloignées du monde » [3]. Nous avons favorisé de tout Notre pouvoir les progrès de l’Évangile sur ce continent. Les circonscriptions ecclésiastiques s’y sont multipliées : le nombre des catholiques a considérablement augmenté et continue de s’accroître à un rythme rapide. Nous avons eu la joie surtout d’instituer en de nombreux pays, la hiérarchie ecclésiastique et d’élever déjà plusieurs prêtres africains à la plénitude du sacerdoce, conformément au « but dernier » du travail missionnaire qui est d’établir fermement et définitivement l’Église chez de nouveaux peuples [4]. Ainsi, dans la grande famille catholique, les jeunes Églises africaines prennent aujourd’hui leur place légitime, saluées d’un cœur fraternel par les diocèses plus anciens, leurs aînés dans la foi.
5. Ces résultats si réconfortants, des légions d’apôtres, prêtres, religieux et religieuses, catéchistes, collaborateurs laïcs, les ont obtenus au prix d’un labeur dont Dieu seul connaît les sacrifices cachés. A tous et à chacun d’eux va Notre reconnaissance paternelle et Nos félicitations ; là, comme partout, l’Église peut être fière de l’œuvre de ses missionnaires. Et pourtant l’ampleur de l’œuvre réalisée ne saurait faire oublier que « le travail qui reste à faire demande un immense effort et d’innombrables ouvriers » [5]. Au moment où l’instauration de la hiérarchie pourrait à tort laisser croire que l’action missionnaire est sur le point de s’achever, plus que jamais la sollicitude de toutes les Églises (cf. II Corinthiens 11, 28) du vaste continent africain angoisse Notre âme. Comment, en effet, Notre cœur ne se serrerait-il pas quand, de ce Siège apostolique, Nous considérons les graves problèmes qu’y posent l’extension et l’approfondissement de la vie chrétienne, quand Nous comparons à l’ampleur et à l’urgence des tâches à accomplir le nombre infime des ouvriers apostoliques et leur manque de ressources ? C’est cette souffrance que Nous vous confions, vénérables Frères, et Nous aimons à penser que la promptitude et la générosité de votre réponse feront luire à nouveau l’espérance au cœur de tant de valeureux apôtres.
6. Les conditions générales dans lesquelles doit se poursuivre en Afrique le travail de l’Église vous sont connues. Elles sont difficiles. La plupart des territoires traversent une phase d’évolution sociale, économique et politique, qui est de grande conséquence pour leur avenir, et il faut bien reconnaître que les nombreuses incidences de la vie internationale sur les situations locales ne permettent pas toujours aux hommes les plus sages d’en conduire les habitants à ces progrès d’une vie plus affinée que demande la vraie prospérité des populations.
L’Église qui, au cours des siècles, vit déjà naître et grandir tant de nations, ne peut qu’être particulièrement attentive aujourd’hui à l’accession de nouveaux peuples aux responsabilités de la liberté politique. Plusieurs fois déjà Nous avons invité les nations intéressées à procéder dans cette voie selon un esprit de paix et de compréhension réciproque.
C’est pourquoi, à considérer la situation présente, Nous disions aux uns « Qu’une liberté politique légitime et de plus en plus étendue ne soit pas refusée à ces peuples et qu’on n’y mette pas obstacle » et Nous avertissions les autres de « reconnaître à l’Europe le mérite de leur avancement ; sans son influence, étendue à tous les domaines, ils pourraient être entrainés par un nationalisme aveugle à se jeter, dans le chaos ou dans l’esclavage » [6]. En renouvelant ici cette double exhortation, Nous formons des vœux pour que se poursuive en Afrique une œuvre de collaboration constructive, dégagée de préjugés et de susceptibilités réciproques, préservée des séductions et des étroitesses du faux nationalisme, et capable d’étendre à ces populations, riches de ressources et d’avenir, les vraies valeurs de civilisation chrétienne qui ont déjà porté tant de bons fruits en d’autres continents.
7. Nous savons malheureusement que le matérialisme athée a répandu en bien des contrées d’Afrique son virus de division, attisant les passions, dressant les uns contre les autres peuples et races, prenant appui sur des difficultés réelles pour séduire les esprits par de faciles mirages ou semer la révolte dans les cœurs. Dans Notre sollicitude pour un authentique progrès humain et chrétien des populations africaines, Nous tenons à renouveler ici à leur intention les graves et solennels avertissements que Nous avons déjà maintes fois adressés sur ce point aux catholiques du monde entier. Nous félicitons leurs pasteurs d’avoir déjà, en plusieurs circonstances, dénoncé fermement à leurs ouailles le péril que leur font courir ces faux bergers.
8. Mais tandis que les ennemis du nom de Dieu déploient sur ce continent leurs efforts insidieux ou violents, il faut encore déplorer de graves obstacles qui contrarient en certaines régions les progrès de l’évangélisation. Vous savez notamment l’attrait facile qu’exerce sur l’esprit d’un grand nombre une conception religieuse de la vie qui, tout en se réclamant hautement de la divinité, engage néanmoins ses adeptes dans une voie qui n’est pas celle de Jésus-Christ, unique Sauveur de tous les peuples. Notre cœur de père demeure ouvert à tous les hommes de bonne volonté, mais, Vicaire de celui qui est la voie, la vérité et la vie, Nous ne pouvons pas considérer sans vive douleur un tel état de choses. Les causes d’ailleurs en sont multiples ; elles tiennent souvent à l’histoire récente, et l’attitude de nations qui s’honorent pourtant de leur passé chrétien n’y fut pas toujours étrangère. Il y a là, pour l’avenir catholique de l’Afrique, un motif de sérieuses préoccupations. Et pareillement, que tous les fils de l’Église se convainquent d’être liés par l’obligation d’apporter sans retard une aide plus efficace aux hérauts de l’Évangile qui prêchent la vérité qui sauve aux quelques 85 millions d’africains de race noire encore attachés aux croyances païennes !
9. Ces considérations, au surplus, sont aggravées par une précipitation générale des évènements dont les évêques et les élites catholiques d’Afrique ont une vive conscience. Au moment où se cherchent des structures nouvelles et où certains peuples risquent de s’abandonner aux prestiges les plus fallacieux de la civilisation technique, l’Église a le devoir de leur offrir, dans toute la mesure du possible, les substantielles richesses de sa doctrine et de sa vie, animatrices d’un ordre social chrétien. Tout retard serait lourd de conséquences. Les Africains, qui parcourent en quelques décades les étapes d’une évolution que l’Occident a mis plusieurs siècles à accomplir, sont plus facilement ébranlés et séduits par l’enseignement scientifique et technique, qui leur est dispensé, comme aussi par les influences matérialisantes qu’ils subissent. Des situations difficilement réparables peuvent de ce fait se créer ici ou là et nuire par la suite à la pénétration du catholicisme dans les âmes et dans les sociétés. Il faut, dès aujourd’hui, donner aux pasteurs des possibilités d’action proportionnées à l’importance et à l’urgence de la conjoncture actuelle.
B. – Les conditions présentes de l’évangélisation
10. Or, à de rares exceptions près, ces possibilités d’action missionnaire sont encore sans proportion avec l’œuvre à accomplir ; et, si cette pénurie n’est, hélas !, pas propre à l’Afrique, elle y est néanmoins très vivement ressentie en raison des circonstances. Il ne Nous paraît pas inutile, vénérables Frères, de vous donner sur ce point quelques précisions.
11. Dans les missions récentes, par exemple, fondées parfois il y a quelque dix années à peine, on ne peut espérer avant longtemps une aide notable du clergé local, et les trop rares missionnaires répartis sur d’immenses territoires, où travaillent d’ailleurs d’autres confessions non catholiques, ne peuvent plus répondre à tous les appels. Ici, 40 prêtres pour près d’un million d’âmes, dont 25.000 seulement sont converties. Là, ce sont 50 prêtres pour une population de 2 millions d’habitants, où déjà 60.000 fidèles suffiraient à absorber le temps des apôtres. A lire de tels chiffres, un cœur chrétien ne peut rester insensible. Vingt prêtres de plus dans telle région permettraient aujourd’hui d’y planter la croix alors que demain cette terre, travaillée par d’autres ouvriers que ceux du Seigneur, sera peut-être devenue imperméable à la vraie foi. Et d’ailleurs, il ne suffit pas d’annoncer l’Évangile : dans la conjoncture sociale et politique que traverse l’Afrique, il faut très tôt former une élite chrétienne au sein d’un peuple encore néophyte. Mais dans quelle proportion ne faudrait-il pas alors multiplier le nombre des missionnaires pour leur permettre d’accomplir ce travail d’éducation personnelle des consciences ? Une telle pénurie d’hommes au surplus se double presque toujours d’un manque de ressources qui confine parfois au dénuement. Qui donnera à ces missions nouvelles, situées en général dans des régions pauvres, mais importantes pour l’avenir de l’évangélisation, l’aide généreuse dont elles ont un pressant besoin ? Le missionnaire souffre d’être aussi démuni de moyens devant de telles tâches : il ne demande pas qu’on l’admire, mais bien plutôt qu’on l’aide à fonder l’Église là où il est encore possible de le faire.
12. Dans des missions plus anciennes, où la proportion déjà considérable des catholiques et leur ferveur sont pour Notre cœur un motif de joie, les conditions de l’apostolat, pour être différentes, n’en sont pas moins préoccupantes. Là aussi le manque de prêtres se fait cruellement sentir. Ces diocèses ou vicariats apostoliques doivent, en effet, développer sans retard les Œuvres indispensables à l’expansion et au rayonnement du catholicisme, il faut fonder des collèges et répandre l’enseignement chrétien à ses différents degrés ; il faut créer des organismes d’action sociale qui animent le travail des élites chrétiennes au service de la cité ; il faut multiplier sous toutes ses formes la presse catholique et se préoccuper des techniques modernes de diffusion et de culture, car on sait l’importance, de nos jours, d’une opinion publique formée et éclairée : il faut surtout donner un essor croissant à l’Action catholique et satisfaire les besoins religieux et culturels d’une génération qui risquerait, faute d’aliments suffisants, d’aller chercher hors de l’Église sa nourriture. Or, pour faire face à ces tâches multiples, les pasteurs ont besoin non seulement de ressources accrues, mais aussi et surtout, de collaborateurs préparés à ces ministères plus différenciés et, à ce titre, plus difficiles. De tels apôtres ne peuvent s’improviser ; souvent ils font défaut, et pourtant la tâche est urgente si l’on ne veut pas perdre la confiance d’une élite qui monte. Nous disons ici toute Notre gratitude aux congrégations religieuses, aux prêtres et aux militants laïcs qui, comprenant la gravité de l’heure, se sont portés, spontanément parfois, à la rencontre de ces besoins. De telles initiatives ont déjà porté des fruits et, unies au dévouement de tous, elles permettent de grands espoirs mais Nous devons à la vérité de dire que le travail en ce domaine reste immense.
Il n’est pas jusqu’au progrès même des missions qui ne pose à l’Église, en certains territoires, une difficulté nouvelle car le succès de l’évangélisation appelle un accroissement proportionné du nombre des apôtres, sous peine de compromettre cette avance magnifique. Or, les congrégations missionnaires sont sollicitées de toutes parts et leur recrutement insuffisant ne leur permet pas de répondre à tant de demandes simultanées. Sachez, vénérables Frères, que la proportion du nombre des prêtres par rapport à celui des fidèles diminue en Afrique. Certes, le clergé africain augmente, mais ce n’est pas avant bien des années qu’il pourra, dans ses propres diocèses, remplir pleinement sa place, toujours aidé d’ailleurs par ceux qui furent ses maîtres dans la foi. Dans l’immédiat, ces jeunes chrétientés d’Afrique ne peuvent pas, avec leurs ressources actuelles, suffire à la tâche dans la période décisive qu’elles traversent. Les difficultés d’une semblable situation éveilleront-elles enfin à leur devoir missionnaire tant de Nos fils, qui ne remercient pas assez Dieu du don de la foi reçue dans leur famille chrétienne et des moyens de salut qui leur sont offerts comme à la portée de la main ?
II. Le concours de toute l’Église
14. Ces conditions d’apostolat, que Nous venons de vous décrire à grands traits, vénérables Frères, font clairement ressortir qu’il ne s’agit plus en Afrique d’un de ces problèmes restreints et localisés qu’on aurait le loisir de résoudre progressivement et indépendamment de la vie générale de la chrétienté : Si autrefois « la vie de l’Église, sous son aspect visible, déployait sa vigueur de préférence dans les pays de la vieille Europe, d’où elle se répandait… vers ce qu’on pouvait appeler la périphérie du monde ; aujourd’hui, elle se présente au contraire comme un échange de vie et d’énergie entre tous les membres du Corps mystique du Christ sur la terre » [7]. Les retentissements de la situation catholique en Afrique débordent largement les frontières de ce continent, et c’est de toute l’Église que, sous l’impulsion de ce Siège apostolique, doit venir la réponse fraternelle à tant de besoins.
Recours du Pape aux évêques solidairement responsables
15. Ce n’est donc pas en vain qu’à une heure importante de l’expansion de l’Église, Nous Nous tournons vers vous, vénérables Frères. « Que si, dans notre organisme mortel, lorsqu’un membre souffre, tous les autres souffrent avec lui (cf. I Corinthiens 12, 26), les membres sains prêtant leur secours aux malades, de même dans l’Église chaque membre ne vit pas uniquement pour lui, mais il assiste aussi les autres et tous s’aident réciproquement pour leur mutuelle consolation aussi bien que pour un meilleur développement de tout le corps » [8]. Or, les évêques ne sont-ils pas, en vérité, « les membres les plus éminents de l’Église universelle, ceux qui sont reliés à la tête divine de tout le corps par un lien tout particulier et sont de ce fait justement appelés “les premiers membres du Seigneur” » [9]. N’est-ce pas d’eux plus que de tout autre qu’il faut dire que le Christ, Tête du Corps mystique, « requiert le secours de ses membres : tout d’abord parce que le Souverain Pontife tient la place de Jésus-Christ et qu’il doit, pour ne pas être écrasé par sa charge pastorale, appeler un bon nombre à prendre une part de ses soucis » ? [10]
16. Unis par un lien plus étroit tant au Christ qu’à son Vicaire, vous aimerez, vénérables Frères, prendre votre part, dans un esprit de vive charité, de cette sollicitude de toutes les Églises qui pèse sur Nos épaules (cf. II Corinthiens 11, 28). Vous aimerez, vous que presse la charité du Christ (cf. II Corinthiens 5, 14), ressentir profondément avec Nous l’impérieux devoir de propager l’Évangile et de fonder l’Église dans le monde entier ; vous aimerez répandre parmi votre clergé et votre peuple un esprit de prière et d’entraide élargi aux dimensions du Cœur du Christ. « Si tu veux aimer le Christ, disait saint Augustin, étends la charité par toute la terre, car les membres du Christ sont sur la terre entière » [11].
17. Sans doute est-ce au seul Apôtre Pierre et à ses successeurs, les pontifes romains, que Jésus confia la totalité de son troupeau : « Pais mes agneaux, pais mes brebis » (Jean 21, 16–18) ; mais si chaque évêque n’est pasteur propre que de la portion du troupeau confiée à ses soins, sa qualité de légitime successeur des Apôtres par institution divine le rend solidairement responsable de la mission apostolique de l’Église, selon la parole du Christ à ses Apôtres : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20, 21). Cette mission, qui doit embrasser toutes les nations et tous les temps (cf. Mt 28, 19–20), n’a pas cessé à la mort des Apôtres ; elle dure en la personne de tous les évêques en communion avec le Vicaire de Jésus-Christ.
En eux, qui sont par excellence les envoyés, les missionnaires du Seigneur, réside dans sa plénitude « la dignité de l’apostolat, qui est la première dans l’Église », comme l’atteste saint Thomas d’Aquin [12]. Et c’est de leur cœur que ce feu apostolique, apporté par Jésus sur la terre, doit se communiquer au cœur de tous Nos fils et y susciter une ardeur nouvelle pour l’action missionnaire de l’Église dans le monde.
Pas de vie chrétienne sans esprit missionnaire
18. Cette ouverture aux besoins universels de l’Église n’est-elle pas, au surplus, la plus propre à manifester de façon vivante et vraie la catholicité de l’Église ? « L’esprit missionnaire et l’esprit catholique, disions-Nous naguère, sont une seule et même chose. La catholicité est une note essentielle de la vraie Église : au point qu’un chrétien n’est pas vraiment attaché et dévoué à l’Église s’il n’est pas également attaché et dévoué à son universalité, désirant qu’elle s’implante et qu’elle fleurisse en tous lieux de la terre » [13]. Rien donc n’est plus étranger à l’Église de Jésus-Christ que la division ; rien n’est plus nocif à sa vie que l’isolement, le repli sur soi et toutes les formes d’égoïsme collectif qui font se refermer sur elle-même une communauté chrétienne particulière, quelle qu’elle soit. « Mère de toutes les nations et de tous les peuples, non moins que de tous les individus », l’Église, Sancta Mater Ecclesia, « n’est et ne peut être étrangère en aucun lieu ; elle vit, ou du moins par sa nature elle doit vivre dans tous les peuples » [14]. Inversement, pourrions-Nous dire, rien de ce qui touche à l’Église, notre mère, n’est et ne peut être étranger à un chrétien : de même que sa foi est la foi de toute l’Église, que sa vie surnaturelle est la vie de toute l’Église, ainsi les joies et les angoisses de l’Église seront ses joies et ses angoisses, les perspectives universelles de l’Église seront les perspectives normales de la vie chrétienne ; spontanément alors, les appels des pontifes romains pour les grandes tâches apostoliques à travers le monde retentiront en son cœur pleinement catholique, comme les appels les plus chers, les plus graves et les plus pressants [15].
III. Le triple appel du devoir missionnaire
19. Missionnaire depuis ses origines, la Sainte Église n’a cessé, pour accomplir l’œuvre à laquelle elle ne saurait faillir, de lancer à ses fils un triple appel : à la prière, à la générosité et, pour certains, au don d’eux-mêmes. Aujourd’hui encore les missions, notamment celles d’Afrique, attendent du monde catholique cette triple assistance.
A. La prière pour les Missions
20. Aussi, vénérables Frères, désirons-Nous en premier lieu qu’à cette intention l’on prie davantage et avec une ferveur plus éclairée. Il est de votre devoir d’entretenir parmi vos prêtres et vos fidèles une supplication incessante et instante pour une cause si sainte, de nourrir cette prière par un enseignement approprié et des informations régulières sur la vie de l’Église, de la stimuler enfin en certaines périodes de l’année liturgique plus propres à évoquer le devoir missionnaire des chrétiens. Nous pensons notamment au temps de l’Avent, qui est celui de l’attente de l’humanité et des préparations providentielles du salut, à la fête de l’Epiphanie qui manifeste ce salut au monde, et à celle de la Pentecôte, qui célèbre la fon¬dation de l’Église au souffle de l’Esprit Saint.
21. Mais la forme la plus excellente de prière n’est-elle pas celle que le Christ, Souverain Prêtre, adresse lui-même au Père sur les autels où il renouvelle son sacrifice rédempteur ? Multiplions, en ces années peut-être décisives pour l’avenir du catholicisme en de nombreux pays, les messes célébrées aux intentions des missions : ces intentions sont celles mêmes du Seigneur, qui aime son Église et la voudrait répandue et florissante en tous lieux de la terre. Sans contester en rien la légitimité des demandes particulières des fidèles, il convient de rappeler à ceux-ci les intentions primordiales qui sont indissolublement liées à l’acte même du sacrifice eucharistique et se trouvent inscrites au canon de la messe latine : « Tout d’abord… pour votre sainte Église catholique : daignez à travers le monde entier lui donner la paix, la protéger, la rassembler dans l’unité et la gouverner ». Ces perspectives supérieures seront d’ailleurs mieux comprises si l’on garde présent à l’esprit, selon l’enseignement de Notre encyclique Mediator Dei, que toute messe célébrée est essentiellement un acte d’Église, car « le ministre de l’autel y représente le Christ en tant que Chef offrant au nom de tous ses membres » [16] ; c’est donc l’Église tout entière qui, par le Christ, présente au Père l’offrande sainte « pour le salut du monde entier ». Comment dès lors la prière des fidèles ne s’y élèverait-elle pas, en union avec le Pape, les évêques et toute l’Église, pour implorer de Dieu une nouvelle effusion de l’Esprit Saint, grâce à laquelle « le monde entier, débordant de joie, chante par toute la terre sa jubilation » (préface de la Pentecôte).
22. Priez donc, vénérables Frères et chers Fils, priez davantage. Souvenez-vous des immenses besoins spirituels de tant de peuples encore si éloignés de la vraie foi ou si démunis de secours pour y persévérer. Tournez-vous vers le Père céleste et, avec Jésus, répétez la prière qui fut celle des premiers Apôtres et demeure celle des ouvriers apostoliques de tous les temps : « Que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». C’est pour l’honneur de Dieu et l’éclat de sa gloire que nous voulons que son règne de justice, d’amour et de paix soit enfin instauré en tous lieux. Ce zèle de la gloire de Dieu, dans un cœur brûlant d’amour pour ses frères, n’est-il pas par excellence le zèle missionnaire ? L’apôtre est d’abord le héraut de Dieu.
B. – La générosité
23. Mais quelle serait la sincérité d’une prière pour l’Église missionnaire, si elle ne s’accompagnait, à la mesure des possibilités de chacun, d’un geste de générosité ? Certes, Nous savons plus que quiconque l’inépuisable charité de Nos fils, Nous qui en recevons sans cesse d’émouvants et multiples témoignages. Nous savons que c’est grâce à leur générosité que furent réalisés les étonnants progrès de l’évangélisation depuis le début de ce siècle. Nous remercions ici tous Nos chers fils et chères filles qui se dévouent au service des missions dans des œuvres multiples, inspirées par une charité industrieuse. Et Nous voulons rendre un spécial hommage à ceux qui, dans les Œuvres Pontificales Missionnaires, se consacrent à la tâche, parfois ingrate mais combien noble, de tendre la main au nom de l’Église en faveur des jeunes chrétientés qui sont sa fierté et son espoir. De grand cœur Nous les félicitons, comme aussi Nous disons Notre gratitude à tous les membres de la Sacrée Congrégation de la Propagande qui, sous la conduite de Notre cher fils le cardinal préfet, assument l’importante fonction de servir les progrès de l’Église dans de vastes continents.
24. Néanmoins, Notre charge apostolique Nous fait un devoir, vénérables Frères, de vous dire que ces dons, recueillis avec tant de reconnaissance, sont hélas ! loin de suffire aux besoins croissants de l’apostolat missionnaire. Constamment, Nous recevons les appels angoissés de pasteurs qui voient le bien à faire, le mal à conjurer d’urgence, l’édifice indispensable à construire, l’œuvre à fonder. Grande est Notre souffrance de ne pouvoir donner à ces requêtes si légitimes qu’une réponse partielle et insuffisante. Ainsi en est-il, par exemple, de l’Œuvre Pontificale de Saint-Pierre Apôtre : les subsides qu’elle distribue aux séminaires des pays de mission sont considérables, mais les vocations y sont, grâce à Dieu, chaque année plus nombreuses et exigeraient des fonds plus importants encore. Faudra-t-il donc restreindre ces vocations providentielles à la mesure des sommes disponibles ? Faudra‑t¬il, faute d’argent, fermer les portes du séminaire à des jeunes pleins de générosité et d’espoir, comme on y fut, dit-on, parfois contraint ? Non, Nous ne voulons pas croire que le monde chrétien, mis en face de ses responsabilités, ne fera pas l’effort exceptionnel qui s’impose pour satisfaire à de telles nécessités.
25. Nous n’ignorons pas la dureté des temps actuels et les difficultés des diocèses anciens d’Europe ou d’Amérique. Mais, si l’on citait des chiffres, il apparaitrait vite que la pauvreté des uns est une relative aisance auprès du dénuement des autres ! Vaine comparaison, d’ailleurs, car il s’agit moins ici d’établir des budgets que d’exhorter tous les fidèles, ainsi que Nous le faisions déjà en une solennelle circonstance, « à s’enrôler sous le signe du renoncement chrétien et du don de soi, qui va au-delà de ce qui est prescrit et fait mener le bon combat généreusement, à chacun selon ses forces, selon l’appel de la grâce et sa propre condition… Ce qu’on retranchera à la vanité, ajoutions-Nous, on le donnera à la charité, on le donnera miséricordieusement à l’Église et aux pauvres » [17]. Avec l’argent qu’un chrétien dépense parfois pour des loisirs fugitifs, que ne ferait pas tel missionnaire, paralysé dans son apostolat faute de ressources ! Que chaque fidèle, chaque famille, chaque communauté chrétienne s’interroge sur ce point. Vous souvenant de « la générosité de Jésus-Christ Notre-Seigneur qui, de riche, s’est fait pauvre pour vous afin de vous enrichir par sa pauvreté » (II Corinthiens 8, 9), donnez de votre superflu, parfois même de votre nécessaire. De votre libéralité dépend l’essor de l’apostolat missionnaire. La face du monde pourrait être renouvelée par une victoire de la charité.
C. Les vocations missionnaires
26. L’Église en Afrique comme dans les autres territoires de mission, manque d’apôtres. Et c’est pourquoi Nous Nous tournons à nouveau vers vous, vénérables Frères, pour vous demander de favoriser de toutes manières le recrutement des vocations missionnaires : prêtres, religieux, religieuses.
27. Il vous appartient, en premier lieu, de développer parmi vos fidèles, ainsi que Nous le disions plus haut, un état d’esprit, une ouverture d’âme qui les rendent plus sensibles aux préoccupations universelles de l’Église et plus aptes à entendre l’antique appel du Seigneur, renouvelé d’âge en âge : « Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père, et va dans le pays que je te montrerai ! » (Genèse 12, 1). Une génération formée à ces perspectives vraiment catholiques tant dans la famille qu’à l’école, à la paroisse, dans l’Action catholique et les œuvres de piété, une telle génération donnera à l’Église les apôtres dont elle a besoin pour annoncer l’Évangile à tous les peuples. Ce souffle missionnaire, au surplus, en animant l’ensemble de vos diocèses, sera pour eux un gage de renouveau spirituel. Une communauté chrétienne qui donne ses fils et ses filles à l’Église ne saurait mourir. Et, s’il est vrai que la vie surnaturelle est une vie de charité et qu’elle s’accroît par le don d’elle-même, on peut affirmer que la vitalité catholique d’une nation se mesure aux sacrifices qu’elle consent pour la cause missionnaire.
28. Il ne suffit pas de créer une atmosphère favorable à cette cause ; il faut faire plus. Il existe, grâce à Dieu, de nombreux diocèses assez largement pourvus en prêtres pour consentir, sans risques pour eux-mêmes, le sacrifice de quelques vocations. C’est à eux surtout que Nous Nous adressons avec une paternelle insistance : donnez selon vos moyens… (cf. Luc 11, 41). Mais Nous songeons également à ceux de Nos frères dans l’épiscopat qu’angoisse une cruelle raréfaction des vocations sacerdotales et religieuses, et qui ne peuvent déjà suffire aux nécessités spirituelles de leurs propres ouailles. Nous faisons Nôtres leurs souffrances de pasteurs, et volontiers Nous leur dirions comme saint Paul aux Corinthiens : « Il ne s’agit pas, pour soulager autrui, de vous réduire à la gêne ; ce qu’il faut, c’est l’égalité » (II Corinthiens 8, 13). Que ces diocèses éprouvés ne se ferment cependant pas à l’appel des missions lointaines. L’obole de la veuve fut citée en exemple par le Seigneur, et la générosité d’un diocèse pauvre envers de plus pauvres que lui ne saurait l’appauvrir. Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité.
29. Pour résoudre efficacement les problèmes complexes du recrutement missionnaire, les efforts isolés ne peuvent toutefois suffire. Ne manquez donc point, vénérables Frères, de les évoquer lors de vos assemblées et dans le cadre des organisations nationales, là où elles existent ; il sera plus facile à ce niveau de mettre en œuvre les moyens d’action les mieux adaptés à l’éveil des vocations missionnaires, et ensemble vous porterez plus aisément les responsabilités qui vous lient solidairement au service des intérêts généraux de l’Église. Favorisez largement dans vos diocèses l’Union Missionnaire du Clergé, si souvent recommandée par Nos prédécesseurs et par Nous-même. Nous venons de l’élever à la dignité d’Œuvre Pontificale en sorte que nul ne puisse douter de l’estime que Nous lui accordons et du prix que Nous attachons à son déve¬loppement. Enfin, qu’une étroite coordination des efforts, facteur indispensable de succès, s’établisse partout entre les pasteurs d’âmes et ceux qui servent plus immédiatement les missions, Nous pensons ici notamment aux présidents nationaux des Œuvres Pontificales Missionnaires dont vous faciliterez le travail en soutenant de votre autorité et de votre zèle les Directions diocésaines. Nous pensons aussi aux supérieurs des si méritantes congrégations auxquelles le Saint-Siège ne cesse de faire appel pour répondre aux besoins les plus urgents des missions et qui ne peuvent accroître leur recrutement qu’avec la bienveillante compréhension des Ordinaires locaux. Étudiez d’un commun accord la meilleure façon de concilier les intérêts valables des uns et des autres ; si ces intérêts semblent parfois diverger momentanément, n’est-ce pas qu’on cesse de les considérer avec assez de foi dans les perspectives surnaturelles de l’unité et de la catholicité de l’Église ?
30. Dans le même esprit de collaboration fraternelle et désintéressée, vous aurez à cœur, vénérables Frères, de veiller à l’assistance spirituelle des jeunes Africains et Asiatiques que la poursuite de leurs études amène à séjourner temporairement dans vos diocèses [18]. Privés des cadres sociaux naturels de leurs pays d’origine, ils restent souvent, et pour divers motifs, sans contacts suffisants avec les milieux catholiques des nations qui les accueillent. Leur vie chrétienne, de ce fait, peut se trouver en péril, car les vraies valeurs de la civilisation nouvelle qu’ils découvrent leur demeurent encore cachées, alors que, déjà, des influences matérialisantes s’exercent fortement sur eux et que des associations athées s’efforcent de gagner leur confiance. L’importance de cet état de choses pour le présent et pour l’avenir ne saurait vous échapper. Aussi, répondant aux préoccupations des évêques de mission, n’hésiterez-vous pas à consacrer à cet apostolat quelques prêtres expérimentés et dévoués de vos diocèses.
31. Une autre forme d’entraide, plus onéreuse sans doute, est pourtant pratiquée par plusieurs évêques qui autorisent certains de leurs prêtres, fût-ce au prix de quelques sacrifices, à partir se mettre pour une durée limitée à la disposition des Ordinaires d’Afrique. Ce faisant, ils rendent à ceux-ci un service irremplaçable tant pour assurer l’implantation, sage et discrète, des formes nouvelles et plus spécialisées du ministère sacerdotal que pour suppléer le clergé de ces diocèses dans les tâches d’enseignement ecclésiastique et profane auxquelles il ne peut plus suffire. Nous encourageons volontiers ces initiatives généreuses et opportunes ; préparées et réalisées avec prudence, elles peuvent apporter une solution précieuse dans une période difficile, mais pleine d’espérance, du catholicisme africain.
32. L’aide aux diocèses missionnaires revêt enfin, de nos jours, une forme qui réjouit Notre cœur et que Nous voulons signaler en terminant. C’est le rôle efficace que des militants laïcs, agissant le plus souvent dans le cadre de mouvements catholiques nationaux ou internationaux, acceptent de jouer au service des jeunes chrétientés. Leur coopération exige dévouement, modestie et prudence, mais de quel prix n’est pas l’aide ainsi apportée à ces diocèses affrontés à des tâches apostoliques nouvelles et urgentes ! En pleine soumission à l’évêque du lieu responsable de l’apostolat, en parfaite collaboration aussi avec les catholiques africains qui comprennent le bienfait de ce soutien fraternel, ces militants laïcs offriront à des diocèses récents le bénéfice d’une longue expérience de l’Action catholique et de l’action sociale, ainsi que de tous les autres modes d’un apostolat spécialisé. Ils favorisent aussi – et ce n’est pas le moins utile – le rattachement rapide des organisations locales à l’ample réseau des institutions catholiques internationales [19]. De tout cœur, Nous les félicitons de leur zèle au service de l’Église.
Encouragements réitérés à l’ensemble des missionnaires catholiques
33. En vous adressant ce grave et pressant appel en faveur des missions d’Afrique, Notre pensée, vous l’avez compris, vénérables Frères, ne s’est pas détachée de tous ceux de Nos fils qui se consacrent à la progression de l’Église en d’autres continents. Tous Nous sont également chers, ceux surtout qui souffrent davantage dans les missions d’Extrême-Orient. Et si la conjoncture propre à l’Afrique fut l’occasion de Notre encyclique, Nous ne voulons pas l’achever sans étendre une dernière fois Notre regard à l’ensemble des missions catholiques.
34. A vous, vénérables Frères, pasteurs responsables de ces terres nouvellement évangélisées, qui plantez l’Église ou la consolidez au prix de tant de labeurs, Nous voudrions que Notre lettre vous apporte non seulement le témoignage de Notre paternelle sollicitude, mais l’assurance aussi que toute la communauté chrétienne, alertée à nouveau sur l’ampleur et les difficultés de votre tâche, est plus que jamais à vos côtés pour vous soutenir par ses prières, ses sacrifices et l’envoi des meilleurs de ses enfants. Qu’importe la distance matérielle qui vous sépare du centre de la chrétienté ! Dans l’Église, les plus valeureux et les plus exposés de ses Fils ne sont¬-ils pas les plus proches de son cœur ? A vous aussi, missionnaires, prêtres du clergé local, religieux et religieuses, séminaristes, catéchistes, militants laïcs, à vous tous, apôtres de Jésus-¬Christ, en quelque poste lointain et ignoré que vous soyez, Nous redisons Notre gratitude et Notre espérance. Persévérez avec confiance dans l’œuvre entreprise, fiers de servir l’Église, attentifs à sa voix, pénétrés toujours davantage de son esprit, unis par les liens d’une charité fraternelle. Quelle source de réconfort pour vous, chers Fils, et quelle assurance de victoire, dans la pensée que l’obscur et pacifique combat que vous menez au service de l’Église n’est pas seulement le vôtre, ni même celui de votre génération ou de votre peuple ; il est, en vérité, le combat permanent de l’Église entière, auquel tous ses Fils auront à cœur de participer plus activement redevables qu’ils sont à Dieu et à leurs frères du don de la foi reçu au baptême.
35 . « Prêcher l’Évangile n’est pas pour moi un titre de gloire, disait l’Apôtre des nations ; c’est une nécessité qui m’incombe. Ah ! malheur à moi si je ne prêchais pas l’Évangile ! » (I Corinthiens 9, 16). Ces véhémentes paroles, comment ne Nous les appliquerions-Nous pas à Nous-même, Vicaire de Jésus-Christ, qui par Notre charge apostolique sommes établi « en qualité de héraut et d’apôtre…, avec la mission d’enseigner aux nations païennes la foi et la vérité » (I Timothée 2, 7) ? Invoquant donc sur les missions catholiques le double patronage de saint François-Xavier et de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, la protection de tous les saints martyrs et surtout la puissante et maternelle intercession de Marie, reine des Apôtres, Nous adressons de nouveau à l’Église l’impérieuse et victorieuse invitation de son divin Fondateur : Avance au large, Duc in altum (Luc 5, 4).
36. Dans la confiance que tous les catholiques répondront à Notre appel avec une si ardente générosité que, par la grâce de Dieu, les Missions pourront enfin porter jusqu’aux extrémités de la terre les lumières du christianisme et les progrès de la civilisation, Nous vous accordons de grand cœur, en gage de Notre paternelle bienveillance et des faveurs célestes, à vous, Vénérables Frères, à vos fidèles et à tous et chacun des hérauts de l’Evangile qui Nous sont si chers, notre Bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près de Saint Pierre, en la fête de la Résurrection de Notre Seigneur, le 21 Avril de l’année 1957, de Notre Pontificat la dix-neuvième.
PIUS PP. XII.
- Cf. Benoît XV, épître apostolique Maximum lllud, 1919 (sur la propagation de la foi à travers le monde) ; Pie XI, homélie Accipietis virtutem,1922 (troisième centenaire de la Sacrée Congrégation de la Propagande) ; Pie XI, encyclique Rerum Ecclesiae, 1926 (le développement à donner aux missions) ; Pie XII, encyclique Evangelii Praecones, 1951 (sur le développement à donner aux missions).[↩]
- Message pascal du 13 avril 1952, Documentation catholique, n° 1121, 18/05/1952, col. 577.[↩]
- Allocution du 1er mai 1939, Discorsi e Radiomessagi di S.S. Pio Xll, I, p. 87.[↩]
- Encyclique Evangelii Praecones, Documentation catholique, n° 1098, 01/07/1951, col. 777.[↩]
- Ibidem, col. 775.[↩]
- Radio-message de Noël 1955.[↩]
- Radio-message de Noël 1945.[↩]
- Encyclique Mystici Corporis, AAS XXXV, 1943, p. 200.[↩]
- S. Grégoire le Grand, Moralia, XIV 35,43 (Migne, P.L., LXXV, 1062).[↩]
- Encyclique Mystici Corporis, ibidem, p. 213.[↩]
- S. Augustin, In epistola Joannis ad Parthos, tr. X, n° 8 (Migne, P.L., XXXV, 2060).[↩]
- S. Thomas d’Aquin, Expositio in epistola ad Romanos, c.I, lect. 1.[↩]
- Radio-message aux catholiques américains pour le 3ème centenaire des martyrs du Canada, 24 novembre 1946.[↩]
- Radio-message de Noël 1945 – Documentation catholique, n° 956, 20/01/1946, col. 35.[↩]
- Quelques mois après, Pie XII reviendra sur ce sujet. « Nous voudrions attirer spécialement votre attention sur un aspect de l’éducation des jeunes catholiques : la formation de leur esprit apostolique. Au lieu de céder à une tendance un peu égoïste en songeant seulement au salut de leur âme, qu’ils prennent aussi conscience de leur responsabilité envers les autres et des moyens de les aider. Nul doute, d’ailleurs, que la prière, le sacrifice, l’action courageuse pour gagner les autres à Dieu ne soient des gages très sûrs du salut personnel. Nous n’entendons nullement par là blâmer ce qu’on a fait dans le passé, car les réalisations nombreuses et remarquables à cet égard, n’y manquent pas. Nous pensons, entre autres, aux hebdomadaires catholiques qui ont entretenu le zèle de beaucoup pour les œuvres charitables et l’apostolat. Des mouvements comme l’Œuvre de la Sainte-Enfance eurent en ce sens de fécondes initiatives. Toutefois, l’esprit catholique s’implante au cœur de l’enfant non seulement à l’école, mais bien avant l’âge scolaire, par les soins de la mère elle-même. II apprendra comment prier à la messe, comment l’offrir avec une intention qui embrasse le monde entier et surtout les grands intérêts de l’Église. En s’examinant sur les devoirs envers le prochain, il ne se demandera pas seulement « ai-fait du tort au prochain ? », mais encore : « lui ai-je montré le chemin qui conduit à Dieu, au Christ, à l’Église, au salut ? » (Discours au 2ème congrès mondial de l’apostolat des laïcs, 5 octobre 1957, Documentation Catholique, n° 1264, 10/11/1957, col. 1421) [↩]
- Encyclique Mediator Dei, 11 novembre 1947, Documentation catholique, n° 1010, 15/02/1948, col. 221.[↩]
- Discours de S.S. Pie XII aux cardinaux, archevêques, évêques et ordinaires des lieux, 2 novembre 1950, Documentation Catholique, n° 1082, 19/11/1950, col. 1499.[↩]
- Dans ce même mois d’avril 1957 où a paru Fidei donum, Pie XII a eu l’occasion d’adresser quelques paroles d’encouragement à des étudiants d’Afrique française, de Madagascar et des Antilles conduits à Rome par leurs aumôniers et compatriotes R. Sastre, Razafindrasendra et J. Miron, attachés à l’aumônerie générale des étudiants d’outre-mer à Paris. « Nous saluons le pèlerinage d’étudiants et d’étudiantes d’Afrique, de Madagascar et des Antilles, venant de presque toutes les villes universitaires de France. Nous sommes heureux, chers fils et chères filles, de vous accueillir à l’occasion de votre premier pèlerinage romain. Nul autre moment de l’année n’aurait pu mieux s’y prêter que celui de Pâques où la joie du Ressuscité s’unit en vous à celle de fouler ce sol qui vous est cher parce que tant de monuments de tous les âges vous remémorent les souffrances et les triomphes du christianisme. Ici vous recevrez la grâce de devenir des chrétiens plus fervents, plus conscients de la gravité des responsabilités que vous aurez à assumer comme tels dans vos pays respectifs. Préparez-vous donc sérieusement et courageusement, par la prière, la réflexion, les échanges de vues fraternels et ouverts, à vos tâches futures, professionnelles, sociales et politiques. Puisez dans la doctrine de l’Eglise les lumières qui vous sont nécessaires et suivez filialement les directives de vos Evêques qui sont chargés de vous guider. Que le Seigneur vous assiste et fasse de vous des apôtres généreux dont l’Eglise puisse être fière ».[↩]
- A cette question précise se rapporterait le sixième et dernier objectif proposé au 2ème Congrès mondial de l’apostolat des laïcs qui devait se tenir à Rome en octobre 1957. « … Les perspectives de la vie internationale sont aujourd’hui telles qu’elles découvrent à l’idée catholique un champ d’action infini. L’ère nouvelle qui s’est ouverte sous le signe de l’universalité et du destin commun des peuples et des individus vient s’insérer en effet avec une logique parfaite dans la mission séculaire de l’Église catholique romaine. Mais elle requiert également de la part des catholiques l’efficacité de la présence dans toutes les manifestations de la vie et de la conscience internationales. Au-delà de toute mesquine mentalité confessionnelle, les catholiques réclament aujourd’hui de prendre part activement à l’élaboration des nouvelles structures qui se créent et vantent sur ce plan un esprit et une tradition qui se sont affirmés au cours des siècles dans l’édification de l’Église et dans sa diffusion sur toute la terre ».[↩]