Sermon de l’abbé de Lacoste : La raison d’être de nos écoles

Chers fidèles

Le sort de l’Eglise et de l’Etat dépend entiè­re­ment de la situa­tion et de l’enseignement des écoles.

Cette parole pro­non­cée par le pape Benoît XV en 1919 vaut encore plus aujourd’hui. Le sort de l’Eglise et de l’Etat dépend entiè­re­ment de la situa­tion et de l’enseignement des écoles.

On le com­prend faci­le­ment : l’avenir de l’Eglise et de notre pays dépend de l’état de la jeu­nesse, et l’état de la jeu­nesse dépend de l’éducation qu’on lui donne. Cette édu­ca­tion revient d’abord aux parents, et l’école va com­plé­ter cette édu­ca­tion en don­nant aux enfants ce que les parents ne peuvent pas don­ner. Si cette école n’est pas en totale har­mo­nie avec la foi catho­lique de la famille, l’éducation risque d’être ban­cale et inco­hé­rente. Les enne­mis de l’Eglise l’ont par­fai­te­ment com­pris. De toutes leurs forces, ils ont arra­ché et arrachent encore aujourd’hui les enfants de leur mère la sainte Eglise. Dès leur plus jeune âge, les petits enfants doivent boire la doc­trine répu­bli­caine et apprendre à vivre comme si Dieu n’existait pas.

En 1881, l’enseignement du caté­chisme est sup­pri­mé dans les écoles mater­nelles publiques.

En 1882, l’enseignement du caté­chisme est sup­pri­mé dans toutes les écoles publiques.

En 1886, les congré­ga­tions reli­gieuses ensei­gnantes sont exclues de l’enseignement public.

Entre 1901 et 1904, des dizaines de mil­liers d’écoles catho­liques sont fermées.

Nos enne­mis sont intel­li­gents. Ils savent très bien que pour détruire une socié­té catho­lique, il faut s’attaquer d’abord à la jeunesse.

Voilà pour­quoi l’Eglise a tou­jours veillé avec soin aux écoles catho­liques. Voilà pour­quoi les sou­ve­rains pon­tifes ont tou­jours inter­dit aux parents chré­tiens d’inscrire leurs enfants dans une école neutre. Et lorsque nous par­lons d’école neutre, nous par­lons aus­si de ces écoles qui se disent catho­liques mais qui ont signé un contrat avec l’Etat et qui sont, de ce fait, sou­mises aux direc­tives et aux pro­grammes sco­laires scan­da­leux de l’Education natio­nale. Pour qu’un col­lège puisse être qua­li­fié de catho­lique, il ne suf­fit pas qu’on y enseigne une heure de caté­chèse moder­niste chaque semaine ou qu’on y récolte des fonds pour les vic­times d’Haïti ou le ccfd. Il faut que l’esprit de Jésus-​Christ règne par­tout : dans le corps pro­fes­so­ral, dans les pro­grammes sco­laires, dans les élèves et dans toutes les acti­vi­tés de l’établissement. On est obli­gé de consta­ter qu’aucune école sous-​contrat, aus­si répu­tée soit-​elle, ne rem­plit ses condi­tions. Les cours de sciences apprennent aux enfants que notre monde est de résul­tat de forces aveugles dont Dieu est tota­le­ment absent. Le corps humain est décrit comme un objet de plai­sir dont il faut apprendre à se ser­vir pour jouir au maxi­mum sans attra­per de mala­dies graves. Les cours d’histoire sont tron­qués pour que l’enfant soit cou­pé de ses racines chré­tiennes, mais relié pro­fon­dé­ment à ses ori­gines répu­bli­caines laïques. Les pro­grammes de lit­té­ra­ture, de latin et de grec sélec­tionnent des œuvres per­verses pour salir les âmes le plus tôt pos­sible. Quant au cours de phi­lo­so­phie, il sert à convaincre les ado­les­cents que la véri­té dépend de cha­cun et que les dogmes chré­tiens sont incom­pa­tibles avec la raison.

Charles de Foucauld a per­du la foi alors qu’il était lycéen. Il a per­du la foi parce que ses pro­fes­seurs ne lui ont pas don­né la réponse chré­tienne aux graves ques­tions qu’il se posait, et que tout jeune de 17 ans se pose. Quelques années plus tard, une fois conver­ti, il écri­ra à son beau-frère :

« Il faut étu­dier la vraie phi­lo­so­phie, non en vue des seuls exa­mens, mais pour le bien de son âme. Si j’avais fait une vraie phi­lo­so­phie, je n’aurais pas connu le doute. Je regar­dais comme inso­lubles des dif­fi­cul­tés réso­lues depuis des siècles par les phi­lo­sophes chré­tiens, mais jamais per­sonne ne m’avait appris qu’elles étaient réso­lues. Je vous en sup­plie, pour­sui­vait le Père de Foucauld à son beau-​frère, n’envoyez jamais vos enfants dans les lycées du gou­ver­ne­ment. Si les f.m. y tiennent tant, ce n’est pas sans rai­son. J’y ai per­du la foi, bien que j’eusse été très pieu­se­ment élevé. »

Au-​delà des pro­grammes sco­laires, il faut aus­si consi­dé­rer la mora­li­té des élèves de l’établissement. L’adolescence est l’âge du déve­lop­pe­ment des pas­sions. Si un gar­çon de 16 ans est pla­cé au milieu de cama­rades qui passent des heures chaque semaine devant la télé­vi­sion ou sur inter­net, il sera néces­sai­re­ment conta­mi­né par l’immoralité de ses camarades.

Des parents chré­tiens, sou­cieux de l’âme de leurs enfants, ont-​ils le droit de pla­cer leur fils dans un milieu tel que la conser­va­tion de la ver­tu relève de l’exploit ? Il est vrai que cer­tains s’en sortent appa­rem­ment indemnes, mais c’est la mino­ri­té, et leurs parents ignorent les bles­sures cachées, sou­vent mor­telles, que l’âme de l’adolescent a reçues dans cette école.

Un jour, un pilote de ligne, com­plè­te­ment ivre, pro­po­sa d’emmener deux enfants faire un tour en avion. Les parents s’y oppo­sèrent éner­gi­que­ment, voyant bien le dan­ger mor­tel. Aimant leurs enfants, ils ne vou­laient pas les expo­ser à un tel péril.

Pourquoi les parents seraient-​ils moins vigi­lants quand il s’agit, non pas du corps, mais de l’âme immor­telle de leurs enfants ? La res­pon­sa­bi­li­té d’un père de famille, la res­pon­sa­bi­li­té d’une mère de famille, sont très impor­tantes devant Dieu. Ils doivent prendre tous les moyens pour conduire leurs enfants le plus sûre­ment au ciel.

Objection : je ne veux pas que ma fille ou mon fils vive dans une bulle. Il faut qu’il connaisse le monde et ses dan­gers pour mieux résister.

Nous répon­dons que nos écoles sont loin d’être des bulles. L’esprit du monde, hélas, est par­tout. Et notre mis­sion ne consiste pas tant à les pré­ser­ver et à les pro­té­ger qu’à les armer contre nos dif­fé­rents enne­mis : la concu­pis­cence, les erreurs doc­tri­nales, etc. Avant d’entrer dans l’arène, un gla­dia­teur suit un entraî­ne­ment inten­sif, sinon il est sûr d’être vain­cu dès le 1er assaut. Nos écoles ont pour but d’éclairer les intel­li­gences et de for­ti­fier les volon­tés pour qu’après leur bac, les jeunes soient suf­fi­sam­ment armés pour vaincre.

On entend par­fois une autre objec­tion : Mon enfant n’est pas dans une école de la tra­di­tion, mais il va au caté­chisme à Saintt-​Nicolas, et le soir, en famille, nous rec­ti­fions les erreurs qu’il a enten­dues à l’école.

Nous répon­dons que c’est très bien d’aller au KT à St-​Nicolas, que c’est très bien de dis­cu­ter en famille, mais est-​ce que quelques demi-​heures par semaine peuvent contre­ba­lan­cer 32 h de mau­vais ensei­gne­ment ? Est-​ce que quelques demi-​heures par semaine peuvent gué­rir de pro­fondes bles­sures morales ? C’est une illu­sion. Et il vaut mieux empê­cher les bles­sures que pas­ser de longs moments à gué­rir les plaies.

Il me reste à répondre à une autre objec­tion, celle qui consiste à dire : je tiens à ce que mon fils fasse d’excellentes études supé­rieures parce qu’il est très doué. Je tiens donc à ce qu’il ait un excellent dos­sier. Pour cela, il faut qu’il soit dans un pres­ti­gieux lycée pari­sien, et non dans un obs­cur lycée hors-contrat.

Nous répon­dons que l’école Saint-​Bernard, comme les autres écoles de la tra­di­tion, ne font pas l’objet d’une dis­cri­mi­na­tion spé­ciale. Au contraire, nos écoles sont main­te­nant répu­tées pour leur sérieux, et la solide for­ma­tion reçue par nos élèves est un atout pour eux. Combien d’anciens élèves, déten­teurs aujourd’hui d’excellents diplômes, sont venus nous remer­cier de la supé­rio­ri­té que leur a don­née l’école sur les autres étudiants !

Un mot main­te­nant sur les écoles hors-​contrat de la mou­vance ral­liée, ou Ecclesia Dei. Ces écoles sont cer­tai­ne­ment plus sérieuses que les écoles sous-​contrat. Cependant, la for­ma­tion doc­tri­nale y est gra­ve­ment défi­ciente. La crise de l’Eglise n’est pas super­fi­cielle, et il est indis­pen­sable que les jeunes connaissent bien les rai­sons de notre com­bat. Il ne suf­fit pas de pré­fé­rer la messe de Saint Pie V à la nou­velle messe et de connaître son caté­chisme rouge. Etre catho­lique, c’est aimer la véri­té mais aus­si détes­ter l’erreur et la com­battre avec force. Lorsque quelqu’un n’est pas rem­pli de haine pour l’erreur, c’est le signe que son amour pour la véri­té est un amour de sur­face. Dans la Fraternité Saint-​Pie X, nous sommes atta­chés de toutes nos forces à l’enseignement tra­di­tion­nel de l’Eglise, et c’est pour cela que nous sommes radi­ca­le­ment oppo­sés (et nous n’avons pas peur de le dire) à la nou­velle messe, à l’œcuménisme, à la liber­té reli­gieuse et aux autres graves erreurs qui sont répan­dues même par­mi les plus hautes auto­ri­tés de l’Eglise. Les armes intel­lec­tuelles pour mener ce com­bat, elles sont four­nies, chez les gar­çons, par les écoles de la FSSPX, et chez les filles, par les domi­ni­caines de Fanjeaux et de Brignoles.

Vous me direz peut-​être, chers parents, que cela vous obli­ge­ra à mettre vos filles en pen­sion, peut-​être aus­si vos gar­çons, si vous habi­tez trop loin de Courbevoie. Vous ajou­te­rez que ces écoles sont chères. C’est vrai, une édu­ca­tion cohé­rente exige sou­vent de nom­breux sacri­fices, mais le pape saint Pie X notait : « L’âme d’un enfant est si pré­cieuse qu’elle mérite qu’on fasse pour elle tous les sacrifices ».

Je ter­mi­ne­rai, chers fidèles, en fai­sant appel à votre géné­ro­si­té. Nos écoles sont tota­le­ment libres, elles ne sont pas sou­mises au contrôle de l’Etat. En contre­par­tie, nous ne rece­vons aucune sub­ven­tion, et les sco­la­ri­tés payées par les parents ne suf­fisent pas du tout à faire face à toutes les charges. Voilà pour­quoi nous fai­sons la quête. D’avance, au nom de tous les enfants qui béné­fi­cie­ront de vos dons, je vous remer­cie de votre générosité.

Je vous invite aus­si à prier pour nos écoles. Le droit canon dit que c’est un devoir pour tout catho­lique de sou­te­nir, d’une façon ou d’une autre, les écoles catho­liques. C’est prin­ci­pa­le­ment d’elles que sortent les voca­tions sacer­do­tales et reli­gieuses ain­si que les époux chrétiens.

Voici ce que disait Mgr Lefebvre aux amis et bien­fai­teurs d’Ecône, en 1991, quelques jours avant sa mort :

« Heureusement, vous avez eu le cou­rage de consti­tuer des écoles, ce qui est indis­pen­sable, car vous savez vous-​mêmes com­bien les écoles sont deve­nues des centres de cor­rup­tion, même dans les écoles chré­tiennes, qui sont obli­gées de faire l’éducation sexuelle par exemple. L’éducation sexuelle, c’est l’éducation au péché. On met ces pauvres enfants devant des choses hor­ribles, que l’on n’aurait même pas osé regar­der, adultes, autre­fois. Grâce à Dieu, vous avez fait des efforts pour gar­der vos écoles, et je vous encou­rage beau­coup à conti­nuer. Je sais, pour­sui­vait Mgr Lefebvre, je sais que c’est un pro­blème dif­fi­cile, même au point de vue finan­cier. Mais je pense que c’est l’avenir de nos familles qui est en cause, par le déve­lop­pe­ment de vos écoles. Elles sont un peu la pru­nelle de nos yeux, parce que c’est là que nos enfants se forment bien et gardent la foi qu’ils ont reçue dans leur famille.

Que la sainte Vierge Marie, mère de tous les édu­ca­teurs, pro­tège nos écoles.

Abbé Bernard de Lacoste, Directeur

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.