L’impureté conduit-​elle à la sottise ?

LAB de l’école Saint-​Bernard de Courbevoie

La pure­té est une ver­tu qui modère les dési­rs désor­don­nés de la chair. Lorsqu’elle n’est pas pra­ti­quée, et que l’âme sombre dans l’im­pu­re­té, les consé­quences sont nombreuses.

Quand saint Thomas d’Aquin ana­lyse la sot­tise[1], il la décrit comme contraire à la sagesse. Le cœur du sot est engour­di et son juge­ment obs­cur­ci. Sa capa­ci­té de dis­cer­ne­ment est très limi­tée. Pourquoi plu­sieurs per­sonnes sont-​elles atteintes par ce défaut ? Certains sots le sont par dis­po­si­tion natu­relle, sans faute de leur part, alors que chez d’autres au contraire cette sot­tise est cou­pable. En effet, il arrive que l’homme soit tel­le­ment plon­gé par les sens dans les choses ter­restres, qu’il en devienne inapte à per­ce­voir les choses divines, comme le dit saint Paul : « L’homme ani­mal ne per­çoit pas les choses de l’Esprit Saint ».[2]

Les affec­tions mal­saines ont leur contre­coup sur l’in­tel­li­gence. On juge selon les dis­po­si­tions de son cœur, et l’homme char­nel n’é­tant pas atta­ché aux choses divines, parce qu’il s’est fait un dieu de ses plai­sirs, ne peut bien en juger. L’homme tombe alors dans une sot­tise cou­pable qui est une consé­quence de son impu­re­té. Cette sot­tise ne concerne pas seule­ment les véri­tés sur­na­tu­relles. Sur le plan pure­ment natu­rel, le vice de l’im­pu­re­té n’empêche pas l’in­tel­li­gence de fonc­tion­ner, mais il met un obs­tacle à sa bonne opé­ra­tion. L’activité par­faite de l’es­prit humain sup­pose en effet l’é­lé­va­tion au-​dessus des choses maté­rielles et sen­sibles. Ainsi, l’im­pu­re­té est à la source de nom­breuses défaillances de la rai­son et conduit à des com­por­te­ments dérai­son­nables.[3] Elle engendre l’a­veu­gle­ment de l’es­prit.[4]

Comme le dit saint Augustin, « il n’est rien qui fasse tom­ber de plus haut l’in­tel­li­gence de l’homme que la sen­sua­li­té ».[5] Un cœur pur au contraire est déga­gé des affec­tions vio­lentes, des pas­sions déré­glées de l’a­mour. Ce cœur se trouve pré­pa­ré à mieux rece­voir la véri­té divine. C’est ce qu’a expé­ri­men­té Charles de Foucault au moment de sa conver­sion. Il racon­te­ra plus tard, s’a­dres­sant à Dieu :

« Par la force des choses, vous m’o­bli­geâtes à être chaste, et bien­tôt, m’ayant, à la fi n de l’hi­ver 1886, rame­né dans ma famille, à Paris, la chas­te­té me devint une dou­ceur et un besoin du cœur. C’est vous qui fîtes cela, mon Dieu, vous seul ; je n’y étais pour rien, hélas ! C’était néces­saire pour pré­pa­rer mon âme à la Vérité ; le démon est trop maître d’une âme qui n’est pas chaste, pour y lais­ser entrer la Vérité… Vous ne pou­viez pas entrer, mon Dieu, dans une âme où le démon des pas­sions immondes régnait en maître… Mon Dieu, com­ment chanterai-​je vos miséricordes ! ».

La pra­tique de la pure­té et la mor­ti­fi cation cor­po­relle dis­posent l’âme à la per­fec­tion de son opé­ra­tion intel­lec­tuelle et favo­risent donc la contem­pla­tion. C’est pour­quoi les per­sonnes qui se consacrent à Dieu dans le sacer­doce ou la vie reli­gieuse pra­tiquent la chas­te­té parfaite.

« Un cœur pur, libre de pen­sées et d’af­fec­tions étran­gères à Dieu, est comme un temple consa­cré au Seigneur, où dès ici-​bas nous pou­vons le contem­pler. Rien plus que l’im­pu­re­té n’empêche la contem­pla­tion divine ».[6]

Lorsque l’âme, par la chas­te­té par­faite, est puri­fi ée de toute affec­tion désor­don­née, son esprit, déga­gé de l’er­reur, s’é­lève, par le don d’in­tel­li­gence, du sen­sible vers le spi­ri­tuel, et, sans arri­ver dès ici-​bas à voir Dieu tel qu’il est, elle par­vient plus aisé­ment à le connaître et à l’ai­mer. Telle est la signi­fi­ca­tion de la béa­ti­tude « Heureux les cœurs purs, car ils ver­ront Dieu ».

On raconte dans la vie de saint Thomas d’Aquin que celui-​ci, à l’âge de 18 ans, prend la déci­sion de deve­nir domi­ni­cain. Mais les membres de sa famille s’y opposent avec force. Tous les moyens sont bons pour ten­ter de le faire plier ! Thomas est fina­le­ment enfer­mé dans une tour du châ­teau. Cependant, imper­tur­bable, il consacre ses loi­sirs for­cés à la lec­ture de la Sainte Écriture et des Pères de l’Eglise.

La force ayant échoué, on recourt aux séduc­tions d’une femme de mau­vaise vie. Mais Thomas sai­sit dans la che­mi­née un tison enflam­mé et la met aus­si­tôt en fuite. Il se jette ensuite à genoux, puis s’en­dort. Pendant son som­meil, il voit des anges des­cendre du ciel pour le féli­ci­ter et lui ceindre les reins, en lui disant : « Reçois de la part de Dieu le don de la chas­te­té perpétuelle. »

Son confes­seur décla­re­ra après sa mort que Thomas était mort aus­si pur qu’un enfant de cinq ans. Est-​ce un hasard si un homme d’une telle pure­té est deve­nu le plus grand théo­lo­gien de l’Eglise ?

Vierge très pure, gar­dez nos cœurs sans souillure, pour que nous puis­sions un jour voir Dieu.

Abbé Bernard de Lacoste-​Lareymondie, Directeur

Notes de bas de page
  1. . Somme théo­lo­gique, IIa IIae q.46[]
  2. . I Co II 14[]
  3. . Somme théo­lo­gique, IIa IIae q.53 art 6[]
  4. . Somme théo­lo­gique, IIa IIae q.15 art 3[]
  5. . I Soliloq, ch 9[]
  6. . Saint Thomas, comm sur Saint Math, V, 8[]

FSSPX

M. l’ab­bé Bernard de Lacoste est direc­teur du Séminaire International Saint Pie X d’Écône (Suisse). Il est éga­le­ment le direc­teur du Courrier de Rome.