Lettre aux parents, amis et bienfaiteurs
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Editorial de l’abbé Bernard de Lacoste
Confidences à un jeune homme
- Monsieur l’abbé, bien que plongé dans mes révisions du baccalauréat, je voudrais avoir votre avis sur un sujet bien différent. Je sens naître en mon coeur des sentiments à l’égard d’une jeune fille. J’ai l’occasion de la rencontrer une fois par semaine. Elle me semble sérieuse et mon comportement à son égard est pur et irrépréhensible. Mais comme je n’ai que 18 ans et qu’elle n’est pas plus âgée, je me demande si je ne suis pas un peu jeune pour lui déclarer mon amour.
- Je constate d’abord avec joie que vous ne craignez pas de m’exposer votre interrogation en toute franchise. C’est le signe de vos bonnes dispositions. Lorsqu’on n’ose s’ouvrir ni à ses parents, ni à un prêtre, c’est mauvais signe. Le démon aime dissimuler son œuvre dans les ténèbres. Celui qui veut cacher à tout prix son comportement et ses sentiments suivra inévitablement un chemin qui n’est pas celui de Dieu. Avant de vous donner mon avis sur votre situation, je voudrais vous donner quelques principes.
Vous savez combien le véritable amour humain dépasse en noblesse l’amour bestial que notre monde étale sous nos yeux par son incitation à la débauche. Vous comprenez la distance infinie qui sépare l’instinct naturel des animaux pour se reproduire, et la démarche intelligente et libre d’un jeune homme et d’une jeune fille qui désirent se marier. Vous n’ignorez pas non plus que, pour une chrétienne, aimer un jeune homme, c’est surtout l’aimer avec charité, vouloir son bien et sa sanctification.
Vous savez aussi que, lorsque des époux s’unissent devant Dieu, c’est d’abord pour avoir des enfants. Dès lors, l’amour que vous éprouvez ne peut pas être dissocié de la perspective du mariage et de sa finalité première.
Ces bases étant posées, analysez votre situation avec lucidité : êtes-vous aujourd’hui suffisamment mûr pour envisager sérieusement un mariage et pour songer à fonder un foyer ? Vous sentez très bien vous-même combien vous en êtes loin. Sur le plan psychologique, vous n’êtes pas encore un adulte. C’est en vous appliquant à votre devoir d’état et en vous dévouant dans une œuvre que vous quitterez l’adolescence.
Sur le plan moral, avant d’entretenir une relation profonde avec une jeune fille, vous devez travailler à être pur avec vous-même. Si vous ne parvenez pas à dominer vos instincts, votre amour sera charnel. Mais ce qui est charnel est superficiel et passager. Il est impossible de fonder un foyer chrétien sur de telles bases. Et ne croyez pas que la multiplication des fréquentations améliorera la qualité de votre amour. Au contraire, vous êtes fragile et vulnérable. Combien de jeunes gens doivent confesser : « Vous aviez raison, monsieur l’abbé. Je ne voulais pas le croire. Cela a commencé en toute innocence, mais maintenant… ». Par la suite, vous risquez de la quitter, si ce n’est pas elle qui rompt la première, et votre coeur aura besoin de s’épancher auprès d’une nouvelle petite amie. Les amours si précoces ne durent guère, parce que votre âge n’est pas celui de la stabilité mais de l’évolution progressive vers l’état d’adulte. A vouloir brûler les étapes, vous risquez de ne jamais atteindre le terme.
Vous devez devenir un homme. Pour cela, il vous faut la compagnie virilisante de garçons de votre âge. La jeune fille, elle, doit devenir une femme. Elle n’y parviendra qu’au milieu de jeunes filles. Lorsque tous deux, vous serez devenus ce que vous devez être selon les plans de Dieu, une homme et une femme accomplis, alors seulement vous pourrez et vous devrez vous engager pour la vie. Devancer ce moment est préjudiciable pour vous comme pour elle, car c’est tout l’être qui pâtit d’un amour trop précoce.
L’amour, dans le coeur de l’homme, n’est pas inépuisable. On peut le comparer à une importante somme d’argent. L’un la gaspillera petit-à-petit, l’autre la fera fructifier à l’abri des tentations. De la même façon, certains garçons dilapident leur amour en menue monnaie, pour satisfaire leurs désirs. Qu’ils ne s’étonnent pas d’être, demain, incapable d’aimer vraiment. D’autres réservent leur amour pour la jeune fille qui deviendra un jour la mère de leurs enfants. Imitez-les. Pensez à l’heure où vous pourrez, au pied de l’autel, lui offrir un coeur et un corps purs, qui n’ont pas servi à satisfaire de vulgaires passions. Vous pourrez alors dire à votre fiancée : « Tu es l’unique à qui je donne tout mon amour. J’ai réservé mon coeur pour toi. C’est à toi que je veux consacrer ma vie pour toujours, afin que nous servions Dieu ensemble ». Si elle peut répondre la même chose, vous construirez ensemble un foyer qui défiera les tempêtes de la vie et des passions.
Quant à votre situation, vous êtes en train de passer votre bac et des études de trois ou cinq ans vous attendent. Pour l’instant, vous n’avez donc rien de stable à offrir à cette jeune fille. Je crains que l’affection croissante que vous éprouvez ne vous trouble et vous empêche de vous livrer sérieusement à votre devoir d’état.
Et puis, avez-vous sérieusement réfléchi à la question de la vocation ? Ce n’est pas parce que vous êtes attiré par les jeunes filles que Dieu ne vous appelle pas à une vie encore plus belle et plus noble que la vie conjugale. Il arrive que des garçons de votre âge souhaitent se donner totalement à Dieu. Brusquement, après les grandes vacances, ils changent d’avis : « J’ai bien réfléchi, et je pense finalement que ma voie est de fonder un foyer ». Alors le prêtre leur demande « Comment s’appelle-t-elle ? » Interloqués, gênés, ils indiquent le prénom d’une charmante jeune fille. Ils ont troqué l’amour qu’ils voulaient témoigner au Christ contre une amourette légère. Imprudemment, ils ont exposé leur cœur. Et leur manque de réflexion et de générosité prive désormais Notre-Seigneur d’un auxiliaire précieux pour le salut des âmes.
Alors, je ne dois pas lui dire que je l’aime ?
- Si vous n’avez rien dit à cette jeune fille, soyez capable de faire barrage à votre besoin d’aimer, non pour détruire cette source qui jaillit en vous, mais pour en accumuler les énergies et les répandre plus tard sur votre foyer, si telle est votre vocation. Il vous sera dur peut-être, au milieu de vos amis qui jouent avec l’amour, de ne pas les imiter. Mais l’avenir vous donnera raison. Le jour venu, vous offrirez à une jeune fille, non pas un cœur usé à force d’avoir passé entre beaucoup de mains, mais un cœur sain et généreux.
Si vous avez déjà dit votre amour à cette jeune fille, comprenez que vous avez été trop vite en besogne, que ce n’est pas là encore le véritable amour. Demandez-vous même si vous n’avez pas agi en égoïste, cherchant cette jeune fille pour votre propre satisfaction. Demandez-vous si c’est le cœur éclairé par la raison qui a parlé, et non pas plutôt l’attrait purement physique que vous n’avez pas su dominer. La petite sainte Thérèse écrivait : « L’amour se nourrit de sacrifices ; plus l’âme se refuse de satisfactions naturelles, plus sa tendresse devient forte et désintéressée ».
J’en profite pour vous mettre en garde contre certaines jeunes filles qui, par manque d’éducation ou par malice, ont perdu le sens de la dignité féminine et de la pudeur. Elles connaissent la faiblesse des jeunes gens et s’emploient à les faire tomber dans leurs filets par leurs paroles, leur tenue vestimentaire ou leur comportement. Soyez vigilant et réagissez fermement. Qu’elles en soient conscientes ou non, ces femmes conduisent les hommes en enfer.
Pour conclure, vous êtes trop jeune pour entretenir sérieusement ces fréquentations. Or, c’est toute votre vie future qui est ici en jeu, et je ne voudrais pas que vous soyez malheureuse. Il arrive fréquemment de nos jours que, après 5, 10 ou 20 ans de mariage, les époux ne s’aiment plus du tout. L’amour du jour de leur mariage était pourtant bien réel. Que s’est-il donc passé ? Leur amour était trop exclusivement sensible, fondé sur l’attrait du cœur et du charme physique. Il n’était pas suffisamment enraciné dans la charité, laquelle est don de soi et sacrifice. Or les sentiments sont passagers. Seule la vertu est stable. Regardez ces innombrables divorces qui causent un tord irréparable aux enfants et détruisent notre société : ils sont le signe que l’amour a disparu de la plupart des foyers. Pourquoi ? Parce que l’idéal du mariage, à peine entrevu, a été dénaturé et avili. Les jeunes y ont vu un moyen de satisfaire égoïstement leurs passions en se laissant aller à la sensualité. Ils avaient peut-être l’intention de se donner l’un à l’autre pour toujours, mais peut-on être fidèle dans les grandes choses si l’on est infidèle dans les petites ? Ils avaient peut-être entrevu la grandeur de leurs responsabilités le jour de leur mariage, mais peut-on se sacrifier pour sa famille lorsqu’on ignore la beauté du sacrifice ?
Quelle tristesse de voir ces existences brisées à cause d’une jeunesse passée dans la légèreté !
C’est l’enseignement du pape Pie XI :
« Le fondement d’un mariage heureux et la ruine d’un mariage malheureux se préparent déjà dans les âmes des jeunes gens dès le temps de l’enfance et de la jeunesse. Car ceux qui, avant le mariage, se cherchaient égoïstement en toute chose, qui s’abandonnaient à leurs convoitises, il est à craindre qu’ils ne restent, dans le mariage, pareils à ce qu’ils étaient avant le mariage ; qu’ils ne doivent aussi récolter ce qu’ils auront semé : la tristesse au foyer domestique, les larmes, le mépris mutuel, les luttes, les mésintelligences, le mépris de la vie commune ».
Je vous conseille donc, cher Pierre, de ne pas livrer trop tôt votre cœur. Placez-le en lieu sûr, sous le regard de la Vierge Marie, loin du souffle corrosif des passions. Nourrissez-le du Pain des anges, la sainte Eucharistie. Fortifiez-le par l’assistance au saint Sacrifice de la messe, source de tout véritable amour. Affermissez-le par l’esprit de renoncement. Utilisez le temps dont vous disposez pour vous dévouer à l’égard du prochain .Acceptez des responsabilités importantes : elles vous prépareront à votre charge de chef de famille. Enfin, priez pour votre future épouse. Alors, dans quelques années, si telle est votre vocation, votre cœur sera prêt à aimer intensément et à rendre heureux celle qui sera la mère de vos enfants.
Abbé Bernard de Lacoste, Directeur