Antoine Sylvère a raconté, dans Toinou (Plon, 1980), sa jeunesse en pension, par moments de façon tragique. Sa description des mœurs des pensionnaires fait frémir. Si l’on s’en tenait à ce genre de livres pour se faire une idée des internats catholiques, on en tirerait l’image de lieux de souffrance et d’échec éducatif. Mais on commettrait alors la même erreur d’appréciation que si l’on jugeait de la peinture occidentale d’après Salvator Dali ou Kandinsky. L’arbre ne fait pas la forêt.
Si le tableau qu’on a dressé des pensions a été noirci, cela a été parfois en raison de sentiments hostiles au catholicisme. Les frères des écoles chrétiennes, les jésuites, les diocésains, les ursulines, les sœurs de la Présentation, toutes ces âmes consacrées pour le salut d’autres âmes, se sont vu attribuer trop vite l’incompétence dans l’éducation ou le manque de savoir-faire dans la sévérité. Aujourd’hui, on se sert des écarts de conduite qui ont hélas pu se produire dans leurs rapports avec les enfants, pour discréditer les écoles catholiques et en détourner les familles.
Le propos de ce dossier n’est évidemment pas de tomber dans ces travers. On se détournera également de cette mauvaise habitude, qu’on rencontre ici ou là, et qui fait exiger des éducateurs une perfection qui ne peut être que rarement atteinte : une remarque trop sévère de l’éducateur ou à l’inverse une complaisance débonnaire, un tempérament chagrin, une correction de copie inhabile, ou encore un résultat éducatif d’ensemble seulement correct, et voici que l’on juge les éducateurs avec une rigueur que l’on n’applique ni à ses enfants ni à soi-même ! Ami lecteur, ne convient-il pas d’user, en la matière, de la même indulgence avec laquelle chacun souhaite que le prêtre le traite, au confessionnal ?
Notre intention n’est pas non plus de faire l’éloge des pensions de la Tradition : ce plaidoyer pro domo serait…
- nigaud, parce que nos pensions ne sont pas toujours des modèles ;
- pharisaïque, donc prétentieux ;
- vain, parce que, les motifs pour lesquels les parents nous confient leurs enfants ont beau être nombreux, le plus fréquent et le plus déterminant est non la qualité du résultat final, mais la catholicité de l’école, affirmée en principe et concrètement réalisée dans les moyens d’éducation.
C’est donc ici que se précise l’objectif de ces pages : rappeler l’obligation de l’école catholique ; et comme, de facto, au moins pour les classes secondaires, et pour de nombreuses familles, l’école catholique est synonyme de pension, montrer que les inconvénients de l’internat sont justifiés par le souci d’une école chrétienne. La parole est ainsi à la défense.
La pension n’a pas que des inconvénients, tant s’en faut ! C’est aussi l’un des autres motifs de ce dossier : décrire quelques aspects de l’internat, pour en connaître mieux les avantages.
La description des pensions d’aujourd’hui alternera avec un rappel de ce qu’elle fut autrefois – pas si différente, d’ailleurs. Enfin, on fera parler quelques parents, qui expliquent quels furent leurs choix pour leurs enfants, et comment, avec le recul, ils regardent les années de scolarité ou de pension de leur progéniture.
L’équilibre doit prévaloir. D’un côté, aucun principe ne nous mènera à nier la réalité : certaines familles décident légitimement de ne pas envoyer leurs enfants en pension ; certains jeunes gens, éduqués hors des écoles vraiment catholiques (dans les établissements conciliaires ou dans les lycées publics), sortent malgré cela étonnamment préservés, quant à la vertu ou à l’instruction. D’un autre côté, brandissons, contre la société apostate et ses efforts de perversion de la jeunesse, l’étendard de la foi : donnons aux jeunes des moyens de devenir des saints ; soutenons les établissements catholiques. Les juifs s’épaulent les uns les autres, les musulmans multiplient les écoles coraniques… Catholiques, face à leur collusion, soyons cohérents avec notre foi et solidaires entre nous.
Abbé Philippe Toulza †
Source : Fideliter n° 210