Monseigneur Fellay : « Nous voulons une clarification »
Mgr Bernard Fellay nous a accordé une interview à l’issue des obsèques et de la messe de requiem de samedi à Ecône. L’évêque traditionaliste valaisan, qui est aussi le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, évoque pour nous le climat prévalant entre Ecône et Rome après la crise qui a suivi la levée des excommunications contre les quatre évêques sacrés en 1988 par Mgr Lefebvre.
Monseigneur Bernard Fellay, à quelle date retournerez-vous au Vatican ?
Aucune date n’a été fixée. Après la tourmente qui vient de se produire, nous avons tous besoin de retrouver nos esprits.
Et les discussions que vous acceptez désormais de mener avec Rome, c’est pour bientôt ?
Là encore, aucune date… mais oui, elles vont commencer.
Ces discussions seront-elle longues ? Avez-vous un calendrier ?
Elles pourraient bien être longues si l’on considère ce qui vient de se passer. Pas à cause de nous, mais à cause des réactions dans l’ensemble de l’Eglise, notamment quant à nos positions sur le concile Vatican II. Le concile a mis beaucoup de termes ambigus dans ses textes pour obtenir une majorité plus grande. Nous le payons aujourd’hui.
Les textes ne sont pas clairs et il y a une multitude d’interprétations diverses qui ont cours dans l’Eglise. Si l’on ne veut pas l’éclatement de l’Eglise, des éclaircissements sur ce concile qui s’est voulu pastoral et non dogmatique sont urgents. Déjà Jean Paul II disait en 1982 que l’hérésie est répandue à pleines mains dans l’Eglise. Nous sommes donc heureux que Rome parle d’entretiens nécessaires avec nous pour traiter des questions de fond. Mais cela prendra probablement du temps.
Mais Benoît XVI a déjà une interprétation précise de Vatican II.
Lors de l’audience qu’il m’a accordée en 2005, il m’a dit que l’unique interprétation possible de Vatican II était celle qui suivait le critère de la Tradition vivante. Le 22 décembre de la même année, il a clairement condamné l’herméneutique de rupture avec le passé de l’Eglise. Mais c’est trop vaste et trop vague. Il faudra préciser.
Le pape a fait un grand pas vers vous mais on a l’impression qu’il se retrouve un peu seul, lâché par nombre d’évêques qui ne veulent apparemment pas trop de vous dans l’Eglise.
Au moment où l’on parle d’un retour à la pleine communion, le pape est effectivement peut-être en train de se demander qui, entre certains évêques et nous, est le plus proche de lui.
A travers le motu proprio sur l’ancienne messe et la levée des excommunications pesant contre vous, Benoît XVI a fait des gestes spectaculaires et unilatéraux. Mais quel sera votre geste à vous ?
Nous avons déjà répondu en affirmant notre volonté d’emprunter avec un état d’esprit positif le chemin de discussion indiqué par le Saint-Père. Mais nous ne voulons pas le faire dans la précipitation. Quand on marche sur un champ de mines, il faut de la prudence et de la modération.
Vous avez tout de même l’espoir d’aboutir à un consensus doctrinal avec le pape…
Cela semble difficile. Certes, on a l’impression qu’il est proche de nous sur la question liturgique. D’un autre côté, il tient très profondément aux nouveautés de Vatican II.
Il nous faudra voir pour quelle part les divergences tiennent à des philosophies différentes. Une discussion sérieuse demande un minimum de confiance.
Pour arriver à créer ce climat plus serein, nous avions précisément demandé des gestes à Rome, dont le retrait du décret de l’excommunication. Espérons maintenant que ce travail apporte à toute l’Eglise une plus grande clarté doctrinale. Il y a en effet trop d’ambiguïtés dans le concile Vatican II.
Vous êtes tout de même conscient qu’on vous demandera d’accepter Vatican II.
C’est ce qui vient d’être rappelé fortement dans la note de la Secrétairerie d’Etat du 4 février 2009. Mais le Saint-Siège ne peut pas donner aujourd’hui au concile plus d’autorité que ce dernier n’a voulu s’en donner lui-même.
Or il n’a pas voulu engager l’infaillibilité, il en reste donc à un degré d’autorité bien moindre. Il ne sera jamais un super-dogme et il devra toujours être apprécié selon le crible du Magistère constant de l’Eglise. Ni la foi ni l’Eglise ne commencent à Vatican II.
Et si vous allez en direction de Rome, craignez-vous une scission à l’intérieur de la Fraternité ?
Pas trop, mais tout est toujours possible. Il y aurait un tel risque si l’on cherchait avec Rome un accord seulement canonique et pas une solution qui touche le fond du problème, qui est la crise doctrinale et morale dans l’Eglise. Mais cela n’est pas le cas.
Et enfin Mgr Williamson à qui vous avez demandé des déclarations dans un délai « raisonnable » sur la question de la Shoah ?
Il travaille à la question et il prendra ses responsabilités. Mais il faut lui laisser du temps car il veut étudier sérieusement pour donner une réponse sincère et vraie.
Entretien inLe Nouvelliste