Lettre n° 24 de Mgr Lefebvre aux Amis et Bienfaiteurs de la FSSPX de mars 1983

Chers Amis et Bienfaiteurs,

ous avez sans doute appris la nou­velle du décès de notre cher Père Barrielle sur­ve­nu dans les pre­mières heures du 1er jour de mars. Saint Joseph, pour lequel il avait une grande dévo­tion, est venu le cher­cher. Il était dans sa quatre vingt sixième année. Il tenait une grande place dans les cœurs de tous les membres de la Fraternité, aus­si son départ nous laisse tous orphe­lins. Mais sa tombe demeure à Ecône et nous sommes cer­tains qu’il obtien­dra de nom­breuses grâces à tous ceux qui conti­nue­ront de s’adresser à lui. Nous recom­man­dons l’âme de ce vaillant ser­vi­teur de Dieu à vos prières.

Y a‑t-​il du nou­veau dans les rela­tions avec Rome ? Cette ques­tion m’est sans cesse posée au cours de mes voyages.

Or il me semble pou­voir dire qu’il y a en effet une étape impor­tante qui est fran­chie, d’autant plus impor­tante qu’elle l’a été non seule­ment pour nous mais aus­si pour les prêtres de Campos du Brésil.

En effet c’est la pre­mière fois depuis les échanges de vues avec Rome que le Vatican parle de lais­ser la liber­té aux prêtres de célé­brer la Messe d’avant le Concile, tan­dis que jusqu’à pré­sent, sans affir­mer que la Messe de Saint Pie V était inter­dite, on vou­lait nous obli­ger à adop­ter la Messe nou­velle, en affir­mant comme le Cardinal Baggio l’a fait publi­que­ment aux prêtres du dio­cèse de Campos, qu’il était impos­sible qu’on revienne à la Messe ancienne et donc qu’il fal­lait adop­ter la nou­velle, que l’ancienne était périmée.

On nous accu­sait de déso­béis­sance, de divi­ser l’Eglise. Or voi­ci qu’aussi bien aux prêtres de Campos, qu’à la Fraternité et même à l’Eglise uni­ver­selle, on don­ne­rait la liber­té de célé­brer la Messe ancienne pour­vu que l’on recon­naisse que la nou­velle Messe est légi­time, catho­lique et qu’on ne détourne pas les fidèles d’y prendre part.

Il est évident qu’il s’agit là d’une atti­tude nou­velle, beau­coup plus conci­liante, mais qui est assor­tie d’une condi­tion que les prêtres de Campos ont déjà reje­tée, à juste titre. Si nous devons consi­dé­rer la Messe nou­velle comme ayant les mêmes titres que l’ancienne, pour­quoi ne l’avons-nous pas adop­tée et pour­quoi conti­nuer à célé­brer l’ancienne ? Les motifs qui nous ont fait sup­por­ter une dure et injuste per­sé­cu­tion seraient donc futiles ! Un atta­che­ment folk­lo­rique au pas­sé ! Alors que nous ne ces­sons d’affirmer : la nou­velle Messe a été faite en col­la­bo­ra­tion avec des pro­tes­tants et pour leur plaire ; elle a tou­jours une défi­ni­tion pro­tes­tante et elle fait des pro­tes­tants. Ce sont là des motifs plus que suf­fi­sants pour ne pas lui confé­rer les titres réser­vés à la Messe catho­lique de tou­jours, quels que soient les rites.

Il nous reste à per­sé­vé­rer dans la prière pour que cette condi­tion soit sup­pri­mée et que de même que Rome demande le retour au caté­chisme du Concile de Trente, elle encou­rage au retour à la Messe du Concile de Trente. C’est le seul moyen de mettre un terme à la des­truc­tion de l’Eglise et de la foi catholique.

Une deuxième ques­tion nous est désor­mais posée : Que pensez-​vous du nou­veau Droit Canon ?

Nous sommes mal­heu­reu­se­ment obli­gés de répondre que, mal­gré cer­taines modi­fi­ca­tions utiles, l’esprit qui a pré­si­dé à cette refonte géné­rale est le même que celui qui a ins­pi­ré le chan­ge­ment des livres litur­giques, des caté­chismes et de la Bible. La Constitution apos­to­lique qui pré­sente le nou­veau Droit Canon le dit expli­ci­te­ment à la page XI de l’édition vati­cane : « L’ouvrage, qu’est le Code, concorde par­fai­te­ment avec la nature de l’Eglise, sur­tout telle qu’elle s’est pro­po­sée par le Concile Vatican IL Bien plus, ce nou­veau Droit peut être conçu comme un effort pour expo­ser en lan­gage cano­nique cette doc­trine c’est-à-dire l’Ecclésiologie conci­liaire… Les élé­ments de cette Ecclésiologie sont les sui­vants : Eglise = peuple de Dieu ; auto­ri­té hié­rar­chique = ser­vice col­lé­gial ; Eglise = com­mu­nion ; enfin l’Eglise et son devoir d’œcuménisme. ».

Voilà bien autant de notions ambi­guës, qui vont per­mettre aux erreurs pro­tes­tantes et modernes d’inspirer désor­mais la légis­la­tion de l’Eglise. C’est l’autorité du Pape et des Evêques qui va en souf­frir, c’est aus­si la dis­tinc­tion du cler­gé et du laï­cat qui s’amenuise, c’est le carac­tère abso­lu et néces­saire de la foi catho­lique qui s’atténue au pro­fit de l’hérésie et du schisme, et les réa­li­tés fon­da­men­tales du péché et de la grâce qui s’estompent.

Ce sont autant d’atteintes dan­ge­reuses pour la doc­trine de l’Eglise et pour le salut des âmes.

Prions pour que ce nou­veau Droit n’entre jamais en vigueur.

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Depuis la der­nière lettre, 6 jeunes diacres ont été ordon­nés prêtres, 55 jeunes gens ont rejoint nos 4 Séminaires ; c’est l’Amérique du Sud qui est en nette pro­gres­sion, d’où la néces­si­té de pour­suivre la construc­tion du grand Séminaire.

Nous comp­tons sur 13 nou­veaux jeunes prêtres pour le 29 juin, sans comp­ter ceux qui ne viennent pas de la Fraternité. Il fau­drait en ordon­ner le double ou le triple pour répondre à toutes les demandes.

Que Dieu nous vienne en aide et vous bénisse par l’intercession de la Vierge Marie et de saint Joseph.

+ Marcel LEFEBVRE
le 7 Mars 1983

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Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.