Mégabug sur Métablog ?
Est-ce une énorme bourde qu’aurait faite M. l’abbé de Tanoüarn sur son « Metablog » ?
L’affaire est en tout cas lourde de sens. Tandis que M. l’abbé de Cacqueray publiait le 12 septembre dernier un communiqué aussi vigoureux que théologique dénonçant la prochaine réunion d’Assise, son ancien confrère, désormais membre fondateur de l’Institut du Bon Pasteur, a cru devoir voler au secours d’Assise cru 2011, pour l’heure incritiquable à son sens.
L’argumentaire utilisé est des plus classiques. Sous prétexte que la vertu de religion – comme toute vertu morale – a une double dimension naturelle et surnaturelle, l’abbé de Tanoüarn croit pouvoir poser une distinction entre les religions qui toutes seraient naturellement bonnes car conformes à la nature du cœur de l’homme, et la religion catholique qui seule est salutaire, car seule surnaturelle. A l’appui de cette distinction est avancée, sans plus de précision, la très haute autorité de saint Thomas d’Aquin, en sa question 81 de la Ia IIæ. Dès lors une réunion interreligieuse serait mauvaise si elle entraîne la confusion de ces deux ordres (= Assise 1986), bonne si elle respecte la distinction (= Assise 2011), voire nécessaire aux dires de notre bloggeur :
« Lorsque le Pape demande aux religions de se concevoir elles-mêmes comme un service de paix et non comme une caution de violence il accomplit un geste important et légitime. Il demande aux religions de se conformer à la vertu naturelle de religion, sans tomber dans les excès qu’engendre trop souvent l’instinct religieux dans l’homme. »
Un tel raisonnement, maintes fois entendu dans la bouche des promoteurs du dialogue interreligieux version Vatican II, se doit d’être vigoureusement rejeté, et ce pour trois raisons :
1) Il contient tout d’abord un sophisme des plus grossiers. On ne peut en effet affirmer qu’une religion est bonne, ne serait-ce que naturellement, du seul fait qu’elle exprimerait le sentiment religieux naturel à l’homme : ce serait du pur subjectivisme. Encore faut-il que cette religion s’adresse à l’unique vrai Dieu, ainsi que l’indique saint Thomas en sa question 81 (art. 3). Comment dès lors M. l’abbé de Tanouärn peut-il laisser entendre que les religions convoquées par Benoît XVI répondent à la définition de la religion naturelle, lorsqu’on sait que nombre d’entre elles sont polythéistes, ou bien refusent l’existence de tout Dieu personnel ? Peut-on même dire que la religion musulmane s’adresse effectivement à l’unique vrai Dieu ? Loin d’exercer la vertu naturelle de religion, ces fausses religions la corrompent.
2) De plus, l’argument ne fait pas seulement distinguer l’ordre naturel de l’ordre surnaturel – ce qui est classique – mais il sépare ces deux ordres, ce qui est inacceptable. Il est en effet impossible de poser un acte de vertu de religion qui soit purement naturel, car chaque homme in concreto est placé dans un contexte surnaturel : c’est un fait que l’homme – tout homme –, pécheur en Adam, n’a plus accès à Dieu par lui-même, mais seulement par Notre Seigneur Jésus-Christ, qui s’est fait notre réconciliation auprès de Dieu (Rm 5, 10–11, 2 Co 5, 18–20 ; Ep 2, 16, Col 1, 20–22 etc.). Dès lors, l’acte de religion purement naturel devient impossible in concreto.
3) Enfin, et là n’est pas le moindre motif, c’est précisément la fausseté de cet argument qui poussa Pie XI, en son encyclique Mortalium animos, à condamner ces réunions interreligieuses :
« De telles entreprises ne peuvent, en aucune manière, être approuvées par les catholiques, puisqu’elles s’appuient sur la théorie erronée que les religions sont toutes plus ou moins bonnes et louables, en ce sens que toutes également, bien que de manières différentes, manifestent et signifient le sentiment naturel et inné qui nous porte vers Dieu et nous pousse à reconnaître avec respect sa puissance. En vérité, les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur… »
Que M. l’abbé de Tanouärn fasse siens ces arguments ressassés – et condamnés – ne peut qu’inquiéter. Nous avions déjà vu, voici peu, le supérieur de l’Institut du Bon Pasteur estimer convenable l’assistance de ses prêtres aux nouvelles messes célébrées par l’évêque[1]. Voici maintenant ce même Institut assumer les arguments condamnés de la nouvelle théologie.
Quousque Domine ? Seigneur, ayez pitié de ces confrères que nous avons aimés.
Abbé Patrick de La Rocque
Extrait de L’Hermine spécial Assise d’octobre 2011
- M. l’abbé Laguérie, interview du 30/07/2011 sur le site Disputationes theologicæ (tenu par des prêtres de l’IBP) : « Il est pour eux [les prêtres de l’IBP] notamment convenable, selon les exigences démontrées du bien commun, d’accepter les invitations des évêques à être présent aux moments significatifs de la vie du diocèse, par exemple les messes d’ordinations et chrismales qui réunissent autour de son évêque le presbyterium de l’église locale […] » (IBP, disputationes theologicæ du 30 juillet 2011) [↩]