Du genre vestimentaire au gender

Chers amis et bienfaiteurs,

Lors d’un pèle­ri­nage, nous avions recou­ru à un ultime argu­ment pour deman­der à tous les fidèles de la Tradition catho­lique une tenue ves­ti­men­taire conve­nable : il s’agissait d’un simple aver­tis­se­ment tout bon­ne­ment tiré du Guide Michelin de Rome pour l’année 2000… En voi­ci, pour mémoire, la teneur : « Une tenue appro­priée est de mise : pan­ta­lon pour les hommes, jupes d’une lon­gueur cor­recte et épaules cou­vertes pour les femmes. » C’était une manière de dire : « Vous voyez, même à Rome, capi­tale de la Chrétienté, et en dépit de tout ce que nous y déplo­rons par ailleurs, les exi­gences pour l’habillement n’ont pas été aban­don­nées. » On aurait donc tort de pen­ser qu’il n’y aurait que les prêtres de la Fraternité Saint Pie X à prê­ter atten­tion à cette question.

Il est même arri­vé, au cours de cette année jubi­laire de l’an 2000 à l’un ou à l’autre fidèle pro­ve­nant d’une cha­pelle de la Fraternité d’avoir été refou­lé d’une basi­lique romaine par les por­tiers du Vatican pour un accou­tre­ment jugé immo­deste ! Cependant, notre recherche d’arguments jusque sur les marches des basi­liques romaines ou dans le guide Michelin n’est-elle pas un aveu de notre dif­fi­cul­té à être com­pris dans un domaine qui relève pour­tant de la dis­ci­pline ecclé­siale ? Comment rap­pe­ler encore aujourd’hui, comme c’est pour­tant notre devoir, des véri­tés qui semblent si impopulaires ?

Que l’on veuille bien me par­don­ner de m’y être essayé dans cette Lettre aux amis et bien­fai­teurs. Il me semble que ceux d’entre vous qui pren­dront la peine de la lire sans a prio­ri pour­ront mieux réa­li­ser que l’habillement, loin d’être uni­que­ment une affaire de chif­fons, est tou­jours le reflet d’une âme, d’une civi­li­sa­tion, j’allais dire d’une théo­lo­gie. Il peut reflé­ter l’Evangile et les belles ver­tus de la vie chré­tienne mais il peut éga­le­ment être un sym­bole de mœurs légères et même d’une phi­lo­so­phie liber­taire, vio­lem­ment hos­tile à Dieu, à la loi natu­relle et à la Révélation. Nous démon­tre­rons en par­ti­cu­lier com­ment les pro­mo­teurs de la théo­rie du « gen­der » savent par­fai­te­ment où ils vont quand ils misent sur la mode pour bana­li­ser leur abo­mi­nable révolution.

Un discours « usé jusqu’à la corde »…

Je laisse donc déli­bé­ré­ment de côté les véri­tables argu­ments d’autorité en la matière : l’Ecriture Sainte révé­lant le triste état d’Adam et Eve après le péché ori­gi­nel et la néces­si­té, désor­mais, de cou­vrir la nudi­té de l’homme, non seule­ment en rai­son des intem­pé­ries, mais aus­si des lois de la concu­pis­cence. Je passe éga­le­ment sur le Deutéronome qui déclare : « Une femme ne pren­dra point un vête­ment d’homme, et un homme ne pren­dra point un vête­ment de femme ; car celui qui le fait est abo­mi­nable devant Dieu ».[1] J’ignore saint Paul qui exige que les femmes « aient une tenue décente, une toi­lette pudique et modeste »[2] et soient cou­vertes dans les actes reli­gieux[3]. J’abandonne saint Lin, qui gou­ver­na l’Eglise immé­dia­te­ment après saint Pierre, et qui décré­ta qu’aucune femme n’entrerait dans une église sans avoir la tête cou­verte d’un voile. Je referme la Somme Théologique où saint Thomas explique que « la toi­lette exté­rieure doit être en rap­port avec la condi­tion de la per­sonne », et qu’il est « vicieux qu’une femme se serve des vête­ments mas­cu­lins »[4] en dehors de cir­cons­tances excep­tion­nelles (comme le confirme l’exemple de sainte Jeanne d’Arc). Et au point où j’en suis, je quitte la lec­ture de Pie XII qui rap­pelle les règles de la modes­tie chré­tienne [5] et le Droit Canon lui-​même, résu­mant deux mille ans de Tradition, qui exige que « les femmes doivent avoir la tête cou­verte et être vêtues modes­te­ment, sur­tout quand elles s’approchent de la sainte table »[6].

Certains catho­liques estiment peut-​être que tout cela n’a plus guère d’importance et n’est plus d’actualité. Pourtant, le péché ori­gi­nel et ses consé­quences ne sont-​ils pas de toutes les époques et le seront-​ils pas jusqu’à la fin du monde ? Les dis­po­si­tions pra­tiques prises par l’Eglise, qui se fondent sur les prin­cipes de la Foi et n’en sont que les consé­quences morales, valent tou­jours et ne sau­raient être péri­mées. Ni les hommes, ni les dames et les jeunes filles ne sau­raient donc se sous­traire, en conscience, aux règles tra­di­tion­nelles de modes­tie, que ce soit dans la vie cou­rante ou dans la fré­quen­ta­tion des édi­fices sacrés. Mais j’ai dit que je lais­sais volon­tai­re­ment de côté, pour cette fois, ces auto­ri­tés et ces dis­cours déjà enten­dus si sou­vent qu’ils en paraissent usés « jusqu’à la corde » pour vous pro­po­ser d’autres consi­dé­ra­tions pui­sées chez nos ennemis.

Un fait nouveau et révélateur : la théorie du Gender

La théo­rie du Gender pré­tend que tout indi­vi­du, quel que soit son sexe, est libre de choi­sir son genre, mas­cu­lin ou fémi­nin, voire les deux, dès son enfance. Depuis quelques mois, toutes les per­sonnes encore saines d’esprit ont levé les bras au ciel devant la dif­fu­sion mon­diale de la pro­mo­tion du Gender. Cette réac­tion natu­relle et légi­time pose cepen­dant une ques­tion inté­res­sante. En effet, les tenants de la révo­lu­tion sexuelle per­ma­nente, les fabri­cants et les pro­pa­ga­teurs de cette mons­trueuse idée exposent tran­quille­ment, dans leurs publi­ca­tions acces­sibles à tous, pour­quoi et com­ment la mode ves­ti­men­taire a été et demeure le vec­teur déci­sif leur per­met­tant de chan­ger les men­ta­li­tés. C’est elle qui leur donne l’espoir d’acheminer l’humanité vers l’idéal de l’amour enfin deve­nu libre, libé­ré des der­nières rete­nues et des ultimes tabous… Je ne vous recom­mande pas d’acheter leurs publi­ca­tions. J’en ai moi-​même ache­té deux pour en avoir le cœur net. Si nous autres catho­liques, nous sous-​estimons l’importance de l’habillement, nous allons voir que ce n’est pas vrai­ment le cas de nos adversaires.

Nos ennemis le savent !

Tous les enne­mis de l’Eglise ont des convic­tions pro­fondes sur l’importance de la ques­tion ves­ti­men­taire. Voici une des affir­ma­tions les plus anciennes des loges maçon­niques : « Pour détruire le catho­li­cisme, il faut com­men­cer par sup­pri­mer la femme. Mais puisque nous ne pou­vons pas la sup­pri­mer, corrompons-​la ».[7]. Elle trouve son expres­sion adé­quate dans des ouvrages plus récents. Le pre­mier est un livre inti­tu­lé « Jeans, 150 ans de légende »[8]. L’ouvrage est pré­fa­cé par Marithé et François Gribaud, grands pro­phètes du jean Denim qui ont inven­té, en 1967, l’art de déla­ver arti­fi­ciel­le­ment les jeans. Ils affirment dans cette pré­face : « Depuis 1964, nous avons tra­cé des lignes dans la matière qui sont deve­nues une écri­ture, des codes pour beau­coup…. Nous sommes les enfants de l’après-guerre, les hip­pies de 68, nous avons réagi en punk atti­tude, avons été à la fois tra­vel­ler et new age. Nous avons par­ti­ci­pé aux grands moments de ce qui allait deve­nir la mode yéyé, l’unisexe, le sport­wear, le jean, le casual, l’active, le sport city, l’urbanwear qui devient street­wear, le tech-​nike. Nous ne sommes ni des eth­no­logues, ni des ergo­nomes, ni des socio­logues. Nous écri­vons pour­tant à chaque col­lec­tion une nou­velle marque sur le totem ou les parois de la caverne. Nous lais­sons par­fois des traces visibles, mais main­te­nant de plus en plus invi­sibles à l’œil nu. » Dans le cha­pitre inti­tu­lé Les hip­pies, on peut lire : « Pour gom­mer les habi­tudes sexistes et indi­gner les imbé­ciles, filles et gar­çons s’habillent volon­tiers de la même façon… A Paris, en mai 68, sur les bar­ri­cades, autre front stra­té­gique et idéo­lo­gique de la contre-​culture, le jean devient le vête­ment fétiche, sym­bole de la contes­ta­tion, de la liber­té. Et sur­tout de la jeu­nesse… »[9]. On trouve éga­le­ment cet aveu de Pierre Bergé : « le jean a abo­li les classes sociales et lan­cé l’unisexe. »[10]

L’analyse du som­maire de ce livre se révèle très inté­res­sante. Il pré­sente sept cha­pitres rela­tifs à tous ceux qui ont fait la gloire du jean. En voi­ci quelques élé­ments : La mode avec, en tête, Yves Saint-​Laurent ; les Cow-​boys (un style de vie amé­ri­cain qui devien­dra une mode) ; les Bikers ; les Rockers (Elvis, les Beatles, les Stones, les Punks… sont tous « jeans addicts » : une Rock’n’Roll atti­tude) ; les Hippies (le jean, sous l’ère de Woodstock, connaît une de ses énièmes révo­lu­tions anti-​conformistes) ; le Street (un style radi­cal adop­té par les ghet­tos, les skat­ters et les rap­peurs comme signe de recon­nais­sance). Il n’est pas dif­fi­cile de consta­ter que tous ces pro­pul­seurs de la ten­dance « jean » n’ont rien à voir avec le chris­tia­nisme, ou, plu­tôt, ont rap­port avec tout ce qui lui est oppo­sé, le com­bat et le ruine…

Nous sommes les seuls à ne pas y croire…

Un autre ouvrage récent, « Histoire poli­tique du pan­ta­lon »[11], nous invite aus­si à com­prendre l’ampleur de la ques­tion ves­ti­men­taire. Tout ce livre démontre que ce que nous décla­rions hau­te­ment hier comme étant « secon­daire », se révèle aujourd’hui, dans la pers­pec­tive du Gender, comme étant une ques­tion de pre­mière impor­tance. On peut lire, dans ce livre, des affir­ma­tions lucides et lumi­neuse comme celle-​ci : « Le vête­ment a, par­mi ses dif­fé­rentes fonc­tions bien ana­ly­sées par le psy­cha­na­lyste anglais John Carl Flügel, celle de per­mettre une lec­ture immé­diate de l’individu »[12]. Et cette autre : « Le cos­tume reflète l’ordre social et le crée ». Nos enne­mis, eux, y croient ! Voilà pour­quoi ils donnent à la ques­tion ves­ti­men­taire sa véri­table impor­tance, impor­tance que trop de catho­liques refusent, rela­ti­visent ou mini­misent. Nos adver­saires affirment sans la moindre hési­ta­tion que : « Le pan­ta­lon est le mar­queur du sexe/​genre le plus impor­tant pour l’histoire occi­den­tale des deux der­niers siècles »[13]. C’est pour­quoi, dans leur esprit, « Le pan­ta­lon fémi­nin s’inscrit dans une dyna­mique de remise en cause des mythes struc­tu­rant les deux genres »[14].

Mais qui sont donc nos modèles ?

Quand il s’agit d’« Une his­toire poli­tique du pan­ta­lon », il faut savoir que l’on côtoie la révo­lu­tion et la per­ver­sion sexuelle à toutes les pages. Si nous fai­sons un bref recen­se­ment des per­son­na­li­tés fémi­nines ayant lan­cé le port du pan­ta­lon chez les femmes, du XIXe siècle, au début du XX°, nous ren­con­trons George Sand (1804–1876), Rosa Bonheur (1822–1899), Jane Dieulafoy (1851–1916), Sarah Bernhardt (1844–1923), Louise Abbéma (1853–1927), Rachilde (1860–1953), « Marc » de Montifaud (1845–1912), Colette (1873–1954) et la mar­quise de Belbeuf, Gyp, Madeleine Pelletier (1874–1939, Claude Cahun (1894–1954), Violette Morris (1893–1944), Maryse Choisy (1903–1979), Odette du Puigaudeau (1894–1991) et sa com­pagne Marion Sénones. Ces femmes sont toutes des per­son­na­li­tés notoi­re­ment scan­da­leuses enta­chées par les mœurs dépra­vées. Christine Bard, auteur du livre, com­mente ain­si pour les onze pre­mières : « Elles sont sor­ties de la fameuse réserve qui sied à leur sexe, laquelle s’exprime nor­ma­le­ment par un vête­ment dis­cret. Le pan­ta­lon a contri­bué à la conquête de leur auto­no­mie. Femmes libres dans leur vie pri­vée, elles ne peuvent igno­rer que le pan­ta­lon est aus­si un signe d’ambiguïté sexuelle, que leurs amours fémi­nines soient vécues ou refou­lées. Les femmes dont il a été ques­tion ici doivent leur accom­plis­se­ment à ce que Colette appelle l’hermaphrodisme men­tal. Beaucoup d’entre elles ont connu les deux genres d’amour… Le pan­ta­lon épi­so­dique ou régu­lier est le signi­fiant presque ordi­naire des ces êtres qui le sont si peu. »[15]. La tenue ves­ti­men­taire est donc cor­ré­la­tive de la men­ta­li­té et de la mora­li­té et il n’est pas pos­sible que ce genre de per­sonnes puisse ser­vir de réfé­rence et de modèle à la femme catholique.

Dans quel camp sommes-nous ?

Christine Bard, auteur non sus­pect de tra­di­tio­na­lisme, fait l’inventaire des causes de l’évolution du cos­tume fémi­nin et, par consé­quent, de l’adoption du pan­ta­lon par les femmes. Voici quelques idées gla­nées ça et là. La mode : « La mode est un puis­sant fac­teur de légi­ti­ma­tion du chan­ge­ment ves­ti­men­taire et rend ridi­cules les vel­léi­tés d’interdiction »[16]. La créa­tion du prêt-​à-​porter, dans ce domaine, a eu un poids consi­dé­rable. Claire Mc Cardell (1905–1958), créa­trice du prêt-​à-​porter amé­ri­cain, affirme : « Les vête­ments de sport ont chan­gé nos vies, peut-​être plus que tout le reste, et ont fait de nous des femmes indé­pen­dantes. »[17]. Le sport : « Le vête­ment de sport est l’allié objec­tif du mou­ve­ment d’émancipation des femmes. »[18]. Le fémi­nisme : La femme en pan­ta­lon est bien « un sym­bole poli­tique de la lutte pour l’égalité des sexes »[19]. La guerre mon­diale qui « a entraî­né un vacille­ment des valeurs ». Ce vacille­ment, « L’avènement d’une mode andro­gyne, à la gar­çonne, le sym­bo­lise »[20](p. 282).La culture amé­ri­caine pro­tes­tante qui a dif­fu­sé « une ver­sion soft de la gar­çonne, la girl, maquillée, les ongles ver­nis, les che­veux ondu­lés, un peu futile. C’est ce modèle qui ins­pire les nou­veaux jeux de la séduc­tion néces­saires à l’érotisation de la vie conju­gale »[21].

Après la seconde guerre mon­diale, « Le phé­no­mène est visible sur le plan inter­na­tio­nal : dans les usines, dans les champs, dans l’armée, les femmes sont en pan­ta­lon…»[22]. Autre fac­teur : l’insécurité et l’éducation mixte indif­fé­ren­ciée : « Le pan­ta­lon obli­ga­toire pour les ado­les­centes, manière d’éviter la sexua­li­sa­tion du corps fémi­nin enju­pon­né…»[23]. Le vedet­ta­riat :Katharine Hepburn et Audrey Hepburn, Marlene Dietrich, Greta Garbo, Juliette Gréco, Anne-​Cazalis, Brigitte Bardot, etc. L’auteur ne cache rien : aucune de ces per­son­na­li­tés n’est un modèle de mora­li­té. Les mon­dains, comme, par exemple Simone de Beauvoir ou Françoise Sagan, « au charme andro­gyne, qui est sou­vent pho­to­gra­phiée en jean, pieds nus, décon­trac­tée… La voi­ture, le blue-​jean, les copains, le jeu, la danse, le whis­ky et les disques sont ses totems, elle per­son­ni­fie la jeu­nesse fran­çaise d’après-guerre »[24]. Puisse ce por­trait ne pas être celui d’une cer­taine par­tie de la jeu­nesse catholique !

Yves Saint-​Laurent (1936–2008), qui a inté­gré le pan­ta­lon fémi­nin dès ses débuts (1962), « mérite » ici une men­tion spé­ciale : « Dès sa pre­mière col­lec­tion, alors qu’il tra­vaillait chez Dior, il avait valo­ri­sé une cer­taine andro­gy­nie… »[25]. Après 40 ans de car­rière, il conclu­ra, au sujet des femmes : « Servir leur corps, leurs gestes, leurs atti­tudes, leur vie. J’ai vou­lu les accom­pa­gner dans ce grand mou­ve­ment de libé­ra­tion qu’a connu le siècle der­nier »[26].

Traditionnels dans les principes et révolutionnaires dans la pratique ?

La grande révo­lu­tion ves­ti­men­taire a sur­tout eu lieu dans les années 1960, pré­ci­sé­ment celles du Concile Vatican II. A cette époque, le modèle de la femme « au foyer éle­vant une pro­gé­ni­ture nom­breuse, encore si pré­sent dans les images publi­ci­taires des années 1950, s’écroule brus­que­ment »[27]. Il est à noter que la pre­mière action du MLF (Mouvement de Libération de la Femme) en 1970 est le fait de femmes en pan­ta­lons[28]. Dans les années 1970, le pan­ta­lon fémi­nin trouve, de nou­veau, dans les femmes homo­sexuelles ses plus grandes avo­cates : Carole Nissoux, Paula Dumont, Elula Perrin, Suzette Triton, etc.[29]

Catherine Valabrègue, jour­na­liste connue pour son enga­ge­ment aux côtés du Planning Familial, est frap­pée par « l’interchangeabilité des tenues pour filles et gar­çons » et « estime que la désexua­li­sa­tion de l’habillement répond sans doute au sou­ci d’abolir la dis­tance entre les sexes… On est par­fois ten­té, dit-​elle, pour s’adresser aux jeunes d’inventer le troi­sième sexe…. Ainsi voyons-​nous au tra­vers de la mode se des­si­ner dans la jeune géné­ra­tion le sou­ci d’échapper à la contrainte des images tra­di­tion­nelles de l’homme et de la femme »[30] .

Catherine Bard tire cette conclu­sion : « Le pan­ta­lon fémi­nin est une image forte de rup­ture avec la Tradition, dans un contexte par­ti­cu­lier qui la rend pos­sible et sou­hai­table »[31]. Le jean « est bien sûr asso­cié à la libé­ra­tion sexuelle et à un style de vie bohème. Devenu sym­bole de révolte, il par­ti­cipe à la contre-​culture occi­den­tale »[32]. Bref, Le suc­cès du pan­ta­lon fémi­nin « consacre la fin de l’ordre ancien hyper­dif­fé­ren­cié… le rap­pro­che­ment des sexes s’effectue autour de ce vête­ment… »[33]. Il faut mal­heu­reu­se­ment consta­ter aujourd’hui, que, si nous résis­tons au Concile Vatican II, nous ne résis­tons plus guère à la révo­lu­tion ves­ti­men­taire, sans doute parce que nous n’en avons qu’une très faible conscience.

Ce que je n’aurais pas pu écrire…

Christine Bard a écrit, en conclu­sion de son livre, quelques lignes que nous n’aurions pas osé rédi­ger nous-​mêmes de peur de perdre toute cré­di­bi­li­té. Sous sa plume, ces lignes pèse­ront pour­tant de tout leur poids. En voi­ci la teneur : « Placer cette his­toire du pan­ta­lon sous le signe des trois valeurs répu­bli­caines, Liberté, Egalité, Fraternité, donne une intel­li­gi­bi­li­té à ce qui pour­rait paraître à pre­mière vue comme anec­do­tique… Quelle liber­té ?… L’évolution du vête­ment fémi­nin en Occident reflète l’avènement du libé­ra­lisme et de l’individualisme… Quelle éga­li­té ?… On a vu le pan­ta­lon deve­nir un signi­fiant majeur de la contro­verse sur l’égalité des sexes… Quelle fra­ter­ni­té ?… L’allure andro­gyne, l’unisex, le jean ne cherchent-​ils pas une autre voie qui ne don­ne­rait pas la prio­ri­té abso­lue à la séduc­tion selon les codes éta­blis de l’hétérosexualité ?… L’échange de vête­ment, image de la fra­ter­ni­té ? Le pan­ta­lon a accom­pa­gné les muta­tions du genre, dans les deux der­niers siècles »[34](pp. 377–379).

Nous espé­rons que ceux et celles qui sont peut-​être peu enclins à écou­ter nos avis, dans ce domaine, accep­te­ront d’accorder du cré­dit aux affir­ma­tions du tenant du camp oppo­sé ! Que les hommes, maris ou pères de famille, com­pren­dront qu’il n’est pas inno­cent, loin s’en faut, de lais­ser leurs filles ou les épouses choi­sir leur « genre » en matière d’habillement. Oui, il n’est pas indif­fé­rent que nos jeunes filles se trouvent habillées comme Françoise Sagan en 1976, nos mères de famille comme Brigitte Bardot en 1955, et nos véné­rables grands-​mères comme George Sand en 1838. Or, ces per­son­na­li­tés immo­rales et révo­lu­tion­naires défiaient, par leurs tenues ves­ti­men­taires, un monde qui était encore catho­lique. Et les choses s’aggravent conti­nuel­le­ment. Il suf­fit d’un parois­sien ou d’une parois­sienne qui prenne une ini­tia­tive mal­heu­reuse dans ce domaine et, dans les semaines qui suivent, le mau­vais exemple se pro­page infailli­ble­ment. Malheureusement, on ne réagit plus : « A force de tout voir on s’habitue à tout ; à force de s’habituer à tout, on finit par tout accepter. »

Le paradoxe qui doit nous interpeller…

Voilà donc, pour ter­mi­ner, le para­doxe qui doit nous « inter­pel­ler » (comme on dit aujourd’hui !) : nous nous scan­da­li­sons de la théo­rie du Gender et nous avons bien rai­son de le faire ! Mais nous nous sommes rési­gnés à accep­ter (plus ou moins) l’évolution ves­ti­men­taire signi­fi­ca­tive qui était jus­te­ment là pour l’accompagner et la bana­li­ser. Nos enne­mis, cham­pions de la Révolution, savent bien mieux que nous la grande véri­té révo­lu­tion­naire : la Révolution est une praxis et on com­mence par faire pra­ti­quer les idées avant de vou­loir clai­re­ment les imposer.

N’est-il pas venu, le temps de réagir ? « A force de ne pas vivre comme on pense, on finit par pen­ser comme on vit ! » Si nous ne ren­ver­sons pas le mou­ve­ment des idées par la pra­tique, les idées fini­ront néces­sai­re­ment par s’imposer de fait à nos esprits. Il ne faut donc pas se leur­rer : pour com­battre vrai­ment la théo­rie du Gender, com­men­çons par renon­cer à ses pompes et à ses œuvres. Ici est mise en lumière la connexion réelle et néces­saire qui existe entre la Foi et la morale, la néces­si­té abso­lue d’une cohé­sion effi­cace entre les prin­cipes et la vie concrète. Grâce à l’avènement du Gender, nous décou­vrons que ce qui pas­sait pour une ques­tion « secon­daire » n’est, en fait, que l’application impé­rieuse de véri­tés essen­tielles. Le chris­tia­nisme ne pour­ra sub­sis­ter sans une incar­na­tion quo­ti­dienne des principes.

Il s’agit d’une guerre et il faudra combattre

C’est pour­quoi vos pas­teurs vous rap­pel­le­ront inlas­sa­ble­ment les règles de la modes­tie chré­tienne, que ce soit pour les offices ou pour la vie quo­ti­dienne. Ils comptent sur la bonne volon­té de tous. Que les hommes donnent l’exemple et se fassent un devoir lorsqu’ils se rendent à la messe, d’être au moins aus­si bien vêtus que lorsqu’ils se rendent sur leur lieu de tra­vail. Que les pères et mères de famille veillent à la tenue de leurs enfants. Là où la modes­tie chré­tienne n’est pas main­te­nue, le chris­tia­nisme se fane, le lan­gage s’abaisse, les rela­tions deviennent vul­gaires, la pure­té de l’amour dis­pa­raît, les voca­tions deviennent rares. Et si le pan­ta­lon fémi­nin ne peut être évi­té, en rai­son des mal­heurs des temps (pro­fes­sion, acti­vi­té extra­or­di­naire, sécu­ri­té, etc.), je me per­mets de vous le deman­der, qu’il ne paraisse plus, désor­mais, dans nos mai­sons, dans nos écoles, dans nos cha­pelles, ni sur les che­mins de nos pèle­ri­nages. Je vous bénis et je vous assure de mes prières dans le Cœur Douloureux et Immaculé de Marie.

Abbé Régis de Cacqueray

Notes de bas de page

  1. Deut. XXII.5 []
  2. I Tim. II, 9 []
  3. I Cor. XI []
  4. IIa, IIae, q. 169, a. 2, ad 3 []
  5. Allocution du 8 novembre1957 aux membres de l’union latine de la haute cou­ture. []
  6. Canon 1262 §2 []
  7. Crétineau-​Joly, L’Eglise Romaine et la Révolution (T. II, p. 50) []
  8. Gilles Lhote et Béatrice Nouveau, chez Michel Lafont, 2003 []
  9. op. cit. p. 148 []
  10. op. cit. p.10[]
  11. Christine Bard, Editions du Seuil, 2010 []
  12. op. cit. p. 8, note 1 []
  13. op. cit. p. 20[]
  14. op. cit. p. 316 []
  15. op.cit.p.190 []
  16. op.cit.p.202[]
  17. op.cit.p.301[]
  18. op.cit.p.192[]
  19. op.cit.p.247[]
  20. op.cit.p.282[]
  21. op.cit.p.289[]
  22. op.cit.p. 282[]
  23. op.cit. p.272–273[]
  24. op.cit.p.302 []
  25. op.cit.p.309 []
  26. op.cit.p.311 []
  27. op.cit.p.317 []
  28. op.cit.p.323 []
  29. op.cit.p.326 []
  30. op.cit.p318[]
  31. op.cit.p.319 []
  32. op.cit.p.320 []
  33. op.cit.p.352 []
  34. op.cit.p.377–379 []

Capucin de Morgon

Le Père Joseph fut ancien­ne­ment l’ab­bé Régis de Cacqueray-​Valménier, FSSPX. Il a été ordon­né dans la FSSPX en 1992 et a exer­cé la charge de Supérieur du District de France durant deux fois six années de 2002 à 2014. Il quitte son poste avec l’ac­cord de ses supé­rieurs le 15 août 2014 pour prendre le che­min du cloître au Couvent Saint François de Morgon.