District USA : Monsieur l’Abbé, merci de nous accorder cette interview, vous êtes ici à Winona pour les ordinations sacerdotales. Nous avons eu une cérémonie avec cinq ordonnés ce matin dont un jeune diacre ordonné prêtre pour l’Inde, c’est un Indien. Quels sont tout d’abord vos sentiments en venant à ces ordinations sacerdotales ?
Abbé Couture : C’est toujours une joie de voir que le sacerdoce continue, que la Fraternité est vraiment au service de l’Église en ordonnant ces jeunes prêtres qui viennent de tous les horizons. On voit que la grâce continue à germer dans les âmes des jeunes qui veulent travailler pour l’Église, pour le règne de Notre Seigneur, et donc, ici, la joie de venir aux États-Unis pour assister à l’ordination de l’un de nos Indiens qui est en fait le fils de notre traducteur au sud de l’Inde à Palayamkottai : c’est son père qui traduit tous nos sermons, le catéchisme tous les dimanches. C’est une grande joie pour nous, pour tout le district.
District USA : Vous êtes supérieur du district de l’Asie depuis deux mandats et demi. C’est un immense district avec beaucoup de pays différents, de gens très différents, de grandes perspectives, un travail énorme déjà réalisé. Est-ce qu’en quelques mots vous pouvez revenir sur la présentation de votre district ?
Abbé Couture : C’est la moitié de la population mondiale. On a ouvert cet année, on a pris en charge plutôt, quelques centres de messe dans les Emirats Arabes Unis et puis à Oman, puisqu’on a des familles tradies françaises, indiennes, sri-lankaises, philippines… Et donc ça va du Moyen-Orient jusqu’au Japon, jusqu’en Nouvelle-Zélande et dans les îles du Pacifique aussi. C’est immense. C’est l’aventure missionnaire, comme on le lit dans les livres des grands missionnaires, saint Théophane Vénard, les martyrs des Missions Etrangères de Paris.
Tout cela est très enthousiasmant et très encourageant de voir justement, comme Monseigneur Lefebvre le disait, de voir le Saint-Esprit au travail partout et dans quelque pays que ce soit on trouve des perles précieuses que le bon Dieu se choisit.
Et pour les missionnaires, pour nous, c’est un travail missionnaire pas tout à fait comme les missionnaires d’autrefois qui s’installaient dans un endroit, qui bâtissaient des villages, des écoles etc. Nous travaillons va un peu en surface, mais on sauve ce qui peut être sauvé. Mais c’est encourageant de voir partout des âmes pures, des âmes généreuses, des âmes qui ont soif de la Vérité et ça nous tient, c’est un peu notre carburant qui nous tient dans ces missions.
District USA : Vous opérez à partir de Singapour où vous avez le siège du district. Combien de prieurés avez-vous, de maisons établies de manière définitive, et puis à part ces prieurés combien de chapelles, de centres de messe est-ce que vous visitez régulièrement ?
Abbé Couture : Pour les 18 pays que nous couvrons en Asie nous avons six prieurés. Je dis six prieurés, parce qu’on est en train d’ouvrir le sixième ces jours-ci, dans les semaines qui viennent on est en train d’acquérir une propriété au Sud des Philippines…Nous avons un prieuré au Sud de l’Inde, un à Singapour, disons trois aux Philippines et un en Nouvelle-Zélande. Nous sommes, avec le jeune qui vient d’être ordonné, 22 prêtres. Le nombre de chapelles ? Je n’ai pas le chiffre exact mais je dirais que ça doit approcher de la cinqantaine. En Inde, on en a une bonne vingtaine. Aux Philippines, parfois c’est une chapelle par région. Comme disait l’abbé Schmidberger la Fraternité a un rôle de… un rôle de présence, c’est un apostolat… Je dirai de présence, un point de repère. Il y a quelques catholiques qu’on suit dans ces différents pays : Japon, Corée, Chine, Malaisie, Indonésie… Ils ne savent pas qui va les guider, ils cherchent, ils cherchent, puis ils tombent sur la Fraternité, et là, ils trouvent la foi, la vérité, la liturgie, le catéchisme qui les satisfait, qui vient de Dieu. Et ça c’est encourageant.
District USA : Donc comme partout ailleurs les prêtres de la Fraternité apportent la foi, les sacrements, à ceux qui en sont assoiffés. Vous avez bien sûr aussi comme tout prêtre de la Fraternité à cœur le sacerdoce, puisque c’est la première fin de notre congrégation. Est-ce que les prêtres, voire les évêques, sont aujourd’hui davantage tournés, intéressés par la Fraternité. Est-ce que l’effet Motu Proprio a quelques résultats vraiment bénéfiques pour la Tradition ?
Abbé Couture : Ici et là oui. Il y a de plus en plus de contacts avec des prêtres. Je donne un exemple : dans un pays l’évêque a envoyé deux de ses prêtres dans une semaine Una Voce pour apprendre la messe traditionnelle. C’était en Angleterre, mais je ne sais pas pour quelle raison, probablement je pense, il y avait trop de prêtres et ils n’ont pas eu l’attention personnelle qu’ils attendaient. Après avoir passé cette semaine en Angleterre pour apprendre la messe traditionnelle, ils viennent nous voir pour repartir à zéro : « Apprenez-nous la messe. Est-ce qu’on peut faire une session seulement pour lire le latin du missel ? » Donc il y a ça, il y a aussi des évêques dans quelques pays… surtout aux Philippines. Ce n’est pas tout à fait l’effet Motu Proprio bien que ce soit certainement lié. Aux Philippines on est en train de faire un combat pro-vie avec l’abbé Onoda qui est à la tête du combat. Il a lancé une croisade du Rosaire et les évêques ont été impressionnés. Quelques évêques sont venus déjeuner au prieuré et acceptent même de nous faire des lettres pour obtenir des visas pour nos Philippins qui partent dans les couvents, dans les séminaires. Donc c’est très positif.
Dans un autre diocèse – c’était l’année dernière, pendant l’année du sacerdoce que le Pape avait dédiée au sacerdoce – donc c’est à la fin de l’année 2010, un évêque a accepté qu’un de nos prêtres fasse une conférence à 45 prêtres diocésains sur le sacerdoce. Il y aura certainement des suites de cette conférence puisqu’ils ont beaucoup apprécié. Cet archevêque voit bien que la Fraternité à quelque chose à offrir d’une part et que d’autre part, du côté de ses prêtres, il y a un manque, il y a une… une absence de vie spirituelle. Cet archevêque me disait récemment,: « Parlez à mes prêtres du bréviaire, parlez-leur de l’importance du bréviaire, de l’importance de l’heure sainte. » Il y a un manque terrible de prière. Un prêtre âgé du diocèse me disait « les prêtres dans notre diocèse ne disent pas le bréviaire, ni le chapelet, ni font de méditation. Imaginez un sacerdoce sans ces bases de la vie spirituelle. Qu’est-ce qui reste ? Qu’est-ce qui reste ? On n’est pas surpris qu’il y ait des chutes s’il n’y a pas une vie spirituelle derrière. »
Et donc ce qui était très intéressant c’est que cet archevêque se tourne vers nous : « Apprenez à mes prêtres à dire le bréviaire ! » ou » Parlez-leur de l’importance du bréviaire ! » Et, et c’est là qu’on voit aussi que nous avons cette joie de faire partie de la Fraternité Saint Pie X. C’est vraiment l’intuition de Monseigneur Lefebvre de travailler pour l’Église. Nous sommes au service de l’Église et donc au service ici et là – cela commence maintenant et certainement que ça va se développer – d’évêques qui ne savent pas où se tourner pour aider leurs prêtres. Ils voient qu’il y a un problème et ils n’ont pas la solution. Et on voit que la Fraternité finalement a gardé quelque chose, un trésor dont ils ont besoin.
Le problème avec la messe traditionnelle, c’est qu’il y a plusieurs prêtres qui sont intéressés mais ne connaissent pas le latin, n’ont pas les livres, les rubriques etc. Et il y a une grande faiblesse. Je connais un évêque au Vietnam, qui m’a dit, j’ai même la lettre écrite, « tous les prêtres qui veulent dire la messe traditionnelle dans mon diocèse peuvent le faire »… Bon de la part de l’évêque il n’y a donc aucune objection ! Cependant ils n’ont pas les moyens ! Ils manquent de ressources pour se mettre à la messe traditionnelle… ils ont une certaine peur aussi… au Vietnam j’ai entendu une fois un prêtre me dire : « mais on n’a pas le latin, donc sans le latin on ne peut pas se mettre à la messe traditionnelle ! » Donc l’absence du latin c’est un mur, un mur à sauter.
On a même enseigné à des prêtres à dire la messe traditionnelle en chinois. Des prêtres chinois qui ne connaissaient pas le latin et on s’appuyait sur ce que Monseigneur Lefebvre avait dit : » On ne se bat pas premièrement pour le latin, on se bat pour la foi ! » Donc on explique à des prêtres qu’il vaut mieux dire la messe traditionnelle en langue vernaculaire que la nouvelle messe en latin ! Ce n’est pas une question d’abord de langue c’est une question de foi. Et on a eu quelques répétitions de messe avec certains prêtres comme ça. Donc il y a un désir, mais il y a des obstacles à surmonter qui seront graves, qui seront difficiles. Mais avec de la bonne volonté, on peut y arriver.
District USA : Pour rebondir sur la Chine, Monsieur l’abbé, nous avons beaucoup de visiteurs et de lecteurs intéressés par ce qui se passe en Chine et dernièrement les médias ont couvert les élections, nominations, consécrations d’évêques chinois avec ou sans, contre… l’autorisation du Vatican… Est-ce que vous pourriez revenir un petit peu sur la difficulté de la situation en Chine : l’Église catholique en face de l’église nationale et le jeu du Vatican pendant ces dernières années ?
Abbé Couture : C’est très compliqué la Chine… Vous savez l’expression « c’est du chinois », « c’est des chinoiseries ». Pour nous, occidentaux, c’est difficile de les comprendre, mais leur situation religieuse est très délicate, très difficile. Et il y a un sentiment réel parmi les catholiques clandestins d’être trahis, d’être abandonnés par les autorités de l’Église. On m’a rapporté plusieurs incidents : des prêtres qui viennent d’Europe visitant des séminaires clandestins en passant comme ça une journée, quelques heures, voilà, ne donnant aucun don, aucun soutien matériel ; et ensuite, les mêmes prêtres passent dans les séminaires patriotiques, qui sont dans les mains du gouvernement, et alors là, ils passent des semaines, leur donnent de l’argent, des biens, etc. Et dans un autre diocèse, avec l’accord du Vatican, si je ne me trompe, on a nommé, parce qu’il n’y a pas d’évêque, on a nommé un prêtre patriotique à la tête de l’église clandestine ! Vous voyez un peu la confusion ! C’est comme si… je dirais, on nous met un prêtre conciliaire à la tête d’un district de la Fraternité. En Europe ça ne durerait pas très longtemps, je crois.
Des situations difficiles à suivre aussi… Dans certains diocèses, vous avez deux évêques, un évêque patriotique et un évêque clandestin. Dans un diocèse en particulier il y en a même trois ! Un prêtre patriotique disait, et c’est connu dans ce diocèse, lorsque l’évêque clandestin mourra c’est l’évêque patriotique qui prendra la relève. L’évêque patriotique est nommé coadjuteur par le Vatican. Il y a certains prêtres patriotiques qui commencent à dire la messe traditionnelle maintenant. Les nuances, les degrés de confusion sont assez compliqués.
Vous avez des prêtres traditionnels qui font partie officiellement de l’église patriotique, donc sans avoir la carte du parti. Ils disent la messe traditionnelle, alors que les prêtres clandestins disent la nouvelle messe. On a demandé à ce jeune prêtre qui doit dire la messe traditionnelle tous les dimanches dans une église :« alors, mais quel évêque nommez-vous à la messe ? » et lui de dire candidement « Moi, je nomme l’évêque légitime, l’évêque clandestin ! » C’est un prêtre de l’église patriotique et il ne nomme même pas l’évêque qui l’a ordonné, il nomme l’évêque clandestin ! Et lui de dire à ceux qui l’entendaient, qui étaient là… « dans quelques jours il va y avoir une ordination patriotique et les jeunes prêtres se font ordonner, c’est monnaie courante là-bas, s par l’évêque patriotique et dans la même journée ils vont voir l’évêque clandestin pour se faire réordonner ! » Il y a de quoi perdre la tête ! Alors on ne sait plus où on en est.
Mais ce sont des situations analogues un peu partout dans la Chine, une confusion terrible. Un vicaire général a dit qu’il n’y a plus aucun espoir à attendre de Rome, parce que ils ne savent pas ce que Rome a en tête. Est-ce qu’ils sont en train de sacrifier l’église clandestine, comme ils ont fait en Ukraine il y a une dizaine ou une vingtaine d’années… On ne sait pas, mais ils ont parfois l’impression que la politique passe avant le Bon Dieu. Cela fait mal.
J’ai connu un prêtre qui a été arrêté il n’y a pas très très longtemps. Il a été condamné à cinq jours en prison. Ce nétait pas compliqué : cinq jours sans dormir, debout sans boire sans manger, et il raconte tout. Les tortures qui ne laissent pas de trace. C’est très facile. Ils ont des techniques très simples.
Alors on voit la confusion, le sentiment d’abandon à cause de ces évêques qui sont approuvés par le Vatican. Il y a un évêque clandestin qui a fait une étude sur les sacres des évêques patriotiques qui conclut à l’invalidité des sacres… Il ne suffit pas à Rome de dire « Allez on vous absout, on vous approuve » pour valider une ordination. Si l’évêque est invalide, tous ses prêtres sont invalides. Et comme je le disais il y a un instant, les jeunes prêtres qui se font ordonner par l’église patriotique vont voir les évêques clandestins. Il y a même un évêque qui dit qu’il a reçu des évêques patriotiques qui voulaient se faire reconsacrer ! Il y a un doute sur la validité des ordinations et des sacres. Alors, c’est la confusion !
Aussi comment se fait-il que Rome, avec un signe de croix, je dirais, approuve une ordination ou une consécration ? Cela ne résout pas le problème. Cela aggrave le problème, parce que là Rome donne son « placet » à des situations qui sont dans l’invalidité. Il ne suffit pas de dire oui pour que ce soit valide, il faut le refaire !
District USA : On peut parler de martyrs aujourd’hui en Asie. D’une part pour ceux qui sont persécutés comme en Chine, par le régime communiste qui est encore en place. D’autre part pour ceux qui sont persécutés par les musulmans. Est-ce une réalité en Asie aujourd’hui ?
Abbé Couture : Certainement. Il nous faut être très discrets dans notre apostolat en Malaisie, en Indonésie, au Moyen-Orient. Il faut faire attention. On est tout petits, une poignée de fidèles, mais il faut faire attention. Il faut faire même attention en Inde où il y a encore des martyrs. Il y a des religieux, des religieuses, des prêtres qui se font brûler vifs, qui se font tuer devant le couvent, l’orphelinat, l’église. Cela existe, c’est tous les mois. Il y a eu un message qui a circulé il y a quelques mois dans le monde entier, un appel à l’aide de prières de certains catholiques dans le nord de l’Inde, qui étaient persécutés de façon violente. Je ne sais pas si vous êtes au courant de l’histoire des éléphants en Inde ?
District USA : Oui, mais pourriez nous raconter l’histoire telle que vous la connaissez ?
Abbé Couture : Bon, je n’ai pas tous les détails, mais l’histoire, c’est qu’il y a une année un groupe était venu dans un village catholique et avait tué les catholiques, persécuté les catholiques. Je crois même qu’ils ont brûlé l’Eglise et l’orphelinat. L’année suivante, le même jour, un troupeau d’éléphants sauvages est sorti de la forêt, est allé dans ce village et sont venus attaquer les maisons de ceux qui avaient terrorisé et persécuté les Catholiques, mais en évitant les maisons catholiques ! C’est biblique, cette histoire. Comme l’histoire des ours avec le prophète qui était chauve, dans la Bible Maintenant, c’est en Inde il y a quelques années. L’archidiocèse de Colombo, au Sri Lanka, a publié l’affaire, et ça se trouve sur leur site.
C’est intéressant de voir que le Bon Dieu se sert aujourd’hui, comme Il s’est servi dans l’histoire, des animaux, parfois aussi des éléments. Je pense au tsunami de 2004. Je ne connais pas tous les dessous de l’histoire, mais en 2004, ce qui n’a pas été dit dans les médias, mais ce qu’on a su, nous, au Sri Lanka, sur place, c’est que, deux jours avant Noël 2004, sur les bus, sur les murs, les affiches, un peu à travers le pays, surtout à Colombo, dans les milieux catholiques, il y avait un message, comment dirai-je ? Je le dis en anglais, d’abord : « Isn’t Baby Jesus stupid and weak » . » L’Enfant Jésus n’est-il pas stupide et faible ? » Juste avant Noël, ils ont eu la réponse. Sur les quarante mille morts au Sri Lanka, il y a eu quand même trente-cinq mille Bouddhistes qui sont morts. Et dont certains temples, au sud de l’Inde, près de Gal, qui ont été complètement submergés. Des temples où l’on fait des malédictions. Vous avez un concurrent qui s’installe dans votre ville, eh bien vous allez au temple, vous payez les moines, et puis ils font des malédictions contre le concurrent. Eh bien, il y a un temple qui a disparu. En général, on ne se moque pas de Dieu, il y a un Dieu. Et donc, et c’est l’Écriture qui nous dit : « Les éléments, la Création est au service du Créateur. » Et parfois le Bon Dieu s’en sert. Bien sûr, il y a des innocents qui périssent, ça c’est comme partout, dans les guerres, et tout, mais il y a quand même une justice divine, et ça existe.
District USA : Pour rester dans le même registre, les médias ont beaucoup parlé de la catastrophe au Japon. Qu’est-ce que vous pouvez nous en dire ? Qu’est-ce que vous avez pu, vous-même, savoir, par les Japonais qui assistent aux messes que vous dites, et quelle est la situation de l’Église au Japon, et de la tradition en particulier ?
Abbé Couture : Le tsunami a donc eu lieu le 11 mars dernier. Nous n’avions ce jour-là aucun fidèle dans le village. Une semaine plus tard je baptisais une jeune demoiselle, dont la famille vient d’un village à côté de Fukushima, de la centrale, à vingt kilomètres, qui a été balayé par la vague. C’est un village bouddhiste. Grâce à Dieu, nous n’avons pas eu de fidèles qui ont péri. Les parents de cette demoiselle ont survécu, seule la maison a subi des dégâts. C’est une tragédie pour le Japon. Il y a eu des peurs terribles. On pensait que ça allait exploser. Nous avions même des informations de sources très sérieuses que ça allait exploser. Et ça n’a pas explosé, grâce à Dieu.
Il y a certainement du bien qui va en sortir, je ne sais pas. Il y a des conversions, peut-être. Il y a quelqu’un en France qui a offert de donner (on nous a contactés pour ce projet) de donner une médaille miraculeuse pour tous ceux qui ont survécu au tsunami. Et là, maintenant, grâce à cette jeune demoiselle, qui vient d’un village, on va essayer d’y aller au mois de septembre, essayer de rencontrer les gens du village. Nous leur donnerons des médailles miraculeuses, pour qu’ils remercient la Sainte Vierge d’être toujours en vie et de remercier le Bon Dieu, et puis les mettre dans les mains de la Sainte Vierge.
Messe à Tokyo – Japon
Ensuite, au Japon, nous avons deux centres de messes, un à Tokyo, un à Osaka, qui est à peu près à trois, quatre cents kilomètres au sud. Ce sont des petits centres. A Tokyo, on a à peu près cinquante fidèles ; à Osaka, vingt, trente fidèles. Ils ont beaucoup souffert, mais là maintenant, sur La Porte Latine, sur DICI , sur notre site, on a fait un petit appel pour des dons, pour aider, justement, ce village.
Les Japonais sont très, très, très reconnaissants. Vous leur donnez dix centimes, et ils vont s’incliner profondément, c’est vraiment très authentique, comme gratitude. Là, on espère les aider une fois que ça va se calmer un peu, parce que c’est encore assez risqué, en ce moment. On va aussi les aider dans un projet de construire un immeuble pour loger les familles qui n’ont plus rien. Alors on a quelques milliers d’euros qui sont arrivés déjà et on espère voir un peu dans les mois qui viennent, comment les aider. C’est difficile, parce que les gens ont été évacués du village, parce qu’il y a encore des menaces de radiations. Alors ils vont dans leur famille, dans leur parenté, mais ils voudraient bien revenir, et là, ils ne savent pas où aller. « Est-ce qu’on revient, on ne revient pas ». Ils ne savent pas trop.
Et aussi, au Japon, ce qui est très intéressant, c’est le pèlerinage de Akita, que nous faisons depuis cinq ans, au nord du Japon. C’est le Fatima du Japon, si vous voulez. Il commence à prendre de l’ampleur. Ce n’est pas Chartres. Cette fois, écoutez, on vient de le faire, là, le premier week-end du mois de mai, cette année, on est monté jusqu’à cinquante. On a commencé avec quinze ! Donc on avance gentiment, on avance bien, et chaque année, il y a eu un baptême d’adulte. Chaque année, on voit des gens qui découvrent la foi et ça, ça fait plaisir. Donc on demande des prières pour le Japon, et ceux qui voudraient aider matériellement peuvent prendre contact avec nous afin de voir comment faire.
District USA : Dans la ligne de ces opportunités qui sont données aux fidèles pour les aider en plus des prières, vous êtes venu avec un livre, ici, aux Etats-Unis, que vous voulez promouvoir, sur le témoignage d’une Coréenne qui a été incarcérée par le régime marxiste. C’est une très belle histoire, divisée en petits chapitres faciles à lire. Comment avez-vous connu cette personne et comment ce livre peut-il aider à la fois vos œuvres, la tradition et les catholiques, ici, aux Etats-Unis ?
Abbé Couture :Mrs Rose est une Chinoise qui a passé vingt-six ans dans les camps de concentration en Chine, sous Mao Tse-Tung, de 1955 à 1981, et qui est arrivée aux États-Unis en 1989. Après une dizaine d’années allant à la messe nouvelle, à la paroisse, elle a découvert la tradition. Quelqu’un lui a parlé de la communion dans la main, et que la communion dans la main était mauvaise et alors elle a découvert la Fraternité. Maintenant elle fait partie du Tiers-Ordre de la Fraternité. Elle a ce témoignage extraordinaire, en disant : « Mes vingt-six ans en prison communiste ont été la meilleure préparation pour faire partie de la Fraternité Saint Pie X. Mon meilleur noviciat. »
Mrs Rose Hu raconte son extraodinaire aventure en Chine
Son livre a été publié maintenant en anglais ; nous venons juste d’imprimer la deuxième édition en Corée, par la Fraternité. Il est en train d’être traduit en français et en espagnol. Il raconte son histoire qui est très simple. Comme vous dites, des chapitres très simples, très beaux.
Elle s’était convertie à l’âge de seize ans. Quatre ans après, elle se fait arrêter, à cause de la Légion de Marie. Tout ça est lié avec la Légion de Marie, qui, aux yeux de Mao Tse-Tung, était l’ennemi numéro un, je dirais la pointe de fer de l’Eglise catholique en Chine. C’est une histoire extraordinaire que cette Légion de Marie. Monseigneur Riberi, qui était le Nonce apostolique en 1948, sentait venir la révolution. Mao a pris le contrôle en 1949. Alors il fait venir ce frère, le Père McGrath, un Irlandais, qui avait déjà implanté la Légion de Marie dans sa petite paroisse, avec des fruits extraordinaires. Alors le Nonce apostolique dit au Père McGrath : « Ecoute, Mao va prendre le contrôle bientôt, je te donne carte blanche. Etablis la Légion de Marie partout en Chine, parce qu’il faut que les Catholiques tiennent sans prêtres ». Et en deux ans il a établi, je crois, près de deux mille præsidia, et c’est ça qui a tenu les Catholiques, et parmi eux, il y a eu des martyrs, de vrais martyrs. Et Madame Rose Hu faisait partie de l’école de filles à Shanghai, c’était là où le Père McGrath a commencé. C’était une école pour familles aisées. Il a commencé là, avec ces familles. Il a commencé et cela a poussé comme des champignons. Cela s’est répandu avec la grâce de Dieu, et ces jeunes filles de vingt, vingt-cinq ans ont été torturées, mais la plupart ont tenu bon. Et là, c’est son témoignage, qu’elle a écrit sous obéissance au Père McGrath, qui a dit : « Il faut que tu mettes ton témoignage par écrit. » D’abord écrit en chinois, son livre a été lu sur la radio vaticane chinoise. C’est donc un témoignage important. Et maintenant on vient de le traduire en anglais, et on espère que, d’ici une année ou deux, il sortira en français, en espagnol, peut-être en allemand.
Ce témoignage qui est instructif même pour nous, prêtres, aidera à susciter des vocations dans ce monde aisé, matérialiste, en montrant des jeunes qui se comportent de façon héroïque.
Je vous donne un petit exemple tiré de ce livre. Une fois Rose était malade, elle avait une pneumonie, pendant deux semaines, elle était au lit, il n’y avait aucun médicament, et finalement quelqu’un a réussi à avoir quelques médicaments par la poste. Alors Rose se remet sur pied, et puis là, dès qu’elle est sur pied, elle doit retourner dans les champs travailler dans les rizières et en passant à côté du bâtiment avec son amie Thérèse, elle trouve un œuf par terre, un œuf de poule, un œuf ordinaire. Et pour eux, un œuf, c’est une bouteille de vitamines, c’est vraiment un cadeau du ciel, alors Thérèse prend l’œuf et dit : « Rose, regarde, le Bon Dieu t’envoie un œuf pour que tu reprennes des forces ! » Et Rose qui dit : « Mais, moi, ça va mieux, mais il y en a qui sont encore malades ! Moi, je ne peux pas le prendre. − Non, mais tu le prends parce que le Bon Dieu veut que tu fasses du travail ! − Non-non-non, moi, je ne peux pas prendre cet œuf. − Bon, alors on en discutera ce soir. » Et on a travaillé toute la journée aux champs, ils reviennent le soir. Il y a quelques Catholiques qui se réunissent, et puis Rose dit : « Non-non-non, moi, je ne peux pas prendre cet œuf, il y en a qui sont encore alités ». L’œuf passe de main en main, fait le tour de quinze personnes, et à la fin il revient à Rose. En fait tout le monde disait : « Il y en a qui sont plus malades que moi. » Et qu’ils mouraient de faim, ils disaient : « Non, non, il y en a qui en ont plus besoin que moi. » Alors cet esprit de charité et de sacrifice est héroïque. A la fin, ils ont mis un bol d’eau, ils ont fait une soupe avec un œuf, et … ils ont eu une cuillerée à soupe d’œuf. Et puis on a posé la question à Rose : « Mais qu’est-ce que vous avez fait avec la coquille ? » « On l’a mangée, parce qu’il ne faut pas laisser de traces. »
District USA : Monsieur l’abbé, l’Inde a toujours reçu un grand secours des Etats-Unis. On remercie au passage les nombreux bienfaiteurs et missionnaires qui viennent des Etats-Unis. Que vous pouvez dire, aujourd’hui, à ce jeune Indien qui a été ordonné prêtre?, Si vous aviez aujourd’hui quelques mots d’encouragement à lui dire ou un programme sacerdotal à lui donner pour les Indes, que lui diriez-vous ?
Abbé Couture : Que vais-je lui dire demain matin, à sa première messe ? Il faut vivre cet idéal sacerdotal dont Monseigneur a parlé ce matin, vivre la vocation de la Fraternité Saint Pie X. Comme je disais, un peu au début, tout à l’heure, en parlant des prêtres et des évêques qui se tournent vers nous, de plus en plus, grâce à Monseigneur Lefebvre la Fraternité entre dans une nouveau phase de son histoire. Monseigneur Lefebvre a non seulement gardé la Messe mais le sacerdoce qui va avec la Messe, et vraiment, tout comme disait Monseigneur, « ce n’est pas moi personnellement qu’ils attaquent, c’est la tradition ». Disons de façon analogue : ce n’est pas nous qui nous mettons en avant, mais c’est ce que nous représentons, nous représentons le type de sacerdoce qui a disparu pratiquement et c’est ce que je vais lui dire.
Il faut montrer ces trésors qui sont liés au sacerdoce catholique authentique : la Messe, les sacrements, la prédication. Quand on lit ce qui a été publié à Saint-Nicolas-du-Chardonnet (Paris), ceux qui ont été convertis à Saint-Nicolas, ce qui a été publié il y a quelques années, on parle d’un professeur d’université, en France, qui a été convertie, qui a eu la grâce de la conversion en étant marquée par le fait que, avant et après chaque sermon, le prêtre fait le signe de Croix. Ce sont des détails auxquels nous, on ne pense pas beaucoup, parce qu’on le fait tout le temps, mais un professeur d’université a eu la grâce par ce signe de la Croix. Et donc nous avons dans nos mains des trésors de grâces. Je pense à une de nos fidèles en Corée, qui était protestante, docteur, elle avait 25–28 ans. Elle a été convertie par un prêtre qui a béni un crucifix !
Je vais donc lui dire : « Rappelez-vous toujours que ce que vous représentez, ce que vous devez être…car lorsque les gens se tournent vers nous, cest parce que nous avons des trésors, des canaux de grâces, les sacrements, la doctrine », etc., Mais ça ne suffit pas pour nous, jeunes prêtres, il faut vivre l’idéal.
Les prêtres ne sont pas canonisés parce qu’ils disent la messe, sinon tous les prêtres seraient canonisés. Ils sont canonisés pour avoir pratiqué la vertu. Et c’est ça dont les gens ont besoin, et nous, les jeunes prêtres de la Fraternité, on a besoin de se le rappeler sans cesse. Saint Pie X, voulait que ses prêtres dont il a décrit les vertus dans son exhortation « hærent animo » soient vertueux. Je crois que c’est le plus bel exemple que nous pouvons donner, justement, le plus beau cadeau que nous pouvons donner dans ces endroits où nous envoyons nos prêtres, de montrer des prêtres qui ont des trésors dans les mains, les trésors de l’Église, et qui vivent, qui sont convaincus du devoir de vivre à la hauteur de ces trésors.
Prêtres de la FSSPX en mission en Inde
District USA : Pour finir, Monsieur l’Abbé, un mot, peut-être, pour les fidèles, quelque chose, un message que vous aimeriez leur destiner plus particulièrement, et peut-être de manière plus spéciale à la jeunesse ?
Abbé Couture : Tout d’abord merci. Merci pour tout ceux qui prient pour les missions. Je sais que ça se fait partout, dans les familles, on fait prier les enfants pour les missions. J’ai beaucoup de témoignages, je reçois chaque année des petits mots, des cartes postales des écoles de la Fraternité, des enfants, même des écoles primaires, qui nous disent : « Voilà Monsieur l’Abbé, nous avons offert notre Carême pour les missions. » Ça touche, je dirais, Monseigneur utilisait toujours l’exemple du tuyau d’arrosage, n’est-ce pas, et nous, les missionnaires, nous sommes à l’autre bout, et nous voyons l’eau sortir, et je vois les fidèles de partout dans le monde qui prient pour les missions, c’est un robinet, alors je peux vous assurer que la grâce passe, la grâce passe. Samedi dernier, il y a une semaine, nous avons baptisé une musulmane à Singapour, une semaine avant, c’était un bouddhiste. Il y a des conversions d’adultes, on le voit, c’est mystérieux, mais la grâce passe. Donc un grand merci pour tous ceux qui prient, qui font des sacrifices, qui offrent des communions, qui pensent aux missions.
La moisson est surabondante. Les jeunes qui cherchent l’aventure, une vie où il y a de quoi être très épanoui, une vie missionnaire, comme autrefois, ça existe encore. Et donc priez pour les vocations. Que les jeunes aussi se posent la question en voyant l’abondance de la moisson : « Est-ce que le Bon Dieu n’aurait pas besoin de moi aussi, et ne pourrait-Il pas m’envoyer aussi ? » Comme disait le Prophète : « Envoyez-moi, Seigneur, si Vous avez besoin d’aide, je suis là, que voulez-Vous que je fasse ? »
C’est saint François Xavier qui disait, dans une des ses lettres fameuse aux jésuites de Rome, en 1544, « Je voudrais aller courir dans les corridors de la Sorbonne et hurler aux étudiants en disant « Mais qu’est-ce que vous faites, pensez à votre éternité, qu’est-ce que vous présenterez au Bon Dieu le jour de votre mort ? S’Il vous a donné tant de talents. Ne perdez pas les talents, ne perdez pas votre temps, votre vie dans les choses inutiles ! Allez, travaillez dans la moisson pour récolter des fruits qui dureront pour toute l’éternité ! » » Et Saint François Xavier était visionnaire. il était en Inde à l’époque et pourrait dire la même chose aujourd’hui.
Donc : merci, et puis courage et réfléchissez, faites des retraites si vous avez des doutes, si vous cherchez votre état de vie. Il faut faire une bonne retraite avant de s’engager dans une voie ou dans une autre, faire le point : « Quel est le meilleur usage que je puisse faire de ma vie considérant la gloire du Ciel et de l’Eternité ? » En même temps, en réponse à vos prières, vous pouvez être assurés de nos prières pour que le Bon Dieu fasse germer de plus en plus de vocations missionnaires parmi notre jeunesse.
District USA : Merci beaucoup Monsieur l’Abbé.
Abbé Couture : Tout le plaisir est pour moi.
Winona le 17 juin 2011
Merci à M. l’abbé Arnaud Rostand, supérieur du District des USA, et à son collaborateur chargé de la communication pour leur aimable autorisation de publier ce magnifique entretien de l’abbé Daniel Couture sur l’apostolat de la FSSPX |