M. l’abbé Paul Aulagnier – Regard sur le monde n° 138 du 21/​07/​2007

M. l’abbé Paul Aulagnier – Regard sur le monde n° 138 du 21/​07/​2007 – Extrait

En atten­dant, quant à moi, comme le R.P. Calmel, « je m’en tiens à la messe tra­di­tion­nelle, celle qui fut codi­fiée, mais non fabri­quée, par saint Pie V, au XVIe siècle, confor­mé­ment à une cou­tume plu­sieurs fois sécu­laire ». Je refuse donc l’Ordo Missae de Paul VI.

[…]Pourquoi ? Parce que, en réa­li­té, cet Ordo Missae n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution litur­gique uni­ver­selle et per­ma­nente, prise à son compte ou vou­lue par le Pape actuel, et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril 1969.

C’est le droit de tout prêtre de refu­ser de por­ter le masque de cette Révolution litur­gique. Et j’es­time de mon devoir de prêtre de refu­ser de célé­brer la Messe dans un rite équi­voque. Si nous accep­tons ce rite nou­veau, qui favo­rise la confu­sion entre la Messe catho­lique et la Cène pro­tes­tante – comme le disent équi­va­lem­ment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides ana­lyses théo­lo­giques – alors nous tom­be­rons sans tar­der d’une Messe inter­chan­geable (comme le recon­naît du reste un pas­teur pro­tes­tant) dans une Messe car­ré­ment héré­tique et donc nulle.

Commencée par le Pape, puis aban­don­née par lui aux églises natio­nales, la réforme révo­lu­tion­naire de la messe ira son train d’Enfer. Comment accep­ter de nous rendre com­plices ? Vous me deman­de­rez : en main­te­nant, envers et contre tout, la Messe de tou­jours, avez-​vous réflé­chi à quoi vous vous expo­sez ? Certes. Je m’ex­pose, si je peux dire, à per­sé­vé­rer dans la voie de la fidé­li­té à mon sacer­doce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoi­gnage de mon office de prêtre. Je m’ex­pose encore à ras­su­rer des fidèles désem­pa­rés, ten­tés de scep­ti­cisme ou de déses­poir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe codi­fié par saint Pie V, le grand Pape domi­ni­cain de la Contre-​Réforme, per­met aux fidèles de par­ti­ci­per au Saint Sacrifice sans équi­voque pos­sible ; de com­mu­nier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incar­né et immo­lé, ren­du réel­le­ment pré­sent sous les saintes espèces.

En revanche, le prêtre qui se plie au nou­veau rite, for­gé de toutes pièces par Paul VI, col­la­bore pour sa part à ins­tau­rer pro­gres­si­ve­ment une Messe men­son­gère où la pré­sence du Christ ne sera plus véri­table, mais sera trans­for­mée en un mémo­rial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réel­le­ment et sacra­men­tel­le­ment offert à Dieu ; enfin la com­mu­nion ne sera plus qu’un repas reli­gieux où l’on man­ge­ra un peu de pain et boi­ra un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants.

Ne pas consen­tir à col­la­bo­rer à l’ins­tau­ra­tion révo­lu­tion­naire d’une Messe équi­voque, orien­tée vers la des­truc­tion de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésa­ven­tures tem­po­relles, à quels mal­heurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suf­fit. En véri­té la grâce du Cœur de Jésus, déri­vée jus­qu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacre­ments, suf­fit tou­jours. C’est pour­quoi le Seigneur nous dit si tran­quille­ment : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éter­nelle. Je recon­nais sans hési­ter l’au­to­ri­té du Saint Père. J’affirme cepen­dant que tout Pape, dans l’exer­cice de son auto­ri­té, peut com­mettre des abus d’au­to­ri­té. Je sou­tiens que le Pape Paul VI com­met un abus d’au­to­ri­té d’une gra­vi­té excep­tion­nelle lors­qu’il bâtit un rite nou­veau de la Messe sur une défi­ni­tion de la Messe qui a ces­sé d’être catho­lique.

« La Messe, écrit-​il dans son Ordo Missae, est le ras­sem­ble­ment du peuple de Dieu, pré­si­dé par un prêtre, pour célé­brer le mémo­rial du Seigneur. »

Cette défi­ni­tion insi­dieuse omet de parti­pris ce qui fait catho­lique la Messe catho­lique, à jamais irré­duc­tible à la Cène protestante.

Car dans la Messe catho­lique il ne s’a­git pas de n’im­porte quel mémo­rial ; le mémo­rial est de telle nature qu’il contient réel­le­ment le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont ren­dus réel­le­ment pré­sents par la ver­tu de la double consé­cra­tion. Cela appa­raît à ne pou­voir s’y méprendre dans le rite codi­fié par saint Pie V, mais cela reste flot­tant et équi­voque dans le rite fabri­qué par Paul VI . De même, dans la Messe catho­lique, le prêtre n’exerce pas une pré­si­dence quel­conque ; mar­qué d’un carac­tère divin qui le met à part pour l’é­ter­ni­té, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assi­mi­lable à quelque pas­teur, délé­gué des fidèles pour la bonne tenue de leur assem­blée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordon­né par saint Pie V, est dis­si­mu­lé sinon esca­mo­té dans le rite nou­veau. La simple hon­nê­te­té donc, mais infi­ni­ment plus l’hon­neur sacer­do­tal, me demandent de ne pas avoir l’im­pu­dence de tra­fi­quer la Messe catho­lique, reçue au jour de l’Ordination.

Puisqu’il s’a­git d’être loyal, et sur­tout en une matière d’une gra­vi­té divine, il n’y a pas d’au­to­ri­té au monde, serait-​ce une auto­ri­té pon­ti­fi­cale, qui puisse m’ar­rê­ter. Par ailleurs la pre­mière preuve de fidé­li­té et d’a­mour que le prêtre ait à don­ner à Dieu et aux hommes c’est de gar­der intact le dépôt infi­ni­ment pré­cieux qui lui fut confié lorsque l’é­vêque lui impo­sa les mains. C’est d’a­bord sur cette preuve de fidé­li­té et d’a­mour que je serai jugé par le Juge Suprême.

J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’ob­tienne de res­ter fidèle jus­qu’à la mort à la Messe catho­lique, véri­table et sans équi­voque. TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

Conclusion : On se sou­vien­dra, aus­si, avec bon­heur de ces belles réflexions du Père Calmel :

« Si vous met­tez la main dans cer­tains engre­nages, le corps entier sera broyé. Le Novus Ordo Missae peut se com­pa­rer à un engre­nage impla­cable, exac­te­ment cal­cu­lé pour broyer la messe, et, avec la messe, le prêtre. Banni le latin. Repoussé le canon ou règle inva­riable de la consé­cra­tion. Encouragées les prières eucha­ris­tiques peu consis­tantes, notam­ment le canon express. Fini le rite odo­rant et fixe pour rece­voir la com­mu­nion. En somme la messe déman­te­lée de part en part, dans toutes les prières, dans toutes les atti­tudes ; aus­si bien du côté du prêtre que du côté des fidèles ; la messe aban­don­née, dans la pra­tique, à l’ar­bi­traire de cha­cun. Et vous vou­drez, avec cela, que la consé­cra­tion, qui certes est conser­vée, conti­nue d’être faite dans un contexte appro­prié à son mys­tère ! Vous vou­driez que la messe demeure stable, infailli­ble­ment valide ; vous vou­driez qu’elle ne devienne pas n’im­porte quoi ! Autant vou­loir l’im­pos­sible. Autant dire : pen­dant l’o­rage, ne vous abri­tez d’au­cune manière, mais quand même ne soyez pas mouillés ! Il est vrai que les nova­teurs s’i­ma­ginent qu’a­près Vatican II il fera tou­jours beau dans la sainte Eglise, que les orages ne vien­dront plus nous éprou­ver. Vue inté­res­sante sans doute, dont la seule fai­blesse est de man­quer de réa­lisme ». (Publiés dans Le sel de la Terre n° 12 bis p 148)

Abbé Paul Aulagnier 

Regard sur le monde n° 138