Monde & Vie n° 782 du 21 juillet 2007
Dossier complet sur le Motu Proprio : « un acte prophétique »
A un an du vingtième anniversaire des sacres de quatre évêques par Mgr Lefebvre, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X obtient ce que son fondateur n’aurait jamais espéré en son temps : la libéralisation de la messe tridentine, dite rite de saint Pie V. Nous sommes bien loin, en effet, de « L’expérience de la tradition » réclamée par l’évêque rebelle aux autorités romaines…Qu’on le veuille ou non, Mgr Fellay, qui a reçu le Motu Proprio et la lettre l’accompagnant en même temps que les évêques du monde entier, possède une responsabilité importante dans cette publication. De fait, sa réaction fut immédiate (voir le communiqué). Le 10 juillet dernier, sur la colline de Suresnes près de Paris, le supérieur du district de France de la FSSPX, l’abbé Régis de Cacqueray, a accepté de répondre aux questions de Christophe Mahieu.
Un entretien exclusif pour Monde & Vie
M&Vie. Que représente pour le prêtre catholique que vous êtes la parution du Motu Proprio ?
Abbé Régis de Cacqueray. Qu’après trente-huit ans d’apartheid, le rite immémorial de l’Église soit au moins partiellement réhabilité ne peut que réjouir mon cour de prêtre. La prétendue interdiction de la messe traditionnelle était, pour l’Eglise, un scandale sans nom. Je m’en réjouis également comme une réhabilitation méritée pour ces prêtres et fidèles qui, dès le premier jour, affirmèrent que ce rite n’était pas interdit. Au premier rang desquels Mgr Marcel Lefebvre.
M&Vie. Ce Motu Proprio modifie-t-il la donne à Rome ?
R. de C. Ce motu proprio est nettement un acte personnel du pape, dans la ligne de ses réflexions d’avant son élection, et malgré des oppositions virulentes. Je crois que, dans l’histoire, ce geste sera compté à l’actif de son pontificat. Ce motu proprio représente un changement fort par rapport à la politique de Paul VI, un changement relatif par rapport à celle de Jean-Paul II. Par ailleurs, la volonté du pape s’étant exprimée, il est évident que la Curie romaine va mettre en ouvre le motu proprio.
M&Vie. Ce Motu Proprio va-t-il bouleverser l’Église de France ?
R. de C. Les évêques français redoutaient ce motu proprio, ils le reçoivent de mauvaise grâce. Dans leur majorité, ils sont hostiles à la liturgie traditionnelle. Mais le pape s’étant exprimé, ils ne peuvent s’y opposer frontalement. Tout va maintenant dépendre de l’application, de la plus ou moins bonne volonté qu’ils y mettront. Comme l’a dit Mgr Fellay, c’est la suite du motu proprio qui sera intéressante, la guerre (sourde ou ouverte) qu’il va déclencher.
M&Vie. La Fraternité Saint-Pie X, notamment par sa demande des « deux préalables », a joué un rôle majeur dans cette libéralisation. Comment envisagez-vous désormais ses relations avec les autorités romaines ?
R. de C. La Fraternité Saint-Pie X est avant tout catholique. L’idée de se séparer de l’Église nous est totalement étrangère. Et c’est de Rome même que nous attendons le salut pour l’Église. Telle est la base de nos relations avec les autorités ecclésiastiques. A court terme, Mgr Fellay s’est « réjoui de voir l’Église retrouver sa Tradition liturgique » par ce motu proprio. Si ce n’est pas totalement le premier préalable, cela y ressemble fort. A moyen terme, il reste le deuxième préalable, c’est-à-dire l’abolition de la prétendue excommunication des évêques auxiliaires de la Fraternité, puis les discussions doctrinales. Mais, incontestablement, ce motu proprio crée dans l’Église un climat plus favorable à la tradition, et c’est un élément important dans les rapports entre la Fraternité Saint-Pie X et Rome.
M&Vie. Ce Motu Proprio pourrait-il entraîner une scission dans la Fraternité Saint- Pie X ?
R. de C. La position de la Fraternité Saint-Pie X constitue un point d’équilibre, toujours difficile à tenir. C’est pourquoi, à chaque étape, quelques-uns de ses membres l’ont quittée, la trouvant trop dure ou trop complaisante, selon les cas. Mais la majorité est toujours restée fidèle. Il est possible que cette nouvelle étape voit quelques membres nous quitter. Mais il n’y aura certainement pas de mouvement massif, pour la bonne raison que ce motu proprio ne nous concerne pas au premier chef : à nos yeux, tout prêtre a toujours le droit de célébrer la messe traditionnelle, sans aucune restriction. Par ailleurs, cette réponse à notre demande du premier préalable manifeste que nous sommes sur la bonne voie, et cela va encourager les membres de notre Fraternité dans leur combat quotidien.
Christophe Mahieu
Monde & Vie
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