Le pape s’exprime volontairement de manière ambiguë et place la pastorale avant la doctrine – 1er mars 2016


Note de la rédac­tion de La Porte Latine :
il est bien enten­du que les com­men­taires repris dans la presse exté­rieure à la FSSPX
ne sont en aucun cas une quel­conque adhé­sion à ce qui y est écrit par ailleurs.

Pourquoi le Pape, tout en sachant par­fai­te­ment que ses pro­pos donnent lieu à des mal­en­ten­dus et des fal­si­fi­ca­tons jour­na­lis­tiques, ne prend jamais la peine de les rec­ti­fier ou de les expli­quer en per­sonne et directement ?

L’explication serait que François n’est pas (que) « le Pape du Concile », mais qu’il est lui-​même un fruit du Concile, et qu’il n’i­ma­gine pas d’autre manière pour l’Eglise de « par­ler au monde » que de pla­cer la pas­to­rale avant la doc­trine et ceci est d’au­tant plus patent que la nou­velle doc­trine du Concile est deve­nue la doc­trine offi­cielle de l’Eglise… avec des résul­tats qui sont sous les yeux de chacun. 

La majo­ri­té des fidèles catho­liques, en accep­tant toutes les nou­veau­tés conci­liaires pro­mues et sou­te­nues par le Chef de l’Eglise, acceptent de fac­to de consi­dé­rer que le Magistère divi­ne­ment assis­té se réduit doré­na­vant seule­ment au Magistère du moment pré­sent. Cette grave erreur dans l’in­ter­pré­ta­tion du Magistère, sous-​jacente à une néo-​doctrine où la pas­to­rale a rem­pla­cé la vraie doc­trine, a conta­mi­né tout le Corps de l’Eglise jus­qu’à son sommet.

C’est ain­si que le pape François, à force de pro­pos ambigüs ou de silences com­plices, laisse la porte ouverte à toutes les confu­sions, toutes les déviances, toutes les inova­tions hété­ro­doxes qui peuvent alors trou­ver faci­le­ment leur place dans ce fameux » renou­veau dans la conti­nui­té de l’u­nique sujet-​Eglise » (1).

L’analyse, assez bien­veillante d’ailleurs, – que nous vous pro­po­sons ci-​après – de Riccardo Zenobi, publiée sur le blog Campari et de Maistre, montre com­ment le pape croit vrai­ment que la seule façon pos­sible de par­ler du Christ à un monde déchris­tia­ni­sé est de mettre le minis­tère et le dia­logue avant la per­sonne du Christ et qui Il est. 

C’est en cela, au moins, que l’on peut dire que la pas­to­rale a pris le pas sur la doc­trine – quitte à la contre­dire – et que le Magistère « pré­sent » réin­ter­prète sans cesse la Tradition qui ne serait plus que « l’ex­pres­sion d’un vécu »(2).

La Porte Latine du 1er mars 2016

Une pastorale anti-​pastorale, par Riccardo Zenobi

L’auteur de ces lignes sait par­fai­te­ment que le Pape est régu­liè­re­ment et sys­té­ma­ti­que­ment défor­mé par les médias(3), et que ses dis­cours sont tou­jours rap­por­tés de façon biai­sée et donc intel­lec­tuel­le­ment mal­hon­nête par les jour­naux, la télé­vi­sion, etc. Je suis éga­le­ment bien conscient que, si l’on va véri­fier les dis­cours dans leur inté­gra­li­té et non pas « la coupe » qu’en donne la presse, on peut en tirer un texte com­pa­tible avec la doc­trine catho­lique. Ceci, en paroles. 

Mais les faits montrent que le pape se laisse tran­quille­ment défor­mer par les médias, et bien que cela arrive tout le temps et pour tout ce qu’il dit, il ne fait rien pour se faire com­prendre, pour lever l’am­bi­guï­té, pour dire « non, regar­dez, vous n’a­vez rien com­pris à ce que j’ai dit ».

Rien de tout cela, que ce soit de la part du Pape ou de la Curie romaine ou d’un orga­nisme du Saint-​Siège, qui au moins sou­lève le soup­çon que la presse se moque de tout le monde. 

Bref, ce Pape s’ex­prime volon­tai­re­ment de manière ambi­guë, parce s’il le fai­sait invo­lon­tai­re­ment, il se cor­ri­ge­rait au moins un peu, où il pèse­rait un peu plus ses mots. Mais mal­gré tout cela, il per­siste dans la méthode de faire des dis­cours qui, régu­liè­re­ment déna­tu­rés, tout aus­si régu­liè­re­ment ne trouvent aucune refor­mu­la­tion ou inter­pré­ta­tion rec­ti­fi­ca­tive. Le Pape ne fait rien pour se faire com­prendre, et cela sème une énorme confu­sion dans les consciences des fidèles (y com­pris la mienne), alors que sa tâche est de confir­mer les croyants catho­liques dans la foi. 

J’en tire quelques considérations. 

En pre­mier lieu, le Pape sait que les médias le déforment, pro­vo­quant des dom­mages incal­cu­lables ; cepen­dant, il main­tient déli­bé­ré­ment l’am­bi­guï­té. Et voi­ci la ques­tion que je pose : pour­quoi cela ? Pourquoi uti­li­ser une stra­té­gie de com­mu­ni­ca­tion vouée à l’é­chec et des­truc­trice, sachant bien qu’elle ne donne aucun résul­tat positif ? 

Discutant de cela avec une connais­sance, nous en avons conclu que le pape croit vrai­ment que la seule façon pos­sible de par­ler du Christ à un monde déchris­tia­ni­sé est de mettre le minis­tère et le dia­logue avant la per­sonne du Christ et qui Il est. C’est du reste une stra­té­gie que l’Église suit depuis 50 ans, avec des résul­tats spec­ta­cu­lai­re­ment désas­treux. Mais Bergoglio est le pre­mier pape du post-​Concile qui n’a pas par­ti­ci­pé à Vatican II (il avait 29 ans quand il s’est ter­mi­né, étant né en 1936), et c’est pour­quoi il a vécu et s’est for­mé dans le cli­mat d’i­vresse idéo­lo­gique qui met­tait le dia­logue avant tout le reste, et , mal­heu­reu­se­ment, il rai­sonne uni­que­ment en ces termes, sans même envi­sa­ger de chan­ger de stra­té­gie, car il consi­dère toutes les autres façons de com­mu­ni­quer l’Evangile comme condam­nées a prio­ri à l’é­chec, à l’in­com­pré­hen­sion et au rejet. En sub­stance, ce pape a plei­ne­ment mis en œuvre les exi­gences du Concile, et bien qu’il sache que ses actions sont en train de dévas­ter l’Eglise, il est convain­cu que c’est le seul moyen d’ac­tion res­té pos­sible à un prêtre chré­tien dans le monde d’au­jourd’­hui (et il est dans une com­pa­gnie (4) très four­nie de prêtres /​évêques /​car­di­naux.)

Mais le chris­tia­nisme, ce n’est pas cher­cher à plaire ou à être com­pris par le monde. Évangéliquement, le chré­tien doit tenir le lan­gage du « oui, c’est oui, non, c’est non », et il doit savoir que si le monde le hait, c’est parce qu’a­vant cela, il haïs­sait le Christ (cf. Jn 15, 18) (5). Et la stra­té­gie de la « pas­to­rale avant tout » n’a pas appor­té de résul­tats posi­tifs, même au niveau pas­to­ral. Pire, « le dia­logue à tout prix » a signi­fié que les catho­liques ont été les seuls seuls à payer le coût du dia­logue, s’a­li­gnant sur les opi­nions du monde, lequel n’est pas deve­nu plus chré­tien. C’est l’é­chec total de toutes les ambi­tions pas­to­rales déclen­chées par le Concile Vatican II. Bergoglio peut bien être appe­lé le Pape du Concile : tan­dis que ses pré­dé­ces­seurs se retrou­vaient avec la ges­tion du post-​concile sur les bras, François est au contraire l’un des « fruits du Concile », puis­qu’il a vu uni­que­ment ce type de pas­to­rale et cette forme de rela­tion de l’Eglise au monde. 

Il va sans dire que Vatican II n’est pas un « concile héré­tique » ou à reje­ter en bloc. Mais étant le pre­mier concile pas­to­ral de l” his­toire, c’est au niveau pas­to­ral qu’il doit être jugé, et les résul­tats sont tota­le­ment néga­tifs. En outre, l’in­ten­tion du Concile n’é­tait pas de défi­nir des Vérités révé­lées, mais seule­ment de chan­ger la méthode d’ap­proche au monde ; la thèse selon laquelle Vatican II est « héré­tique » n’est donc pas sou­te­nable : pour être tel, [un concile] doit défi­nir des héré­sies, et le Concile s’est déli­bé­ré­ment abs­te­nu de défi­nir. Mais la pas­to­rale qui en est sor­tie était tota­le­ment contre-​productive.

Si on veut sor­tir de cette confu­sion, née de docu­ments conci­liaires qui se prêtent à une inter­pré­ta­tion ambi­guë, il faut reve­nir à la méthode défi­ni­toire, pro­cla­mer à nou­veau la Vérité de la Personne du Christ sine glos­sa (càd sans édul­co­ra­tion), sans pen­ser a prio­ri à ce que sera l’ef­fet sur le monde. Le suc­cès d’un « plan pas­to­ral » n’est pas en notre pou­voir, à nous, catho­liques, Dieu seul peut le faire. 

Nous devons donc renon­cer à l’en­goue­ment pour le « dia­logue à tout prix » et sim­ple­ment recom­men­cer à ado­rer notre Seigneur Jésus-​Christ, en disant à tous qui Il est. C’est la seule chose que nous puis­sions faire, parce que tout le reste s’est avé­ré être un échec total. Il ne nous est res­té que Dieu, nous n’a­vons plus aucun pré­texte pour nous ber­cer de l’illu­sion que nous pou­vons confier l’é­van­gé­li­sa­tion à la seule pastorale.

Adorons à nou­veau Dieu et son divin Fils, Jésus-​Christ, si nous vou­lons res­ter catho­liques et chré­tiens. L’influence dans la vie civile, sociale et cultu­relle nous a été enle­vée, nous n’a­vons plus les moyens de faire un tra­vail pastoral. 

Telle est la leçon que nous donne invo­lon­tai­re­ment le pré­sent pontificat.

Riccardo Zenobi

Sources : Campari et de Maistre/​Traduction de Benoit et Moi/​La Porte Latine du 1er mars 2016

Notes de La Porte Latine

(1) Le Magistère vivant est garant du « renou­veau dans la conti­nui­té de l’u­nique sujet-​Eglise, qui gran­dit dans le temps et qui se déve­loppe, res­tant cepen­dant tou­jours le même ». Benoît XVI in « Discours à la curie du 22 décembre 2005″.
(2) « Parmi les chausse-​trappes ou les impré­ci­sions volon­taires dont four­mille cette consti­tu­tion conci­liaire, contentons-​nous de rele­ver l’in­tro­duc­tion de l’ex­pres­sion de « Tradition vivante » qui va ensuite très sou­vent être reprise et exploi­tée dans les actes du Magistère post-​conciliaire. Que l’on ne pense pas que ce soit nous qui majo­rions son impor­tance puisque le reproche de Jean- Paul II à Mgr Lefebvre a consis­té pré­ci­sé­ment à lui dire que sa concep­tion de la Tradition était incom­plète au motif qu’il ne pre­nait pas suf­fi­sam­ment en compte son « carac­tère vivant ». Et c’est même là que se trouve à ses yeux « la racine de cet acte schis­ma­tique » ! « . Au sujet de la Tradition, par M. l’ab­bé Régis de Cacqueray, Septembre 2012
(3) Lire sur LPL : Les deux François, celui des médias et le vrai.
(4) La Compagnie de Jésus [S.J.] fon­dée en 1539 par saint Ignacede Loyola et saint François-​Xavier.
(5) « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï le premier ».