Pape François : « Le document d’Abou Dhabi ne s’éloigne pas d’un millimètre de Vatican II »

CONFORMEMENT à son habi­tude, le Pape François a pro­fi­té du voyage de retour d’Abou Dhabi pour une confé­rence à bâtons rom­pus avec les jour­na­listes dans l’avion. Bien enten­du, ceux-​ci ont évo­qué la décla­ra­tion com­mune faite avec les auto­ri­tés isla­miques. Il nous a paru inté­res­sant de repro­duire la ques­tion du jour­na­liste ita­lien Domenico Agasso et la réponse qu’il a reçue :

« Saint-​Père, après la signa­ture his­to­rique d’hier, du Document sur la fra­ter­ni­té, selon vous, quelles seront les consé­quences dans le monde isla­mique, en pen­sant sur­tout aux conflits au Yémen et en Syrie ? Et quelles consé­quences y aura-​t-​il aus­si par­mi les catho­liques, étant don­né qu’il y a une par­tie des catho­liques qui vous accusent de vous faire ins­tru­men­ta­li­ser par les musulmans ?

« Mais pas seule­ment par les musul­mans ! Ils m’accusent de me faire ins­tru­men­ta­li­ser par tout le monde, même par les jour­na­listes ! Cela fait par­tie du [de mon] tra­vail. Mais je veux dire une chose. Cela, je le répète clai­re­ment : du point de vue catho­lique, le docu­ment ne s’est pas éloi­gné d’un mil­li­mètre de Vatican II. Il est même cité, par­fois. Le docu­ment a été rédi­gé dans l’esprit de Vatican II. Et j’ai vou­lu, avant de prendre la déci­sion de dire : « Cela va bien comme cela, nous le ter­mi­nons ain­si » – du moins pour ma part –, je l’ai fait lire à quelques théo­lo­giens et aus­si offi­ciel­le­ment par le théo­lo­gien de la Maison pon­ti­fi­cale qui est un domi­ni­cain qui suit la belle tra­di­tion domi­ni­caine, qui est de ne pas aller à la chasse aux sor­cières, mais de voir les choses justes, et il a approuvé.

Si cer­tains se sentent dans l’embarras, je le com­prends, ce n’est pas une chose de tous les jours, et ce n’est pas un pas en arrière, c’est un pas en avant, à par­tir du Concile qui doit se déve­lop­per. Les his­to­riens disent que pour qu’un Concile s’enracine dans l’Eglise, il faut 100 ans. Nous sommes à mi-​chemin. Et cela peut sus­ci­ter quelques per­plexi­tés, à moi aus­si. Je vais vous dire, j’ai vu une phrase [du docu­ment] et je me suis dit : « Mais cette phrase, je ne sais pas si c’est bien sûr… » C’était une phrase du Concile ! Et cela m’a sur­pris moi aus­si ! Dans le monde isla­mique, il y a des opi­nions dif­fé­rentes, cer­taines plus radi­cales, d’autres non. Hier, au Conseil des sages, il y avait au moins un chiite d’une grande uni­ver­sa­li­té, et il a bien par­lé… Il y aura par­mi eux – je ne sais pas bien – des désac­cords… C’est un pro­ces­sus et les pro­ces­sus mûrissent comme les fleurs, comme les fruits. »

Commentaire : il est dif­fi­cile de dire plus clai­re­ment que cette nou­velle ini­tia­tive œcu­mé­nique se veut un fruit du Concile. Nous sommes dans un « pro­ces­sus » de matu­ra­tion de ces idées dans l’Eglise, et les auto­ri­tés romaines pren­dront le temps qu’il fau­dra pour les faire adop­ter par tous les catho­liques. Depuis cin­quante ans, on constate pour­tant les mêmes résul­tats : les adeptes des fausses reli­gions sont tou­jours confor­tés dans leurs erreurs, seuls les catho­liques doutent de la véra­ci­té de leur foi. Si l’on peut consta­ter un fruit du Concile, c’est bien cette apos­ta­sie silen­cieuse. Abbé L.-M. Carlhian

Source : Extraits de l’Osservatore Romano du 12 février 2019 /​La Couronne de Marie n° 74