6 novembre 1963

Quatrième intervention de Mgr Lefebvre au concile sur les évêques

Vénérables Frères

Nous sommes quelques Pères d’accord avec l’intention du Schéma et toutes ses affir­ma­tions rela­tives aux dis­po­si­tions internes à l’égard des frères sépa­rés. Puissions-​nous, pour notre part, four­nir tous les efforts légi­times afin que ces frères reviennent à l’unité de l’Eglise !

Cependant et pour bien des rai­sons, ce sché­ma ne nous semble pas favo­ri­ser le retour à cette véri­table uni­té. C’est pour­quoi, en géné­ral, il ne nous plaît pas. Je m’explique :

1° Pour son titre même, nous approu­vons les obser­va­tions des Eminentissimes Cardinaux Ruffini et Bacci.

2° Aux cha­pitres I, II et III, l’exposition des prin­cipes nous paraît favo­ri­ser un faux iré­nisme, soit en obs­cur­cis­sant la véri­té, soit en attri­buant des dons spi­ri­tuels exces­sifs aux frères séparés.

1. En pre­mier lieu, voi­ci com­ment les véri­tés sont amoindries :

  • Il est bien dit, page 17, lignes 20 à 24 : « Rien n’est plus étran­ger à l’œcuménisme que ce faux iré­nisme qui dété­riore la pure­té de la doc­trine catho­lique ou en obs­cur­cit la signi­fi­ca­tion véri­table et cer­taine. » En fait, cepen­dant, les véri­tés les plus fon­da­men­tales en ce domaine sont amoin­dries. Par exemple :
  • Page 7, lignes 25 et sui­vantes, la véri­té essen­tielle pour encou­ra­ger l’unité n’est affir­mée qu’indirectement et incom­plè­te­ment, à savoir que l’unique et indis­pen­sable source d’unité est le Souverain pon­tife, Successeur de Pierre et Vicaire du Christ. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise catho­lique. Là où est le Vicaire du Christ, là est l’Eglise des Apôtres. Un est Dieu, Un est le Christ, Un est le Vicaire du Christ, Une est l’Eglise. Or, le Vicaire du Christ n’est autre, ici sur terre, que le Pontife romain. Cette véri­té, d’elle-même, avec force et dou­ceur, attire les âmes vers l’Eglise, Epouse du Christ et notre Mère.
  • Page 9, ligne 2, l’Eglise est dite « secours géné­ral du salut ». Or, si l’on recourt à la Lettre du Saint- Office , on y trouve éga­le­ment ceci : « C’est pour­quoi per­sonne ne sera sau­vé qui, sachant que l’Eglise a été divi­ne­ment ins­ti­tuée par le Christ, refuse pour­tant de se sou­mettre à l’Eglise, ou bien dénie l’obéissance due au Pontife romain, Vicaire du Christ. En effet, notre Sauveur n’a pas seule­ment pres­crit à tous les hommes d’entrer dans l’Eglise ; il a aus­si ins­ti­tué l’Eglise comme moyen de salut sans lequel per­sonne ne peut entrer dans le royaume de la gloire céleste. »

On voit dès lors que, dans le docu­ment cité, l’Eglise n’est pas seule­ment « un secours géné­ral du salut ».

Ces exemples montrent clai­re­ment que la véri­té est amoindrie.

2. En deuxième lieu, il n’est pas par­lé cor­rec­te­ment de l’inspiration du Saint-​Esprit et des biens spi­ri­tuels dont jouissent les frères séparés.

- Page 8, ligne 33, il est dit : « Le Saint-​Esprit ne refuse pas de se ser­vir de ces Eglises et Communautés ». Or, une telle affir­ma­tion contient une erreur : une Communauté, en tant que Communauté sépa­rée, ne peut jouir de l’assistance du Saint-​Esprit, puisque sa sépa­ra­tion est une résis­tance au Saint- Esprit. Celui-​ci ne peut qu’agir direc­te­ment sur les âmes ou user des moyens qui, de soi, ne portent aucun signe de séparation.

Bien d’autres exemples pour­raient être appor­tés, notam­ment au sujet de la vali­di­té du bap­tême, de la foi de ceux dont le texte ne parle pas comme il se doit… Mais le temps nous presse.

Au cha­pitre V, sur « la liber­té reli­gieuse », toute l’argumentation s’appuie sur un prin­cipe faux. On y consi­dère comme équi­va­lentes, en effet, la norme sub­jec­tive et la norme objec­tive de la moralité.

Les suites de cette équi­va­lence sont telles dans toutes les socié­tés, fami­liale, reli­gieuse, civile, que le prin­cipe en est évi­dem­ment faux. On dit à ce pro­pos : « Le bien com­mun ser­vi­ra de norme aux autorités. »

Alors, com­ment défi­nir le bien com­mun, lequel doit être entiè­re­ment fon­dé sur une norme objec­tive de moralité ?

En conclu­sion : les trois pre­miers cha­pitres sur « l’œcuménisme » favo­risent un faux iré­nisme ; le cha­pitre V, fon­dé sur le sub­jec­ti­visme, favo­rise l’indifférentisme. Aussi, nous repous­sons ce schéma.

J’ai dit. [1]

† Marcel Lefebvre

Notes de bas de page
  1. Texte non lu publi­que­ment, dépo­sé au Secrétariat géné­ral du concile.[]

Fondateur de la FSSPX

Mgr Marcel Lefebvre (1905–1991) a occu­pé des postes majeurs dans l’Église en tant que Délégué apos­to­lique pour l’Afrique fran­co­phone puis Supérieur géné­ral de la Congrégation du Saint-​Esprit. Défenseur de la Tradition catho­lique lors du concile Vatican II, il fonde en 1970 la Fraternité Saint-​Pie X et le sémi­naire d’Écône. Il sacre pour la Fraternité quatre évêques en 1988 avant de rendre son âme à Dieu trois ans plus tard. Voir sa bio­gra­phie.