Vénérables frères, membres du Sacré-Collège,
Le cardinal-doyen, par ses paroles toujours si pleines d’amabilité et si concrètes, a voulu m’adresser ses voeux, en votre nom à tous également, pour ma fête. je me fais un devoir à mon tour de lui présenter les miens et de les lui renouveler publiquement, et de le remercier aussi, sincèrement et affectueusement, non seulement de ce qu’il a tenu à rappeler au sujet de cette première année de mon service comme Pasteur de l’Église universelle, mais aussi de ce que lui-même, en votre nom, a souhaité à moi comme à l’Église et à l’humanité, à savoir que se réalise un renouveau général dans l’adhésion concrète à la doctrine du Christ.
N’est-ce pas là, en synthèse, la finalité spirituelle du Concile Vatican II, le grand événement ecclésial de notre siècle, événement dont la mise en oeuvre est confiée à la tâche du Peuple de Dieu tout entier ? Le cher cardinal Confalonieri a évoqué, à juste titre, saint Charles Borromée, mon patron céleste. Combien n’a-t-il pas travaillé, combien n’a-t-il pas souffert lui-même pour rendre efficaces dans le vaste archidiocèse de Milan les sages directives de caractère doctrinal, moral, pastoral, liturgique du Concile de Trente !
À lui, mon protecteur, en cet instant de grâce et de bénédiction qui nous voit réunis ensemble, j’élève une prière fervente afin qu’il transmette à nos coeurs son ardeur et son dévouement pour l’Église et pour les âmes.
1. Au début de notre rencontre, je voudrais surtout exprimer ma joie de voir le Sacré-Collège rassemblé ici dans sa totalité, lui dont la fonction principale est d’élire l’évêque de Rome, comme cela s’est produit pas moins de deux fois au cours de l’année dernière. Le triste devoir de dire un dernier adieu aux Papes défunts – d’abord Paul VI après quinze ans de pontificat, puis Jean-Paul Ier après seulement trente-trois jours de ministère pontifical – nous a réunis à Rome par deux fois en peu de temps. Conformément aux indications de Constitution apostolique Romano pontifici eligendo, nous avons tenu, pendant les jours qui ont précédé le conclave, les congrégations générales que présidaient le vénérable doyen du Sacré-Collège et le cardinal Jean Villot, camerlingue, que le Seigneur a rappelé à lui au début du mois de mars dernier.
Ces fréquentes rencontres de l’ensemble du Collège cardinalice donnèrent l’occasion d’avancer la proposition que le Collège puisse se réunir aussi, au moins de temps en temps, en dehors de la période du conclave. Acquiesçant à cette proposition, j’ai pensé inviter les vénérables cardinaux à cette réunion que je me permets d’inaugurer et d’ouvrir par ce discours. en vous y invitant, je me rendais compte que votre venue à Rome aurait comporté la nécessité d’abandonner les travaux nombreux et importants qui sont les vôtres dans vos pays et dans vos diocèses. C’est pourquoi je désire vous remercier d’autant plus cordialement tous aujourd’hui de votre présence.
2. Notre rencontre est pleinement justifiée par le caractère de la dignité dont vous êtes revêtus et par les fonctions qui reviennent au Collège cardinalice que vous constituez tous : vous avez en effet aussi, vénérables Frères, outre la charge d’élire l’Évêque de Rome, celle de le soutenir d’une manière particulière dans sa sollicitude pastorale pour l’Église dans ses dimensions universelles. Ceux d’entre vous qui appartiennent à la Curie romaine dans laquelle ils occupent les postes de première responsabilité participent directement de façon continue et constante, à cette sollicitude. Cependant, à côté de ce groupe de méritants collaborateurs, tous les autres membres du Sacré-Collège partagent avec le Pape la sollicitude commune pour l’Église. Votre lien avec le Siège romain est particulier et le signe extérieur de cette union se trouve par exemple dans les églises de la Ville éternelle qui jouissent du titre de la dignité et du patronage de chacun d’entre vous. C’est précisément dans ce lien particulier avec l’Église romaine que réside le motif pour lequel l’Évêque de Rome désire vous rencontrer plus souvent, afin de tirer profit de vos conseils et de vos multiples expériences. En outre, la rencontre des membres du Collège cardinalice est une forme par laquelle s’exerce aussi la collégialité épiscopale et pastorale, qui est en vigueur depuis plus de mille ans et dont il convient que nous nous servions aussi à notre époque. Ceci n’affaiblit en aucune manière ni ne diminue les devoirs et la fonction du Synode des évêques, dont la prochaine réunion ordinaire est prévue pour l’automne de l’année qui vient. Les travaux préparatoires de cette réunion sont actuellement en cours ; son thème : De muneribus familiae christianae fut encore fixé par le Pape Paul VI de vénérée mémoire, conformément aux suggestions de nombreuses conférences épiscopales et de divers milieux.
3. Il semble donc que la réunion du Collège cardinalice à l’automne de cette année puisse se livrer avec profit à un examen, au moins sommaire de quelques problèmes un peu différents de ceux sur lesquels travaille le Synode des évêques. Ces problèmes, dont je voudrais au moins tracer les grandes lignes en guise d’introduction, sont importants, étant donné la situation de l’Église universelle, et ils semblent en même temps être plus étroitement reliés au ministère de l’Évêque de Rome que ceux qui doivent constituer le thème du Synode des évêques. Il va de soi qu’on ne peut parler ici d’une délimitation rigoureuse.
Je désire souligner tout de suite que, outre les questions que je présenterai tout à l’heure de mon côté, je compte sur les propositions que chacun des participants à notre rencontre mettra en avant et développera. Nous devons prévoir pour cela la place nécessaire dans l’ordre du jour de nos séances. Contrairement à ce qui a lieu au Synode des évêques, cet ordre du jour n’est fondé sur aucun statut particulier. Il a été préparé ad hoc selon les exigences prévues pour la réunion actuelle (un peu sur le modèle des congrégations qui ont eu lieu avant le Conclave de l’an dernier). Je voudrais ajouter aussitôt que, en plus des interventions orales au cours des réunions, toutes les observations et propositions écrites seront précieuses. Je me rends compte que l’ensemble de nos travaux ne peut faire perdre trop de temps aux vénérables membres du Sacré-Collège, et nous avons pris aussi cela en considération en préparant le programme et l’ordre du jour de notre réunion.
4. Avec la grâce du Dieu Très-Haut et sous la protection de la Mère du Christ et Mère de l’Église, j’ai commencé, le 16 octobre de l’année dernière, l’exercice du service papal universel auquel j’ai été appelé par vos votes, vénérables cardinaux, au cours du dernier Conclave. Je m’efforce d’exercer ce service comme je le peux, selon mes forces et avec la meilleure bonne volonté – mais avant tout avec l’aide de la lumière et de la puissance de l’Esprit Paraclet –, et je ne cesse de demander à tous, et particulièrement à vous, vénérables et chers Frères, de prier à cette intention. Je n’ai pas le projet de vous informer ici en détail des travaux qui ont rempli la première année du pontificat, ne serait-ce que parce qu’ils sont bien connus de vous tous. Je désire par contre me référer encore une fois à tout ce qu’il m’a été donné de mettre en relief dès mon premier discours, au lendemain de mon élection. Une réalisation cohérente de l’enseignement et des directives du Concile Vatican II est et continue à être la tâche principale du pontificat. Tel était, en substance, le contenu de ce discours. En effet, le Concile a élaboré et mis en face de toute l’Église une vision « d’ensemble » des tâches qui doivent être accomplies dans le contexte du lien réciproque et d’une dépendance organique, en se servant évidemment de méthodes multiples et en ayant à sa disposition sa propre perspective théologique et historique.
5. Nous lisons dans Constitution Gaudium et spes : « Quand le Seigneur Jésus prie le Père pour que « tous soient un…, comme nous sommes un » (Jn 17, 21–22), il ouvre des perspectives inaccessibles à la raison humaine et il nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans la charité. » (n° 25.) L’aspiration à l’union des hommes comme « fils de Dieu unis dans la vérité et dans la charité » ne cesse d’être une perspective de toute la vie et de toute la mission de l’Église, à l’intérieur de sa propre communion comme en dehors d’elle, dans chacun des « cercles de dialogue », comme les appelle le Pape Paul VI dans la première encyclique de son pontificat. Nous nous rendons tous bien compte que cette aspiration à l’union dans la vérité et dans la charité ne cesse d’être l’aspiration à la vérité dans laquelle nous devons nous rencontrer réciproquement, tout comme l’aspiration à la charité grâce à laquelle nous devons être unis réciproquement. Il ne peut en être autrement dans l’état de notre existence terrestre. C’est avant tout en ce sens que je me suis permis de mettre en évidence, dans l’encyclique Redemptor hominis, que toujours, mais particulièrement à notre époque par la voix du Concile, le Christ indique le chemin à l’homme, à tout homme, et qu’en ce sens l’homme dans le Christ devient d’une certain façon le chemin de l’Église.
De cette manière, nous rejoignons toujours plus la perspective historique de la mission de l’Église qui s’unit pour nous à la perspective théologique de la foi, puisque cette « union dans la vérité et dans la charité », c’est-à-dire l’unité spirituelle liée à la dignité « de fils de Dieu » a été montrée à chaque homme et à tous les hommes. Nous devons donc faire en sorte que cette formule synthétique, que le Concile nous a laissée dans sa constitution pastorale, unisse vraiment en elle tous les efforts particuliers qui constituent l’œuvre de la réalisation du Concile. Dans sa réalité la plus profonde, cette œuvre est symbolisée par l’arbre de la vie, avec lequel l’homme autrefois a rompu son lien du fait du péché originel (cf. Gn 3, 1–7), et qui, avec le Christ, a recommencé à se développer vigoureusement dans l’histoire de l’humanité. Le Concile n’a pas tant dévoilé à nos yeux l’éternel mystère de ce développement, qu’il n’a mis en relief, d’une façon particulièrement pénétrante, son étape contemporaine. C’est pourquoi l’obéissance à l’enseignement du Concile Vatican II est obéissance à l’Esprit-Saint, qui est donné à l’Église afin de rappeler, à chaque moment de l’Histoire, tout ce que le Christ lui-même a dit pour enseigner toute chose à l’Église (cf. Jn 14, 26). L’obéissance à l’Esprit-Saint s’exprime dans la réalisation authentique des tâches indiquées par le Concile, en plein accord avec l’enseignement qui y est proposé.
6. On ne peut pas traiter de ces tâches comme si elles n’existaient pas. On ne peut pas prétendre pour ainsi dire, faire remonter à l’Église le cours de l’Histoire de l’humanité. Mais on ne peut pas non plus courir présomptueusement en avant, vers des manières de vivre, de comprendre et de prêcher la vérité chrétienne, et finalement vers des modes d’être chrétien, prêtre, religieux et religieuse, qui ne s’abritent pas sous l’enseignement intégral du Concile ; intégral, c’est-à-dire entendu à la lumière de toute la sainte Tradition et sur la base du magistère constant de l’Église. Tâche grande et multiple que celle qui place devant nous l’impératif de la réalisation du Concile ! Elle demande une vigilance continuelle par rapport à l’authenticité de toutes les initiatives dans lesquelles s’articulera cette réalisation. L’Église, communauté vivante des fils de Dieu unis dans la vérité et dans l’amour, doit faire un grand effort, en ce moment, pour entrer dans la vraie voie de la réalisation de Vatican II et se dégager des propositions contraires, chacune desquelles se révélant, en son genre un éloignement de cette voie. Cette voie seule – autrement dit l’obéissance honnête et sincère à l’esprit de vérité – peut servir à l’unité et en même temps à la force spirituelle de l’Église.
Elle seule peut en outre, servir à l’œuvre de l’oecuménisme, c’st-à-dire à l’unité renouvelée que, en une première acception, nous entendons comme l’union par la charité, mais que, plus profondément, nous entendons ensuite comme une rencontre progressive dans la plénitude de la vérité, avec tous ceux qui, comme nous, croient au Christ. Cette voie seule – la voie de l’union interne de l’Église du Peuple de Dieu – peut servir à l’œuvre de l’évangélisation, à savoir à la manifestation effective à tous les hommes de la vérité et de la vie qui est le Christ lui-même. L’union dans la vérité et dans la charité est une exigence particulière de notre temps, parce que nous y rencontrons aussi la négation de cette vérité et la mise en doute radicale de l’Évangile et de la religion en général.
7. Ce regard sur l’ensemble de la situation conduit à tirer aussi quelques conclusions importantes, que l’on peut appeler « pratiques » (du fait que le Concile Vatican II, se fondant sur l’Évangile et sur la Tradition, n’a tracé que les grandes lignes de toute la praxis chrétienne contemporaine, la manière de vivre du Peuple de Dieu).
La conclusion la plus importante concerne la bonne compréhension et le bon exercice de la liberté dans l’Église. Fidèle aux paroles du Seigneur, le Concile désire servir au développement de cette liberté, la liberté des fils de Dieu, qui est chargée de sens, surtout aujourd’hui, parce que nous sommes témoins de nombreuses formes de contraintes sur l’homme, y compris les contraintes sur sa conscience et sur son cœur. Il ne faut jamais oublier que le Seigneur a dit : « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres. » (Jn 8, 32.) L’Église doit donc garder dans le cœur et dans la conscience de chacun de ses fils et de ses filles, et si possible également dans le cœur et dans la conscience de tout homme, la vérité de la liberté elle-même. Il n’est pas rare que la liberté de la volonté et la liberté de la personne soient comprises comme le droit de faire n’importe quoi, comme le droit de n’accepter aucune règle ni aucun devoir qui engagent pour la vie entière, par exemple les devoirs découlant des promesses du mariage ou de l’ordination sacerdotale. Mais le Christ ne nous enseigne ni une telle interprétation ni un tel exercice de la liberté. La liberté de tout homme crée des devoirs, demande le plein respect de la hiérarchie des valeurs, est dirigée en puissance vers le bien sans limites, vers Dieu. Aux yeux du Christ, la liberté n’est pas d’abord « liberté de », mais « liberté pour ». Le vrai fruit de la liberté est l’amour, en particulier l’amour par lequel l’homme se donne lui-même. L’homme, en effet, ainsi que nous le lisons dans le même chapitre de Gaudium et spes, « ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même » (n. 24).
Tels sont l’interprétation et l’exercice de la liberté qui doivent se retrouver à la base de toute l’œuvre du renouveau. Seul l’homme qui comprend et exerce sa liberté de la façon indiqué par le Christ ouvre son esprit à l’œuvre de l’Esprit-Saint, qui est Esprit de vérité et d’amour. De l’authentique affirmation de la liberté des fils de Dieu, dépend la grande œuvre des vocations sacerdotales, religieuses, conjugales, dépend le progrès oecuménique effectif ; dépend tout le témoignage des chrétiens, c’est-à-dire la participation des chrétiens à la cause de la transformation du monde en un monde plus humain. Telle est la première condition.
8. La deuxième condition du renouveau de l’Église dans l’esprit de l’Évangile (et donc dans l’esprit de Vatican II) est constituée par une continuelle croissance de la solidarité, c’est-à-dire de l’amour communautaire (social), aussi bien à l’intérieur de l’Église qu’en considérant tous les hommes, sans distinction de confession ou de convictions. On a fait beaucoup dans ce sens ces derniers temps, comme en témoigne l’activité de la Commission Iustitia et Pax et aussi celle du Conseil Cor unum. Il est évident que l’Église n’a qu’une possibilité limitée d’offrir une aide financière en face des multiples et très divers besoins matériels dans les différents endroits de la terre. Il faut souligner également ici que cette solidarité ad extra de l’Église requiert une solidarité à l’intérieur. Je me suis efforcé d’attirer l’attention là-dessus surtout dans les discours du mercredi pendant le dernier Carême. L’Église elle-même est une grande communauté à l’intérieur de laquelle il existe des situations diverses dans chaque communauté ; ceux qui souffrent de restrictions matérielles ne manquent pas, non plus que ceux qui subissent oppression et persécution. Dans toute la communauté catholique, dans chacune des Églises locales, doit croître le sens d’une solidarité particulière avec ces frères dans la foi, particulièrement avec ceux qui appartiennent à des Églises de rite oriental, là où celles-ci n’ont même pas d’existence légale reconnue. Dans le monde contemporain, dominé à sa manière par tout le système d’échange d’informations, il est nécessaire – à l’intérieur de l’Église comme à l’extérieur, devant l’opinion mondiale – d’avoir un échange permanent d’informations concernant ceux qui souffrent de la misère et aussi ceux qui souffrent pour la foi. Ils doivent sentir d’une façon particulière qu’ils ne sont pas abandonnés dans leurs souffrances, que toute l’Église se souvient d’eux, pense à eux et prie pour eux, qu’ils sont au centre de l’attention de tous et non en marge.
Dans ce domaine, l’Église « riche et libre » (si l’on peut s’exprimer ainsi) a des dettes et des devoirs énormes envers l’Église « pauvre et dans la contrainte » (s’il est permis d’utiliser de tels qualificatifs). Solidarité veut dire surtout compréhension adéquate et ensuite action adéquate, non pas selon ce qui correspond à la conception de celui qui aide, mais selon ce qui correspond aux besoins réels de celui qui est aidé et à sa dignité.
N’oublions pas ce principe fondamental de l’économie du salut selon lequel l’homme qui donne aux autres se sauve lui-même. Peut-être le remède à de multiples difficultés internes dont souffrent certaines Églises locales, certaines communautés chrétiennes, se trouve-t-il justement dans cette solidarité. Les difficultés seront efficacement surmontées lorsque ces Églises – cessant dans un certain sens de se regarder elles-mêmes – commenceront à servir les autres « dans la vérité et dans la charité ». Ce principe interprète de la manière la plus simple le rôle missionnaire de l’Église et il établit même un postulat stimulant et, en un certain sens, un impératif missionnaire pour notre génération, pour la génération à laquelle la Providence a confié une grande œuvre de renouveau la génération qui parfois se retrouve vacillante et découragée en constatant l’écroulement de certains fronts de la vie traditionnelle de l’Église, la crise des institutions fondamentales et plus encore la crise que l’on observe dans les hommes, dans leur comportement et dans leur conscience.
9. Le Renouveau de l’Église, selon le « programme » splendide que le Concile Vatican II a proposé, ne peut être autre chose, dans son ossature fondamentale (et aussi dans ses manifestations concrètes), qu’une authentique conversion à Dieu proportionnée aux exigences de notre temps. L’appel à la conversion (Metanoiete), à savoir à la pénitence, est non seulement la première parole de l’Évangile, mais aussi sa parole constante et irremplaçable. De cette parole découle toute la vitalité de l’Église. L’Église se trouve d’autant plus in statu missionis, c’est-à-dire qu’elle réalise d’autant plus pleinement sa mission, qu’elle se convertit davantage à Dieu. Et c’est seulement par une telle autoconversion qu’elle devient plus puissante en tant que centre de la conversion des hommes et du monde au Créateur et Rédempteur.
Il faut donc regarder avec une certaine inquiétude le relâchement diffus de ces efforts fondamentaux qui rendent toujours témoignage de l’esprit de pénitence et de la dynamique de la conversion parmi les confesseurs du Christ. C’est aussi un devoir, par ailleurs, de remercier Dieu avec joie pour tout ce qui manifeste l’authentique « souffle de l’Esprit » ; pour le réveil de la soif de prière, de la vie sacramentelle, et spécialement de la participation à l’Eucharistie ; pour le retour sérieux à l’Écriture sainte, pour la remontée, au moins en certains endroits, des vocations sacerdotales et religieuses, pour tout ce qui peut se définir comme « réveil spirituel ». Et tout cela, vénérables Frères, nous devons nous efforcer de le conserver avec un soin particulier, en créant les conditions nécessaires à un nouveau développement de ces courants bienfaisants, si indispensables à l’Église et à l’humanité, laquelle se rend compte toujours mieux des résultats auxquels aboutit le matérialisme contemporain dans ses multiples manifestations.
10. Dans la partie précédente de mon discours, j’ai évité de traiter directement des problèmes particuliers, je voulais plutôt mettre en lumière les éléments fondamentaux dont dépend la réalisation de la tâche qui s’offre à toute l’Église dans l’étape présente de l’Histoire. J’espère que cela aidera les cardinaux ici réunis à formuler leurs observations et leurs propositions, que nous attendons également au cours de cette rencontre.
Après ce discours d’introduction de nature générale, seront présentés trois rapports de caractère plus particulier. Ils concernent les problèmes concrets sur lesquels le Siège apostolique estime utile d’informer l’illustre Collège pour en obtenir l’avis responsable.
Pour donner à tous la possibilité de s’exprimer, il a été prévu, entre autres, des rencontres par groupes linguistiques.
Le premier rapport du cardinal secrétaire d’État portera sur l’ensemble des structures de la Curie romaine, telles qu’elles ont été réordonnées, à la suite des suggestions du Concile, par la Constitution apostolique du Pape Paul VI, Regimini Ecclesiae Universae. Ces structures présentent une liaison organique avec les multiples directions de l’activité contemporaine de l’Église. La perspective de l’application ultérieure du Concile Vatican II dépend pour une bonne part du fonctionnement efficace de ces structures et de leur coopération programmée avec les structures analogues qui existent dans le cadre des Églises locales et des Conférences épiscopales.
Le sujet du deuxième rapport, qui sera présenté par le cardinal-préfet de la Congrégation pour l’Éducation catholique, est un problème plus spécifique mais non moins important. Il s’agit de l’activité des différentes Académies pontificales, et en particulier de l’Académie pontificale des sciences.
Cet organisme, institué par le Pape Pie XI, a une importance fondamentale dans le domaine des rapports entre la foi et la connaissance, et entre la religion et la science. Là aussi, il convient de réfléchir sur un modèle plus collégial de parvenir à une coopération en ce domaine, qui est important pour l’Église dans sa dimension universelle.
Constitution pastorale Gaudium et spes a consacré un chapitre à part au problème des rapports entre l’Église et la culture. Selon l’esprit de ce document, il conviendrait de chercher ensuite une expression adéquate des rapports de l’Église avec le vaste domaine de l’anthropologie contemporaine et des sciences humaines, comme Pie XI a cherché l’expression des rapports de l’Église avec les sciences mathématiques et naturelles en instituant l’Académie pontificale des sciences.
Et je suis heureux que, dans quelques jours, une session solennelle de cette Académie pontificale ait lieu pour commémorer le centenaire de la naissance d’Albert Einstein, en présence de vous tous, vénérés et chers Frères.
Le troisième sujet, enfin, qui sera l’objet du rapport du cardinal-président de l’Administration du patrimoine du Siège apostolique, concerne l’ensemble des problèmes qui furent déjà touchés sommairement au cours des congrégations cardinalices qui précédèrent le Conclave du mois d’août de l’année dernière. En ayant à l’esprit les divers secteurs de l’activité du Siège apostolique, qui devaient se développer en relation avec la réalisation du Concile et avec les charges actuelles de l’Église, dans le domaine de l’évangélisation comme dans celui du service des hommes dans l’esprit de l’Évangile, il est nécessaire de poser la question des moyens économiques. En particulier, le Collège cardinalice a le droit et le devoir de connaître exactement l’état de la question.
11. Vénérés et chers Flères, voici brièvement décrit un ensemble de problèmes qui doivent constituer le thème de cette rencontre, que j’ai tant attendue. J’espère que le Siège de la Sagesse, la Mère de l’Église, implorera pour nous la lumière nécessaire, afin que nous puissions, en un temps relativement court, examiner ces problèmes et leur apporter des solutions efficaces pour le ministère futur de l’Évêque de Rome.
JOHANNES- PAULUS PP. II