Eminence,
Au retour de l’entretien que nous avons eu ce matin, comme je vous l’ai promis, je résume les conclusions dans les lignes qui suivent :
En ce qui concerne les ordinations sacerdotales de vendredi prochain, il me semble qu’à tous les points de vue, il est préférable que je les fasse. Sans parler des diacres eux-mêmes, de leurs familles, de leurs amis qui ont tout préparé en vue de cette ordination, il me semble que les remettre provoquerait dans l’opinion publique une attente d’un geste de retour de la part du Saint-Père.
Cette attente qui serait exploitée par la presse mettrait le Saint-Père dans une situation désagréable ; soit qu’il y ait un délai, soit qu’il n’y en ait pas. Tout geste en faveur de la Tradition serait interprété comme une victoire d’Ecône, ce que je ne souhaite et ne cherche nullement.
Par contre, le fait des ordinations, même s’il est interprété contre Ecône, aurait l’avantage de permettre au Saint-Père d’agir librement en faveur d’un élargissement de la Liturgie, sans qu’on puisse conclure à un avantage acquis par Ecône. C’est l’Eglise entière qui serait concernée et en profiterait.
En attendant le problème d’Ecône demeurerait dans l’ombre. Mais le problème liturgique étant réglé au mieux (à ce propos je me permets de supplier le Saint-Père de ne pas limiter la liberté à la seule Liturgie de la Messe, mais de l’étendre à la Liturgie des sacrements, surtout à celle de l’ordre) celui d’Ecône se résoudra facilement. Pour y aider je m’engage à ne plus confirmer et à retarder les ordinations du diaconat du mois d’octobre.
J’ose alors espérer que les fidèles auront la satisfaction de pouvoir faire donner les sacrements de baptême et confirmation selon l’ancienne Liturgie, de recevoir le sacrement de mariage, d’extrême-onction et de pénitence de même et que les clercs reçoivent les ordres, s’ils le demandent, selon l’ancien rite.
Eminence, je suis tellement heureux à la pensée que le Saint-Père s’apprête à prendre ce décret que je ne saurais assez Le remercier et remercier Dieu et la Vierge Marie de L’inspirer à faire cette œuvre salutaire.
Agréez, Eminence, mes sentiments respectueux et cordialement dévoués en Jésus et Marie.
+ Marcel Lefebvre
Source : Mgr Marcel Lefebvre et le Vatican sous le pontificat de Jean-Paul II