Chers amis et bienfaiteurs
La beauté des églises construites en temps de foi reste une des gloires de la Sainte Église. Les siècles sont passés les marquant de leur empreinte mais, phénomène étonnant au regard du profane, leur majesté n’en est point pour autant altérée. Nous en connaissons la raison profonde : nos églises ne sont point seulement de merveilleux édifices de pierre, elles sont avant tout des sanctuaires consacrés où l’Agneau divin y renouvelle son sacrifice éternel. Leur beauté n’est point celle commune aux œuvres humaines. Construites pour y offrir la divine victime, elles appartiennent au domaine du sacré et ne sauraient connaître, en dépit des stigmates du temps, « des ans l’irréparable outrage ».
Au sommet de leur voûte, nous pouvons habituellement remarquer une pierre à l’allure majestueuse, appelée clef de voûte en raison de son rôle déterminant dans le maintien de la structure de l’édifice. Vient-elle à se déchausser ? La voûte elle-même, puis les murs qui la portent, ne tarderont guère à s’effondrer. Il en sera fait de l’église.
Pièce d’art longuement travaillée afin qu’elle puisse remplir sa tâche et richement ornée afin d’en souligner l’importance, la clef de voûte, véritable joyau architectural, est la pièce maîtresse de nos édifices de pierres.
Dans l’édifice spirituel qu’est la Sainte Église, la clef de voûte est le saint sacrifice de la messe.
La doctrine de l’Église, les sacrements, la vie religieuse, les œuvres missionnaires et de charité, la sainteté de ses enfants, en un mot tous les trésors de l’Église reposent sur la messe. La messe est le cœur de l’Église et La vivifie.
Or, depuis plusieurs décennies, la Sainte Église est méconnaissable : il semble qu’Elle soit frappée d’anémie ! Son rayonnement missionnaire s’est éteint. Ses propres enfants, eux-mêmes, ne La connaissent plus et se détournent d’Elle. Des pans entiers de la doctrine de l’Église sont remis en question, oubliés ou passés sous silence ; des théologiens autoproclamés se livrent librement à toutes les fantaisies et les abus liturgiques sont choses si communes qu’ils n’étonnent plus guère désormais ! Les sanctuaires de la doctrine et de la liturgie ne sont plus que champs de ruines et ressemblent étrangement à ces églises de pierre mutilées par les guerres et les révolutions. Comment, dès lors, ne point nous interroger sur le bien fondé d’avoir changé la clef de voûte de l’édifice il y a une quarantaine d’années, sous le fallacieux prétexte d’une soi-disant efficacité pastorale ? N’était-il pas évident que la voûte et les murs s’effondreraient et molesteraient les âmes ? On ne change point impunément une clef de voûte !
Comment, en revanche, ne point nous réjouir de ce que, solennellement et publiquement, le pape ait affirmé dans son Motu Proprio Summorum Pontificorum du mois passé que la liturgie en usage avant les réformes post-conciliaires est toujours un bien propre et légitime de la Sainte Église et qu’elle n’a jamais cessé de l’être en dépit des affirmations contraires !
Notre cœur de prêtre se réjouit de ce que le joyau de la messe va être porteur de grâces immenses pour toute l’Église ; à commencer par ces prêtres qui souffrent de ne plus savoir qui ils sont et qui vont pouvoir trouver dans l’intimité de l’autel une raison nouvelle de vivre puisque il leur est donné, enfin, une raison de mourir en s’identifiant avec la divine victime !
Notre joie est simple, étrangère à quelque esprit d’amertume ou de revanche que ce soit : nous combattons pour l’honneur du Christ, non en vue d’obtenir quelques personnelles prébendes. Le document romain nous donne l’occasion, trop rare hélas, de pouvoir affirmer publiquement que nous sommes heureux d’être enfants de la Sainte Église ; heureux de La servir en ce temps de crise où Elle est divinement assimilée au sacrifice de la croix ; heureux de constater la puissance de la vérité qui ne peut disparaître en dépit des efforts des méchants ; heureux d’attendre dans la prière, le sacrifice, la vigilance et la paix que sonne l’heure de la résurrection.
Cette joie ne nous empêche cependant point d’être lucides. Nous savons que cette reconnaissance papale va certainement provoquer, pour un temps, une confusion plus grande encore puisque les problèmes de fond demeurent. Par ailleurs, il ne va pas manquer de se trouver quelques esprits chagrins qui vont prendre un malin plaisir à nous accuser de nous compromettre avec la révolution. Tandis que, dans le même temps, d’autres vont crier au scandale parce que nous gardons notre formation de combat en dépit de la publication du Motu Proprio.
Sachons remercier Monseigneur Lefebvre d’avoir sauvé, au mépris des sanctions qui s’abattaient sur lui, la sainte messe des mains sacrilèges de ceux qui prétendaient la détruire au nom d’une obéissance fallacieuse.
Sachons également remercier Monseigneur Fellay d’avoir su, en son temps, refuser la proposition de Rome qui se montrait prête à nous octroyer, en vertu d’une permission spéciale et au profit de la seule Fraternité Saint-Pie X, le droit de célébrer la messe en ce rite respectable. Remercions-le d’avoir évité ce piège qui aurait fait de nous des gardiens de musée d’un passé révolu, et d’avoir, sans se lasser, demandé à Rome de faire justice en rétablissant la vérité au sujet de la messe codifiée par saint Pie V, bien propre de la Sainte Église et non droit particulier en raison d’un charisme ou d’une préférence.
Que le Saint Père soit assuré de notre gratitude pour avoir réalisé cette œuvre de justice.
Nous aimerions, enfin, rendre hommage à ces prêtres aujourd’hui disparus qui ont vaillamment combattu pour rester fidèles à la messe de leur ordination. Ils ont subi alors une cruelle persécution de la part de leur propre hiérarchie ; certains en sont morts de chagrin. Leurs sacrifices n’ont point été vains. Ils seront, demain, la cause cachée mais efficace de la résurrection complète de la liturgie et de la doctrine.
Que leurs exemples stimulent nos âmes et nous obtiennent d’être trouvés fidèles au milieu des décombres !
In Christo sacerdote et Maria.
Abbé le Roux +