« Franciscains de l’Immaculée » ? Peut-être ce nom évoque-t-il quelque événement, si tant soit peu vous suivez les informations religieuses.
Fondée en 1970 par le Père Stefano Maria Manelli, à Frigento, la Congrégation connut aussitôt un essor considérable. C’est un fait remarquable en cette période de pénurie de vocations. Plusieurs centaines de religieux, et plus de 50 maisons dans le monde entier en quelques années.
La spiritualité est classique, mais austère : cet institut se caractérise par sa volonté de vivre la Règle de Saint François d’Assise selon un esprit marial encore plus accentué, à l’exemple de saint Maximilien-Marie Kolbe. Un vœu s’ajoute aux trois vœux habituels pour s’engager à promouvoir le règne de l’Immaculée co-rédemptrice.
La Congrégation aurait pu continuer à profiter de cet élan porteur : élevé au statut de « Droit pontifical » en 1998, il s’est vu confier la pastorale de Sainte Marie Majeure. On reconnaît les frères à leur scapulaire bleu cendré avec une médaille de l’Immaculée Conception sur la poitrine.
Mais en 2007, profitant du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, la congrégation décide de privilégier désormais la forme dite « extraordinaire » de la messe – messe tridentine – puisque, apparemment, son usage est totalement libre.
Comprenant plus en profondeur la crise de l’Église, les franciscains profitent des discussions doctrinales entre la Fraternité Saint-Pie X et des théologiens romains (2009 – 2011) pour organiser des conférences sur les difficultés soulevées par Vatican II. Leur maison d’édition est d’ailleurs un bon moyen de diffuser cette remise en cause. Par ce fait, ils ont touché à la « vache sacrée ».
On est encore sous le règne de Benoît XVI. Il ne faudrait pas que ceux qui veulent profiter d’une paix canonique s’arrogent le droit de discuter de ce sujet ! Il est parfaitement notoire que les « Fraternités » ou « Congrégations » qu’on présente comme des alternatives à la Fraternité Saint-Pie X achètent leur existence « en règle » par leur silence, ou leur connivence sur Vatican II ou les méfaits intrinsèques de la nouvelle messe. Les membres l’affirment eux-mêmes.
Chez les franciscains, dès 2011, des visites canoniques commencent. En 2013, le pape François leur impose de façon unilatérale le retour à la célébration du novus ordo missæ. Il projette une révision du « charisme de la Congrégation ». Avec l’appui du Corriere della Sera, une violente campagne tente une série de calomnies contre le supérieur : elles n’ont pu aboutir, car toutes les enquêtes furent vaines.
En juillet 2013, la Congrégation se voit imposer un commissaire pontifical Fidenzio Volpi, capucin. Celui-ci est condamné par un tribunal civil à 20 000 € de dommages et intérêts à la famille Manelli qu’il avait accusée injustement de détournement des biens de la Congrégation. Mais il aura eu le temps d’exiger la fermeture du premier couvent dans le Bénévent. Il meurt brusquement en 2015. Il est remplacé par trois commissaires, cette fois. Pendant ce temps, plusieurs maisons sont fermées de force, dont celles de formation.
Le Vicaire apostolique Volpi a eu le temps de venir à la conférence des évêques italiens – on ne sait à quel titre – pour préciser qu’aucun évêque ne devait donner d’incardination à des membres de l’ordre. Cette injonction a été notifiée par écrit à chaque évêque, ensuite.
À ce jour, aucun motif n’a été donné à cette mise sous tutelle forcée – alors que de manière précise, lorsque le fondateur des Légionnaires du Christ fut convaincu de vie double et scandaleuse, la lumière fut faite.
De fortes présomptions laissent à penser que les réserves émises sur Vatican II ne sont pas étrangères à cet acharnement.
Indirectement, le frère franciscain, et évêque José Rodriguez Carballo, le laisse entendre. Il est secrétaire de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique quand en mai 2015, lors d’une conférence des religieux de Catalogne, il précise :
« Pour les religieux, le Concile est un point non-négociable. » Quiconque voit les « réformes » de Vatican II comme étant les maux affectant la vie religieuse « nie la présence du Saint-Esprit dans l’Église ».
« Plusieurs instituts » donnent une formation « non seulement pré-conciliaire, mais une formation anti-conciliaire » à leurs séminaristes.
« Ceci n’est pas permis, c’est-à-dire, de se tenir hors de l’histoire. »
La mise sous tutelle a été étendue à la branche féminine qui le vit très mal. Le décret émanant du pape est sans appel : il a tenu à le signer de sa main afin que ne soit possible aucun recours au tribunal suprême de la Signature Apostolique.
Se profile alors un risque profond de scission, comme il était à prévoir.
Quant au père Stefano Manelli, âgé de 83 ans, il est obligé de vivre comme dans une sorte de clôture dont il ne peut sortir sous peine d’excommunication. Comme il faudra bien en venir à des élections en bonne et due forme, les autorités romaines craignent de voir émerger des religieux favorables au fondateur dans ce dossier vide de toute accusation plausible.
Il y a quelques jours, Marco Tosatti, journaliste à la Stampa écrivait que le Père est sommé d’annoncer qu’il se soumettra à toutes décisions, et qu’il exhortera ses frères et sœurs à faire de même, sans même en connaître le contenu ! Il devrait s’engager à ne faire aucun commentaire et à n’avoir aucun lien avec les siens.
Au Royaume du mal, rien n’est pur : on lui demande, en outre, de remettre le patrimoine économique de l’Institut qui est aux mains de diverses associations !
La fin de l’année de la Miséricorde a donc bien sonné. Il demeure des péchés condamnables et irrémissibles pour les chefs de l’Église : attaquer leur cher concile et la nouvelle messe. La Chasse aux sorcières n’est pas finie.
On retrouve sans cesse le triptyque du terrorisme post-conciliaire : « Abandonnez vos idées sur Vatican II, sur l’ancienne messe… et, au passage, laissez-nous votre argent et vos biens ! »
Abbé Jean-Pierre Boubée, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X
Sources : Le Chardonnet n° 326 de mars 2017 /La Porte Latine du 8 mars 2017
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