Le nouveau « saint » issu du concile Vatican II…
Pour la cérémonie de canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II, à Rome, on avait annoncé une foule de pèlerins de 7 millions, puis de 3 millions, finalement ils furent 800.000, le 27 avril 2014.
Pour bien montrer que c’est bien Vatican II qui était canonisé à travers la personne de celui qui l’a convoqué en 1962, la date de la fête de Jean XXIII a été fixée au 11 octobre, jour de l’ouverture du Concile ; alors que celle de Jean-Paul II correspond à la date de la messe inaugurale de son pontificat, le 22 octobre 1978.
Le 22 avril 2014, critiquant sévèrement la dernière Lettre aux amis et bienfaiteurs de Mgr Bernard Fellay (voir DICI n°295 du 25/05/14), Maurice Page, rédacteur-en-chef de l’agence Apic, a déclaré : « Canoniser Jean XXIII et Jean-Paul II c’est canoniser Vatican II, écrit Mgr Fellay. Là-dessus on ne peut que lui donner raison. Vatican II a apporté à l’Eglise romaine des progrès décisifs qui se nomment liberté religieuse, œcuménisme, collégialité des évêques, droits de l’homme, réforme de la liturgie, lecture des ‘signes des temps’. »
Parmi les « progrès décisifs » – selon lui – apportés par le Concile, M. Page omet le dialogue interreligieux. Ce que n’a pas oublié, en revanche, le Congrès juif mondial (CJM) qui a tenu à souligner par l’intermédiaire de son président Ronald Lauder, les « apports des papes Jean XXIII et Jean-Paul II » qui ont contribué de façon déterminante à améliorer les relations entre juifs et catholiques et à « vaincre l’antisémitisme dans l’Eglise catholique ». Le CJM se souvient : Jean XXIII a convoqué le concile Vatican II, dont la déclaration Nostra Aetate a servi de base du dialogue judéo-chrétien ; sur cette lancée Israël et le Saint-Siège ont entrepris de nouer des relations diplomatiques. Jean-Paul II, pour sa part, a été le premier pape à visiter une synagogue ; durant son long pontificat, il a été à l’origine de nombreuses initiatives interreligieuses et a porté une attention particulière au judaïsme ; en 2000, il a demandé officiellement pardon pour les erreurs historiques et les fautes de l’Eglise catholique durant ces deux millénaires.
Tout en se défendant de la moindre intrusion dans le domaine propre du catholicisme, Ronald Lauder n’a pu s’empêcher de manifester sa gratitude à l’occasion de cette double canonisation : « Bien que la canonisation de ces deux hommes constitue un événement interne à l’Eglise et n’ait rien à voir avec le dialogue interreligieux, nous nous réjouissons avec les millions de catholiques à Rome et partout dans le monde qui fêtent cet événement ».
Pour mieux percevoir l’intention qui sous-tend cet hommage appuyé, il n’est pas inutile de rappeler que le Congrès juif mondial représente les communautés juives de près de 100 pays dans toutes les parties du monde, et qu’il a été fondé en 1936, à Genève, pour défendre en particulier les intérêts juifs auprès des gouvernements et organisations.
Moins optimiste, parce que plus documenté que beaucoup de journalistes, l’historien Roberto de Mattei a déclaré, le 29 avril, au Catholic Family Newsqui lui posait la question suivante « Mais vous, vous soutenez que les derniers Papes ne sont pas saints ? – Permettez-moi de m’exprimer sur un pape qu’en tant qu’historien je connais mieux : Jean XXIII. Ayant étudié le concile Vatican II, j’ai creusé sa biographie et consulté les actes de son procès de béatification. Quand l’Eglise canonise un fidèle, elle ne veut pas seulement s’assurer que le défunt est dans la gloire du Ciel, mais elle nous le propose comme modèle de vertus héroïques. Selon les cas il s’agira d’un religieux, d’un curé de paroisse, d’un père de famille parfait, ou d’autres. Dans le cas d’un pape, pour être considéré comme saint, il doit avoir exercé les vertus héroïques dans l’accomplissement de sa mission de souverain pontife, comme ce fut le cas, par exemple, pour saint Pie V ou saint Pie X. En ce qui concerne Jean XXIII, je nourris la conviction bien réfléchie que son pontificat a représenté un dommage objectif pour l’Eglise et que donc il est impossible de parler pour lui de sainteté. Quelqu’un qui s’y entendait en matière de sainteté, le père dominicain Innocenzo Colosio, considéré comme l’un des historiens de la spiritualité les plus importants des temps modernes, l’affirmait avant moi dans un article célèbre paru dans la Rivista di Ascetica e Mistica. (Revue d’ascétique et mystique) »
Toujours est-il que moins de 15 jours après cette double canonisation, le 9 mai, le pape François autorisait la promulgation du décret reconnaissant un miracle attribué à l’intercession de Paul VI, en recevant le cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation des causes des saints. Et le Bureau de presse du Saint-Siège a fait savoir la date de la béatification : le 19 octobre prochain, à l’occasion de la clôture du premier Synode des évêques sur la famille. Selon l’agence I.Media, le pape qui mena à son terme le concile Vatican II pourrait à son tour être canonisé dès l’année suivante, car, comme il l’a fait pour Jean XXIII, le pape François pourrait dispenser Paul VI d’un second miracle et permettre sa canonisation courant 2015, soit juste 50 ans après la clôture de Vatican II.
Devant ces canonisations rapides, l’historien Philippe Chenaux pose la question dans La Croix du 12 mai : « Tous les papes du XXe siècle vont-ils être canonisés ? » ; le 15 avril The Remnant répondait par avance : « But Pius still must wait » (Mais Pie XII doit encore attendre).
Sources : La Croix/IMedia/Apic/The Remnant/CFN – du 16/05/14