Le 27 avril prochain, Jean XXIII et Jean-Paul II devraient être canonisés par le Pape François. Cet acte est un scandale au sens théologique, un acte « qui fournit une occasion de ruine spirituelle » pour les âmes, puisqu’il va à la fois présenter aux yeux du monde entier, et des catholiques en particulier, une nouvelle norme de sainteté, et qu’il va en quelque sorte canoniser le concile Vatican II.
Normalement, une canonisation ne devrait pas poser problème à un catholique, puisque c’est un acte qui fait intervenir l’infaillibilité pontificale.
Par une canonisation, le pape déclare que la personne historique qui est canonisée et inscrite au catalogue des saints, est vraiment sainte ; que, pour cette raison, il y a une assurance qu’elle a obtenu le bonheur éternel ; et que, pour ces deux raisons, l’Eglise universelle doit lui rendre un culte. Déclarant cela, le pape jouit donc de l’infaillibilité pontificale.
Alors quel est le problème se diront certains ? Puisque le pape jouit de l’infaillibilité pontificale quand il procède à une canonisation, on doit admettre que Jean XXIII et Jean-Paul II sont vraiment saints ; qu’ils ont certainement obtenu le Ciel ; et qu’ils doivent être honorés d’un culte public par l’Eglise universelle.
Si par charité, on doit bien sûr vouloir pour eux le salut éternel, ce sont leur sainteté et comme conséquence, l’obligation qui sera faite de les honorer d’un culte public, qui posent problème.
D’abord leurs procès de canonisation à tous deux ont été marqués de dispenses exceptionnelles : pour Jean XXIII, le pape François a décidé d’utiliser une procédure exceptionnelle, en dispensant d’un deuxième miracle qui était nécessaire selon les nouvelles règles de canonisation, déjà pourtant très allégées depuis le Code de droit canon de 1983 (un miracle pour une béatification et un autre pour une canonisation, alors qu’auparavant, il fallait entre deux et quatre miracles pour une béatification, puis à nouveau deux ou trois autres survenues après la béatification). Pour Jean-Paul II, le délai de cinq ans entre la mort de la personne concernée et le début de son procès de canonisation a été écourté par Benoît XVI.
Cependant, le vrai problème ne repose pas sur la procédure de canonisation « allégée » depuis 1983, ni sur les entorses dont cette procédure a fait l’objet pour les deux papes décédés. En effet, tout vrai catholique, c’est-à-dire celui qui n’admet pas que l’histoire de l’Eglise commence au concile Vatican II, se trouve devant un dilemme. Comment concilier en effet les actes ou les paroles d’un Jean-Paul II par exemple, avec les actes et les paroles d’autres saints depuis longtemps canonisés ?
Vous lirez, avec fruit, je l’espère, l’extrait de l’étude de Monsieur l’Abbé Jean-Michel Gleize sur ce sujet, qui conclut en résolvant ce dilemme par cette phrase : « Le seul moyen d’en sortir est de tirer la double conclusion qui s’impose : Karol Wojtyla ne peut pas être canonisé et l’acte qui prétendrait déclarer sa sainteté à la face de l’Eglise ne saurait être qu’une fausse canonisation ».
Le cardinal Poupard, ancien président du Conseil pontifical pour la culture, avait expliqué sur les ondes de Radio Vatican, au moment de l’annonce de la double canonisation des deux papes, que le concile Vatican II devait être considéré comme une boussole dont il fallait suivre les orientations, dans la fidélité à l’inspiration de son instigateur, Jean XXIII, et dans la ligne de l’application qu’en fit Jean-Paul II avec constance, tout au long de son pontificat. Il semble bien que, derrière cette double canonisation, c’est le concile Vatican II que l’on veuille canoniser.
Ne nous étonnons donc pas de ce nouveau pas destiné à imposer les nouveautés du funeste concile pastoral Vatican II, mais répondons à ce scandale par un attachement toujours plus grand à la doctrine pérenne de l’Eglise.
Votre dévoué,
Abbé Thierry Legrand +
Source : Le Saint-Vincent n° 5 de mars 2014