L’exhortation apostolique Chère Amazonie a été attendue « comme jamais document ecclésial ne l’a été depuis des décennies » (Le Figaro du 12 février). Le pape allait-il reprendre la proposition 111 du synode pour l’Amazonie, demandant la possibilité d’ordonner prêtres des hommes mariés, rompant ainsi avec la Tradition multiséculaire de l’Église latine ?
Le pape ne l’a pas fait, et l’on doit s’en réjouir. Il relève d’autres moyens pour combler le manque de prêtres (§ 90) : prier pour les vocations, envoyer en Amazonie des missionnaires, qui pourraient être en premier lieu des prêtres issus de l’Amazonie elle-même puisqu’ils sont plus nombreux en Europe et aux États-Unis que dans leur région d’origine.
Il ne l’a pas fait ou plutôt, comme l’écrit Nicolas Sénèze dans La Croix (à propos du diaconat féminin, dont le pape François ne parle pas non plus), « il a contourné l’obstacle ». Bien des commentateurs autorisés notent en effet que s’il n’a pas ouvert cette porte, il ne l’a pas non plus fermée.
Le texte ne parle pas de l’ordination d’hommes mariés, mais il « n’évoque pas non plus le célibat » (Mgr Emmanuel Lafont, évêque de Cayenne, qui a participé au synode).
« La question du célibat pourra être encore débattue à l’avenir » (Andrea Tornielli, nommé chef de tous les médias du Vatican par François).
« Il serait faux de lire Querida Amazonia comme un rejet des propositions du document final » et donc, comprend-on, de sa proposition d’ordonner prêtres des hommes mariés (Nicolas Senèze dans La Croix).
Le même journaliste note que François n’a voulu ni « remplacer » ni « répéter » le document final du synode, mais au contraire qu’il « invite à le lire intégralement ». Ce qui pour autant « ne signifie pas approbation du document final » selon le cardinal Baldisseri, secrétaire général du synode. Quelle valeur dogmatique faut-il alors attribuer à ce dernier ? « Une certaine autorité morale », selon un autre cardinal. Voilà qui n’est peut-être pas très clair, mais ce flou est-il innocent ?
Dans son livre Comment notre monde a cessé d’être chrétien, l’universitaire Guillaume Cuchet montre comment les hésitations de Paul VI autour de la contraception ont grandement nui à l’Église. Quel crédit accorder à une institution qui semble remettre en cause ce qu’elle présentait auparavant comme indiscutable ? que vaut la règle réaffirmée après tant d’atermoiements ? Cette « gestion chaotique du dossier avait pesé lourdement sur la crédibilité de l’institution dans les sociétés occidentales » (p. 226).
Prions donc pour que soit fermement close la question de l’ordination sacerdotale d’hommes mariés, et que ne s’installe pas dans l’Église un débat permanent rabaissant aux yeux du monde le corps mystique de Jésus-Christ à un forum.
Sources : Le Figaro du 12 février 2020 /La Croix du 13 février 2020 /La Porte Latine du 13 février 2020