Saint Pie X

257ᵉ pape ; de 1903 à 1914

28 juillet 1906

Lettre encyclique Pieni l'animo

Sur le Clergé en Italie

À nos véné­rables frères les arche­vêques et évêques d’Italie

Pie X, Pape
Vénérables frères, Salut et béné­dic­tion apostolique

L’âme rem­plie d’une crainte salu­taire en rai­son du compte très sévère que Nous devrons rendre un jour au Prince des pas­teurs, Jésus-​Christ, an sujet du trou­peau qu’il Nous a confié, Nous pas­sons Nos jours dans le conti­nuel sou­ci de pré­ser­ver, autant qu’il est pos­sible, les fidèles des maux très funestes dont est affli­gée à l’heure pré­sente la socié­té humaine. C’est pour­quoi Nous consi­dé­rons comme adres­sée à Nous-​même la parole du pro­phète : Clama, ne cesses ; qua­si tuba exal­ta vocem tuam [1]; Fais entendre des appels inin­ter­rom­pus ; que ta voix s’élève comme celle de la trom­pette. Et Nous ne man­quons pas, tan­tôt de vive voix et tan­tôt par lettre, d’avertir, de prier, de reprendre, exci­tant sur­tout le zèle de Nos Frères dans l’épiscopat afin que cha­cun déploie la vigi­lance la plus atten­tive sur la por­tion du trou­peau à la tête duquel l’Esprit-Saint l’a placé.

Le motif qui Nous pousse à éle­ver de nou­veau la voix est de la plus grave impor­tance. Il s’agit de récla­mer toute l’attention de votre esprit et toute l’énergie de votre minis­tère pas­to­ral contre un désordre dont les funestes effets se font déjà sen­tir ; et si on n’en arrache pas d’une main ferme jusqu’aux plus pro­fondes racines, on en éprou­ve­ra des consé­quences plus néfastes encore avec le cours des années.

Nous avons en effet sons les yeux, Vénérables Frères, les lettres de beau­coup d’entre vous, lettres pleines de tris­tesse et de larmes, dans les­quelles vous déplo­rez l’esprit d’insu­bor­di­na­tion et d’indé­pen­dance qui se mani­feste çà et là au sein du clergé.

Il n’est que trop vrai qu’une atmo­sphère empoi­son­née cor­rompt gran­de­ment les esprits de nos jours ; les effets mor­tels en ont été déjà décrits par l’apôtre saint Jude en ces termes : Hi car­nem qui­dem macu­lant domi­na­tio­nem autem sper­nunt, majes­ta­tem autem blas­phe­mant (Jud. 8.), c’est-à-dire qu’à la plus dégra­dante cor­rup­tion des mœurs s’ajoute le mépris ouvert de toute auto­ri­té et de ceux qui l’exercent.

Mais qu’un tel esprit pénètre, de quelque manière que ce soit, dans le sanc­tuaire et infecte ceux aux­quels devrait s’appliquer plus parti­culièrement la parole de l’Ecclésiastique : Natio illo­rum obe­dien­tia et dilec­tio (Eccl. iii, 1.) : Ce peuple est celui de l’o­béis­sance et de l’a­mour, c’est ce qui comble notre âme d’une immense douleur.

Et c’est sur­tout chez les jeunes prêtres que cet esprit si funeste exerce ses ravages, répan­dant par­mi eux des théo­ries nou­velles et répré­hen­sibles sur la nature même de l’obéissance.

Et, ce qui est plus grave, comme si l’on vou­lait gagner avec le temps de nou­velles recrues au groupe nais­sant des rebelles, on fait de ces maximes une pro­pa­gande plus ou moins occulte par­mi les jeunes gens qui dans la soli­tude des Séminaires se pré­parent au sacerdoce.

Aussi sentons-​Nous le devoir, Vénérables Frères, de faire appel à votre conscience pour que, écar­tant toute hési­ta­tion, vous vous employiez avec autant de vigueur que de per­sé­vé­rance à détruire cette mau­vaise semence, féconde en consé­quences très pernicieuses.

Souvenez-​vous tou­jours que le Saint-​Esprit vous a don­né la charge de gouverner.

Rappelez-​vous le pré­cepte de saint Paul à Tite : Argue cum omni impe­rio ; nemo te contem­nat [2] : Commande en toute auto­ri­té ; que per­sonne ne le méprise.

Exigez sévè­re­ment des prêtres et des clercs cette obéis­sance qui, si elle est pour tous les fidèles abso­lu­ment obli­ga­toire, consti­tue pour les prêtres la par­tie prin­ci­pale de leur devoir sacré-

Pour pré­ve­nir de longue main la mul­ti­pli­ca­tion de ces esprits fron­deurs, il sera fort utile, Vénérables Frères, d’avoir tou­jours pré­sent le grave aver­tis­se­ment de l’a­pôtre Timothée : Manus cito nemi­ni impo­sue­ris (I Tim. v, 22.) : N’impose hâti­ve­ment les mains à personne.

En effet, cette faci­li­té dans l’admission aux Ordres sacrés, qui ouvre natu­rel­le­ment la voie à la mul­ti­pli­ca­tion des per­sonnes dans le sanc­tuaire, par la suite n’aug­mente pas la joie.

Nous savons des villes et des dio­cèses où, loin qu’on puisse se plaindre de l’in­suf­fi­sance du cler­gé, le nombre des prêtres est de beau­coup supé­rieur à celui qu’exige le ser­vice des fidèles.

Et quel motif, Vénérables Frères, de rendre si fré­quente l’imposi­tion des mains ?

Si le manque de prêtres ne peut être une rai­son suf­fi­sante pour agir avec pré­ci­pi­ta­tion dans une affaire d’une si haute gra­vi­té, là où le cler­gé dépasse les besoins rien ne dis­pense des plus sérieuses précau­tions et de la plus grande sévé­ri­té dans le choix de ceux qui doivent être appe­lés à l’honneur du sacerdoce.

L’insistance même des aspi­rants ne peut amoin­drir la faute que con­stitue une telle facilité.

Le sacer­doce, ins­ti­tué par Jésus-​Christ pour le salut éter­nel des âmes, n’est pas assu­ré­ment un métier ou une fonc­tion humaine quel­conque à laquelle tous ceux qui le veulent et pour n’importe quelle rai­son ont le droit de se des­ti­ner librement.

En consé­quence, que les évêques fixent les pro­mo­tions aux Ordres non d’après les dési­rs ou les pré­ten­tions des aspi­rants, mais, comme le pres­crit le Concile de Trente, sui­vant le besoin des dio­cèses ; et, en sui­vant cette ligne de conduite, il leur sera pos­sible de ne choi­sir que ceux qui sont véri­ta­ble­ment aptes, écar­tant ceux qui mon­tre­raient des incli­na­tions contraires à la voca­tion sacer­do­tale, et sur­tout, par­mi celles-​ci, l’indiscipline et ce qui l’engendre, l’orgueil de l’esprit.

que les évêques fixent les pro­mo­tions aux Ordres non d’après les dési­rs ou les pré­ten­tions des aspi­rants, mais, comme le pres­crit le Concile de Trente, sui­vant le besoin des diocèses

Afin que ne fassent pas défaut les jeunes gens pré­sen­tant les qua­lités requises pour être admis au saint minis­tère, Nous vou­lons encore, Vénérables Frères, insis­ter avec plus de force sur ce que Nous avons déjà fré­quem­ment recom­man­dé, à savoir l’obligation qui vous incombe, très grave devant Dieu, de veiller à assu­rer avec toute votre sollici­tude la bonne marche de vos Séminaires. Vos prêtres seront ce que vous les aurez faits par l’éducation.

Très impor­tante est sur ce sujet la lettre que vous adres­sait, en date du 8 décembre 1902 [3], Notre très sage Prédécesseur, sorte de tes­ta­ment de son long pontificat.

Nous ne vou­lons rien y ajou­ter de nou­veau ; Nous rap­pe­lons seule­ment à votre mémoire les pres­crip­tions qui y sont conte­nues, et Nous recom­mandons vive­ment qu’au plus tôt soient mis à exé­cu­tion Nos ordres, édic­tés par l’organe de la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers, sur la concen­tra­tion des Séminaires, spé­cia­le­ment pour les études de phi­lo­so­phie et de théo­lo­gie, afin d’obtenir ain­si le grand avan­tage qui résulte de la sépa­ra­tion des Petits Séminaires d’avec les Grands, et cet autre, non moindre, qu’assure la néces­saire ins­truc­tion du clergé.

Que les Séminaires soient jalou­se­ment main­te­nus dans leur esprit propre et demeurent exclu­si­ve­ment des­ti­nés à pré­pa­rer les jeunes gens non aux car­rières civiles mais à la haute mis­sion de ministres du Christ.

Qu’on fasse les études de phi­lo­so­phie, de théo­lo­gie et des sciences annexes, spé­cia­le­ment de la Sainte Ecriture, en se confor­mant aux pres­crip­tions pon­ti­fi­cales et en étant fidèle à l’étude de saint Thomas, tant de fois recom­man­dée par Notre véné­ré Prédécesseur el par Nous, dans Notre Lettre apos­to­lique du 23 jan­vier 1904. Que les évoques exercent la plus scru­pu­leuse vigi­lance sur les maîtres el sur leurs doc­trines, rap­pe­lant au devoir ceux qui sui­vraient cer­taines nou­veau­tés, dan­ge­reuses, el éloi­gnant impi­toya­ble­ment du pro­fes­so­rat ceux qui ne pro­fi­te­raient pas des admo­ni­tions reçues.

La fré­quen­ta­tion des Universités publiques ne sera point per­mise aux jeunes clercs, sinon pour des rai­sons très graves, el avec les plus grandes pré­cau­tions de la part des évêques.

Que l’on empêche abso­lu­ment les élèves des Séminaires de prendre une part quel­conque aux agi­ta­tions exté­rieures ; et, pour ce motif, Nous leur inter­di­sons la lec­ture des jour­naux et des revues, sauf pour ces der­nières, et par excep­tion, quelqu’une de prin­cipes solides et jugée par l’évêque utile pour les études des élèves.

Que l’on main­tienne tou­jours le règle­ment avec la plus grande vigueur et la plus grande vigilance.

Enfin, que dans chaque Séminaire il y ait un direc­teur spi­ri­tuel, homme d’une pru­dence au-​dessus de l’ordinaire et expert dans les voies de la per­fec­tion chré­tienne, qui, avec des soins inlas­sables, entre­tienne les jeunes gens dans cette ferme pié­té qui est le pre­mier fon­dement de la vie sacerdotale.

Ces règles, Vénérables Frères, si elles sont par vous consciencieuse­ment et constam­ment sui­vies, vous appor­te­ront la cer­ti­tude for­melle de voir croître autour de vous un cler­gé qui sera votre joie et votre couronne.

Outre le désordre d’insubordination et d’indépendance que Nous venons de déplo­rer, il en est un autre, chez quelques membres du jeune cler­gé, qui va beau­coup plus loin et dont les résul­tats per­ni­cieux sont beau­coup plus considérables.

Il n’en manque pas, en effet, qui sont si pro­fon­dé­ment enva­his par cet esprit si mau­vais que, abu­sant du minis­tère sacré de la prédica­tion, ils s’en font ouver­te­ment, pour la perte et le scan­dale des fidèles, les défen­seurs et les apôtres.

Dès le 31 juillet 1894, Notre Prédécesseur, par l’in­ter­mé­diaire de la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers, appe­lait l’at­ten­tion des Ordinaires sur ce grave sujet [4]. Nous main­te­nons et renou­ve­lons les dis­po­si­tions et les règles for­mu­lées dans ce docu­ment pon­ti­fi­cal, et Nous en char­geons la conscience des évêques, afin que les paroles du pro­phète Nahum n’aient jamais à se véri­fier pour aucun d’eux : Dormitaverunt pas­tores tui (Nah. iii, 18.); Tes pas­teurs se sont endormis.

Nul ne peut avoir le pou­voir de prê­cher nisi prius de vita, et scien­tia et mori­bus pro­ba­tus fue­rit : si, au préa­lable, sa vie, sa science et ses mœurs n’ont été éprou­vées [5].Les prêtres des autres dio­cèses ne doivent pas être admis à prê­cher sans les lettres tes­ti­mo­niales de leur propre évêque. La matière de la pré­di­ca­tion doit être celle qui est indi­quée par le divin Rédempteur lorsqu’il dit : Prædicate evan­ge­lium [6]docentes eos ser­vare omnia quæ­cumque man­da­vi vobis [7] ; Prêches l’Evangile … ensei­gnez aux hommes à gar­der tous les com­man­de­ments que je vous ai don­nés. Ou encore, selon le com­men­taire du Concile de Trente : Annuntiantes eis vitia quæ eos decli­nare, et vir­tutes quæ sec­ta­ri opor­tet, ut pænam æter­nam eva­dere et cœles­tem glo­riam conse­qui valeant ; Indiquez aux fidèles les vices qu’ils doivent fuir, les ver­tus qu’ils doivent pra­ti­quer, afin qu’ils évitent les peines éter­nelles et puissent acqué­rir la gloire du ciel [8].

Qu’on ban­nisse donc entiè­re­ment de la chaire des argu­ments qui conviennent mieux aux polé­miques de presse ou aux aca­dé­mies qu’au lieu saint ; qu’on pré­fère les pré­di­ca­tions morales à ces confé­rences dont le moins qu’on puisse dire est qu’elles res­tent sans fruit. Qu’on parle non in per­sua­si­bi­li­bus huma­nœ sapien­tiœ ver­bis, sed in osten­sione spi­ri­tus et vir­tu­tis (I Cor, ii, 4) ; que la pré­di­ca­tion n’ait rien du lan­gage per­sua­sif de la sagesse humaine, mais que l’Esprit et la foret de Dieu en démontrent la vérité.

C’est pour­quoi la source prin­ci­pale de la pré­di­ca­tion doit être les Saintes Ecritures, enten­dues non pas selon les juge­ments par­ti­cu­liers d’es­prits la plu­part du temps obs­cur­cis par les pas­sions, mais selon la tra­di­tion de l’Eglise, les inter­pré­ta­tions des saints Pères et des Conciles.

Conformément à ces règles, Vénérables Frères, il faut que vous soyez les juges de ceux à qui vous confiez le minis­tère de la parole de Dieu.

Et lorsque vous en trou­vez qui sont plus pré­oc­cu­pés de leurs inté­rêts propres que de ceux de Jésus-​Christ, plus avides de suc­cès mon­dain que sou­cieux du bien des âmes, éloignez-​les de la chaire ; puis avertissez-​les, corrigez-​les ; et si cela ne suf­fit pas, écartez-​les inexo­ra­ble­ment d’une charge dont ils se montrent com­plè­te­ment indignes.

Vous devez d’au­tant plus user de cette vigi­lance et sévé­ri­té que le minis­tère de la pré­di­ca­tion vous appar­tient tout à fait en propre et consti­tue une par­tie prin­ci­pale de la charge épis­co­pale ; en dehors de vous, qui­conque l’exerce le fait en votre nom et place, et c’est pour­quoi c’est tou­jours vous qui répon­dez devant Dieu de la manière dont le pain de la parole divine est dis­tri­bué aux fidèles.

Quant à Nous, pour décli­ner en ce qui Nous concerne toute respon­sabilité, Nous inti­mons et enjoi­gnons à tous les Ordinaires de refu­ser ou de sus­pendre, après les aver­tis­se­ments cha­ri­tables, même durant sa pré­di­ca­tion, tout pré­di­ca­teur quel qu’il soit, du cler­gé sécu­lier ou régu­lier, qui n’obéirait pas plei­ne­ment aux ordres conte­nus dans l’instruc­tion pré­ci­tée de la Sacrée Congrégation des Evêques et Réguliers. Il vaut mieux que les fidèles se contentent de la simple homé­lie ou de l’ex­pli­ca­tion du caté­chisme faite par leur curé, que d’avoir à assis­ter à des pré­di­ca­tions qui pro­duisent plus de mal que de bien.

Un autre ter­rain où, par­mi le jeune cler­gé, on trouve, hélas ! une occa­sion et un exci­tant à pro­fes­ser et à reven­di­quer l’affranchissement de tout joug de l’autorité légi­time, c’est celui de « l’action popu­laire chrétienne ».

Non pas, Vénérables Frères, que cette action soit en elle-​même répré­hen­sible ou porte de sa nature au mépris de l’autorité, mais parce que beau­coup, se fai­sant de son objet une idée fausse, se sont volon­tai­re­ment éloi­gnés des règles de sage direc­tion pres­crites par Notre Prédécesseur, d’immortelle mémoire.

Nous par­lons, vous l’entendez bien, de l’instruction que la Sacrée Congrégation des Affaires ecclé­sias­tiques extra­or­di­naires publia par ordre de Léon XIII, le 27 jan­vier 1902, au sujet de l’ac­tion popu­laire chré­tienne [9], et qui fut trans­mise à cha­cun de vous afin que dans vos dio­cèses res­pec­tifs vous en assu­riez, l’exécution.

Cette Instruction, Nous la main­te­nons, et, dans la plé­ni­tude de Notre pou­voir, Nous renou­ve­lons toutes ses pres­crip­tions et cha­cune d’elles, comme Nous confir­mons et renou­ve­lons toutes les autres for­mu­lées par Nous sur ce sujet dans Notre Motu pro­prio du 18 décembre 1903 De popu­la­ri actione chris­tia­na mode­ran­da [10], et dans la lettre cir­cu­laire de Notre cher Fils le Cardinal Secrétaire d’Etat, en date du 28 juil­let 1904 [11].

Pour ce qui concerne la fon­da­tion et la direc­tion des jour­naux et des revues, le cler­gé doit fidè­le­ment obser­ver tout ce qui est dans l’ar­ticle 42 de la Constitution apos­to­lique Officiorum [12] : Il est inter­dit aux membres du cler­gé d’as­su­mer sans l’au­to­ri­sa­tion préa­lable des Ordinaires la direc­tion de jour­naux quo­ti­diens ou de publi­ca­tions périodiques.

De même, aucun membre du cler­gé ne peut, sans l’as­sen­ti­ment préa­lable de l’é­voque, publier d’é­crits d’au­cune sorte, soit en matière reli­gieuse ou morale, soit de carac­tère pure­ment technique.

Pour la fon­da­tion des Cercles et des Sociétés, les sta­tuts et règle­ments doivent d’a­bord être exa­mi­nés et approu­vés par l’Ordinaire.

Les confé­rences sur l’ac­tion popu­laire chré­tienne et sur quoique autre sujet que ce soit ne pour­ront être don­nées par un prêtre ou un clerc sans la per­mis­sion de l’Ordinaire du lieu.

Tout lan­gage qui pour­rait ins­pi­rer au peuple de l’a­ver­sion pour les classes supé­rieures est et doit être consi­dé­ré comme abso­lu­ment con­traire au véri­table esprit de la cha­ri­té chrétienne.

Il faut pareille­ment réprou­ver, dans les publi­ca­tions catho­liques, tout lan­gage qui, ani­mé d’un esprit de nou­veau­té mal­saine, tourne en déri­sion la pié­té des fidèles et où il est ques­tion de nou­velles orienta­tions de la vie chré­tienne, de nou­velles direc­tions de l’Eglise, de nou­velles aspi­ra­tions de l’âme moderne, d’une nou­velle voca­tion sociale du cler­gé, d’une nou­velle civi­li­sa­tion chré­tienne et autres choses semblables.

Les prêtres, spé­cia­le­ment ceux qui sont jeunes, bien qu’ils agissent de façon louable en allant au peuple, doivent cepen­dant pro­cé­der en cela avec le res­pect dû à l’au­to­ri­té et aux ordres des supé­rieurs ecclé­sias­tiques. En s’oc­cu­pant de l’action popu­laire chré­tienne dans cet esprit de subor­di­na­tion, ils doivent pour­suivre le noble but « d’arracher les fils du peuple à L’ignorance des choses spi­ri­tuelles et éter­nelles ; les ache­mi­ner avec une indus­trieuse ten­dresse vers une vie hon­nête et ver­tueuse ; raf­fer­mir les adultes dans la foi en dis­si­pant les pré­ju­gés hos­tiles, et les exhor­ter à la pra­tique de la vie chré­tienne ; pro­mou­voir par­mi les laïques catho­liques les ins­ti­tu­tions recon­nues vrai­ment effi­caces pour l’amélioration morale et maté­rielle des mul­ti­tudes ; défendre par-​dessus tout les prin­cipes de jus­tice et de cha­ri­té évangé­lique dans les­quels trouvent un juste équi­libre tous les droits et tous les devoirs de la socié­té civile.

« Mais qu’ils n’ou­blient jamais que, même au milieu du peuple, le prêtre doit conser­ver intact son auguste carac­tère de ministre de Dieu, lui qui a été mis à la tête de ses frères ani­ma­rum cau­sa : pour le bien des âmes [13] ; toute manière de s’occuper du peuple au détri­ment de la digni­té sacer­do­tale, des devoirs et de la dis­ci­pline ecclé­sias­tique ne pour­rait être que hau­te­ment réprou­vée » [14]).

Du reste, Vénérables Frères, pour oppo­ser une digue effi­cace à ce débor­de­ment d’idées et à ce déve­lop­pe­ment de l’esprit d’indépendance, en ver­tu de Notre auto­ri­té Nous inter­di­sons abso­lu­ment à par­tir de ce jour à tous les clercs et prêtres de don­ner leur nom à toute Société qui ne dépen­drait pas des Evêques. D’une manière plus spé­ciale et nom­mé­ment, Nous leur défen­dons, sous peine, pour les clercs, d’inha­bilité aux Ordres sacrés, et, pour les prêtres, de sus­pense ipso fac­to a divi­nis, de s’inscrire dans la Ligue démo­cra­tique natio­nale, dont le pro­gramme a été daté de Rome-​Torrette le 20 octobre 1905, et dont les sta­tuts, sans nom d’auteur, furent impri­més dans la même année à Bologne, près de la Commission provisoire.

Telles sont les pres­crip­tions que, eu égard à la situa­tion actuelle du cler­gé d’Italie et en des matières d’une si haute impor­tance, exi­geait de Nous la sol­li­ci­tude de Notre charge apostolique.

Et main­te­nant, Vénérables Frères, il ne Nous reste plus qu’à ajou­ter de nou­veaux sti­mu­lants à votre zèle afin que Nos dis­po­si­tions et pres­criptions reçoivent une prompte et com­plète exé­cu­tion dans vos diocèses.

Prévenez le mal là où heu­reu­se­ment il ne se mani­feste pas encore ; conjurez-​le avec promp­ti­tude là où il com­mence à paraître, et, dans les endroits où par mal­heur il a déjà atteint son déve­lop­pe­ment, extirpez-​le d’une main éner­gique et réso­lue. En char­geant de ces devoirs votre conscience, Nous implo­rons de Dieu pour vous l’esprit de pru­dence et de force nécessaire.

Et, à cette fin, Nous vous accor­dons du fond du cœur la béné­dic­tion apostolique.

Donné à Rome, près de Saint-​Pierre, le 28 juillet 1906, troi­sième année de Notre Pontificat.

Pie X, PAPE

Source : AAS, vol. XXXIX (1906), pp. 321–330. /​Traduction la Bonne presse, Actes de S. S. Pie X

Notes de bas de page
  1. Is. lviii, 1.[]
  2. Tit. ii, 13[]
  3. Cf. Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, t. VII, p. 142–148.[]
  4. Cf. Questions actuelles, t. XXV p. 130–136.[]
  5. Conc. Trid., Sess. V, cap. ii, De Reform.[]
  6. Marc, xvi, 15.[]
  7. Matth. xxviii, 20.[]
  8. Conc. Trid., Sess. V, cap. ii, De Reform.[]
  9. Cf. Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, t. VI, p. 262–272.[]
  10. Cf. Actes de S. S. Pie X, t. Ier, p. 108–112.[]
  11. Cf. Questions actuelles, t. LXXV. p. 167–170.[]
  12. 25 jan­vier 1897. (Cf. Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, t. V p. 101–107[]
  13. S. Grégoire, Regul. past.., ii, chap. 7.[]
  14. Encyl. du 8 déc. 1902. (Cf. Lettres apos­to­liques de S. S. Léon XIII, t. VII, p. 142–148.[]