Dans l’après-midi du jeudi 11 septembre, le Souverain Pontife quitta sa résidence de Castelgandolfo et se rendit au Palais apostolique du Vatican pour recevoir en audience les déléguées des Congrès de l’Union internationale des Ligues féminines catholiques, auxquelles il s’adressa en ces termes :
Vous vous présentez à Nous, chères filles, sous le nom fièrement audacieux d’Union internationale des Ligues féminines catholiques. C’est à ce titre que Nous sommes heureux de vous souhaiter la bienvenue et de vous adresser quelques paroles d’encouragement et de conseils. Ce nom dit, en effet, le caractère militant de votre coalition, son universalité, la souplesse harmonieuse et solide de votre collaboration.
Femmes et jeunes filles catholiques, vous n’auriez songé, jadis, qu’à jouer dignement votre rôle, rôle sacré et fécond, dans le gouvernement d’un foyer sain, fort, rayonnant, ou bien vous auriez voué votre vie au service de Dieu dans le recueillement du cloître ou dans les œuvres de l’apostolat et de la charité. Bel idéal où la femme, à sa vraie place et de sa vraie place, exercerait sans bruit une action puissante tout autour d’elle. Et voici que vous paraissez au-dehors, que vous descendez dans l’arène pour prendre part à la lutte ; vous ne l’avez ni cherchée ni provoquée ; vaillamment vous l’acceptez, non en victimes résignées ou seulement dans une résistance vigoureuse, encore purement défensive ; vous entendez bien passer à la contre-attaque pour la conquête.
Telle est la pensée qui ressort de toute la documentation substantielle, d’où se dégagent, lumineusement tracées, les grandes lignes du programme et où se trouve, nettement dessinée, l’allure de vos journées romaines et de votre congrès. Cette riche documentation réfléchit, comme en un miroir, la situation actuelle, il faudrait dire, hélas ! le drame actuel du monde féminin ; en son centre convergent tous les rayons de l’activité de la femme dans sa vie sociale et politique, activité dont l’objet est, avant tout : protéger la dignité de la fille, de l’épouse, de la mère ; maintenir le foyer, la maison, l’enfant à leur rang primordial dans l’ensemble du rôle de la femme ; sauvegarder les prérogatives de la famille ; tendre tous les efforts à y assurer l’enfant sous la garde de ses parents.
Nous-même avons traité naguère cet argument capital de la femme dans sa vie sociale et politique. Il y a de cela deux ans. Deux ans : pour une évolution dans tout l’ordre social et précisément dans un domaine aussi vaste et aussi important que celui de la question féminine, c’est un laps de temps bien court, insuffisant, semblerait-il, à des variations appréciables soit dans la situation, soit même dans l’orientation de l’opinion. Et pourtant, voyez, constatez les faits. Nous avions signalé des dangers menaçants ; et Nous visions alors tout spécialement ce qu’on pourrait appeler la sécularisation, la matérialisation, l’asservissement de la femme, tous les attentats dirigés contre sa dignité et ses droits en tant que personne et en tant que chrétienne. Les dangers sont devenus de jour en jour plus graves et la menace de jour en jour plus pressante. Mais, en revanche, grâce à Dieu, loin de s’atténuer, les efforts pour la défense se sont intensifiés de plus en plus. Votre rassemblement à Rome, votre présence devant Nous, veulent être une attestation solennelle et du sérieux de ces efforts et de leur efficacité pour cette défense.
Nous en saisissons volontiers l’occasion pour compléter, fort de l’expérience des dernières années, et en parcourant les points principaux de votre programme, ce que Nous disions alors aux femmes catholiques d’Italie.
Les années de la seconde guerre mondiale et celles d’après-guerre ont présenté et présentent encore pour la femme, dans des groupes entiers de nations, presque sur toute l’étendue des continents, un aspect tragique sans précédent. Jamais, croyons-Nous, jamais au cours de l’histoire de l’humanité, les événements n’ont exigé de la part de la femme autant d’initiative et d’audace, autant de sens de sa responsabilité, autant de fidélité, de force morale, d’esprit de sacrifice, d’endurance à toutes sortes de souffrances, en un mot autant d’héroïsme. Les relations, les lettres dans lesquelles des femmes Nous révèlent quel était et est encore, en ces temps cruels, leur propre sort, le sort de leur famille, sont tellement impressionnantes qu’on en vient à se demander si l’on n’est pas le jouet d’un cauchemar et comment de pareilles choses ont pu se passer à notre époque et dans le monde où nous vivons. Au cours de ces affreuses années, la femme, la jeune fille se sont trouvées en demeure de pratiquer des vertus plus que viriles et de les pratiquer à un degré où elles ne sont requises de l’homme même que dans des cas exceptionnels.
Or, qui prétendra que tout ait été fait, tout l’humainement possible, pour mettre la femme à même de puiser dans la foi chrétienne, dans l’éducation chrétienne, l’énergie, la constance, la persévérance, les forces surnaturelles nécessaires à garder sans faillir, sous le coup d’épreuves sans fin, sa fidélité conjugale, sa sollicitude maternelle ? De la part de l’Eglise, du ministère pastoral, des œuvres de charité, beaucoup a été fait, beaucoup a été réalisé. En dépit de rares défaillances individuelles, on peut, de ce côté, affronter la tête haute et sans rougir, le jugement toujours sévère de l’histoire. D’autre part, les faits par milliers ont montré et montrent d’une manière émouvante comment, dans les milieux même de la misère, l’amour de la mère et des parents pour leurs enfants est vraiment sans limite.
Mais voici le plus tragique : sans la foi, sans l’éducation chrétienne, où donc la femme, sevrée des secours de l’Eglise, désemparée, trouvera-t-elle le courage de ne point faillir à des exigences morales qui dépassent les forces purement humaines ? Et cela sous les rafales d’un assaut vigoureux lancé contre les fondements chrétiens du mariage, de la famille, de toute la vie personnelle et sociale, par des ennemis qui savent habilement exploiter contre la pauvre femme et la pauvre jeune fille les angoisses, les affres de la misère qui, sous toutes les formes, les tenaillent ? Qui pourrait espérer les voir toujours tenir avec les seules forces de la nature ?
Hélas ! combien ne tiennent pas ! Dieu seul sait le nombre de ces pauvres épaves désespérées, découragées, ou tristement perdues à la suite du naufrage de leur pureté, de leur honneur.
Les larmes montent aux yeux et le rouge au front à constater et à confesser, il le faut bien pourtant, que jusque dans les sphères catholiques, les doctrines perverses sur la dignité de la femme, sur le mariage et la famille, sur la fidélité conjugale et le divorce, même sur la vie et la mort, s’infiltrent insensiblement dans les esprits et, à la façon du ver rongeur, attaquent dans ses racines la vie chrétienne de la famille et de la femme.
Il Nous semble opportun de signaler ici, parce que leur aspect inoffensif et spécieux en voile les conséquences fatales, les « périls du cœur » auxquels, de nos jours, la femme est particulièrement exposée. Nous pensons à cette tendance généreuse qui nous fait éprouver comme nôtres les sentiments d’autrui, compatir à leurs angoisses, partager leurs peines, leurs joies, leurs espérances. Ainsi disait saint Paul : « Qui est faible que je me sente faible aussi ? Qui vient à tomber sans que le feu me dévore ? » (II Cor., XI, 29). Et comme il nous recommande d’avoir en nous les sentiments dont était pénétré le Christ (Phil., II, 5) ! Qu’y a‑t-il donc à craindre pour le cœur ainsi compris ? Des illusions subtiles. Il ne suffit pas qu’il soit bon, sensible, généreux ; il doit être sage et fort. L’indulgente faiblesse des parents les aveugle et fait le malheur de leurs enfants. Dans l’ordre social, une pareille sensibilité aveugle l’esprit et lui fait soutenir en théorie des thèses monstrueuses, prôner des pratiques immorales et néfastes. N’en est-ce pas une que cette fausse pitié qui prétend justifier l’euthanasie et soustraire l’homme à la souffrance purificatrice et méritoire, non par un charitable et louable soulagement, mais par la mort telle qu’on la donne à un animal sans raison et sans immortalité ? N’en est-ce pas une que cette compassion, excessive en ses conclusions, pour les épouses malheureuses, par où l’on prétend légitimer le divorce ? N’en est-ce pas une que cette déviation d’une juste sollicitude pour les victimes de l’iniquité sociale qui, grisée par de vaines et déclamatoires promesses, les arrache aux bras maternels de l’Eglise pour les jeter dans les griffes d’un matérialisme athée, vulgaire exploiteur de la misère ?
De toutes les parties du monde, les lettres de Nos Frères dans l’épiscopat, leurs visites, Nous apportent au jour le jour la confidence navrante de leurs préoccupations au sujet de la détresse morale et spirituelle de la jeune fille et de la femme. Et, tandis que chacun, tour à tour, épanche dans Notre cœur la tristesse de son propre cœur, la charge de tous pèse sur le Nôtre qui porte devant Dieu la responsabilité du Pasteur suprême, sollicitudo omnium ecclesiarum (II Cor., XI, 28). C’est pour cela que, à maintes reprises, Nous avons, dans Nos messages au cours de toutes ces années, et récemment encore le 2 juin dernier dans Notre allocution au Sacré Collège [1], averti, prié, supplié tous les chrétiens, toutes les âmes honnêtes, en particulier ceux qui ont la direction de la chose publique, de porter leur attention sur l’œuvre dévastatrice accomplie, au cours de la guerre et de l’après-guerre, pour la ruine de la femme et de la famille. En ce moment même Nous éprouvons une consolation, un soulagement à vous exposer, à vous, chères filles, rassemblées de tout l’univers catholique, Nos soucis et Notre appel, sachant bien avec quel esprit de foi et de charité vous l’écoutez, avec quelle ardeur de zèle vous vous en ferez partout l’écho.
Témoins d’une crise de cette gravité, nous ne pouvons nous contenter de la déplorer ni de formuler des vœux stériles. Le point capital est d’unir et de tendre toutes les forces vives vers le sauvetage de l’éducation féminine et familiale chrétienne. C’est là l’objectif de votre congrès ici, à Rome, au centre même de la chrétienté. Vous avez désiré recevoir de Nous quelques directives en vue de l’exécution pratique et efficace de vos résolutions. Nous les exprimerons et les grouperons sous les chefs suivants :
1. — Une foi vive et surnaturelle
Avant tout, foi fière, alerte, intrépide, ferme et vive à la vérité, au triomphe de la doctrine catholique. Les forces intellectuelles et politiques plus ou moins imprégnées d’athéisme s’appliquent à extirper la civilisation chrétienne. En face d’elles, nous apercevons la classe nombreuse de ceux pour qui les fondements spécifiquement religieux de cette civilisation chrétienne, depuis longtemps périmés, sont désormais sans valeur objective, mais qui voudraient néanmoins en conserver le rayonnement extérieur pour maintenir debout un ordre civique qui ne saurait s’en passer. Corps sans vie, frappés de paralysie, ils sont eux-mêmes incapables de rien opposer aux forces subversives de l’athéisme !
Ah ! tout autres êtes-vous ! Assurément, la bataille peut être rude, et précisément la bataille pour les droits de la famille, pour la dignité de la femme, pour l’enfant et pour l’école. Mais vous avez de votre côté la saine nature et par conséquent les esprits droits et de bon sens qui sont, après tout, la majorité ; vous avez surtout Dieu. Donnez donc raison à cette pensée de saint Paul : votre foi a fait de vous des héros dans le combat (Hebr., XI, 33 ss.).
Nous appelons foi ferme : une foi absolue, sans réserves et sans réticences, une foi qui ne bronche pas devant les ultimes conséquences de la vérité, qui ne recule pas devant ses plus rigoureuses applications. Ne vous laissez pas duper, comme tant d’autres, après mille expériences désastreuses, par le songe creux de gagner à vous l’adversaire à force de marcher à sa remorque et de vous modeler sur lui. Votre jeune génération exprime, dans sa charte, l’espérance de « rallier à vos principes toute la jeunesse féminine du monde qui accepte comme fondement la loi naturelle dont la source est en Dieu et, à plus forte raison, toutes celles qui en tant que chrétiennes croient au Christ Rédempteur ». Nous applaudissons à votre entrain, à votre optimisme juvénile et Nous louons votre intention. Mais prenez‑y garde : le grand secret pour gagner les autres c’est, avant tout, de leur donner l’évidence que, pour une catholique, sa foi est une solide et pleine réalité.
Nous appelons foi ferme et vive enfin : une foi qui, au jour le jour, se traduit en acte par l’humilité, la prière, le sacrifice. Précisément parce que vous entendez livrer bataille aux forces antichrétiennes qui sont « totalitaires », la première condition est de leur opposer la loi de Dieu spontanément, joyeusement, intégralement embrassée et observée dans votre vie. La prendre à la légère, cette loi, équivaudrait à l’aveu d’une déplorable frivolité, d’une funeste inconsistance. Ne l’oubliez pas : — Nous Nous adressons en ce moment, à celles qui, par leur âge et en raison du milieu dans lequel elles vivent, sont plus spécialement exposées à ces dangers — si bien intentionnées que vous soyez, vous participez comme les autres aux faiblesses d’une nature déchue ; de son côté, le serpent maudit ne se tient pas pour battu ; il continue comme au paradis d’enjôler la femme pour la faire tomber et ne trouve en elle que trop d’inclinations, trop d’attraits, dont il s’assure la complicité pour la séduire. Vous connaissez assez le monde d’aujourd’hui, chères filles, pour vous rendre compte que vous-mêmes qui y vivez avez besoin de force et de courage pour, à chaque pas, triompher des tentations, des séductions, de vos propres tendances, par un énergique « non » ! Mais comment le dire ce « non », comment le répéter indéfiniment sans vous lasser, à moins de comprendre et de reconnaître humblement en présence de Dieu que, créatures humaines, vous êtes impuissantes et que vous avez besoin de la grâce de Dieu. Or, cette grâce, vous ne pouvez compter l’obtenir sans la prière et le sacrifice.
Vous qui voulez, et cela est bien digne d’éloge, mener une vie apostolique, chacune de vous selon sa situation personnelle, vous ne pouvez tellement ignorer le monde que vous n’ayez conscience, dans votre lutte contre l’incrédulité et l’immoralité actuelles, de l’insuffisance radicale de toutes les ressources naturelles et de tous les moyens purement humains ; il y faut, de toute nécessité, l’union intime avec le Christ ; et cette union intime également suppose la prière et le sacrifice.
Chaque pas que vous avez fait ces jours-ci dans Rome, a dû laisser une impression profonde dans vos esprits et dans vos cœurs en y faisant revivre par le souvenir les chrétiens des premiers siècles du christianisme. Ces chrétiens-là furent hommes et femmes de sacrifice ; autrement il leur eût été impossible de remporter sur la haine, l’impiété, la luxure, les triomphes splendides dont le récit seul vous ravit d’admiration, comme il frappe de stupeur même les incroyants. La situation présente est-elle si différente de celle d’alors ? On l’a dit avec raison : pour passer de nos jours par les rues des grandes villes sans laisser ébrécher l’intégrité de sa foi, éclabousser la pureté de sa vie, il ne faut pas un moindre héroïsme que pour leur rendre le témoignage du sang.
2. — Pas de faux spiritualisme
Si Nous touchons cette question ce n’est pas que Nous croyons nécessaire de vous mettre en garde sur ce point ; Nous sommes, Dieu merci, pleinement rassuré à votre sujet.
Sous couleur de défendre l’Eglise contre le risque de se fourvoyer dans la sphère du « temporel », un mot d’ordre, lancé il y a quelque dizaines d’années, continue de s’accréditer dans le monde : retour au pur « spirituel ». Et l’on entend par là la confiner étroitement sur le terrain de l’enseignement strictement dogmatique, l’offrande du saint sacrifice, l’administration des sacrements, lui interdire toute incursion, tout droit de regard même, sur le domaine de la vie publique, toute intervention dans l’ordre civil ou social.
Comme si le dogme n’avait rien à voir dans tous les champs de la vie humaine, comme si les mystères de la foi avec leurs richesses surnaturelles devaient s’abstenir de maintenir et tonifier la vie des individus et, par conséquence logique, d’harmoniser la vie publique avec la loi de Dieu, de l’imprégner de l’esprit du Christ ! Pareille vivisection est tout simplement anticatholique.
Le mot d’ordre doit être, tout au rebours : pour la foi, pour le Christ, dans toute la mesure du possible, présence partout où sont en cause les intérêts vitaux, où sont en délibération les lois qui regardent le culte de Dieu, le mariage, la famille, l’école, l’ordre social, partout où se forge, par l’éducation, l’âme d’un peuple. Et malheureusement, l’on n’a que trop souvent à y déplorer l’absence des organisations catholiques. Lourde est, par conséquent, la responsabilité de quiconque, homme ou femme, jouit du droit politique d’élection, là surtout où les intérêts religieux sont en jeu ; l’abstention, en ce cas est, en soi, qu’ils le sachent bien, un grave et fatal péché d’omission. Faire au contraire usage, et bon usage, de ce droit, c’est travailler effectivement pour le vrai bien du peuple, c’est agir en loyaux défenseurs de la cause de Dieu et de l’Eglise.
3. — Fidélité dans l’activité sociale au programme social de l’Église
A maintes reprises Nous avons, ces derniers temps, insisté sur cette recommandation. C’est que, jusque dans les rangs des catholiques, certaines tendances se font jour qui voudraient assimiler la doctrine de l’Eglise à des théories inconciliables avec la pensée chrétienne.
En maintenant la ligne de démarcation entre la conception chrétienne et de telles théories, l’Eglise a toujours en vue le vrai bien du peuple entier, le vrai bien commun. Dès lors qu’il s’agit de justes revendications sociales, elle est toujours en tête pour les promouvoir. Et celle en particulier que vous-mêmes, chères filles, articulez expressément dans votre programme : une plus équitable répartition des richesses, a toujours été et reste toujours un des objectifs principaux de la doctrine sociale catholique. Nous pouvons en dire tout autant de « la parité du salaire, à travail et rendement égal, entre l’homme et la femme », réclamation que l’Eglise a faite sienne depuis longtemps.
4. — La place et le rôle de la femme dans la vie politique
Reste enfin le domaine de la vie politique. En bien des circonstances, Nous en avons déjà touché certains points. Ce domaine a plusieurs aspects distincts : la sauvegarde et le soin des intérêts sacrés de la femme par le moyen d’une législation et d’un régime respectueux de ses droits, de sa dignité, de sa fonction sociale ; la participation de quelques femmes à la vie politique en vue du bien, du salut et du progrès de toutes.
Votre rôle, à vous, est d’une manière générale de travailler à rendre la femme toujours plus consciente de ses droits sacrés, de ses devoirs, de sa puissance soit sur l’opinion publique dans les relations quotidiennes, soit sur les pouvoirs publics et la législation par le bon usage de ses prérogatives de citoyenne.
Tel est votre rôle commun. Il ne s’agit pas en effet pour vous d’entrer en masse dans la carrière politique, dans les assemblées publiques. Et vous devrez, du moins la plupart d’entre vous, donner le meilleur de votre temps et de votre cœur au soin de la maison et de la famille. Nous ne perdons pas de vue que l’édification d’un foyer où tous se sentent à l’aise et heureux, l’éducation des enfants sont, en réalité, une contribution de première valeur au bien commun, un service appréciable dans l’intérêt du peuple entier. Et Nous trouvons un grand motif de joie dans ce fait, vous-mêmes le remarquez avec raison, que, au sein des familles rurales, c’est-à-dire dans une grande partie de l’humanité, l’action de la femme au foyer domestique coïncide encore fort heureusement avec sa coopération à l’économie familiale et nationale.
Celles d’entre vous qui, plus libres de leur personne, plus aptes et mieux préparées, assumeront ces lourdes tâches de l’intérêt général, seront vos représentantes et comme vos déléguées. Faites-leur confiance, comprenez les difficultés, les peines et les sacrifices de leur dévouement ; soutenez-les, aidez-les.
Un mot suffit en terminant pour souligner ce que Nous appelions, en commençant, l’universalité, la souplesse harmonieuse et solide de votre collaboration. Elle est universelle, sans distinction de nationalités, de classes, de conditions. Elle est souple et harmonieuse parce qu’elle consiste dans le concours d’œuvres, d’organisations, d’institutions les plus variées, dont chacune garde son caractère et son activité propres, son intégrité et sa sphère d’action, sans aucune absorption, sans aucune domination d’une part, aucune sujétion de l’autre, toutes unies par le lien d’une fédération librement acceptée en vue de coordonner l’action commune. Rien ne saurait mieux répondre à Nos intentions.
Et cette action propre de chacune dans la collaboration générale, vous l’étendez encore, vous en assurez la cohésion ; vous en multipliez l’efficacité grâce à votre « bureau de renseignements », heureuse initiative qui impose certes, à celles qui en ont la charge un labeur considérable, mais incontestablement très fructueux.
Il y a trois jours, Nous célébrions la nativité de celle dont la venue a été pour le monde entier l’aurore de la joie. Demain, nous fêterons son nom glorieux et le souvenir des victoires qu’il a remportées sur les ennemis de la chrétienté. Que Marie, auxilium christianorum soit votre force dans la lutte pour la restauration d’une société saine et prospère, pour le triomphe de Dieu et de l’Eglise, Nous l’invoquons pour vous et, de tout cœur, Nous vous donnons à toutes, à toutes celles qui vous sont unies, à vos œuvres et institutions, à vos familles, à tous ceux qui vous sont chers, Notre Bénédiction apostolique.
Source : Document Pontificaux de sa Sainteté Pie XII, année 1947, Edition Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte français des A. A. S., XXXIX, 1947, p. 480.
- Cf. ci-dessus, p. 156 et ss.[↩]