Joseph Sarto est né le 2 juin 1835 à Riese ; il fut baptisé le lendemain 3 juin ; ordonné prêtre en 1858, il fut successivement vicaire à Tombolo, curé à Salzano (1866–1875), directeur spirituel au séminaire de Trévise (1875–1884), évêque de Mantoue en 1884, créé cardinal le 22 juin 1893, archevêque de Venise en 1893 et élu pape le 4 avril 1903 ; il mourut le 20 août 1914.
Le 3 juin 1951 au matin, eut lieu — selon la coutume — la proclamation du nouveau Bienheureux : Pie X, dans la Basilique de Saint-Pierre. Mais prévoyant qu’une immense foule serait présente, l’après-midi, pour vénérer les reliques du Bienheureux Pape, le Saint-Père décida que cette cérémonie aurait lieu sur la Place Saint-Pierre. C’est devant une foule de plus de 200.000 personnes que Pie XII prononça le discours suivant :
Une joie céleste inonde Notre cœur ; un hymne de louange et de gratitude jaillit de Nos lèvres envers le Seigneur Tout-Puissant qui Nous a donné d’élever aux honneurs des autels le Bienheureux Pie X, Notre Prédécesseur. Il exprime aussi la joie et la reconnaissance de toute l’Eglise, que vous représentez visiblement, chers fils et filles, assemblés ici sous Nos yeux comme une mer vivante ou qui dispersés sur la surface de la terre, Nous écoutez dans l’exultation de ce jour béni.
De tous côtés, dans l’Eglise on demandait cette béatification :
Un désir commun s’est réalisé. Dès le moment de son pieux trépas, en même temps que se multipliaient toujours davantage les pèlerinages à sa tombe, des supplications affluaient de toutes les nations pour implorer la glorification de l’immortel Pontife. Elles émanaient des membres les plus élevés de la Hiérarchie, des Clergés séculier et régulier, de toutes les classes de la société et spécialement des plus humbles, dont il était lui-même issu comme une fleur très pure. Et voici que ces vœux sont exaucés ; voici que Dieu dans les secrets desseins de sa Providence, a choisi son indigne successeur, pour les satisfaire, et faire resplendir, dans la triste pénombre qui assombrit le chemin encore incertain du monde d’aujourd’hui, l’astre éclatant de sa blanche figure, afin d’éclairer la voie et de raffermir les pas de l’humanité désorientée.
Mais, lors que la joie dont Notre cœur déborde Nous pousse irrésistiblement à chanter en lui les merveilles de Dieu, Notre voix hésite comme si les paroles devaient Nous manquer, insuffisantes qu’elles sont pour exalter dignement, fût-ce dans une rapide esquisse, la vie et les vertus du prêtre, de l’évêque, du Pape, dans la prodigieuse ascension, depuis le petit bourg natal et l’humble naissance, jusqu’au faîte des grandeurs et de la gloire sur terre et dans le ciel.
Pie XII exalte la gloire de son Prédécesseur :
Depuis plus de deux siècles [1], il ne s’était plus levé sur le Pontificat romain un jour de splendeur comparable à celui-ci, ni n’avait plus résonné avec une telle véhémence et un tel accord, la voix proclamant sa louange de tous ceux pour qui la Chaire de Pierre est la roche sur laquelle leur foi est ancrée, le phare qui soutient leur indéfectible espérance, le lien qui les soude dans l’unité et dans la charité divine.
Combien, parmi vous aussi, conservent encore vivant dans leur esprit et dans leur cœur le souvenir du nouveau Bienheureux ! Combien revoient encore par l’esprit, comme Nous- même le revoyons, ce visage respirant une bonté céleste ! Combien le sentent proche, tout proche d’eux, ce Successeur de Pierre, ce Pape du vingtième siècle qui, dans le formidable ouragan soulevé par les négateurs et les ennemis du Christ, sut faire preuve, dès le début, d’une expérience consommée au gouvernail de la barque de Pierre, mais que Dieu appela à Lui, au moment où la tempête se faisait plus violente !
Quelle douleur, quel abattement, alors, de le voir disparaître, au comble de l’angoisse pour le monde bouleversé.
Mais voici que l’Eglise le voit réapparaître aujourd’hui, non plus comme un nocher luttant péniblement à la barre contre les éléments déchaînés, mais comme un glorieux Protecteur qui, du ciel, l’enveloppe de son regard tutélaire, dans lequel brille l’aurore d’un jour de consolation et de force, de victoire et de paix.
Le Pape rappelle le souvenir de son élection :
Quant à Nous, qui étions alors au début de Notre sacerdoce, déjà au service du Saint-Siège, Nous ne pourrons jamais oublier Notre intense émotion, lorsqu’au milieu du jour de ce 4 août 1903 de la Loge de la Basilique Vaticane, la voix du Premier Diacre annonça à la multitude que ce conclave — si remarquable par tant d’aspects — avait porté son choix sur le Patriarche de Venise, Joseph Sarto.
C’est alors que fut prononcé pour la première fois à la face du monde le nom de Pie X. Qu’est-ce que devait signifier ce nom pour la Papauté, pour l’Eglise, pour l’humanité ? En évoquant aujourd’hui, après presque un demi-siècle, la succession des événements graves et complexes qui l’ont rempli, Notre front s’incline et Nos genoux se plient dans l’admiration et l’adoration des conseils divins, dont le mystère se dévoile lentement aux pauvres yeux des humains au fur et à mesure qu’il s’accomplit au cours de l’histoire.
Bref aperçu de sa vie :
Il fut un Pasteur et un bon Pasteur. Il paraissait être né pour cela. A toutes les étapes du chemin, qui petit à petit le conduisait de l’humble foyer natal, pauvre de biens terrestres, mais riche de foi et de vertus chrétiennes, au sommet de la Hiérarchie, l’enfant de Riese demeurait toujours égal à lui-même, toujours simple, affable, accessible à tous, dans sa cure de campagne, dans la stalle capitulaire de Trévise, à l’évêché de Mantoue, au siège patriarcal de Venise, dans la splendeur de la Pourpre romaine, et il continua à être ainsi dans la majesté souveraine, sur la sedia gestatoria et sous le poids de la Tiare, le jour où la Providence formatrice prévoyante des âmes, incita l’esprit et le cœur de ses Pairs à remettre la houlette, tombée des mains affaiblies du grand vieillard Léon XIII, entre les siennes paternellement fermes.
Le monde avait alors précisément besoin de telles mains.
Dès son élévation au Souverain Pontificat, il fit preuve de lucidité et de fermeté :
Mais une fois qu’il eût prononcé son « fiat », cet humble, mort aux choses terrestres et aspirant de tout son être aux célestes, démontra l’indomptable fermeté de son esprit, la vigueur virile, la grandeur du courage qui sont les prérogatives des héros de la sainteté.
Dès sa première Encyclique, ce fut comme si une flamme lumineuse s’était élevée pour éclairer les esprits et allumer les cœurs. Les disciples d’Emmaüs ne sentaient point différemment s’enflammer leurs cœurs tandis que le Maître parlait et leur dévoilait le sens des Ecritures (Luc, XXIV, 32.).
N’avez-vous peut-être pas éprouvé cette ardeur vous aussi, chers fils, qui avez vécu ces jours et avez entendu de ses lèvres le diagnostic exact des maux et des erreurs de l’époque, et, en même temps, les moyens et les remèdes indiqués pour en guérir ? Quelle clarté de pensée ! Quelle force de persuasion ! C’était bien la science et la sagesse d’un prophète inspiré, l’intrépide franchise d’un Jean-Baptiste et d’un Paul de Tarse ; c’était la tendresse paternelle du Vicaire et Représentant du Christ veillant à toutes les nécessités, soucieux de tous les intérêts, de toutes les misères de ses fils. Sa parole était un tonnerre, était une épée, était un baume ; elle se communiquait intensément à toute l’Eglise et s’étendait bien au-delà avec efficacité ; elle atteignait à une vigueur irrésistible, non seulement par le fond incontestable du contenu, mais encore par sa chaleur intime et pénétrante. On sentait en elle frémir l’âme d’un Pasteur qui vivait en Dieu et de Dieu, sans autre dessein que de conduire à Lui ses agneaux et ses brebis. Aussi, fidèle aux vénérables et séculaires traditions de ses prédécesseurs, s’il conserva substantiellement toutes les solennelles (non point fastueuses) formes extérieures du cérémonial pontifical, en ces moments-là son regard suavement doux, fixé sur un point invisible, montrait que ce n’était pas à lui-même, mais à Dieu qu’allait tout l’honneur.
Pie X possédait à un haut degré les vertus théologales :
Le monde qui l’acclame aujourd’hui dans la gloire des Bienheureux sait qu’il parcourut la voie qui lui avait été désignée par la Providence avec une foi à transporter les montagnes, avec une espérance inébranlable, même aux heures les plus inquiétantes et incertaines, avec une charité qui le poussait à se vouer à tous les sacrifices pour le salut des âmes.
Par ces vertus théologales, qui étaient comme la trame fondamentale de toute sa vie, et qu’il pratiqua à un degré de perfection qui dépassait incontestablement toute excellence purement naturelle, son Pontificat resplendit comme aux âges d’or de l’Eglise.
De même il possédait les vertus cardinales :
Puisant à tout instant à la triple source de ces vertus reines, le Bienheureux Pie X enrichit et consuma le cours entier de sa vie dans l’exercice héroïque des vertus cardinales : fermeté inébranlable aux coups du sort, justice d’une impartialité inflexible, tempérance qui se confondait avec le renoncement total à soi-même, prudence avisée, mais prudence de l’esprit qui est « vie et paix » détachée de la « sagesse de la chair, qui est mort et ennemie de Dieu » (Rom., VIII, 6–7.).
Il sut garder dans des circonstances difficiles, en particulier, durant la crise moderniste, un parfait équilibre :
Serait-il vrai, comme certains l’ont affirmé, ou insinué, que dans le caractère du Bienheureux Pontife, la force prévalut souvent sur la prudence ? Telle a pu être l’opinion d’adversaires, dont la plupart étaient aussi ennemis de l’Eglise. Dans la mesure cependant où elle fut partagée par d’autres, admirateurs au demeurant du zèle apostolique de Pie X, cette appréciation se révèle comme contredite par les faits, quand on prête attention à sa sollicitude pastorale pour la liberté de l’Eglise, pour la pureté de la doctrine, pour la défense du troupeau du Christ contre les dangers menaçants, qui ne trouvait pas toujours chez certains toute la compréhension et l’adhésion intime que l’on pouvait attendre d’eux.
Maintenant que l’examen le plus minutieux a scruté à fond tous les actes et les vicissitudes de son Pontificat, maintenant qu’on connaît la suite de ces événements, aucune hésitation, aucune réserve n’est plus possible, et l’on doit reconnaître que même dans les périodes les plus difficiles, les plus dures, les plus lourdes de responsabilités, Pie X — assisté par son très fidèle Secrétaire d’Etat, la grande figure du Cardinal Merry del Val — donna la preuve de cette prudence éclairée qui ne manque jamais aux saints, même lorsque, dans ses applications, elle se trouve en contraste douloureux mais inévitable, avec les postulats trompeurs de la prudence humaine et purement terrestre.
Avec son regard d’aigle plus perspicace et plus sûr que les courtes vues des myopes raisonneurs, il voyait le monde tel qu’il était, il voyait la mission de l’Eglise dans le monde, il voyait avec les yeux d’un saint Pasteur quel était son devoir au sein d’une société déchristianisée, d’une chrétienté infectée ou du moins menacée par les erreurs du temps et la perversion du siècle.
Illuminé des clartés de la vérité étemelle, guidé par une conscience délicate, lucide, d’une rigide droiture, il avait souvent sur le devoir présent, et sur les décisions à prendre, des intuitions, dont la parfaite rectitude déconcertait ceux qui n’étaient pas doués de semblables lumières.
Devant les menaces et les dangers, il témoignait d’un courage extraordinaire :
Par nature, personne de plus doux, de plus aimable que lui, personne de plus paternel. Mais, quand parlait en lui la voix de la conscience pastorale, plus rien ne comptait que le sentiment du devoir ; ce dernier imposait silence à toutes les considérations de la faiblesse humaine ; mettait fin à toutes les tergiversations, décrétait les mesures les plus énergiques, si pénibles qu’elles fussent à son cœur.
L’humble « curé de campagne », comme il a voulu parfois se qualifier lui-même, — et ce n’est pas le diminuer que de l’appeler ainsi, — face aux attentats perpétrés contre les droits imprescriptibles de la liberté et de la dignité humaines, contre les droits sacrés de Dieu et de l’Eglise, savait se dresser comme un géant dans toute la majesté de son autorité souveraine. Alors son « non possumus » faisait trembler et parfois reculer les puissants de la terre, rassurant en même temps les hésitants et galvanisant les timides.
A cette force inébranlable de son caractère et de sa conduite, manifestée dès les premiers jours de son Pontificat, on doit attribuer la stupeur puis l’aversion de ceux qui voulurent faire de lui le signum cui contradicetur, révélant ainsi le fond obscur de leur âme.
Donc, point de prépondérance excessive de la force sur la prudence. Au contraire, ces deux vertus, qui donnent comme l’onction sacrée à ceux que Dieu choisit pour gouverner, furent chez Pie X équilibrées à tel point que, à l’examen objectif des faits, il apparaît aussi éminent dans l’une que sublime dans l’autre.
Cette harmonie des vertus, dans les hautes sphères de l’héroïsme n’est-elle pas la marque d’une sainteté accomplie ?
Il laissa après lui des œuvres durables :
Un homme, un pontife, un saint d’une telle élévation trouvera difficilement l’historien qui saura embrasser dans son unité sa grande figure et en même temps ses multiples aspects. Mais, même la simple et sèche énumération de ses œuvres et de ses vertus — telle que Nous pouvons seulement la tenter en ce moment, dans des aperçus brefs et incomplets — suffit à causer la plus vive admiration.
De lui, on peut certainement dire que, dans tous les domaines auxquels il consacra son attention et son activité, il pénétra doué d’une intelligence claire, profonde et large, et d’une rare qualité de l’esprit qui le rendait également heureux dans l’analyse et puissant dans la synthèse, imprimant sur toutes ses œuvres la marque de l’universalité, non moins que de l’unité, visant à tout récapituler et restaurer dans le Christ.
Il défendit avec zèle la foi :
Défenseur de la foi, héraut de la vérité éternelle, gardien des plus saintes traditions, Pie X révéla un sens très aigu des besoins, des aspirations, des énergies de son temps. Aussi a‑t-il pris place parmi les plus glorieux Pontifes, fidèles dépositaires sur terre des clefs du Royaume des cieux, et auxquels l’humanité est débitrice de tout véritable avancement dans la voie droite du bien et de tout réel progrès.
Il se fit le promoteur des sciences sacrées et profanes :
Son zèle pour l’influence morale de l’Eglise a fait de lui un incomparable promoteur des sciences sacrées et profanes. Est-il nécessaire de rappeler la nouvelle impulsion donnée aux études bibliques ? L’efficace développement des études philosophiques et théologiques selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique ? Et dans le domaine des sciences humaines, faut-il mentionner la réorganisation de l’Observatoire astronomique ? Dans le domaine artistique, le renouveau de la musique sacrée, la réorganisation de la Pinacothèque ?
En particulier, il prit l’initiative de la rédaction du Code de Droit Canon publié après sa mort en 1918.
Toutefois, il n’est pas un mécène étranger aux sciences et aux arts ou un pur théoricien, satisfait d’assigner simplement un but, de donner un ordre, et de laisser ensuite aux autres l’entière exécution. Son œuvre, au contraire, apporte une contribution essentielle, elle donne une direction effective. S’abstenant sagement d’inutiles minuties, il descend cependant jusqu’au concret et au détail, précisant avec exactitude et sens pratique la voie à suivre pour atteindre le but, facilement, rapidement, pleinement. C’est de la sorte qu’il travailla à la Codification du Droit Canon, qui peut être appelé le chef-d’œuvre de son Pontificat. Dès le début il s’y décida avec le courage des grands, il affronta hardiment l’arduum sane munus et il s’y donna avec une assiduité infatigable.
Et bien qu’il ne lui ait pas été donné — pour reprendre les paroles de son Successeur Benoît XV [2] — de mener au terme l’immense entreprise, lui seul toutefois doit être considéré comme l’auteur de ce Code (is tamen unus huius Codicis habendus est auctor) et son nom dès lors, être toujours exalté comme celui d’un des plus illustres Pontifes dans l’histoire du Droit Canon, à côté d’un Innocent III, d’un Honorius III, d’un Grégoire IX.
Il invita le clergé à mener une vie sainte :
Si dans chacune de ces entreprises, il est toujours mû par le zèle pour la gloire de Dieu et pour le salut, le progrès des âmes, avec quelle sollicitude dut-il s’occuper des pasteurs mêmes du troupeau sacré, puisque c’est d’eux que dépendent directement et immédiatement l’honneur de Dieu et la sanctification des âmes ?
Cela ressort de ses efforts constants pour doter l’Epouse du Christ d’un clergé dont la sainteté et la doctrine soient à la hauteur de sa sublime mission. Et qui pourrait relire sans émotion la paternelle Exhortation Hærent animo (4 août 1908) reflet très pur de son âme sacerdotale, le jour du jubilé de son ordination ?
Pénétré de la pensée de saint Paul, que le prêtre est constitué pour les hommes dans toutes les choses qui regardent Dieu [3], il ne néglige rien de ce qui peut contribuer à un plus efficace exercice de ce sublime ministère.
Il veille à ce que l’instruction religieuse soit bien faite :
Avant tout, dans la diffusion d’une connaissance vive de la doctrine chrétienne. C’est ainsi qu’il promulgua de sages instructions pour en confirmer la nécessité, en déterminer l’objet, en établir la méthode [4]. Cela ne suffit pas : lui-même veille à ce que soit composé un nouveau catéchisme pour adapter cet enseignement à tous les âges et à toutes les intelligences. Et cela ne lui suffit pas encore : certains dimanches il commente personnellement le saint Evangile du jour aux fidèles des paroisses de Rome. A bon droit, il fut donc appelé le Pape de la doctrine chrétienne.
Il appelle les laïcs à l’apostolat :
Le vide désolant que l’esprit sectaire du siècle avait creusé autour du sacerdoce, il se hâta de le combler grâce à l’active collaboration des laïcs dans l’apostolat. En dépit des circonstances adverses, voire stimulé par celles-ci, Pie X prend soin, s’il n’en est pas précisément l’initiateur, avec de nouvelles directives, de la formation d’un laïcat fort dans la foi, uni avec une parfaite discipline aux différents grades de la Hiérarchie ecclésiastique. Et tout ce qu’on admire, aujourd’hui, en Italie et dans le monde, dans le vaste domaine de l’Action Catholique, démontre combien a été providentielle l’œuvre de notre Bienheureux, qui reflète sur lui une lumière qu’il ne fut sans doute donné, durant sa vie, qu’à quelques-uns seulement de prévoir pleinement. Aussi les foules de l’Action Catholique, parmi les âmes élues qu’elles évoquent et vénèrent comme guides et promotrices de leur mouvement salutaire, doivent à juste titre placer le Bienheureux Pie X.
En Italie, il fixe les conditions de la participation des catholiques à la vie politique :
Un autre obstacle de la plus haute gravité s’opposait à la restauration d’une société chrétienne et catholique : c’est-à-dire d’une part, la division au sein même de la société, et d’une autre, la fracture qui séparait l’Eglise de l’Etat, particulièrement en Italie. Avec la clarté et la largeur de vue propres aux saints, il a su, sans permettre la plus petite atteinte aux principes immuables et inviolables, tracer les règles pour l’organisation d’une action populaire chrétienne, mitiger la rigueur du non expedit et préparer bien à l’avance le terrain pour la conciliation qui devait apporter la paix religieuse à l’Italie.
Il est surtout le Pape de l’Eucharistie :
Mais ce qui est surtout le propre de ce Pontife est d’avoir été le Pape de la sainte Eucharistie en notre époque. Là, l’harmonie et communion intimes de sentiments chez le Vicaire du Christ avec l’esprit même de Jésus resplendissent de reflets presque divins. Si Nous Nous taisions sur ce point, la foule des enfants d’hier et d’aujourd’hui, se lèverait pour chanter Hosanna à Celui qui sut abattre les barrières séculaires qui les tenaient éloignés de leur Ami des tabernacles. Ce n’est que dans une âme sagement candide et évangéliquement enfantine comme la sienne que pouvait trouver un ferme écho l’ardent soupir de Jésus : « Laissez venir à moi les petits enfants ! » et en même temps, la compréhension du si doux désir de ceux-ci d’accourir vers les bras ouverts du Rédempteur divin. Ce fut ainsi lui qui donna Jésus aux enfants et les enfants à Jésus. Si Nous le passions sous silence, les autels mêmes du Saint- Sacrement en parleraient pour attester la floraison exubérante de sainteté qui, par l’œuvre de ce Pontife de l’Eucharistie, s’est épanouie en d’innombrables âmes, pour lesquelles la communion fréquente est désormais une règle fondamentale de perfection chrétienne.
Pie XII montre le rôle unique joué par Pie X dans la vie de l’Eglise :
Chers fils et filles ! Une heure de gloire passe sur nous en cette soirée lumineuse. C’est une gloire qui rejaillit directement sur le Pontificat romain, une gloire qui rayonne pour l’Eglise tout entière, une gloire qui enveloppe ici étroitement la tombe vénérée d’un humble fils du peuple que Dieu a élu, a enrichi, a exalté.
Mais avant tout c’est la gloire de Dieu parce qu’en Pie X se révèle le mystère de la sage et bienveillante Providence qui assiste l’Eglise et par elle, le monde, en toute époque de l’histoire. Que devait signifier, Nous demandions-Nous au début, le nom de Pie X ? Il Nous semble maintenant le voir clairement.
Par sa personne, et par son œuvre, Dieu a voulu préparer l’Eglise aux nouveaux et durs devoirs qu’un avenir agité lui réservait. Préparer opportunément une Eglise unie dans la doctrine, solide dans la discipline, efficiente dans ses Pasteurs ; un laïcat généreux, un peuple instruit ; une jeunesse sanctifiée dès les premières années ; une conscience vigilante à l’égard des problèmes de la vie sociale. Si aujourd’hui l’Eglise de Dieu, loin de reculer devant les forces destructrices des valeurs spirituelles, souffre, combat et par vertu divine, progresse et rachète, cela est dû à l’action prévoyante et à la sainteté de Pie X. Il apparaît manifeste aujourd’hui que tout son Pontificat fut surnaturellement orienté selon un dessein d’amour et de rédemption pour disposer les esprits à affronter nos propres luttes et pour assurer nos victoires et celles des générations à venir.
Une prière ardente termine ce discours :
Ô Bienheureux Pontife, fidèle Serviteur de ton Seigneur, humble et sûr disciple du Maître divin, dans la douleur et dans la joie, dans les soucis et dans les sollicitudes, Pasteur expérimenté du troupeau du Christ, tourne ton regard vers nous qui sommes prosternés devant tes dépouilles virginales. Les temps où nous vivons sont ardus ; dures les peines qu’ils exigent de nous. L’Epouse du Christ, autrefois confiée à tes soins, se trouve de nouveau dans de graves tourments. Ses fils sont menacés par d’innombrables périls dans leur âme et leur corps. L’esprit du monde, comme un lion rugissant, rôde autour cherchant qui il puisse dévorer. Plus d’un devient sa victime. Ils ont des yeux et ne voient pas ; ils ont des oreilles et n’entendent point. Ils ferment leur regard à la lumière de la vérité éternelle ; ils écoutent les voix des sirènes insinuant des messages trompeurs. Toi qui fus ici-bas un grand inspirateur et guide du peuple de Dieu, sois notre aide et notre intercesseur et celui de tous ceux qui se proclament disciples du Christ. Toi dont le cœur se brisa quand tu vis le monde se précipiter dans une lutte sanglante, secours l’humanité, secours la chrétienté, exposée actuellement à de pareils dangers ; obtiens de la miséricorde divine le don d’une paix durable et, comme au début de celle-ci, le retour des esprits à ce sentiment de véritable fraternité qui seul peut ramener parmi les hommes et les nations la justice et la concorde voulues par Dieu. Ainsi soit-il ! [5]
Source : Documents Pontificaux de sa Sainteté Pie XII, année 1951, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte italien des A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 468.
- Soixante-dix-neuf papes ont été élevés sur les autels, le dernier : Pie V, pape de 1566 à 1572, fut béatifié en 1672 et canonisé en 1712.[↩]
- Cf. Allocution Consistor. du 4 décembre 1916, A. A. S., VIII, 1916, p. 466.[↩]
- Heb., v, 1.[↩]
- Cf. Encyclique Acerbo nimis du 15 avril 1905.[↩]
- Cf. Décret sur l’héroïcité des vertus, 3 septembre 1950, A. A. S., XXXXII, 1950, p. 898 ; Décret sur les miracles, 11 février 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 138 ; Décret de tuto, 4 mars 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 223 ; Bref apostolique proclamant Pie X Bienheureux, 3 juin 1951, A. A. S., XXXXIII, 1951, p. 467.[↩]