La messe interdite
Les Chinois avaient leur Cité interdite, arpentée aujourd’hui par de nombreux touristes. L’Eglise qui est en France continue à avoir sa messe interdite, à qui le droit de cité est refusé. Seules quelques tolérances sont accordées, et avec quelle parcimonie soupçonneuse. S’agit-il de réprimer les abus, de faire cesser les innovations, de revenir à la norme du missel romain ? Que nenni, ne mettons surtout pas de limites aux nouveautés et aux incongruités d’une révolution liturgique vieille de quarante ans. Il s’agit bien du missel romain antique et vénérable, de la messe de toujours restaurée sous le pontificat du glorieux saint Pie V. Oui aux synaxes « pique-nique », non à la messe « Pie-cinq » !
Quelques quatre années après le Motu Proprio du pape Benoît XVI, reconnaissant enfin après quarante ans de persécution, que la messe tridentine n’avait jamais été abrogée et qu’elle pouvait donc être célébrée par tous les prêtres de rite latin, la situation en France reste inchangée, hormis quelques rares exceptions. Deux faits récents nous l’ont confirmé.
Il s’agit tout d’abord d’une messe d’enterrement à Sissonne, au début du mois de septembre. La défunte, Madame Grégoire, appréciait la messe tridentine et avait rédigé un testament demandant que ce fût cette messe qui fût célébrée lors de ses obsèques dans sa ville. Au passage, je vous encourage à rédiger un testament de ce genre qui manifestera clairement votre volonté et évitera des tensions entre différentes tendances dans la famille au moment d’organiser l’enterrement. La famille entra en contact avec nous. Il me fallait obtenir l’autorisation du curé encore en poste, l’Abbé Etienne Kerjean. Malgré de nombreuses démarches auprès du presbytère et de l’évêché, je ne parvins pas à le joindre. La famille eut plus de chance que moi, mais ce fut pour se voir opposer un refus catégorique. Les enfants ne se démontèrent pas et nous convînmes d’organiser la messe d’enterrement devant l’église, avec l’autorisation du maire. Elle eut lieu le vendredi 9 septembre, devant la porte soigneusement verrouillée, sous une bruine légère et la menace des pigeons habitués du lieu. La cérémonie, suivie par une quarantaine de personnes, se déroula dans le recueillement et la prière, au rythme de la liturgie de toujours.
L’Abbé Kerjean, interrogé par la suite par un journaliste, tint des propos assez surprenants pour justifier son refus. Devant une légitime demande de la famille, prévue par le Motu Proprio de Benoît XVI, il oppose clairement une fin de non recevoir et refuse de trouver un prêtre agréé par le diocèse pour le faire. Ce ne sont pourtant pas de tels prêtres qui manquent dans les communautés Ecclesia Dei, qui acceptent de passer par les fourches caudines des ordinaires du lieu. Mais que les fourches sont étroites ! Il fut un temps par exemple durant lequel l’aumônier du camp militaire de Sissonne célébrait la messe dans la paroisse. Cet arrangement cessa subitement lorsqu’un prêtre de la Fraternité Saint Pierre assura cette charge. Vous voyez bien, de prêtre, il n’y en a point. L’Abbé Kerjean, peu au courant de la manière dont les autorités romaines nous considèrent, toutes imbues qu’elles soient des erreurs du dernier Concile, nous rejette en dehors de l’Eglise catholique, avec en prime cette fois-ci le refus de tout oecuménisme. Nos théologiens célèbrent tranquillement la sainte messe à Saint- Pierre de Rome, mais Sissonne semble bien éloigné de Rome. Voici ses propos : « il m’est impossible en tant que prêtre fidèle à l’église catholique, mais aussi en tant que républicain, puisque l’Eglise est propriété de la commune, d’y laisser entrer des personnes qui ne nous reconnaissent pas ! » (L’Union, jeudi 15 septembre, page 19. Dans un souci d’authenticité, nous avons conservé l’orthographe du journaliste, qui doit être fâché avec le « é » minuscule ou majuscule d’Eglise). Si nous nous adressons à lui pour une telle cérémonie, c’est bien que nous lui reconnaissons sa charge de curé. Quant au caractère anti-républicain d’une messe d’enterrement, je lui laisse l’entière responsabilité de ses propos.
Pour l’Abbé Kerjean, demander une messe tridentine pour un enterrement, c’est chose impossible à réaliser : « Si untel souhaite être incinéré et que ses cendres soient disséminées audessus de la tour Eiffel, on le lui refusera ». Effectivement, la comparaison me semble très probante et ne peut qu’emporter l’adhésion. Je me demande vraiment à quoi pensaient les curés qui enterraient leurs ouailles avant le renouveau de Vatican II, quand chaque église avait son prêtre. La suite est dans le même genre : « A ce moment, je dois ouvrir l’église si des personnes de religion juive veulent célébrer dans notre lieu ? ». L’Abbé Kerjean qui compare les intégristes aux Juifs ! Je le laisse encore une fois se débrouiller avec la Licra et les ligues de vertu. Un tout petit détail a échappé à notre abbé : la messe catholique n’a pas grand-chose a voir avec les rites judaïques. Nous croyons, nous catholiques, que Jésus-Christ, le Messie promis au peuple hébreu, est le seul Sauveur qui nous réconcilie avec Dieu et nous ouvre les portes du Ciel.
L’estocade finale arrive dans les dernières lignes de l’article : « Et puis le latin, entre nous… Je ne me souviens pas que Jésus parlait en latin, non ? […] Je comprends que cette famille et la défunte, que je ne connaissais pas, voyait (sic !) probablement une dimension magique dans une célébration en latin ». Je suppose, en lisant ces lignes, que l’Abbé Kerjean célèbre la liturgie en araméen et je m’incline devant son souci d’authenticité. Je me permets simplement de rappeler que le latin est la langue liturgique de l’Eglise catholique, à laquelle j’appartiens, et que la liturgie rénovée permet simplement la célébration en langue vernaculaire. L’argument de la dimension magique est abracadabrant. Pour le clergé progressiste, la liturgie ne doit plus rien contenir de sacré ou de mystérieux, tout doit être abaissé à la dimension de l’homme, dans une platitude désespérante. Parler latin, c’est entretenir l’illusion d’un pouvoir magique des formules, c’est un reliquat de superstition qui a heureusement été balayé par la nouvelle messe. Une telle conception en dit long sur la perte du sens du sacré qui affecte les officiants de la liturgie nouvelle.
Le deuxième fait suivit de peu. Nous avions demandé et obtenu l’autorisation de célébrer la messe lors de notre pèlerinage de rentrée à Notre- Dame de Liesse le samedi 24 septembre. Cette autorisation, accordée en août, vint d’un vieux prêtre en poste à Liesse et non de l’Abbé Kerjean. Mais Mgr Giraud, évêque de Soissons, l’apprit et m’envoya une semaine avant notre pèlerinage une lettre recommandée avec accusé de réception m’informant que nous ne pouvions pas célébrer la messe dans la basilique. L’évêque s’appuie pour motiver son refus sur la rencontre récente entre Mgr Fellay et le Cardinal Levada. Ainsi, avant cette entrevue, l’utilisation de la basilique était possible, mais plus après. J’ai encore du mal à percevoir la pertinence des arguments invoqués. Dans le même ordre d’idées, un fidèle a écrit une lettre à l’évêque de Verdun pour lui demander si nous pouvions célébrer la messe dans un lieu de pèlerinage. L’évêque refusa également en s’appuyant cette fois-ci sur le communiqué de l’Abbé de Cacqueray dénonçant la nouvelle rencontre interreligieuse d’Assise à la fin du mois. Décidemment, le clergé qui est en France, dans sa majorité, n’apprécie pas la messe tridentine ni le rappel des principes catholiques.
Cette messe de toujours, c’est celle que nous voulons pour la sanctification de nos âmes, cette foi catholique, c’est celle que nous professons pour être à Jésus-Christ. Restons fermes dans ce bon combat de la foi et de la messe.
Abbé Ludovic Girod
Extrait de laSainte Ampoule n° 200 d’octobre 2011