Aux patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires de lieu en paix et communion avec le Siège Apostolique
PIE XI, PAPE
Vénérables frères,
Salut et Bénédiction apostolique.
Favoriser l’étude et la connaissance approfondie des questions orientales non seulement parmi les fidèles, mais surtout parmi les prêtres, fut, dans les siècles passés, le grand souci de Nos prédécesseurs. C’est là un fait qui ne peut échapper même à un lecteur superficiel des annales de l’Eglise catholique. Nos prédécesseurs n’ignoraient pas en effet que beaucoup des maux antérieurs, puis la déplorable scission, qui avait jadis arraché à l’unité tant d’Eglises florissantes, résultaient avant tout comme une conséquence fatale de l’ignorance et du mépris mutuels des peuples, mais aussi des préjugés consécutifs à de longues animosités. Impossible donc, si L’on ne parvenait à écarter ces obstacles, de jamais remédier à tant de maux.
Rappelons d’abord sommairement quelques données historiques de l’époque même où les liens de l’antique unité commençaient à se relâcher. Elles témoignent sur ce point des attendons et de la sollicitude des Pontifes romains pour les questions orientales. Personne n’ignore en effet la bienveillance, pour ne pas dire la vénération, dont Adrien II entourait les deux apôtres des Slaves, Cyrille et Méthode, et les honneurs particulièrement significatifs dont il les combla ; on sait aussi de quel zèle il soutint par ses légats le 8e Concile œcuménique, le quatrième de Constantinople, bien que peu de temps avant, à la suite d’un lamentable conflit, une immense fraction du troupeau du Seigneur se fût séparée du Pontife romain, divinement institué Pasteur suprême.
Ajoutons encore que dans la suite d’autres Conciles, destinés à régler les questions orientales, se réunirent les uns après les autres : à Bari, près du tombeau de saint Nicolas de Myre, où l’illustre Docteur d’Aoste, saint Anselme, devenu archevêque de Canterbury, aussi éminent par sa doctrine que par la sainteté de sa vie, impressionna vivement le cœur et l’esprit de tous les assistants ; à Lyon, où turent convoqués par Grégoire X les deux lumières de l’Eglise, saint Thomas, le Docteur angélique, et saint Bonaventure, le Docteur séraphique – l’un deux, il est vrai, mourut en route et l’autre succomba nu cours des lourds labeurs de la sainte assemblée ; – à Ferrare et à Florence enfin, où la première place revenait sans peine à ces deux gloires de l’Orient chrétien, Bessarion de Nicée et Isidore de Kiew, l’un et l’antre bientôt créés cardinaux de l’Eglise romaine. Ce fut là que la vérité du dogme catholique, appuyé de toutes les forces d’une saine raison, mais tout imprégné aussi de la charité du Christ, parut ouvrir aux chrétiens orientaux les voies de la réconciliation avec le Pasteur suprême.
Ces quelques faits, Vénérables Frères, ne sont qu’une faible partie des preuves attestant le zèle et la sollicitude vraiment paternelle de ce Siège Apostolique envers les nations orientales ; ils en sont la partie la plus éclatante, mais naturellement la moins abondante. D’autres bienfaits très nombreux et ininterrompus, comme dans une effusion incessante que Nous dirions volontiers quotidienne, sont répandus par l’Eglise Romaine sur toutes les plages de l’Orient. Citons avant tout l’envoi de tant de religieux qui dépensèrent leur propre vie au service des nations orientales. Soutenus par l’autorité de ce Siège Apostolique, appartenant principalement aux familles religieuses de saint François d’Assise et de saint Dominique, des hommes de grand cœur se consacrèrent aux missions, et fondèrent de nouvelles maisons ou de nouvelles provinces de leur Ordre. Par la théologie, de même que par les autres sciences qui concourent à la culture profane et religieuse, ils fécondèrent au prix d’immenses labeurs non seulement la Palestine et l’Arménie, mais encore d’autres régions d’Orient, passées sous le joug des Tartares ou des Turcs et arrachées de force à l’unité romaine, qui étaient privées de connaissances supérieures surtout dans le domaine religieux.
Ces services éminents et les intentions du Siège Apostolique furent excellemment compris et appréciés, dès le xiiie siècle, par les docteurs de l’Université de Paris. On n’ignore pas en effet que, pour seconder les vœux et les désirs du Saint-Siège, ils avaient fondé un collège oriental dans leur propre Université. Et, peu de temps après, Notre prédécesseur Jean XXII s’informait avec un vif intérêt, auprès de l’évêque Hugues de Paris, du progrès des études orientales et des fruits qu’elles donnaient.
Citons encore, empruntés aux documents de l’époque, quelques témoignages non moins significatifs. Humbert de Romans, grand savant, en même temps que Supérieur général de l’Ordre des Prêcheurs, dans son livre sur des questions à traiter dans le futur Concile général de Lyon, signalait comme spécialement nécessaires pour se concilier l’esprit des Orientaux les points suivants, la nécessité de posséder à fond ou de parler la langue grecque, parce que la diversité des nations qui résulte de la variété des langues se fond dans l’unité de la foi ; puis une ample provision de livres grecs et un nombre convenable de livres occidentaux traduits dans les langues orientales ; il conjurait enfin ses frères, assemblés en Chapitre général à Milan, de s’intéresser vivement et de s’appliquer pieusement à la connaissance et l’étude des langues orientales, afin d’être prêts à partir en mission dans ces divers pays, si telle était la volonté de Dieu.
Dans la famille franciscaine, de même, Roger Bacon – ce grand savant si cher à notre prédécesseur Clément IV – non content d’écrire de doctes traités sur les langues chaldéenne, arabe et grecque, en a facilité la connaissance à d’autres. Rivalisant avec eux, Raymond Lulle, homme d’une érudition et d’une piété exceptionnelles, avec toute l’impétuosité qui lui était naturelle, multipliait ses requêtes à Nos prédécesseurs Célestin V et Boniface VIII. A considérer l’époque, ses propositions ne manquaient pas de hardiesse : il voulait notamment qu’on s’occupât activement des questions et des études orientales, puisqu’un cardinal en personne fût chargé de diriger ces études et, pour finir, qu’on envoyât de nombreuses missions soit parmi les Tartares, les Sarrasins et les autres infidèles, soit parmi les « schismatiques », afin de les ramener à l’unité de l’Eglise.
Une mention plus solennelle est certainement due au décret, conseillé et inspiré, dit-on, par Raymond Lulle, porté par le Concile général de Vienne et promulgué par Notre prédécesseur Clément V, où prit naissance, en quelque sorte, l’idée de Notre Institut oriental : « Avec l’approbation de ce sacré Concile, y est-il dit, Nous avons pourvu à l’érection d’écoles pour les langues ci-après nommées partout où aura à résider la Curie romaine et, de plus, dans les Universités de Paris, Oxford, Bologne et Salamanque ; Nous avons décidé qu’en tous ces lieux ou établissements des maîtres catholiques connaissant suffisamment l’hébreu, le grec, l’arabe et le chaldéen, au nombre de deux pour chaque langue, dirigeront les cours, traduiront fidèlement en latin les livres rédigés dans ces diverses langues, en instruiront avec soin leurs auditeurs et par un enseignement suivi leur en transmettront la connaissance ; pourvus ainsi d’une connaissance suffisante, leurs disciples pourront donner, avec l’aide de Dieu, les fruits souhaités, en propageant la véritable foi parmi les peuples infidèles. »
Mais, à cette date, les nations orientales étaient en pleins bouleversements, et la plupart des instruments de travail scientifique se trouvaient détruits ; aussi était-il extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, aux esprits même les plus pénétrants de se préparer et de parvenir à des connaissances plus approfondies. C’est pour cette raison, Vénérables Frères, que Nos prédécesseurs ont pris les mesures que vous n’ignorez pas. Outre les chaires spéciales qui, dans les principaux centres d’études ou dans les Universités de l’époque, étaient spécialement consacrées aux études orientales, ils jugèrent bon de créer dans la lumière de cette Ville Sainte – où l’on ne pouvait mieux les situer – des Séminaires destinés aux élèves des diverses nations orientales, d’où soigneusement instruits de la plus pure doctrine les jeunes gens s’élanceraient ensuite, bien armés pour combattre le bon combat. C’est pourquoi furent créés ces monastères, puis ces collèges établis à Rome en faveur des Grecs et des Ruthènes, ou que s’élevèrent des Maisons pour les Maronites et les Arméniens. Du bien fait aux âmes et des progrès scientifiques ainsi obtenus, tant pour La liturgie que pour toutes les autres sciences, on en trouve des preuves surabondantes dans les publications en langues orientales de la Sacrée Congrégation de la Propagande et dans les collections de manuscrits orientaux les plus précieux si diligemment recueillis et si religieusement conservés par la Bibliothèque Vaticane.
Les choses n’en sont pas restées là. Nos prédécesseurs les plus immédiats, ainsi que Nous l’avons dit plus haut, avaient très bien compris que le meilleur moyen pour développer l’estime et la charité mutuelles était de répandre parmi les Occidentaux une connaissance plus approfondie des choses orientales ; aussi n’ont-ils rien négligé pour atteindre ce but si précieux. Grégoire XVI, élevé au Souverain Pontificat, après qu’il eut lui-même étudié les questions russes avec le plus grand soin, déplorait vivement que, l’année même où il devait remplir une mission pontificale auprès d’Alexandre Ier, la mort eût ravi l’empereur de Russie ; Pie IX, avant et après la réunion du Concile du Vatican, recommandait vivement la publication d’études sur les rites des Orientaux et leurs doctrines primitives ; Léon XIII comblait de son amour et de sa sollicitude les Coptes, les Slaves, et tous les Orientaux, il encourageait la nouvelle famille augustinienne, dite de l’Assomption de la Bienheureuse Vierge, et nombre d’autres Congrégations religieuses à s’appliquer aux études orientales et à s’y perfectionner ; pour les Orientaux eux-mêmes il fonda de nouveaux collèges, soit dans leurs pays respectifs, soit à Rome ; il combla des éloges les plus magnifiques l’Université de Beyrouth, qui relève de la Compagnie de Jésus, si florissante encore aujourd’hui, et qui Nous est des plus chères ; Pie X, par la fondation à Rome de l’Institut Biblique Pontifical, a excité chez beaucoup une ardeur nouvelle à connaître les choses et les langues de l’Orient, produisant ainsi des fruits des plus abondants.
Cette sollicitude paternelle envers les peuples orientaux, comme un legs sacré de Pie X, Notre prédécesseur immédiat, Benoit XV, l’a manifestée avec une égale ardeur. Afin de soutenir du mieux possible et d’augmenter l’intérêt pour les questions orientales, non seulement il créa la Sacrée Congrégation des Rites et des Affaires orientales, mais il voulut aussi fonder « un véritable centre de hautes études des questions orientales en celle ville, capitale du monde chrétien » ; il voulut « le pourvoir de tous les moyens que réclame l’érudition moderne et le rendre célèbre par des maîtres consommés et foncièrement instruits de tout ce qui touche à l’Orient [cf. Actes de Benoît XV, t.1. p. 187. Edition Bonne Presse] »; bien plus, il lui donna le droit « de conférer le gracie du doctorat pour les sciences ecclésiastiques se rapportant aux nations chrétiennes de l’Orient il décida enfin d’y recevoir non point les seuls Orientaux et notamment ceux qui étaient séparés de l’unité catholique, mais surtout les prêtres latins qui voudraient se vouer aux sciences sacrées ou remplir le ministère sacerdotal dans les pays orientaux. On ne saurait donc trop louer les savants qui, pendant près de quatre ans, se sont appliqués à pénétrer des connaissances orientales les premiers élèves de l’Institut.
Cet Institut, d’une si grande opportunité, se heurtait dans ses progrès à un grave obstacle. Il était proche du Vatican, c’est vrai, mais fort éloigné de cette partie de la ville qui est la plus fréquentée. Aussi, comme y songeait Benoît XV, et comme ce fut Notre intention dès le début de Notre Pontificat, Nous avons décidé de transférer l’Institut Oriental dans les locaux de l’Institut Biblique, en raison de l’apparentement de leurs objets d’étude ; les deux Instituts demeuraient néanmoins distincts et Nous Nous réservions, dès que les circonstances le permettraient, d’établir le premier dans un local particulier.
On pouvait craindre encore que, dans l’avenir, le nouvel Institut ne vînt à manquer d’hommes capables d’enseigner les disciplines orientales. Le meilleur moyen d’éviter cet écueil Nous parut être de confier une œuvre aussi importante à une seule famille religieuse. Dans Notre Lettre du 14 septembre 1922 Decessor Noster. [Cf. Actes de Pie XI, t. I, p. 407. Edition Bonne Presse], Nous avons ordonné au Supérieur général de la Compagnie de Jésus, par dévouement et obéissance au Saint-Siège et au Vicaire du Christ, et en surmontant toutes les difficultés inhérentes au projet, de prendre à sa charge l’entière administration de l’Institut.
La remise fut faite aux conditions suivantes : la direction suprême de l’Institut étant réservée à Nous et à Nos successeurs, le Supérieur général de la Compagnie de Jésus doit préparer les sujets capables en vue des fonctions, assurément fort difficiles, de directeur ou de professeurs de l’Institut ; soit par lui-même, soit par le directeur, il doit à perpétuité soumettre à Notre approbation et à celle de Nos successeurs la nomination des titulaires aux différentes chaires ; il doit enfin Nous rendre compte de tout ce qui peut sembler assurer l’existence de l’Institut et en favoriser les progrès.
Depuis six ans qu’il Nous a plu, sous l’inspiration divine, d’en décider ainsi, Nous devons à Dieu la plus vive reconnaissance, car Notre labeur a déjà fait lever une riche moisson. Bien que le nombre des élèves et des auditeurs n’ait pas été considérable et ne puisse l’être dans l’avenir – chose toute naturelle pour un Institut de ce genre, – il n’a pas été pourtant si infime que Nous ne puissions en éprouver une grande joie. Voici donc désormais un groupe d’hommes déjà important, et appelé à devenir chaque jour plus nombreux, qui s’apprête à quitter le recueillement de cet Institut pour entrer dans l’action ; fortement imbu de science et de piété, il procurera aux Orientaux d’importants avantages.
Nous ne saurions trop louer les Ordinaires, évêques et supérieurs de Congrégations qui, obéissant à Nos désirs, ont envoyé ici de toutes les nations, de tous les pays, de l’Orient comme de l’Occident, quelques-uns de leurs prêtres, afin de les faire instruire dans les sciences orientales. Nous exhortons de même les chefs de tous les autres Instituts répandus dans le monde entier à suivre ce bel exemple ; qu’ils ne négligent point d’envoyer à Notre Institut Orientai les élèves qu’ils croient les plus aptes ou les plus enclins à ce genre d’études.
A cette occasion, Vénérables Frères, Nous voulons vous rappeler ce que Nous exposions récemment et plus longuement dans Notre Lettre encyclique Mortalium animos. Qui ne sait, en effet, les nombreuses conférences qui ont tenté de réaliser l’union entre tous les chrétiens, mais une union étrangère à l’esprit du Christ, Fondateur de l’Eglise ? Qui n’a entendu les discussions soulevées en plusieurs points de l’Europe, surtout, et de l’Amérique, discussions fort graves quand il s’agit des communautés orientales en communion avec l’Eglise romaine ou séparées d’elles ?
Les élèves de nos Séminaires, il faut certainement s’en réjouir, connaissent par renseignement qu’ils reçoivent les erreurs des novateurs ; ils en pénètrent et réfutent sans peine la captieuse argumentation. La plupart cependant n’ont pas reçu un enseignement qui leur permette d’avoir une opinion arrêtée sur les questions se référant aux affaires et aux usages des Orientaux, à la légitimité de leurs rites – qui méritent d’être si pieusement conservés dans l’unité catholique. Ces questions, fort délicates en elles-mêmes, réclament en effet des études spéciales et fort minutieuses.
Dès lors, il ne faut absolument rien négliger de ce qui peut concourir à restaurer l’union si désirable d’une partie si importante du troupeau du Seigneur avec la véritable Eglise du Christ, ni de ce qui peut développer encore davantage les sentiments de charité envers des chrétiens différents de rites, c’est vrai, mais qui adhèrent du fond de leur cœur et de toute leur âme à l’Eglise romaine et au Vicaire du Christ.
Nous vous conjurons donc, Vénérables Frères, de désigner au moins un de vos prêtres pour le faire exactement instruire des disciplines orientales et Le mettre en mesure de les faire éventuellement connaître aux élèves des Séminaires. Nous sommes loin d’ignorer que c’est aux Universités catholiques de créer des chaires ou une faculté spécialement vouées aux questions orientales. Ce droit, que Nous-mêmes avons donné et encouragé, on a déjà commencé à en user dans les Universités de Paris, Louvain et Lille. Nous Nous en félicitons. Nous Nous réjouissons également de ce que, dans quelques autres centres d’études théologiques, parfois même aux frais des gouvernements agissant avec le consentement et l’appui des évêques, on a récemment institué des chaires d’orientalisme de ce genre. Cependant, il ne doit pas être si difficile, dans chaque Séminaire théologique, d’avoir au moins un maître qui, en même temps que les sciences historiques, liturgiques ou canoniques, soit capable d’enseigner les premiers éléments des questions orientales.
A tourner ainsi les esprits et les cœurs des élèves vers les doctrines et les rites orientaux, il y a certainement tout profit non seulement pour les Orientaux, mais encore pour les élèves eux-mêmes. Ces derniers, en effet, y gagneront une connaissance plus ample de la théologie catholique et des disciplines latines ; ils sentiront plus vivement l’amour qu’ils doivent à la véritable Epouse du Christ, dont l’admirable beauté et l’unité dans la diversité des rites resplendira plus lumineusement à leurs yeux.
Tous ces avantages qui doivent profiter au christianisme grâce à la formation ainsi procurée à la jeunesse dont Nous venons de parler, Nous les avons plus d’une fois médités. Aussi croyons-Nous qu’il est de Notre charge de ne rien épargner pour que l’Institut Oriental par Nous fondé ait une existence non seulement parfaitement assurée, mais encore, si possible, florissante, grâce à d’incessants progrès.
C’est pourquoi Nous l’avons établi, dès qu’il Nous fut possible, dans un local spécial auprès de Sainte-Marie Majeure sur l’Esquilin A racheter le couvent de Saint-Antoine, ainsi qu’à le transformer en vue de son nouvel usage, Nous avons consacré les fonds que Nous devions à la généreuse munificence d’un évêque récemment décédé et d’un pieux citoyen des Etats-Unis. Que tous deux en reçoivent une plus large part des récompenses célestes, c’est là Notre vœu et Notre prière !
Nous ne voulons pas non plus passer sous silence qu’il Nous est venu d’Espagne les moyens de constituer, au siège même de l’Institut, une bibliothèque plus vaste et plus convenable. Nous devions ces louanges à des libéralités exemplaires ; mais, avec l’expérience acquise au cours des nombreuses années que Nous avons passées à diriger les bibliothèques Ambrosienne et Vaticane, Nous comprenons sans peine combien il importe que cette nouvelle bibliothèque puisse offrir aux maîtres, comme aux élèves, le moyen de s’instruire aisément des choses de l’Orient et de puiser largement à des sources en quelque sorte cachées, parfois même ignorées, en dépit de leur richesse ; ce sera là tout profit pour le monde scientifique. Sans Nous laisser effrayer par les difficultés dont le nombre et la gravité ne Nous échappent pas, Nous Nous emploierons de Notre mieux à recueillir tout ce qui peut se rapporter aux pays, aux mœurs, aux langues et aux rites de l’Orient. Nous serons extrêmement reconnaissant envers ceux qui, par un sentiment de piété envers le Vicaire du Christ, nous aideront et contribueront à une si grande œuvre soit par leurs offrandes, soit par des dons de livres, manuscrits, tableaux et autres documents ou souvenirs analogues se référant à l’Orient chrétien.
Nous espérons aussi que les nations orientales, en voyant de leurs propres yeux tant de splendides monuments de la piété, de la doctrine, des arts de leurs ancêtres, comprendront en quel honneur l’Eglise Romaine tient la vraie, perpétuelle et légitime « orthodoxie » et tout le soin qu’elle met à conserver, défendre et faire connaître tant de témoins du passé. Emus par des raisons si nombreuses et si pressantes – on peut du moins l’espérer, si surtout aux mutuelles relations de travail s’ajoutent les liens de la charité chrétienne, – pourquoi les Orientaux ne reprendraient-ils pas les glorieuses traditions de leurs ancêtres et ne renonceraient-ils pas à leurs préjugés ? Pourquoi ne reviendraient-ils pas à cette unité si désirable, celle qui n’a rien de tronqué – ainsi qu’il convient à de véritables adorateurs du Christ, ceux qui veulent être unis en un seul bercail sous un seul Pasteur, – mais qui est fondée sur une profession intégrale et publique de la foi ?
Puisse ce jour trois fois heureux luire enfin pour l’univers chrétien ! Nos vœux, Nos prières ne cessent de le demander à Dieu.
En attendant, Vénérables Frères, il vous plaira peut-être d’apprendre comment, à l’heure présente et avec Notre approbation, l’Institut Oriental consacre ses moyens et son travail à la réalisation d’une si grande œuvre. Il est deux genres de travaux auxquels s’appliquent les professeurs : l’un, qui est en quelque sorte intérieur, car il ne dépasse point les limites de l’établissement, l’autre qui est extérieur et consiste en la publication de documents, encore inédits ou tombés dans l’oubli, sur l’Orient.
En ce qui concerne la formation même des élèves, l’enseignement porte sur la théologie dogmatique des dissidents, l’explication des Pères orientaux et tout ce qui peut raisonnablement servir d’introduction aux études orientales, qu’il s’agisse d’histoire, de liturgie, d’archéologie ou de quelque autre branche des sciences sacrées, ainsi que des diverses langues nationales. Mais, de plus, et Nous tenons à insister sur le fait, à l’enseignement des institutions byzantines Nous avons pu joindre enfin celui des institutions islamiques, enseignement qui jusqu’à ces temps derniers était peut-être absolument inconnu des Universités romaines. Par une bonté singulière de la divine Providence, Nous avons pu désigner pour l’enseignement de cette dernière branche un maître de nationalité turque qui, après de longues études et la grâce de Dieu aidant, s’est converti au catholicisme et a reçu le sacerdoce. Nul ne Nous a paru plus qualifié pour apprendre aux élèves qui doivent exercer le ministère sacré parmi ses compatriotes le moyen de défendre, tant auprès des hommes peu instruits que des plus cultivés, la cause du Dieu unique et indivisible, ainsi que de la loi évangélique.
Non moins importantes pour la propagation du catholicisme et pour ramener l’union légitime parmi les chrétiens seront les œuvres et l’action extérieure de l’Institut oriental. Sous le titre « Orientalia Christiana », des études ont déjà été publiées dont les auteurs, la plupart du temps, sont les maîtres de l’Institut, mais dont quelques-unes, sous la surveillance des dirigeants de l’établissement, sont dues à des écrivains compétents dans les questions orientales. Tantôt elles exposent les conditions d’existence présente ou passée de tel ou tel peuple, conditions le plus souvent inconnues de nos contemporains ; tantôt elles jettent une lumière nouvelle sur l’histoire religieuse de l’Orient grâce à des documents jusqu’ici inédits. D’autres articles exposent les relations des moines d’Orient et même des patriarches avec ce Siège Apostolique, ainsi que la vigilance des Pontifes romains à défendre leurs droits et leurs biens ; d’autres encore mettent en parallèle les opinions théologiques des dissidents, au sujet des sacrements et de l’Eglise elle-même, avec la véritable doctrine catholique ; d’autres enfin éditent et commentent les manuscrits orientaux. Bref, pour Nous arrêter dans cette énumération, il n’est rien de ce qui touche aux sciences sacrées et contienne en soi quelque donnée concernant la culture orientale – tels, par exemple, les vestiges de la civilisation grecque en Italie méridionale – qui demeure étranger aux investigations de ces consciencieux érudits.
En contemplant cet immense labeur, entrepris avant tout au profit des Orientaux, comment ne pas espérer que le Christ Jésus, notre Rédempteur infiniment bon, ne prenne en pitié le sort déplorable de tant d’hommes errant jusqu’ici loin du droit chemin et que, secondant Notre entreprise, il ne ramène enfin ses brebis dans un seul bercail, sous la direction d’un seul Pasteur ?
On est d’autant plus en droit de l’espérer quand on considère que ces peuples conservent religieusement une part considérable de la divine Révélation, qu’ils ont un culte sincère pour Notre-Seigneur Jésus-Christ, un amour et une piété vraiment exceptionnels envers sa Mère immaculée, et même l’usage des sacrements.
Pour travailler à l’œuvre rédemptrice de l’humanité, Dieu a bien voulu, dans sa bonté, se servir des hommes, notamment des prêtres, comme agents. Dès lors, Vénérables Frères, quoi de mieux, sinon de vous exhorter, de vous conjurer encore une fois, avec toute l’ardeur dont Nous sommes capable, de nous prêter l’assistance non seulement de toutes les forces de votre âme, mais aussi de votre action et de vos efforts personnels, afin que luise au plus tôt le jour si désiré où Grecs, Slaves, Roumains et fils des autres nations d’Orient, non point individuellement, mais en masse, sortiront de leur isolement actuel et où Nous pourrons saluer le retour à l’antique union avec l’Eglise romaine ?
En méditant sur tout ce que Nous avons entrepris et comptons accomplir, avec la grâce de Dieu, pour la réalisation d’un événement aussi heureux, Nous songeons involontairement à ce père de famille que nous dépeint le Christ Jésus et qui priait ses invités de venir, car tout était déjà prêt. Nous appliquant ces paroles, Nous vous exhortons vivement, Vénérables Frères, tous ensemble et chacun en particulier, de promouvoir par tous les moyens possibles les études orientales et de joindre toutes vus forces aux Nôtres pour l’accomplissement d’une si grande entreprise. Tous les obstacles à l’union sans cesse désirée étant ainsi finalement aplanis, sous les auspices de la Bienheureuse Vierge, Mère immaculée de Dieu, par l’intercession des saints Pères et Docteurs tant de l’Orient que de l’Occident, Nous pourrons alors étreindre ces frères, ces fils si longtemps séparés de Nous, revenus enfin dans la maison paternelle et étroitement unis par cette charité qui a son plus solide fondement dans la vérité et la profession intégrale de la foi chrétienne.
Et pour qu’à Nos desseins les événements correspondent heureusement, Nous vous accordons de tout cœur, en gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre bienveillance paternelle, à vous, Vénérables Frères, et aux fidèles qui vous sont confiés, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, le 8 septembre, en la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, l’année 1928, la septième de Notre Pontificat.
PIE XI, PAPE.
Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 4, p. 146–166