Aux patriarches, primats, archevêques, évêques et autres ordinaires de lieu en paix et communion avec le Siège Apostolique
PIE XI, PAPE
Vénérables frères,
Salut et Bénédiction apostolique,
Quiconque médite l’histoire de l’Eglise sera incontestablement frappé de ce que, dès les premiers âges du christianisme, les Pontifes romains ont tourné leur pensée constante vers les peuples assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort (Cf. Ps 106, 10 ; Lc 1, 79) et ont eu pour principal souci de leur apporter la lumière de la doctrine évangélique et les bienfaits de la civilisation chrétienne. Dans cette œuvre ils ne se laissèrent jamais rebuter par aucune difficulté, par aucun obstacle.
L’Eglise, en effet, a pour unique mission d’amener tous les hommes à participer au salut de la Rédemption en étendant le royaume du Christ à la terre entière. Quel que soit donc, par la volonté de Dieu, le représentant en ce monde de Jésus, Prince des Pasteurs, il ne doit pas se borner à défendre et à conserver le troupeau dont le Seigneur lui a confié la direction ; il manquerait au principal de ses devoirs s’il ne s’efforçait, par tous les moyens en sa puissance, de gagner au Christ ceux qui vivent loin de Lui, d’incorporer à l’Eglise les étrangers.
Certes, Nos prédécesseurs ont observé de tout temps le mandat divin, qui les liait, d’enseigner et de baptiser toutes les nations. Par eux furent envoyés pour éclairer des rayons de notre foi l’Europe, et jusqu’aux terres à peine découvertes, presque inexplorées, sinon complètement inconnues, ces prêtres zélés devenus en grand nombre, par l’éminente sainteté de leur vie ou l’héroïsme de leur martyre, l’objet du culte public de l’Eglise.
Le succès des missionnaires, il est vrai, fut bien inégal. Souvent ils travaillèrent en vain, parfois ils furent massacrés ou chassés ; le champ qu’ils avaient commencé à cultiver demeurait alors à peine défriché et celui qu’ils avaient transformé en un véritable parterre de fleurs se trouvait de nouveau abandonné à lui-même, n’offrant plus à la longue que des ronces et des épines.
Il y a, du reste, lieu de se réjouir ; car, ces dernières années, les Congrégations adonnées aux Missions près des peuples infidèles ont, grâce à de nouveaux efforts, doublé leurs travaux et leurs fruits ; de leur côté, les fidèles ont répondu à cet accroissement de labeur apostolique par des offrandes et une assistance plus généreuses en faveur des Missions.
Ce résultat est certainement dû, pour une grande part, à la Lettre apostolique que Notre dernier prédécesseur, d’heureuse mémoire, adressait aux évêques de l’univers, le 30 novembre 1919, sur « la propagation de la foi catholique à travers le monde » ; le Pontife faisait appel à leur zèle et leur expérience pour aider les Missions et en même temps donnait aux Vicaires et Préfets apostoliques de très sages avis sur les inconvénients à éviter et les tâches à remplir par leurs subordonnés dans l’exercice du ministère pour en augmenter les fruits.
En ce qui Nous concerne, vous savez bien, Vénérables Frères, que, dès le début de Notre Pontificat, Nous étions résolu à tout tenter pour porter chaque jour plus loin, par l’apostolat des missionnaires, le flambeau de l’Evangile et pour frayer ainsi aux peuples païens l’unique voie du salut. A cette fin, deux moyens Nous ont semblé non seulement désirables et opportuns, mais indispensables ; ils sont, du reste, étroitement associés. Tout d’abord s’impose l’envoi dans ces régions immenses, et en quelque sorte illimitées, qui sont encore privées de la civilisation chrétienne, d’ouvriers beaucoup plus nombreux et plus abondamment pourvus de connaissances variées. Il faut ensuite que les fidèles comprennent avec quelle ardeur, avec quelles instantes prières et, pour finir, avec quelle générosité ils doivent collaborer à cette œuvre si sainte et si féconde.
N’était-ce pas là Notre intention en décidant d’organiser, dans Notre propre palais, une Exposition publique des Missions ? Et Nous reportons à l’infinie bonté de Dieu ce que Nous apprenions alors : des jeunes gens, en considérant et, pour ainsi dire, en voyant de leurs yeux dans les travaux des missionnaires la puissance de la grâce divine, la noblesse et la grandeur de l’âme humaine, sentirent jaillir en leur cœur les premières étincelles de la vocation apostolique. Nous avons aussi le ferme espoir que cette vive admiration pour les ouvriers apostoliques ressentie par des foules entières de visiteurs ne sera pas dépourvue de fruits.
Dans leur muette éloquence, les objets de l’Exposition offraient des témoignages et des leçons d’une souveraine importance ; pour que cet enseignement ne soit point perdu, Nous avons décidé, comme vous le savez peut-être, de fonder un Musée où figurent, plus convenablement disposés, les objets les plus précieux. Ce Musée occupera Notre palais du Latran. C’est de là, en effet, que l’ère des persécutions une fois close, Nos prédécesseurs envoyèrent vers les régions où déjà blanchissait la moisson tant d’hommes apostoliques, d’une sainteté et d’un zèle religieux admirables. Tous les missionnaires qui visiteront ce Musée, simples missionnaires, mais surtout chefs de Missions, compareront les diverses organisations missionnaires et y puiseront du même coup de meilleures méthodes et des ambitions plus hautes. Nous pensons que les fidèles, de leur côté, ne seront pas moins émus que les visiteurs de l’Exposition Vaticane.
Mais, Vénérables Frères, afin que l’intérêt des fidèles pour les Missions devienne encore plus actif. Nous adressons un pressant appel à votre collaboration. Jamais elle ne fut ni plus indiquée ni plus nécessaire ; jamais elle ne demanda plus de constance et plus de zèle ; les devoirs de votre charge ne vous permettent pas de refuser ; vos sentiments envers Notre personne vous encouragent à accepter. En vérité, tant que la Providence divine Nous conservera un souffle de vie, cette partie de Notre charge apostolique sera pour Nous un objet d’anxieuses et continuelles préoccupations ; que de fois, à la pensée des païens, qui sont au nombre d’un milliard, Notre esprit ne trouve plus de repos ! (Cf. 2 Co 7, 5.) Nous croyons Nous-même entendre cette voix cinglante : Crie, ne t’arrête point, fais retentir ta voix comme une trompette (Is 58, 1.).
Vivre dans le bercail du Christ sans avoir aucun souci de ceux qui vaquent misérablement au dehors serait si contraire à la charité que nous devons avoir envers Dieu et envers tous les hommes qu’il est inutile d’en faire une longue démonstration.
L’amour de Dieu, qui s’impose à nous comme un devoir, demande en effet que, dans la mesure de nos forces, nous augmentions le nombre de ceux qui le connaissent et l’adorent en esprit et en vérité (Jn 4, 24) ; mais il exige aussi que nous soumettions à l’empire de notre très aimant Rédempteur le plus grand nombre d’hommes possible, afin que l’utilité de son sang (Ps 29, 10.) augmente de jour en jour, et que nous Lui plaisions de plus en plus, car rien ne peut Lui être plus agréable que de voir les hommes se sauver et parvenir à la connaissance de la vérité (Cf. 1 Tm 2, 4.).
Le Christ a proclamé que ses disciples auraient pour trait particulièrement distinctif de s’aimer les uns les autres (Jn 13, 25 ; 15, 12.) ; or, pouvons-nous témoigner à notre prochain une charité plus grande et plus remarquable qu’en l’arrachant aux ténèbres de la superstition et en l’instruisant de la véritable foi du Christ ? Ce mode de charité surpasse les autres œuvres et manifestations de la charité autant que l’esprit l’emporte sur la matière, le ciel sur la terre, l’éternité sur le temps. S’acquitter, dans la mesure de ses moyens, d’une pareille œuvre de charité, c’est prouver qu’on estime à sa juste valeur le don de la foi ; transmettre ce don, le plus précieux de tous, et tous les biens qui l’accompagnent aux infortunés païens, c’est encore témoigner de sa reconnaissance envers la bonté divine.
A ce devoir aucun fidèle ne peut se dérober. Que dire alors des membres du clergé, qui, par le fait d’un choix admirable et d’une grâce étonnante, participent au sacerdoce et à l’apostolat du Christ Notre-Seigneur ? Que dire de vous-mêmes, Vénérables Frères, élevés à la plénitude du sacerdoce et vous trouvant, de par la volonté divine, chacun dans votre diocèse, à la tête du clergé et du peuple chrétiens ? Ce n’est pas seulement à Pierre, dont Nous occupons la chaire, mais à tous les Apôtres, auxquels vous succédez, que Jésus-Christ, comme nous le lisons, a donné ce commandement : Allez par le monde entier prêcher l’Evangile à toute créature (Mc 16, 15.). D’où il suit que le soin de propager la foi Nous incombe, mais que vous Nous devez, sans aucun doute, votre collaboration et votre assistance, dans la mesure que permet l’accomplissement de vos propres devoirs. Ainsi donc, Vénérables Frères, qu’il ne vous en coûte pas de suivre fidèlement Nos paternelles exhortations, car en une matière de si grande importance Nous devrons un jour à Dieu un compte rigoureux.
Et tout d’abord, par la parole et par la plume, travaillez à introduire dans votre peuple et à développer progressivement l’habitude de prier le Maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers dans sa moisson (Mt 9, 38.), et aussi d’invoquer pour les infidèles les secours de la lumière et de la grâce célestes. Nous avons dit l’habitude, c’est-à-dire un usage durable et sans interruption ; de toute évidence, ces prières habituelles seront beaucoup plus puissantes sur le cœur de Dieu que les prières prescrites une fois ou de temps en temps. Les missionnaires auront beau se dépenser pour amener les païens à la religion catholique, répandre leur sueur et même leur sang ; ils auront beau faire appel à tout leur savoir, leur habileté, à tous les moyens humains ; si la grâce de Dieu ne touche les cœurs des infidèles pour les attendrir et les attirer vers lui, les hérauts de l’Evangile n’obtiendront rien, tous Leurs efforts n’aboutiront qu’au néant.
Mais, la faculté de prier étant le partage de tous, il est naturellement au pouvoir de tous de donner aux Missions ce secours et en quelque sorte cet aliment. Vous agirez donc conformément à Nos vœux, et d’accord avec La mentalité et les sentiments des fidèles, en prescrivant, par exemple, d’ajouter, dans les paroisses et autres églises, au rosaire et aux exercices similaires une prière en faveur des Missions et pour la conversion des païens.
Dans ce but, Vénérables Frères, faites surtout appel aux enfants et aux religieuses ; exhortez-les à une prière fervente. Nous désirons que des asiles, des orphelinats, des écoles primaires et des collèges, de tous les établissements et couvents de religieuses, une prière quotidienne s’élève afin que descende la miséricorde divine sur tant d’hommes malheureux, sur cette multitude innombrable de peuples païens. Le Père du ciel ne peut rien refuser à la prière des enfants innocents et des cœurs chastes. Et par ailleurs, ne peut-on espérer qu’en ces tendres âmes d’enfants, habituées, dès le premier éveil de la charité, à prier pour le salut éternel des infidèles, la Providence divine ne dépose le goût de l’apostolat ? Soigneusement cultivé, ce germe donnera peut-être un jour de parfaits instruments de l’œuvre apostolique.
Nous venons de toucher, Vénérables Frères, à une question d’une extrême importance qui mérite toute votre attention. Personne n’ignore, ce Nous semble, que la dernière guerre a gravement compromis la propagation de la foi. Des missionnaires, les uns furent rappelés dans leur, patrie et succombèrent au cours de l’horrible conflit ; d’autres, chassés de leur champ d’action, durent pendant longtemps le laisser à l’abandon.
A ces pertes et à ces dommages il a fallu et il faut encore remédier aujourd’hui ; mais il ne s’agit pas seulement de ramener les choses en leur état premier, il s’agit d’élargir les positions, de préparer de nouvelles conquêtes. Et cependant, d’immenses espaces ne sont pas encore ouverts à la civilisation chrétienne, des populations innombrables restent privées jusqu’ici des bienfaits de la Rédemption, les missionnaires, à cause de leur insuffisance numérique, se débattent dans des difficultés, sont arrêtés par des obstacles ; il faut donc que les évêques et tous les catholiques, dans un effort unanime, travaillent à augmenter et multiplier l’effectif des missionnaires.
Si donc, dans votre diocèse, des jeunes gens, des clercs, des prêtres, semblent attirés par Dieu vers cet apostolat sublime, loin de leur faire obstacle en quelque manière, encouragez de votre bienveillance et de votre autorité leurs dispositions et leur zèle. Sans doute, vous pouvez rechercher, en toute impartialité, si l’esprit qui les pousse vient de Dieu (Cf. 1 Jn 4, 1); mais si vous jugez que cette vocation excellente a pris son origine en Dieu et s’est développée sous son influence, ne vous laissez arrêter ni par le petit nombre de vos clercs ni par les nécessités de votre diocèse ; qu’aucune considération ne vous décourage et ne vous détourne de donner votre consentement. Car vos fidèles ont, pour ainsi dire, à portée de la main les instruments de la grâce ; ils se trouvent bien moins éloignés du salut que les païens, ceux surtout qui sont encore plongés dans une sauvage barbarie. Supportant de bon cœur, à l’occasion, la perte d’un de vos clercs, vous en ferez le sacrifice par amour pour le Christ et les âmes. Mais est-ce vraiment une perte ? A l’aide, au collaborateur que vous perdez, le divin Fondateur de l’Eglise suppléera certainement en répandant une plus abondante effusion de grâces sur votre diocèse ou en suscitant pour le saint ministère de nouvelles vocations.
Mais afin de pouvoir développer cette action en faveur des Missions tout en vaquant à vos autres devoirs pastoraux, établissez auprès de vous l’Union missionnaire du clergé ; si elle existe déjà, que vos conseils autorisés, vos exhortations, la rendent chaque jour plus active. Cette Union a été providentiellement fondée, voici huit ans, par Notre prédécesseur immédiat. Benoît XV l’a enrichie de nombreuses indulgences et placée sous la juridiction de la S. Congrégation de la Propagande. Nous-même, qui, en ces dernières années, l’avons vue se répandre dans un très grand nombre de diocèses du monde catholique, lui avons témoigné plus d’une fois, pour lui faire honneur, la bienveillance pontificale.
Tous les prêtres qui en font partie – et les élèves des Grands Séminaires qui y sont affiliés dans des conditions spéciales à leur situation – ont pour but de solliciter, de préférence au cours de la sainte messe, le don de la foi pour l’innombrable multitude des païens et d’encourager les autres fidèles à la même prière ; en toute occasion et en tout lieu possibles, ils prêchent au peuple sur les moyens de promouvoir l’apostolat auprès des infidèles ; ils organisent des réunions à jours fixes, pour travailler en commun et d’une manière efficace à la même œuvre ; ils répandent sur ce sujet des opuscules de propagande ; s’ils découvrent chez quelqu’un les heureux germes de l’apostolat, ils s’emploient à lui faciliter l’accès d’un établissement de formation et de lui procurer une instruction convenable ; dans les limites de leurs diocèses, ils secondent de toute manière l’Œuvres de la Propagation de la Foi et ses deux œuvres auxiliaires.
La plupart d’entre vous, Vénérables Frères, patronnez et encouragez, en vos diocèses respectifs, l’Union missionnaire du clergé : vous n’ignorez donc pas combien elle a recueilli jusqu’ici de souscriptions pour venir en aide aux œuvres que Nous venons de nommer ; vous savez combien il convient d’en espérer plus encore dans l’avenir grâce à la générosité des fidèles chaque année grandissante. Mais il faut souhaiter qu’il n’y ait plus un seul clerc en qui ne brûle cette flamme de la charité pour l’apostolat missionnaire.
Nous avons renouvelé l’organisation de l’Œuvre de la Propagation de la Foi, la principale assurément de toutes celles qui s’occupent des Missions ; Nous avons transféré ici son siège, et lui avons conféré en quelque sorte le droit de cité romaine, sans toucher en rien à la gloire de sa pieuse fondatrice, non plus qu’à celle de la ville de Lyon. Il faut que cette œuvre reçoive du peuple chrétien des libéralités qui répondent absolument aux multiples besoins des Missions présentes ou futures. Quels sont ces besoins, quel est leur nombre, leur étendue, quelle est le plus souvent la pauvreté des missionnaires, l’Exposition Vaticane l’a suffisamment mis en lumière ; il se peut néanmoins que beaucoup de visiteurs ne se soient point rendu compte de ce dénuement, distraits qu’ils étaient par l’abondance, la nouveauté et la beauté des objets exposés.
Ne rougissez donc pas, Vénérables Frères, et n’ayez aucune répugnance à vous transformer en mendiants, si l’on peut dire, pour le Christ et le salut des âmes ; par vos écrits et par l’éloquence qui jaillira de votre cœur, insistez auprès de vos fidèles ; c’est leur générosité, leur bonté, qui doit multiplier et considérablement accroître les moissons annuelles que recueille l’Œuvre de la Propagation de la Foi. On ne peut assurément concevoir de pauvreté et d’indigence, de débilité, de faim ou de soif plus grandes que celles des âmes privées de la connaissance et de la grâce de Dieu ; à ceux donc qui témoignent leur miséricorde aux plus dénués de tous les hommes, il est évident que la miséricorde et les récompenses divines ne sauraient faire défaut.
Ainsi que Nous le disions, deux œuvres servent d’auxiliaires à l’œuvre principale de la Propagation de la Foi. Comme le Siège Apostolique les a faites siennes, les fidèles doivent les aider et les soutenir, par des cotisations ou par des quêtes, de préférence à toutes les œuvres qui poursuivent un but particulier. L’une est l’Œuvre de la Sainte-Enfance ; l’autre, celle de Saint-Pierre-Apôtre. La première, comme personne ne l’ignore, s’adresse à nos enfants et les habitue à constituer un petit pécule pour le rachat et l’éducation catholique des enfants des infidèles, surtout dans les régions où règne l’usage de les abandonner ou de les tuer. La seconde, par les prières qu’elle sollicite et les offrandes qu’elle recueille, permet de faire donner dans des Séminaires l’instruction convenable à des indigènes choisis et de les promouvoir aux saints Ordres ; dans l’avenir, ces prêtres indigènes pourront plus facilement amener au Christ leurs compatriotes ou les maintenir dans la loi.
A cette association de Saint-Pierre, comme vous le savez, Nous avons récemment donné pour patronne céleste sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Bien que menant la vie du cloître, cette sainte avait l’habitude, par une sorte d’adoption, de se charger de tel ou tel missionnaire ; pour lui elle offrait à son divin Epoux ses prières, ses mortifications, libres ou obligatoires, et surtout les violentes souffrances que lui infligeait la maladie. Grâce à la protection de la vierge de Lisieux, Nous Nous promettons de l’Œuvre des résultats encore plus féconds. Nous éprouvons, du reste, une grande joie à voir un grand nombre d’évêques s’être inscrits volontiers comme membres perpétuels de l’Œuvre, et des Séminaires et autres groupements de jeunesse prendre à leur charge l’entretien et les frais d’éducation d’un clerc indigène.
Ces deux œuvres, considérées à bon droit comme les auxiliaires de l’œuvre principale des Missions, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Benoit XV, les recommandait à la sollicitude des évêques, dans la Lettre apostolique que Nous avons rappelée. A son exemple, Nous ne cessons Nous-même de vous les recommander ; grâce à vos exhortations, Nous en avons la ferme conviction, les fidèles n’accepteront absolument pas d’être surpassés et vaincus en générosité par les non-catholiques, dont la largesse est si ample pour la propagation de leurs erreurs.
C’est maintenant à vous, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, que Nous Nous adressons, vous qui par votre long, pénible et sage apostolat au milieu des païens, vous êtes rendus dignes d’être placés par l’autorité apostolique à la tête des Vicariats et des Préfectures. Et, pour commencer, Nous vous félicitons de grand cœur, vous et les messagers évangéliques que vous dirigez et guidez, des progrès de toute sorte que votre zèle et votre habileté ont fait accomplir aux Missions en ces dernières années.
Vos principaux devoirs, les inconvénients à éviter dans leur observation, Notre prédécesseur immédiat vous les a montrés avec tant de sagesse et d’élévation qu’on ne saurait le dépasser. Sur quelques points cependant, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, Nous désirons vous dire Notre pensée.
En tout premier lieu, Nous vous rappelons l’immense intérêt que présente le recrutement du clergé indigène. Si vous n’y travaillez pas de toutes vos forces, Nous estimons non seulement que votre apostolat sera incomplet, mais surtout que vous faites subir de longs retards à la constitution et à l’organisation de l’Eglise dans les pays de Missions.
En divers lieux, Nous le reconnaissons volontiers, on a commencé à se préoccuper de cette nécessité, ainsi qu’à y pourvoir, en créant des Séminaires où de jeunes indigènes justifiant de belles espérances sont éduqués avec soin et préparés à recevoir la dignité sacerdotale et à répandre la foi chrétienne parmi leurs frères de race.
Malgré tout, Nous sommes encore trop loin du progrès qui s’impose. Vous vous rappelez la plainte que Notre prédécesseur Benoît XV, d’heureuse mémoire, faisait entendre à ce sujet : « Il est regrettable que des contrées nées depuis des siècles à la foi catholique se trouvent encore dépourvues d’un clergé indigène, ou n’en possèdent que d’un rang inférieur. De même, plusieurs peuples, éclairés de bonne heure du flambeau de la foi, se sont élevés du niveau de la barbarie à un tel degré de civilisation qu’ils comptent des personnalités éminentes dans toutes les branches des arts libéraux ; profilant depuis de longs siècles déjà de l’influence bienfaisante de l’Evangile et de l’Eglise, ces peuples n’ont pourtant encore réussi à produire ni évêques pour les gouverner ni prêtres dont l’enseignement s’imposât à leurs compatriotes. » [1]
On n’a peut-être jamais suffisamment réfléchi aux méthodes et à la manière qui caractérisèrent à l’origine, chez tous les peuples, la propagation de l’Evangile et la constitution de l’Eglise de Dieu. Nous y avons fait allusion lors de la clôture publique de l’Exposition des Missions ; Nous faisions remarquer, d’après les plus anciens documents de l’antiquité chrétienne, qui nous en donnent des témoignages manifestes, comment les Apôtres préposaient à chaque communauté naissante non pas un clergé importé d’ailleurs, mais choisi et élu parmi les natifs de la région intéressée.
De ce que le Pontife Romain vous a confié, à vous et à vos collaborateurs, la charge apostolique de prêcher la vérité chrétienne aux nations païennes, ne pensez pas que les prêtres indigènes ne soient bons qu’à assister les missionnaires dans des ministères secondaires et, pour ainsi dire à compléter leur action.
Car, Nous vous le demandons, quel est le but des Missions, sinon de fonder et d’implanter d’une façon permanente l’Eglise du Christ en ces immenses régions ? Et comment se constituera-t-elle chez les païens d’aujourd’hui, sinon par les mêmes éléments, sans exception, qui jadis l’ont constituée chez nous : peuple aborigène et clergé autochtone, religieux et religieuses indigènes ? Pourquoi empêcherait-on le clergé indigène de cultiver le champ qui lui appartient en propre et par droit de nature, Nous voulons dire de gouverner le peuple qui est le sien ?
Il faudrait du reste que vous fussiez en mesure de marcher, au nom du Christ, constamment et rapidement à la conquête de nouvelles âmes d’infidèles ; ne serait-il pas alors extrêmement avantageux de pouvoir abandonner à des prêtres indigènes le soin de garder et de faire prospérer les résidences ?
Mais il y a plus : ces prêtres indigènes réussiront parfaitement, et au delà de toute espérance, à étendre le royaume du Christ. « En effet, le prêtre indigène – pour Nous servir des paroles de Notre prédécesseur, – par sa naissance, sa mentalité, ses sentiments, son idéal, ne fait qu’un avec ses compatriotes ; il est donc admirablement qualifié pour faire pénétrer la foi dans leurs esprits ; bien mieux que tout autre, il sait choisir les moyens de forcer la porte de leurs cœurs. Souvent même, il aura sans trop de peine accès en des milieux où le prêtre étranger ne peut même poser le pied. » [2]
Faut-il ajouter que les missionnaires étrangers, par suite d’une connaissance imparfaite de la langue, ne parviennent pas toujours à bien traduire leur pensée, que la force et l’efficacité de leur prédication en sont donc considérablement affaiblies ?
Mais voici d’autres difficultés, et qui méritent une sérieuse considération, bien qu’elles semblent ne surgir que rarement, ou pouvoir être surmontées facilement. Supposez que, par suite de guerre ou de tout autre événement politique, un territoire de mission change de Gouvernement et que l’on demande ou ordonne l’éloignement des missionnaires étrangers d’une certaine nationalité ; supposez encore – hypothèse, à vrai dire, moins facilement réalisable – que des populations indigènes parviennent à un niveau plus élevé de civilisation et arrivent à une sorte de maturité politique ; supposez que, voulant jouir d’une pleine indépendance, elles chassent de leur territoire administrateurs, soldats et missionnaires du pays étranger qui les gouverne et qu’elles ne puissent y réussir qu’en s’adressant à la force.
Quel malheur, Nous vous le demandons, ne serait-ce pas alors, dans ces régions, pour l’Eglise, s’il n’y avait une sorte de réseau de prêtres indigènes, répartis sur tout le territoire pour pourvoir pleinement aux nécessités de ces populations déjà conquises au Christ !
Ce n’est pas tout. La parole du Christ ne convient pas moins à notre époque qu’à la sienne : La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux (Mt 9, 37 ; Lc 10, 2.). L’Europe elle-même, d’où partent la plupart des missionnaires, manque aujourd’hui de prêtres. Elle en manque d’autant plus qu’il importe davantage, avec l’aide de Dieu, de ramener les frères dissidents à l’unité de l’Eglise et d’arracher à leurs erreurs les non-catholiques. Et personne n’ignore que, si aujourd’hui les vocations des jeunes gens au sacerdoce ou à la vie religieuse sont aussi nombreuses que par le passé, bien moindre est cependant le nombre de ceux qui obéissent au mouvement du souffle divin.
De tout ceci résulte, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, qu’il faut pourvoir les régions qui vous sont confiées de prêtres indigènes en nombre suffisant pour accroître par eux-mêmes, sans devoir compter sur le secours d’un clergé étranger, l’effectif de la société chrétienne et pour administrer de même les communautés fidèles de leurs nations.
En différents lieux, comme Nous l’avons dit un peu plus haut, on a commencé à ouvrir des Séminaires pour élèves indigènes ; la plupart de ces Séminaires ont été fondés au point central de Missions contiguës confiées au même Ordre ou à la même Congrégation. Les vicaires et les préfets apostoliques y envoient des jeunes gens d’élite, dont ils assurent les frais d’entretien ; ils les reçoivent ensuite, une fois ordonnés prêtres et capables d’exercer le saint ministère. Ces entreprises isolées jusqu’ici, non seulement Nous désirons, mais Nous voulons et Nous ordonnons que tous les chefs de Missions les tentent également, en sorte que vous n’écartiez du sacerdoce et de l’apostolat aucun indigène donnant de belles espérances, sous réserve de l’inspiration et de l’appel divins. Assurément plus vous choisirez d’élèves à instruire en vue du sacerdoce – et il est absolument nécessaire d’en recruter un très grand nombre, – plus vous encourrez de frais. Ne vous découragez pourtant, pas, confiez-vous au Rédempteur, qui a tant aimé les hommes ; grâce à sa Providence, Je monde catholique se fera plus généreux et le Siège Apostolique sera en mesure de vous aider plus largement à réaliser une œuvre aussi salutaire.
Cherchez donc à rassembler dans chacune de vos missions le plus grand nombre possible d’élèves indigènes ; mais appliquez-vous aussi à leur donner une bonne formation, en même temps qu’à développer en eux la sainteté qui convient à la vie sacerdotale et l’esprit d’apostolat qui leur donne souci du salut de leurs frères, en sorte qu’ils
soient prêts jusqu’à sacrifier leur vie pour les membres de leur tribu ou de leur nation.
Il est très important qu’ils reçoivent en même temps une connaissance méthodique et ordonnée des sciences profanes et sacrées, que leur instruction ne soit pas écourtée et, pour ainsi dire, sommaire ; il faut au contraire leur faire parcourir le cycle habituel des études pour les enrichir d’une ample provision de connaissances.
Et ceux qui, ainsi formés, grâce à vous, dans l’enceinte du Séminaire, se distingueront par la piété et l’intégrité de leur vie, par” une aptitude particulière au saint ministère et à un savant enseigne ment des vérités divines, jouiront de l’estime de leurs compatriotes, même des dirigeants et des hommes cultivés ; rien ne s’opposera plus à ce qu’ils soient heureusement mis à la tête des paroisses et des diocèses lorsque finalement, sitôt que Dieu le permettra, paroisses et diocèses seront constitués.
C’est une erreur de considérer les indigènes comme des hommes d’une race inférieure et des êtres d’un esprit borné. Une longue expérience nous enseigne, à l’opposé, que les peuples du lointain Orient ou de l’hémisphère austral ne le cèdent pas toujours aux habitants de nos pays ; qu’ils peuvent même rivaliser avec eux en fait d’acuité intellectuelle ; que, si l’on rencontre chez les hommes vivant en pleine barbarie une extrême lenteur d’intelligence, la chose est pour ainsi dire inévitable, puisqu’ils restreignent l’usage de leur intelligence aux exigences, du reste minimes, de leur vie quotidienne.
Si vous pouvez en témoigner, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, Nous aussi pouvons l’affirmer ; car Nous avons, presque sous Nos yeux, les nombreux indigènes auxquels, dans les Collèges de la Ville Eternelle, on enseigne les sciences les plus variées ; or, non seulement ils se montrent les égaux des autres élèves par la vivacité de leur esprit et leurs succès scolaires, mais souvent ils les dépassent et l’emportent sur eux.
Pour une autre raison, vous ne devez pas tolérer que les prêtres indigènes soient maintenus dans une situation en quelque sorte subalterne et réservés aux plus humbles ministères ; ils possèdent, en effet, le même sacerdoce que vos missionnaires et participent à un apostolat absolument identique ; en pensant à eux, songez bien plutôt qu’ils doivent être un jour à la tête des Eglises fondées au prix de votre sueur et de vos travaux et des communautés catholiques de l’avenir. Ainsi donc, qu’il n’y ait aucune différence entre les missionnaires européens et les missionnaires indigènes ; qu’aucune barrière ne les sépare ; mais qu’ils soient tous unis par les liens mutuels du respect et de la charité.
Comme Nous l’avons noté plus haut, il est nécessaire, pour l’établissement de l’Eglise au milieu de vos populations, de recourir à tous les éléments qui selon les desseins de Dieu la constituent. Par suite, vous devez compter au nombre de vos plus importants devoirs celui d’instituer des Congrégations religieuses indigènes de l’un et de l’autre sexes. Car, parmi les nouveaux disciples du Christ, il en est qu’un souffle supérieur a touchés et que Dieu pousse vers des cimes plus hautes : pourquoi ne pourraient-ils pas faire profession de pratiquer les conseils évangéliques ?
A ce propos, il importe que l’amour de leur propre Institut, sentiment certes respectable et légitime, n’entraîne pas au-delà des justes bornes les missionnaires ou les religieuses qui travaillent sous votre juridiction, et ne leur donne des idées étroites. S’il est, en effet, des indigènes qui désirent entrer dans les Congrégations anciennes, il serait mal ce les détourner de leur projet ou de s’y opposer, pourvu du moins qu’on les juge capables de s’assimiler l’esprit de ces Instituts et de constituer dans leur pays un rameau qui ne soit ni dégénéré ni dissemblable. Vous devez toutefois considérer loyalement et scrupuleusement s’il ne serait pas plus avantageux de fonder de nouvelles Congrégations plus en harmonie avec la mentalité et l’idéal des indigènes et plus adaptées aux situations locales et aux circonstances.
Nous ne pouvons non plus passer sous silence une autre question d’une extrême importance pour la propagation de l’Evangile : Nous voulons dire la grande utilité qu’il y a à multiplier le nombre des catéchistes – choisis parmi les Européens, mais de préférence parmi les indigènes, – destinés à aider les missionnaires dans leur apostolat, principalement en instruisant les catéchumènes et en les préparant au baptême. Ce que doivent être ces catéchistes, comment ils doivent gagner au Christ les infidèles moins par la parole que par l’exemple de leur vie, il est à peine besoin de le dire. Quant à vous, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, prenez pour règle immuable de les former avec le plus grand soin ; qu’ils possèdent à fond la doctrine catholique et, quand ils l’exposent ou l’expliquent, qu’ils sachent se mettre a la portée de l’esprit et de l’intelligence de leurs auditeurs ; ils le feront d’autant plus aisément qu’ils connaîtront plus intimement le caractère des indigènes.
Nous avons parlé jusqu’ici de vos collaborateurs présents ou futurs. Il nous reste à ce sujet à solliciter votre zèle sur un dernier point. Si Notre projet est réalisé, Nous estimons qu’il contribuera grandement à élargir bien vite le rayonnement de la loi. Quel prix Nous attachons à la vie contemplative, Nous en avons donné une preuve surabondante lorsque, il y a deux ans, dans une Constitution apostolique, Nous avons si volontiers confirmé par Notre puissance apostolique la règle particulière de l’Ordre des Chartreux, approuvée dès l’origine par l’autorité pontificale et soigneusement amendée d’après les canons du Code de Droit canonique. Nous exhortons vivement les Supérieurs généraux des Ordres contemplatifs à introduire et à étendre de plus en plus dans les pays de Missions cette forme de vie plus austère, en y fondant des monastères ; travaillez‑y de votre côté, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, eu les priant sans relâche, à temps et à contretemps. Ces hommes solitaires attireront sur vous et sur vos travaux une abondance extraordinaire de grâces célestes.
Et l’on ne saurait mettre en doute que la vie monacale ne trouvât dans vos contrées un excellent terrain ; en certaines régions surtout, les habitants, bien que païens pour la plupart, sont naturellement enclins à la solitude, à la prière et à la contemplation. En cet instant, Nous pensons justement au grand monastère que les Cisterciens Réformés de la Trappe ont érigé dans le Vicariat apostolique de Pékin : près de cent moines, la plupart chinois, s’y livrent à la pratique des vertus plus parfaites ; par leurs prières continues, par l’austérité de leur vie, par leur travail obstiné, ils méritent que Dieu se laisse fléchir et témoigne envers eux-mêmes et envers les infidèles sa miséricorde ; et, en même temps, par l’efficacité de leur exemple, ils gagnent ces infidèles au Christ. Voici donc une preuve éclatante que nos anachorètes, tout en demeurant étrangers à la vie active, conformément à la règle et à l’esprit de leur fondateur, peuvent être d’une grande utilité, et d’une utilité quotidienne, pour la prospérité des Missions. Si les supérieurs de ces Ordres contemplatifs répondent à vos demandes et établissent leurs religieux aux divers endroits que d’un commun accord vous aurez choisis, ils feront une œuvre extrêmement salutaire à ces multitudes immenses de païens, et leur acte Nous donnera satisfaction et agrément, bien plus qu’on ne saurait l’imaginer.
Passons maintenant, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, à quelques questions se référant à un meilleur agencement des Missions ; sans doute, Notre prédécesseur immédiat vous a déjà donné en cette matière des enseignements et des avertissements analogues ; mais Nous aimons à les répéter, car Nous pensons à très bon droit qu’ils seront d’un grand secours pour la fécondité de votre apostolat.
C’est de vous que dépend principalement le sort de l’apostolat catholique parmi les païens. Nous voulons donc que par une meilleure organisation de cet apostolat vous rendiez plus facile la propagation de la doctrine chrétienne et que grandisse le nombre de ceux qui puissent aisément être éclairés de ses rayons. Veillez en conséquence à répartir les missionnaires de telle sorte que nulle portion du territoire qui vous est confié ne soit privée de la prédication de l’Evangile ; aucune ne doit être réservée à une action ultérieure. Ainsi donc, avancez toujours plus loin par étapes ; établissez vos missionnaires en des lieux déterminés, jouant le rôle de centres ; autour de ces points, dans toutes les directions, faites rayonner des postes moins importants, confiés au moins à un catéchiste et pourvus d’une chapelle ; de leur centre les missionnaires iront visiter ces postes de temps en temps et à jours fixes pour y exercer leur ministère.
Mais qu’en abordant les indigènes les prédicateurs de l’Evangile se rappellent qu’ils ne doivent pas se comporter autrement que ne faisait le divin Maître avec le peuple durant sa vie terrestre. Avant d’enseigner Les foules, il avait coutume de guérir les malades : il guérit tous les malades (Mt 8, 16.) ; Beaucoup le suivirent, et il les guérit tous (Mt 12, 15.) ; Il eut pitié d’eux et il guérit leurs malades (Mt 14, 14.). Aux Apôtres il donna le même pouvoir, en leur imposant ce commandement : Dans quelque ville que vous entriez…, guérissez les malades qui s’y trouveront et dites-leur : Le royaume de Dieu est proche de vous (Lc 10, 8–9) ; Etant donc partis, ils faisaient le tour des hameaux, annonçant l’Evangile et opérant partout des guérisons (Lc 9, 6.). Que les missionnaires n’oublient pas combien Jésus se montrait aimable et bienveillant pour les enfants de tout âge ; à ses disciples, qui les gourmandaient, il ordonnait de les laisser venir à lui (Mt 19, 13–14.). A ce propos, Nous vous rappellerons volontiers ce que Nous avons dit-ailleurs : les missionnaires qui annoncent aux infidèles la parole de Dieu savent pertinemment qu’en régions de Missions comme ailleurs, quiconque veille à la santé publique, soigne les malades, caresse les enfants, s’attire à coup sûr la bienveillance et l’affection des habitants : tant il est aisé de captiver les cœurs par l’exercice de la charité !
Et pour revenir, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, au sujet que Nous venons de traiter, si, dans les localités où vous avez établi votre siège et fixé votre résidence, et dans les postes plus importants en raison du chiffre de la population, il est nécessaire d’agrandir l’église et les autres édifices de la Mission, évitez de construire des temples et des bâtiments trop somptueux et dispendieux, comme s’il s’agissait de préparer des cathédrales et des demeures épiscopales pour les diocèses futurs ; ceci viendra, et plus avantageusement, en son temps. Ignorez-vous que dans certains diocèses, depuis longtemps canoniquement érigés, des temples ou des palais de ce genre n’ont été élevés que tout récemment ou sont seulement en cours de construction ?
Il ne serait ni bon ni judicieux de concentrer et, pour ainsi dire, d’accumuler dans une station principale ou dans la localité où vous résidez tous les établissements et toutes les œuvres destinés au bien spirituel et corporel de votre peuple. Au cas, en effet, où ces institutions seraient de grande importance, elles réclameraient votre présence et celle des missionnaires, et absorberaient tellement votre sollicitude à tous que les tournées si salutaires d’un bout à l’autre de votre territoire pour l’évangéliser s’espaceraient de plus en plus et finiraient par être complètement abandonnées.
Mais puisque nous venons de mentionner cet apostolat, ne vous contentez pas d’hôpitaux ou de dispensaires pour le soin des malades ou la distribution des médicaments, non plus que d’écoles élémentaires – institutions d’ailleurs qui s’imposent partout ; – il est de plus très utile que vous fondiez des écoles supérieures pour les jeunes gens qui ne se destinent pas à l’agriculture, leur ouvrant ainsi l’accès à des études plus relevées et surtout à la pratique des arts manuels.
C’est le lieu de vous exhorter à ne point négliger les personnages principaux du pays et leurs enfants. Sans doute la parole de Dieu est accueillie plus volontiers par les humbles, et de même les prédicateurs de l’Evangile ; sans doute Jésus-Christ a déclaré de lui-même : L’esprit du Seigneur m’a donné mission d’évangéliser les pauvres (Lc 4, 18.). Mais nous ne devons pas oublier la parole de saint Paul : Je me dois aux savants comme aux ignorants (Rm 1, 14.) ; et, du reste, la pratique et l’expérience nous enseignent que, l’élite une fois gagnée au christianisme dans un pays, le menu peuple suit aisément ses traces.
Nous Unirons, Vénérables Frères, Fils bien-aimés, par une très importante recommandation. Le zèle bien connu dont vous brûlez pour la religion et le salut des âmes vous la fera accepter d’un cœur docile et disposé à obéir volontiers.
Les territoires que le Siège Apostolique a confiés à votre sollicitude et à votre activité pour que vous les gagniez au royaume du Christ sont généralement extrêmement étendus. Il peut donc arriver que le nombre des missionnaires appartenant à vos Instituts respectifs soit très inférieur aux besoins. N’hésitez donc pas ; de même que, dans les diocèses régulièrement constitués, des religieux de divers Instituts, de clercs ou de laïques, des religieuses de différentes Congrégations, viennent habituellement en aide aux évêques, de même, pour propager la foi chrétienne, pour élever la jeunesse indigène, pour répondre à d’autres besoins analogues, appelez et accueillez, pour les associer à vos travaux, des religieux et des missionnaires d’autres Instituts, qu’ils soient prêtres ou membres de Sociétés laïques.
C’est à bon droit que les Ordres et les Congrégations religieuses se glorifient pieusement de la mission qui leur a été confiée parmi les peuples païens, comme des extensions qu’ils ont apportées jusqu’ici au royaume du Christ ; ils doivent se rappeler néanmoins que les territoires de Missions qu’ils ont reçus ne leur appartiennent pas à titre exclusif et perpétuel ; ils les détiennent par le fait d’un acte absolument spontané et toujours révocable du Siège Apostolique, auquel incombent de ce chef et le droit et le devoir de veiller à ce que ces territoires soient convenablement et intégralement évangélisés.
Le Pontife Romain ne satisferait donc pas à sa charge apostolique s’il se bornait uniquement à distribuer entre les différents Instituts des territoires plus ou moins vastes ; il doit encore – responsabilité autrement importante – veiller en tout temps et de toute son attention à ce que ces Instituts envoient dans les régions qui leur sont attribuées des missionnaires assez nombreux et surtout suffisamment capables pour travailler efficacement à répandre sur ces régions dans toute leur étendue les lumières de la vérité chrétienne.
Un jour le divin Pasteur Nous demandera compte de son troupeau ; toutes les fois donc que cela Nous semblera nécessaire, ou plus opportun, ou plus avantageux pour l’extension de la Sainte Eglise, sans aucune hésitation Nous transférerons d’une Congrégation à une autre des territoires de Missions, Nous les diviserons et les subdiviserons, confiant les nouveaux Vicariats ou Préfectures soit au clergé indigène, soit à d’autres Congrégations.
Vous tous, Vénérables Frères, qui à travers l’univers catholique partagez avec Nous les soucis et les consolations de la charge pastorale, Nous n’avons plus qu’à vous exhorter de nouveau à venir en aide aux Missions par les industries et les moyens que Nous vous avons indiqués : animées d’une vigueur en quelque sorte nouvelle, elles recueilleront dans l’avenir des moissons encore plus abondantes.
Daigne Marie, la Très Sainte Reine des Apôtres, accorder un sourire bienveillant à notre commune entreprise ; qu’elle la favorise, elle dont le Cœur maternel reçut au Calvaire le soin de l’humanité tout entière, elle qui enveloppe d’une égale tendresse et de la même sollicitude ceux qui ne se doutent pas de leur rédemption par le Christ Jésus et ceux qui jouissent heureusement de ses fruits.
En attendant, comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons de tout cœur, à vous, Vénérables Frères, à votre clergé et à votre peuple, la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 28 février 4926, la cinquième année de Notre Pontificat.
PIE XI, PAPE.
Source : Actes de S. S. Pie XI, tome 3, pp. 143–175