La difficile question des rites chinois qui souleva de longues controverses au XVIIIe trouve un aboutissement tardif dans la présente instruction.
L’on sait parfaitement qu’en Extrême-Orient, certaines cérémonies autrefois liées à des rites païens n’ont plus aujourd’hui, par suite des changements apportés par les siècles dans les mœurs et les idées, qu’une signification purement civile de piété envers les ancêtres, d’amour pour la patrie, ou de politesse dans les rapports sociaux.
C’est pourquoi cette Sacrée Congrégation de la Propagande a donné en 1935 et en 1936, avec l’approbation du Souverain Pontife Pie XI d’heureuse mémoire, aux Ordinaires de Mandchourie et de l’empire japonais, conformément au canon 22 du Code de droit canonique, de nouvelles règles mieux adaptées à la situation actuelle.
Récemment, dans leur réunion plénière du 4 de ce mois de décembre, les éminentissimes Pères, membres de cette même Congrégation de la Propagande, ont examiné la question de savoir s’il n’y avait pas lieu d’adopter la même façon d’agir dans les pays où l’on constatait que le temps avait produit les mêmes changements de situation.
Après avoir pesé attentivement le pour et le contre et demandé l’avis des personnes prudentes et expertes, les éminentissimes Pères ont décidé de faire les déclarations suivantes :
1. Etant donné qu’à plusieurs reprises le gouvernement chinois a explicitement proclamé que chacun est libre de professer la religion de son choix et qu’il n’a aucunement l’intention de porter des lois ou des ordonnances en matière religieuse et que, par conséquent, les cérémonies prescrites ou accomplies par les autorités publiques en l’honneur de Confucius n’ont pas pour but de rendre un culte religieux, mais uniquement de promouvoir et de rendre l’honneur qui convient à un personnage illustre, ainsi que l’hommage dû aux traditions des ancêtres, il est permis aux catholiques d’assister aux cérémonies qui s’accomplissent devant l’image ou la tablette de Confucius, dans les monuments élevés en son honneur ou dans les écoles.
2. C’est pourquoi il n’est pas défendu de placer dans les écoles catholiques, surtout si les autorités l’ordonnent, l’image de Confucius ou la tablette qui porte son nom, ni de la saluer d’une inclination de tête. Si jamais l’on craignait le scandale, le catholique aura soin de déclarer la droiture de son intention.
3. On peut admettre que les fonctionnaires et les élèves catholiques, ayant reçu l’ordre d’assister à des cérémonies publiques qui paraissent être des actes de superstition, y assistent pourvu que, conformément au canon 1258, ils se comportent d’une manière passive et ne participent qu’à l’hommage qu’on peut, à bon droit, regarder comme purement civil. Ils déclareront, comme plus haut, leur intention, chaque fois que la chose paraîtra nécessaire pour écarter toute fausse interprétation de leur geste.
4. On tiendra pour licites et honnêtes les inclinations de tête et autres manifestations de respect civil devant les défunts ou les images des défunts et même devant la tablette qui porte le nom du défunt.
D’autre part, les éminentissimes cardinaux considérant que le serment sur les rites chinois imposé par la constitution Ex quo singulari (11 juillet 1742) du pape Benoît XIV, à tous les prêtres « dans l’empire chinois, les royaumes et les provinces proches ou limitrophes » ne concorde pas parfaitement avec les normes récentes édictées par cette Sacrée Congrégation, et qu’en outre ce serment est devenu aujourd’hui, comme moyen disciplinaire, absolument superflu, du fait qu’ont cessé, comme chacun sait, les vieilles controverses sur les rites chinois et que du reste les missionnaires et les autres prêtres n’ont nullement besoin de la contrainte d’un serment pour obéir promptement et filialement au Saint-Siège, ont décidé de supprimer l’obligation de ce serment, partout où il était en usage soit en Chine, soit ailleurs. Les autres prescriptions du Souverain Pontife Benoît XIV qui n’ont pas été modifiées par des instructions plus récentes, par-dessus tout celle qui défend de discuter la question des rites chinois, restent en vigueur.
A l’audience du 7 décembre 1939, ces décisions des éminentissimes cardinaux ont été soumises, par le cardinal soussigné préfet de la Propagande, à notre Saint-Père le pape Pie XII. Sa Sainteté a daigné les approuver toutes et les ratifier.
Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, Edition Saint-Augustin Saint-Maurice – D’après le texte latin des A. A, S., XXXII, 1940, p. 24 ; cf. la traduction française des Actes de S. S. Pie XII, t. II, p. 296.