Cette lettre a été envoyée à Son Excellence Monseigneur Adelchi Albanesi, évêque de Viterbe et Poscanella.
Cette année auront lieu, comme vous Nous l’écriviez, au siège de votre diocèse, des cérémonies solennelles en l’honneur de sainte Rose de Viterbe[1], pour le septième centenaire de son passage de l’exil de la terre à la céleste patrie. Célébrer à cette occasion la mémoire d’une vierge si noble, n’est pas réservé à ses seuls concitoyens, ni aux membres du Tiers-Ordre Franciscain, dans les rangs duquel elle milita, ni aux seules jeunes filles italiennes d’Action Catholique, dont elle est l’illustre patronne : il convient que l’Eglise entière l’honore, voyant en elle un très éclatant modèle de vertu chrétienne.
Elle brille certes et répand dans le jardin de l’Eglise une agréable odeur, cette jeune et gracieuse fleur de sainteté, à laquelle s’applique exactement la parole divine : « Rapidement parvenue à son terme, elle a fourni une longue carrière »[2]. Tandis qu’est présente à Notre esprit sa vie si brève, enfermée dans les limites de la jeunesse, mais déjà parvenue à la maturité de la perfection évangélique, Nous nous demandons ce qui est le plus admirable, de l’innocence de son âme, conservée intacte depuis les plus tendres années, ou de ses nobles et brillantes actions et de ses très saints combats ; tout cela montre certes un caractère digne en tout d’admiration, énergique et infatigable, mais aussi abondamment nourri et fortifié par la grâce surnaturelle. Cette invincible force d’âme resplendit de tout son éclat, quand il lui fallut aborder les brillantes fonctions, auxquelles elle était appelée, à peine franchies les limites de l’adolescence, dans un âge si jeune et non sans un appel divin : réprimer les inimitiés de ses concitoyens, réformer les mœurs, mettre en fuite l’hérésie, revendiquer dans une lutte très âpre les droits foulés aux pieds de la Sainte Eglise. Elle quitta alors la maison paternelle, dans laquelle, conduite par son amour de la solitude, elle avait commencé dans la prière et la contemplation à vivre très austèrement, elle se lança si ardemment, sous l’impulsion divine, dans le champ ouvert de l’apostolat, qu’elle devint le plus énergique des soldats du Christ et le héraut infatigable de la parole divine. C’était un spectacle certes éclatant et entièrement digne de Dieu, « qui a choisi ce qui est faible dans le monde… pour confondre les forts[3] », que de contempler cette disciple de saint François, sans culture, sans secours humain, uniquement appuyée sur la force divine, exhortant par les places et les villages ses concitoyens, réfutant les erreurs, s’opposant même ouvertement et énergiquement à ceux qui semblaient posséder un pouvoir presqu’absolu. C’est en vain que les efforts pervers d’ennemis opiniâtres s’efforcent d’arrêter sa voix : attaques, embûches, exil même peuvent faire souffrir la fillette : rien ne peut la vaincre. Et il arriva heureusement que d’innombrables égarés furent ramenés dans le sentier de la vérité, que les erreurs furent écartées et qu’un salutaire renouveau des mœurs se produisit dans sa patrie, rénovation que sainte Rose confirma très souvent et si efficacement par des prodiges merveilleux accomplis avec le secours de Dieu.
En peu de temps, cette petite fleur, d’une beauté immaculée, exhala son odeur sur terre, si tôt transplantée dans les doux ombrages du Paradis. Mais son délicieux parfum fut conservé au monde ; dans sa patrie subsistent, honorées très pieusement par ses concitoyens et par les étrangers ses saintes dépouilles ; subsistent surtout profondément imprimés dans les âmes les vestiges de ses vertus, au point que quelque chose de la très sainte jeune fille semble subsister jusqu’à nos jours et presque respirer encore dans les murs de Viterbe.
Quant à Nous, Vénérable Frère, qui n’avons rien plus à cœur que de voir les hauts faits des anciens aiguiser l’ardeur des fidèles chrétiens et les attirer fortement à une énergique profession de leur foi et à la sainteté de la vie, Nous louons beaucoup et de grand cœur l’opportun projet d’accorder à sainte Rose les honneurs séculaires, entièrement confiant que, de même que la parole et l’œuvre de la très pure vierge furent merveilleusement utiles pour le salut aux aïeux et aux anciens, de même elles seront pour leurs tardifs descendants un rappel salutaire. Nous pensons aussi que ce n’est pas sans un particulier instinct providentiel que, récemment, Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Benoît XV, l’établit patronne céleste des jeunes filles italiennes de l’Action Catholique, offerte à elles comme un modèle dont la brillante lumière amènerait leur vie à son imitation. Notre époque possède certes bien des points de ressemblance avec celle de cette vierge, elle n’est pas si différente du milieu de sainte Rose. En effet, les périls pour les intérêts chrétiens ne sont pas moindres et le relâchement des mœurs n’a pas diminué, bien au contraire ; mais les émanations de doctrines meurtrières, la guerre même au catholicisme troublent bien des âmes et surtout détournent la jeunesse passionnée de l’intégrité des mœurs vers les plaisirs des vices corrupteurs. Que tous les catholiques tournent donc leurs yeux admiratifs vers cette illustre sainte, au cours des prochaines solennités séculaires et que chacun selon sa condition, s’efforce de reproduire en sa propre vie ses éminentes vertus. Que surtout, on apprenne d’elle, devant les détresses présentes, à promouvoir avec ardeur les œuvres d’apostolat qui, aujourd’hui surtout, ne sont pas affaire du seul clergé, mais, en coopération avec lui, de tous les laïcs, car les prêtres n’ont pas accès chez tous et partout et leur travail est insuffisant pour subvenir convenablement aux besoins innombrables. Ebranlés par les exemples de sainte Rose qui, devant l’urgent besoin des âmes, se fit la servante active de la charité non dans la clôture d’un monastère, qu’elle désira longtemps en vain, mais en pleine masse du peuple, que tous les laïcs catholiques pensent soigneusement à leurs très saints devoirs de baptisés et que, munis de la force très vigoureuse de leur Confirmation, ils ne tolèrent pas qu’ait été vaine leur incorporation dans la milice chrétienne. Qu’ils sachent que les adversaires s’efforcent par tous moyens de détruire les fondements de la religion : que donc aucun chrétien ne se permette d’être oisif ; personne, inoccupé ; mais que chacun s’attache à donner aux ministres sacrés son aide empressée, chaque fois que le demande le salut des âmes.
Dès maintenant, Nous Nous réjouissons du doux espoir que l’illustre sainte obtiendra abondamment du Tout-Puissant ces résultats. Nous lui demandons instamment en une prière suppliante de continuer à protéger de son très doux patronage le peuple de Viterbe ; qu’elle regarde avec bienveillance toute la famille franciscaine qui se réjouit justement de son nom comme d’une gloire familiale ; qu’enfin elle aide les jeunes filles qui militent dans les rangs de l’Action Catholique et qui lui sont si attachées et qu’elle enflamme toutes les âmes de l’ardeur dont elle a si vivement brûlé dans la poursuite de la sainteté et la défense du catholicisme.
Entre temps, pour le succès de toutes vos entreprises et particulièrement pour l’heureuse réussite des fêtes prochaines, Nous vous donnons de grand cœur dans le Seigneur la Bénédiction apostolique, témoignage de Notre bienveillance, à Vous Vénérable Frère, au clergé et au peuple qui vous sont confiés.
Source : Document Pontificaux de S. S. Pie XII, Editions Saint-Augustin Saint Maurice – D’après le texte latin des A. A. S., XXXXIV, 1952, p. 218.
- Rose de Viterbe, née en 1235, se voua à Dieu et vécut dans la pénitence ; tertiaire franciscaine, elle prêcha l’Evangile à ses concitoyens. Elle mourut à l’âge de 17 ans le 6 mars 1252.
Le Pape Alexandre IV, se trouvant à Viterbe, ordonna, le 4 septembre 1254, que le corps de la Sainte fût transféré au couvent de Sainte-Marie des Roses.[↩]
- Sag., IV, 13.[↩]
- I Cor., I, 27.[↩]