Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

22 avril 1952

Discours à l’occasion du huitième centenaire du décret de Gratien

Table des matières

Recevant les juristes qui avaient tenu à Bologne un Congrès pour fêter le hui­tième cen­te­naire du Décret de Gratien [1], Pie XII pro­non­ça le dis­cours que voici :

Vous avez vou­lu, Messieurs, don­ner à la célé­bra­tion du hui­tième cen­te­naire du Décret de Gratien une solen­ni­té par­ti­cu­lière : des­sein plein de sagesse, et qui a été très heu­reu­se­ment réa­li­sé. Il est bien vrai qu’en dehors du monde des éru­dits ou des cano­nistes et juristes de pro­fes­sion, la plu­part des hommes, même s’ils sont ins­truits, même s’ils sont fami­liers des lettres, des arts, des récits et des grands évé­ne­ments de l’his­toire, s’appli­quent rare­ment à l’é­tude des œuvres du genre de celle que vous venez de com­mé­mo­rer. Il est donc fort néces­saire que grâce à vous ils com­prennent bien, ou du moins qu’ils entre­voient l’im­portance et l’in­té­rêt de ce Décret. Aussi à l’ex­pres­sion du plai­sir que Nous cause votre défé­rent hom­mage, désirons-​Nous unir Nos féli­ci­ta­tions pour vos tra­vaux. L’estime publique ne peut d’ailleurs man­quer de leur être assu­rée, soit qu’on consi­dère l’ef­fort gran­diose et conti­nu dont le Décret de Gratien fut l’heu­reux résul­tat, soit qu’on mette en lumière les ser­vices émi­nents qu’il a ren­dus, soit enfin qu’on fasse appa­raître, voi­lées sous l’aus­tère séche­resse des for­mules cano­niques, la beau­té, la sain­teté, la cha­ri­té mater­nelle de l’Eglise dans l’ac­com­plis­se­ment de sa triple fonc­tion légis­la­tive, exé­cu­tive et judiciaire.

Gratien a mis en valeur l’unité du Droit Canon :

Pour appré­cier à sa juste valeur l’im­mense tra­vail que Gratien entre­prit et – en dépit d’in­dé­niables erreurs – réus­sit à mener à bien, il faut péné­trer dans la forêt inex­tri­cable des docu­ments qui y sont ras­sem­blés, et qui vont des ori­gines de l’Eglise jus­qu’au milieu du XIIe siècle. Il s’a­git d’une mul­ti­tude de textes emprun­tés à la Sainte Ecriture, aux Pères de l’Eglise et aux lois, tant cano­niques que civiles. Un simple coup d’œil sur les tables qui figurent dans les Prolégomènes de l’é­di­tion cri­tique de Friedberg fait appa­raître l’en­semble des docu­ments ecclé­sias­tiques et juri­diques – réseau presque indé­fi­ni d’ar­tères et de veines – par les­quels la vie de l’Eglise s’est répan­due dès l’âge apos­to­lique et durant son pre­mier mil­lé­naire, dans l’i­né­pui­sable varié­té de ses formes, en Orient comme en Occident, dans la gloire de ses luttes et de ses triomphes, dans son effort constant et assi­du pour for­mer aux mœurs chré­tiennes toutes les nations, pour enri­chir son patri­moine spi­ri­tuel de l’hé­ri­tage de l’an­ti­qui­té orien­tale, romaine et germanique.

Gratien a fait pour la codi­fi­ca­tion du Droit Canon une œuvre ana­logue à celle de Justinien pour le Droit Romain ; et il s’est effor­cé de façon remar­quable de don­ner à son Décret un admi­rable carac­tère d’u­ni­té, de com­po­si­tion et de cohé­sion entre les par­ties, aus­si nom­breuses que variées, qui y sont ras­sem­blées et ordonnées.

Unité, disons-​Nous : un code de droit, en effet, exige avant tout cette qua­li­té. Mais com­bien il était dif­fi­cile, au temps de Gratien, de trou­ver un centre autour duquel ordon­ner cette uni­té, à tra­vers la mul­ti­tude et l’am­pleur des lois dans les­quelles la dis­ci­pline ecclé­sias­tique avait pris forme ! Le titre lui-​même Concordia dis­cor­dan­tium Canonum, que l’au­teur, un moine camal­dule, don­na très pro­ba­ble­ment lui-​même a son œuvre, mit en vive lumière, aux yeux éton­nés de ceux qui s’é­taient aven­tu­rés jusque là dans le laby­rinthe de la dis­ci­pline ecclé­sias­tique, la gran­deur du génial des­sein par lequel il espé­rait remé­dier à un mal et évi­ter un obs­tacle auquel tant d’autres s’é­taient heur­tés avant lui.

Cette uni­té n’est nul­le­ment l’ef­fet d’un assem­blage plus ou moins arbi­traire ou arti­fi­ciel. Il faut recon­naître au Maître le mérite d’a­voir su l’é­ta­blir dans l’har­mo­nie d’un ordre métho­dique qui laisse loin der­rière lui les col­lec­tions anté­rieures. C’est ce qui fait de Gratien, dans l’his­toire du Droit, le cory­phée d’une pléiade de dis­ciples et de com­men­ta­teurs. Devant la valeur uni­versellement recon­nue de son œuvre, tous aban­don­nèrent les col­lec­tions cano­niques des époques pré­cé­dentes pour étu­dier la Concordia et l’illus­trer de com­men­taires. Ils y trou­vaient un ordre lumi­neux, l’im­mense et confuse masse des lois en vigueur y était habi­le­ment dis­po­sée, divi­sée, réunie, sou­mise à un exa­men ration­nel et cri­tique qui met­tait en lumière leur significa­tion et leur impor­tance. De là tirèrent leur ori­gine les diverses écoles de « décré­tistes », bolo­naise, fran­çaise, anglo-​saxonne, espa­gnole, qui, avec une noble ému­la­tion, se dis­pu­taient la gloire d’ex­cel­ler dans la finesse et la sub­tile péné­tra­tion du texte de Gratien, dans l’in­ter­pré­ta­tion de pen­sée et de sens légal qu’il avait enten­du don­ner à ses Auctoritates et à ses fameux Dicta, Toutes ces écoles offrirent un splen­dide spec­tacle de science juri­dique et cano­nique, qui appa­raî­trait plus admi­rable encore si, comme il est à sou­hai­ter, elle était ras­sem­blée en un Corpus Decretistarum.

Ce n’est pas jeter une ombre sur la gloire de Gratien que de rap­pe­ler ce qu’il doit aux tra­vaux de ses pré­dé­ces­seurs, tant cano­nistes que théo­lo­giens, ain­si qu’aux juristes contem­po­rains par­mi les­quels brille Irnerius, lucer­na juris, le prince du droit qui flo­ris­sait dans les écoles de Bologne. Dieu seul a pour pré­rogative sin­gu­lière et incom­mu­ni­cable de tirer les choses du néant. Les œuvres des hommes au contraire, si hautes, si subli­mes, si per­son­nelles soient-​elles, si pro­fondes que soient les traces qu’elles laissent der­rière elles dans la suite des évé­ne­ments humains, sont tou­jours liées à des anté­cé­dents qui les ont pré­parées et ren­dues pos­sibles. Sans exclure l’hy­po­thèse que de nou­velles décou­vertes d’é­ru­dits prouvent un jour que le Décret est l’œuvre d’un col­lège de moines assem­blés autour d’un grand et unique lutrin du monas­tère camal­dule de saint Nabor et de saint Félix, il n’en reste pas moins que l’œuvre du Maître a ouvert une ère nou­velle dans l’his­toire du droit canon ; Sarti a pu, non sans rai­son, le dési­gner comme « celui qui fut tenu dans la suite pour le père et l’au­teur du droit canon » [2]. C’est par lui en effet que le droit canon a été éle­vé à une si haute digni­té qu’on le consi­dé­ra désor­mais comme un élé­ment néces­saire de la science juri­dique, tant dans Renseignement – si heu­reusement inau­gu­ré par Gratien lui-​même à Bologne – que dans la doc­trine et la légis­la­tion. Dès qu’il par­vint en France, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, où à la même époque les œuvres d’Irnérius et des juristes bolo­nais répan­daient et vul­ga­ri­saient la connais­sance du droit romain dans sa nou­velle forme, le Décret de Gratien assu­ra aus­si­tôt sa place à la science du droit canon et don­na nais­sance aux Prælectiones, aux Glossæ et aux Apparatus, qui dans les écoles de droit et princi­palement à Bologne, à Paris et dans les autres Universités, annoncent l’a­vè­ne­ment de l”« âge clas­sique » du Droit Canon, incom­pa­rable contri­bu­tion à la science uni­ver­selle du Droit.

Sans être officielle l’œuvre de Gratien jouit d’une grande autorité.

Le Décret de Gratien ne reçut jamais, comme on le sait, de confir­ma­tion du Siège Apostolique. Personne ne s’en éton­ne­ra si l’on pense au but fixé par le Camaldule à son tra­vail, à la méthode sui­vie par lui, aux résul­tats obte­nus. Il y a évidem­ment une grande dif­fé­rence entre l’œuvre de Gratien et la Collection des lois ras­sem­blées sur l’ordre de l’Empereur Justi­nien par Tribonien et ses collaborateurs.

L’auteur même de la Concordia affirme dans une for­mule lapi­daire : « Pour l’exé­cu­tion des affaires juri­diques la science ne suf­fit pas, il faut encore le pou­voir[3]. »

Rien ne per­met de voir un man­dat de la Curie Romaine dans la rédac­tion du Décret par le moine de Bologne. A tort cer­tains l’ont pen­sé, hypo­thèse caduque tirée du titre don­né par l’au­teur à son œuvre : Concordia dis­cor­dan­tium Canonum.

Mais rapi­de­ment le Décret jouit d’une haute répu­ta­tion, à cause non seule­ment de la faveur signa­lée qu’il ren­con­trait au­près du Pape Alexandre III (Roland Bandinelli) com­men­ta­teur et abré­via­teur de Gratien, mais aus­si du vif désir des Curies et Ecoles de pos­sé­der une somme des Saints Canons déga­gée des contra­dic­tions et des répé­ti­tions inutiles. De plus, les Auctoritates citées garan­tis­saient géné­ra­le­ment une doc­trine sûre.

La com­po­si­tion du Décret avec l’ex­pli­ca­tion des canons appa­rem­ment contra­dic­toires don­na à l’é­tude du Droit cano­nique un rang égal à celui du Droit civil que l’é­cole d’Irnerius avait mis à l’hon­neur. En même temps elle appor­ta dans la dis­ci­pline com­mune de l’Eglise une vigueur nou­velle dont les siècles sui­vants mon­trèrent bien­tôt l’u­ti­li­té. Théologiens et cano­nistes, dans leur mutuelle ému­la­tion pour appor­ter, inter­préter, expo­ser et conci­lier les cita­tions et les réfé­rences contri­buèrent heu­reu­se­ment à éta­blir cette uni­té sur des bases théo­logiques et juri­diques de la meilleure école, au grand pro­fit, en même temps, de la doc­trine et de la dis­ci­pline. Les juges ecclé­siastiques pou­vaient désor­mais net­te­ment et sûre­ment appli­quer le droit.

Néanmoins Nous ne pou­vons ni ne vou­lons taire les erreurs où tom­ba Gratien : cita­tions fausses ou dou­teuses reçues dans la Concordia, usage, dans les cita­tions des monu­ments juri­diques de l’Antiquité, de ver­sions de moindre valeur ; inexac­ti­tudes dans la cita­tion de bien des ins­crip­tions his­to­riques, sans ajou­ter que cer­taines de ses thèses ne concor­dèrent pas avec les doc­trines pos­té­rieures qui les reje­tèrent ou les cor­ri­gèrent. Bien sûr, de sem­blables erreurs sont excu­sables dans une œuvre aus­si volu­mi­neuse ; mais elles appe­lèrent néces­sai­re­ment une correc­tion du Décret que cer­tains Pontifes Romains et sur­tout Gré­goire XIII confièrent à d’é­mi­nents ecclé­sias­tiques et que d’autres grands savants continuèrent.

L’édition des Correcteurs Romains doit évi­dem­ment res­ter à sa place dans le grand Recueil for­mant le Corpus Juris Canonici. Mais rien n’empêche, et même il est sou­hai­table, selon une louable sug­ges­tion de cer­tains, de pré­pa­rer une nou­velle édi­tion cri­tique qui, au regard de l’Histoire, mette mieux en lumière les méthodes de tra­vail, le sens des com­men­taires, le pro­grès et les mérites du grand céno­bite camal­dule. Ainsi seront réso­lues des ques­tions confuses, comme il s’en pré­sente par­fois à ceux qui étu­dient l’his­toire de la dis­ci­pline humaine de l’Eglise.

Mais cette édi­tion cri­tique doit se faire selon les exi­gences de la science moderne, car l’é­di­tion de Friedberg, pour­tant bien digne de louanges ne satis­fait plus les his­to­riens du Droit canonique.

Le droit est basé sur la doctrine et la morale :

Trop sou­vent les pro­fanes donnent à la science juri­dique, civile ou cano­nique, à ses textes, à ses canons, à ses codes, un visage aus­tère et rébar­ba­tif ; ils n’y voient qu’une nomen­cla­ture de fas et nefas. D’où il est clair qu’ils ne la connaissent pas à fond, et sur­tout qu’ils ne l’ont pas péné­trée jus­qu’au cœur. Tout ensemble de lois humaines reflète le visage de son auteur, qu’il s’a­gisse d’un indi­vi­du, d’un groupe ou d’un peuple. La gran­deur et la digni­té de l’Ancienne Rome illus­trèrent ain­si de leur éclat la gra­vi­té des Lois des XII Tables qui, dès lors, étaient selon Tite-​Live, « dans cet immense entas­se­ment de lois accu­mulées les unes sur les autres la source de tout droit public et pri­vé [4] ».

Et la Loi divine – même celle de l’Ancienne Alliance qui n’est appe­lée loi de crainte que par com­pa­rai­son à la Nouvelle – com­ment n’aurait-​elle pas fait res­plen­dir la majes­té suprême et la clé­mence pater­nelle du Créateur et Maître Souverain ? Ceux qui la révèrent seule­ment dans un mou­ve­ment de crainte, comme ils sont loin de la contem­pler avec les yeux du Psalmiste : « Quam dul­cis pala­to meo elo­quia tua ! super mel sunt ori meo [5] ! »

Et la loi du Christ, loi d’a­mour, pouvait-​elle man­quer des traits qui la rendent si aimable ? De la loi de son Eglise une béni­gni­té mater­nelle pouvait-​elle être absente ? Evidemment non. Pourtant cette dou­ceur de sen­ti­ment parais­sait comme étouf­fée sous l’a­mas des lois mul­ti­formes, par­ti­cu­lières et suc­cessives que les âges avaient accu­mu­lées. Les tra­vaux récents consa­crés à l’œuvre de Gratien ont mon­tré qu’une note carac­téristique de la légis­la­tion cano­nique est son huma­ni­té, c’est-​à-​dire ce sens de la doc­trine et de la conscience chré­tiennes qui tourne le cœur de l’homme vers les « ins­cru­tables richesses du Christ » [6] et élève cette légis­la­tion au-​dessus même de l’indé­niable gran­deur du Droit cano­nique : c’est-​à-​dire que celui-​ci plonge ses racines dans les pro­fon­deurs de la révé­la­tion chré­tienne, y pui­sant ces sucs vivi­fiants que sont la béni­gni­té, la tem­pé­rance, l’hu­ma­ni­té, l’a­dou­cis­se­ment de la rigueur, la cha­ri­té. Grâce à ces ver­tus, le Droit cano­nique revê­tit dès le début une nuance ori­gi­nale ; il reçut comme le sceau de l’é­qui­té chré­tienne qui se trans­for­ma en équi­té cano­nique. Dans quelques œuvres anté­rieures au Décret de Gratien telles le Liber de mise­ri­cor­dia et jus­ti­tia d’Alger de Liège, le Liber de vita chris­tia­na de Bonitins, évêque de Sutri, la Panormia d’Yves de Chartres, brille d’une nou­velle splen­deur l’es­prit de cha­ri­té qui anime la vie inté­rieure de l’Eglise.

Dans Gratien, la doc­trine catho­lique ne se dépar­tit jamais de ce tem­pe­ra­men­tum qui mitige la rigueur du droit par la cha­ri­té mater­nelle et com­pré­hen­sive dont les Pontifes Romains et les Saints Pères ont impré­gné toutes les pres­crip­tions ecclé­siastiques. Il fau­drait citer ici toute la Cause XXIII de la seconde par­tie du Décret, et les pre­mières Distinctions de la Cause XXXIII (quest. III) qui consti­tuent le si célèbre trai­té de Pœnitentia.

Comment les pas­teurs de l’Eglise du Christ auraient-​ils pu res­ter sourds aux appels inces­sants et sup­pliants que la cha­ri­té adresse à leurs cœurs pater­nels ? « L’expérience de mala­dies mul­tiples presse en effet de trou­ver de mul­tiples remèdes. Mais en des causes de cet ordre, où de graves dis­sen­sions entraînent non pas le péril de tel ou tel homme, mais la ruine des peuples, il convient de se relâ­cher en quelque mesure de la sévé­ri­té pour per­mettre à une cha­ri­té sin­cère de remé­dier à de plus grands maux » [7]. Grand aver­tis­se­ment, tou­jours actuel, pour tous ceux qui exercent quelque charge dans le gou­ver­ne­ment des hommes, légis­la­teurs et juges ! Où trou­ver meilleur com­men­taire des qua­li­tés que saint Paul, en ses Epîtres Pastorales, réclame des Supérieurs, sinon dans les Distinctions de la pre­mière par­tie du Décret[8] ?

La défense du Pontife Romain, son action de gou­ver­ne­ment et d’u­ni­fi­ca­tion, la vie ecclé­sias­tique libé­rée de la simo­nie et de l’in­tru­sion des laïcs, la régle­men­ta­tion des patri­moines, la vie spi­ri­tuelle des fidèles ali­men­tée par la fré­quen­ta­tion des sacre­ments, la vie sociale et domes­tique dans le mariage, la vie litur­gique, l’ordre judi­ciaire et pénal – et tout ceci avec un large expo­sé des sources du droit – : telle est en résu­mé l’œuvre im­mense qu’é­cri­vit le Magister Gratianus, divinæ paginæ doc­tor egre­gius [9].

Le Décret de Gratien a orienté l’Histoire de l’Eglise :

Des col­lec­tions cano­niques du haut moyen âge, on a pu dire que la meilleure connais­sance qu’on a acquise dans les temps modernes, mani­feste de plus en plus la part impor­tante qu’elles ont eue dans l’his­toire des idées et des doc­trines, et aus­si pour la vie de l’Eglise, ses ins­ti­tu­tions et son gou­ver­ne­ment [10]. Com­bien c’est plus vrai encore du Décret de Gratien, témoi­gnage vivant de l’in­fluence exer­cée par la dis­ci­pline de l’Eglise, le gou­ver­ne­ment de ses Pontifes, l’ac­tion pas­to­rale de ses Prélats pour refré­ner les vices et les désordres des peuples, et éta­blir le règne de la loi morale par­mi les indi­vi­dus et par­mi les sociétés.

A l’illustre Université de Bologne, fière de comp­ter Gratien au nombre de ses gloires, et qui s’est hono­rée en célé­brant solen­nel­le­ment le hui­tième cen­te­naire de l’im­mor­tel Décret, avec, la par­ti­ci­pa­tion de tant d’é­mi­nents cano­nistes et juristes du monde entier, Nous adres­sons en ce jour Nos féli­ci­ta­tions et Nos vœux : qu’il lui soit don­né encore à l’a­ve­nir de for­mer des savants, dignes héri­tiers des géné­ra­tions qui les ont pré­cé­dés, et de contri­buer ain­si effi­ca­ce­ment à la défense du patri­moine de la civi­li­sa­tion chré­tienne, qui seule peut empê­cher le genre humain de retom­ber dans les funestes erreurs de la bar­ba­rie et la cor­rup­tion des mœurs, et le rendre apte à de plus hautes et heu­reuses ascen­sions dans les voies de la véri­té et du bien.

Sur vous enfin qui, par vos tra­vaux éru­dits et par une habile orga­ni­sa­tion, avez su don­ner à cette com­mé­mo­ra­tion un éclat égal à son impor­tance, Nous invo­quons l’a­bon­dance des célestes faveurs, en gage des­quelles Nous vous accor­dons de tout cœur la Bénédiction apostolique.

Source : Documents Pontificaux de S. S. Pie XII, année 1955, Édition Saint-​Augustin Saint-​Maurice. – D’après le texte latin de l’Osservatore Romano du 23 avril 1952.

Notes de bas de page
  1. Gratien (1050–1150) est un cano­niste ita­lien ; camal­dule au monas­tère de Saint-​Félix à Bologne ; il com­po­sa, sous le titre de Decretum, le pre­mier recueil des Décrétales des Papes.[]
  2. De Claris Archigymnasii Bononiensis Professoribus a sæc, XI, usque ad sæc. XIV, Bononiæ, t I, p. 344, n. XXVI.[]
  3. Dictum Gratiani ante c. I, D. XX.[]
  4. L., 5, n. 34.[]
  5. Ps., CXVIII, 103.[]
  6. Eph., iii, 8.[]
  7. c. xxv, D. L.[]
  8. D. XXV à D. L.[]
  9. Cod. Mon. Lat., 16084, in Archiv. für kath. Kirchenrecht, vol. 69, 1893, p. 382.[]
  10. Cf. Ghellinck S. J., Le Mouvement théo­lo­gique du XIIe siècle, p. 417.[]