Pie IX

255ᵉ pape ; de 1846 à 1878

2 février 1849

Lettre encyclique Ubi primum

Sur l'Immaculée Conception de la Vierge Mère de Dieu. Où le Pape demande l'avis des évêques sur la définition du dogme.

À nos véné­rables frères, patriarches, pri­mats, arche­vêques et évêques de tout l’u­ni­vers catho­lique,
Le pape Pie IX.

Vénérables frères, salut et béné­dic­tion apostolique :

Dès les pre­miers jours, où, éle­vé sans aucun mérite de Notre part, mais par un secret des­sein de la divine Provi­dence, sur la Chaire suprême du Prince des Apôtres, Nous avons pris en main le gou­ver­nail de l’Église entière, Nous avons été tou­ché d’une sou­ve­raine conso­la­tion, Vénérables Frères, lorsque Nous avons su de quelle manière merveil­leuse, sous le Pontificat de Notre pré­dé­ces­seur Grégoire XVI, de véné­rable mémoire, s’est réveillé dans tout l’u­ni­vers ca­tholique l’ardent désir de voir enfin décré­ter par un juge­ment solen­nel du Saint-​Siège, que la Très Sainte Mère de Dieu, qui est aus­si notre tendre mère à tous, l’Immaculée Vierge Marie, a été conçue sans la tache ori­gi­nelle. Ce très pieux désir est clai­re­ment et mani­fes­te­ment attes­té et démon­tré par les demandes inces­santes pré­sen­tées tant à Notre prédéces­seur qu’à Nous-​même, et dans les­quelles les plus illustres Prélats, les plus véné­rables Chapitres cano­niaux et les Con­grégations reli­gieuses, notam­ment l’Ordre insigne des Frères Prêcheurs, ont sol­li­ci­té à l’en­vi qu’il fut per­mis d’a­jou­ter et de pro­non­cer hau­te­ment et publi­que­ment, dans la Liturgie sacrée, et sur­tout dans la Préface de la Messe de la Concep­tion de la Bienheureuse Vierge, ce mot : Immaculée. A ces ins­tances. Notre pré­dé­ces­seur et Nous-​même, Nous avons accé­dé avec le plus grand empres­se­ment. Il est arri­vé, en outre, Vénérables Frères, qu’un grand nombre d’entre vous n’ont ces­sé d’a­dres­ser à Notre pré­dé­ces­seur et à Nous des lettres par les­quelles, expri­mant leurs vœux redou­blés et leurs vives sol­li­ci­tudes, ils nous pres­saient de vou­loir défi­nir comme doc­trine de l’Église catho­lique que la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie avait été entiè­re­ment imma­culée et abso­lu­ment exempte de toute souillure de la faute originelle.

Et il n’a pas man­qué aus­si, dans notre temps, d’hommes émi­nents par le génie, la pié­té et la doc­trine, qui, dans leurs savants et labo­rieux écrits, ont jeté une lumière si écla­tante sur ce sujet et sur ce très pieux sen­ti­ment, que beau­coup de per­sonnes s’é­tonnent que l’Église et le Siège Apostolique n’aient pas encore décer­né à la Très Sainte Vierge cet hon­neur que la com­mune pié­té des fidèles désire si ardem­ment lui voir attri­bué par un solen­nel juge­ment et par l’au­to­ri­té de cette même Église et de ce même Siège. Certes, ces vœux ont été sin­gu­liè­re­ment agréables et pleins de conso­la­tion pour Nous, qui, dès nos plus tendres années, n’a­vons rien eu de plus cher, rien de plus pré­cieux que d’ho­no­rer la Bien­heureuse Vierge Marie d’une pié­té par­ti­cu­lière, d’une véné­ration spé­ciale, et du dévoue­ment le plus intime de Notre cœur, et de faire tout ce qui nous paraî­trait pou­voir contri­buer à sa plus grande gloire et louange, et à l’ex­ten­sion de son culte. Aussi, dès le com­men­ce­ment de Notre Pontificat, avons-​Nous tour­né avec un extrême empres­se­ment Nos soins et Nos pen­sées les plus sérieuses vers un objet d’une si haute impor­tance, et n’avons-​Nous ces­sé d’é­le­ver vers le Dieu très bon et très grand d’humbles et fer­ventes prières, afin qu’il daigne éclai­rer Notre esprit de la lumière de sa grâce céleste, et Nous faire connaître la déter­mi­na­tion que Nous avons à prendre à ce sujet. Nous Nous confions sur­tout dans cette espé­rance, que la Bienheureuse Vierge, qui a été éle­vée par la gran­deur de ses mérites au-​dessus de tous les chœurs des Anges jus­qu’au trône de Dieu [1], qui a bri­sé sous le pied de sa ver­tu la tête de l’an­tique ser­pent, et qui, pla­cée entre le Christ et l’Église [2], toute pleine de grâces et de sua­vi­té, a tou­jours arra­ché le peuple chré­tien aux plus grandes cala­mités, aux embûches et aux attaques de tous ses enne­mis, et l’a sau­vé de la ruine, dai­gne­ra éga­le­ment, Nous pre­nant en pitié avec cette immense ten­dresse qui est l’ef­fu­sion habi­tuelle de son cœur mater­nel, écar­ter de Nous, par son in­stante et toute-​puissante pro­tec­tion auprès de Dieu, les tristes et lamen­tables infor­tunes, les cruelles angoisses, les peines et les néces­si­tés dont Nous souf­frons ; détour­ner les fléaux du cour­roux divin, qui Nous affligent à cause de nos péchés ; apai­ser et dis­si­per les effroyables tem­pêtes de maux dont l’Eglise est assaillie de toutes parts, à l’im­mense dou­leur de Notre âme, et chan­ger enfin Notre deuil en joie. Car vous savez par­fai­te­ment, Vénérables Frères, que le fon­de­ment de Notre confiance est en la Très Sainte Vierge ; puisque c’est en Elle que Dieu a pla­cé la plé­ni­tude de tout bien, de telle sorte que, s’il y a en nous quelque espé­rance, s’il y a quelque faveur, s’il y a quelque salut. Nous sachions que c’est d’Elle que Nous le rece­vons parce que telle est la volon­té de Celui qui a vou­lu que nous eus­sions tout par Marie [3].

En consé­quence, Nous avons choi­si quelques ecclésiasti­ques dis­tin­gués par leur pié­té, et très ver­sés dans les études théo­lo­giques, et en même temps un cer­tain nombre de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, illustres par leur ver­tu, leur reli­gion, leur sagesse, leur pru­dence et par la science des choses divines, et Nous leur avons don­né mis­sion d’exa­mi­ner avec le plus grand soin, sous tous les rap­ports, ce grave sujet selon leur pru­dence et leur doc­trine, et de Nous sou­mettre ensuite leur avis avec toute la matu­ri­té pos­sible. En cet état de choses, Nous avons cru de­voir suivre les traces illustres de Nos pré­dé­ces­seurs, et imi­ter leurs exemples.

C’est pour­quoi, Vénérables Frères, Nous vous adres­sons ces Lettres, par les­quelles Nous exci­tons vive­ment votre in­signe pié­té et votre sol­li­ci­tude épis­co­pale, et Nous exhor­tons cha­cun de Vous, selon sa pru­dence et son juge­ment, à or­donner et à faire réci­ter dans son propre dio­cèse des prières publiques, pour obte­nir que le Père misé­ri­cor­dieux des lu­mières daigne Nous éclai­rer de la clar­té supé­rieure de son divin esprit, et Nous ins­pi­rer du souffle d’en haut, et que, dans une affaire d’une si grande impor­tance, Nous puis­sions prendre la réso­lu­tion qui doit le plus contri­buer tant à la gloire de son nom qu’à la louange de la Bienheureuse Vierge Mario, et au pro­fit de l’Église mili­tante. Nous sou­hai­tons vi­vement que Vous Nous fas­siez connaître le plus promp­te­ment pos­sible de quelle dévo­tion votre Clergé et le peuple fidèle sont ani­més envers la Conception de la Vierge Immaculée, et quel est leur désir de voir le Siège Apostolique por­ter un décret sur cette matière. Nous dési­rons sur­tout savoir, Véné­rables Frères, quels sont à cet égard les vœux et les senti­ments de votre émi­nente sagesse. Et comme Nous avons déjà accor­dé au Clergé Romain l’autorisation de réci­ter un office cano­nique par­ti­cu­lier de la Conception de la Très Sainte Vierge, com­po­sé et impri­mé tout récem­ment, à la place de l’office qui se trouve dans le Bréviaire ordi­naire, Nous Vous accor­dons aus­si par les pré­sentes Lettres, Vénérables Frères, la facul­té de per­mettre, si Vous le jugez conve­nable, à tout le Clergé de votre Diocèse, de réci­ter libre­ment et lici­te­ment le même office de la Conception de la Très Sainte Vierge, dont le Clergé Romain fait actuel­le­ment usage, sans que Vous ayez à deman­der cette per­mis­sion à Nous ou à Notre Sacrée Congrégation des Rites.

Nous ne dou­tons nul­le­ment, Vénérables Frères, que votre sin­gu­lière pié­té envers la Très Sainte Vierge Marie ne Vous fasse obtem­pé­rer avec le plus grand soin et le plus vif em­pressement aux dési­rs que Nous Vous expri­mons, et que Vous ne Vous bâtiez de Nous trans­mettre en temps oppor­tun les réponses que Nous Vous deman­dons. En atten­dant, re­cevez comme gage de toutes les faveurs célestes, et sur­tout comme un témoi­gnage de Notre bien­veillance envers Vous, la Bénédiction Apostolique que Nous Vous don­nons du fond de Notre cœur, à Vous, Vénérables Frères, ain­si qu’à tout le Clergé et tous les fidèles Laïques confiés à votre vigilance.

Donné à Gaëte, le deuxième jour de février de l’année 1849, l’an IIIe de Notre Pontificat.

PIE IX.

Source : Cardinal Thomas Marie Joseph Gousset, La croyance générale et constante de l’Église tou­chant l’Immaculée Conception de la bien­heu­reuse Vierge Marie, Paris, Lecoffre et Cie, 1855.

Notes de bas de page
  1. S. Gregor Pap., De Exposit. in libros Regum.[]
  2. S. Bernard, Serm. in cap. xii Apocalyps.[]
  3. S. Bernard, In Nativ S. Mariæ de Aquaducto.[]
7 mars 1874
Sur les persécutions dont était victime l'Église de l'Empire d'Autriche-Hongrie et la liberté dont l'Eglise doit jouir à l'égard du pouvoir civil
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