On expose dans cette Encyclique l’origine, le progrès et l’état actuel du schisme arménien, dont Sa Sainteté se plaint dans plusieurs discours.
Aux vénérables frères le Patriarche de Cilicie Antoine Pierre IX, les Archevêques et Évêques, et aux chers fidèles, le clergé et le peuple du rite Arménien, qui sont en grâce et communion avec le Siège Apostolique.
Pie IX.
Vénérables frères et chers fils, salut et bénédiction apostolique.
Vingt-quatre ans se sont déjà écoulés depuis le jour où, tandis que l’on célébrait l’anniversaire sacré de l’apparition d’une nouvelle étoile en Orient, destinée à éclairer les nations, Nous donnâmes Nos Lettres Apostoliques aux Orientaux [1] pour confirmer dans la foi les catholiques, et ramener au bercail unique de Jésus-Christ ceux qui malheureusement se trouvent hors de l’Eglise Catholique. Une douce espérance Nous souriait et Nous faisait croire qu’avec le secours de Dieu et de Jésus-Christ notre Sauveur la pureté de la foi chrétienne s’étendrait davantage en Orient, et que le zèle de la discipline ecclésiastique, pour l’organisation et la forme de laquelle, dans le sens des saints Canons, Nous promettions l’assistance de Notre autorité, refleurirait dans cette contrée. Dieu sait quelle sollicitude Nous avons montrée depuis lors pour les Orientaux et avec quel sentiment charitable Nous les avons poursuivis. Tout le monde sait ce que Nous avons fait dans ce but, et plût à Dieu que tout le monde l’eût bien compris. Mais, par un impénétrable jugement de Dieu, il est arrivé que les faits n’ont nullement répondu à Notre attente ni à Nos soins, et non seulement Nous ne devons pas Nous réjouir, mais bien plutôt Nous plaindre et gémir à la vue de la nouvelle calamité qui est venue fondre sur quelques églises des Orientaux.
2. En effet, vous êtes obligés de souffrir et d’expérimenter aujourd’hui ce que Jésus-Christ, l’auteur et le consommateur de la foi, avait déjà annoncé à l’avance lorsqu’il disait [2] que beaucoup viendraient en son nom et séduiraient un grand nombre de fidèles en disant : « Je suis le Christ. » Et voilà que l’adversaire et l’ennemi commun du genre humain, après avoir fait naître depuis déjà trois ans un nouveau schisme parmi les Arméniens, dans la ville de Constantinople, fait tout ce qui est en lui pour renverser la foi, corrompre la vérité et déchirer l’unité, employant, à cet effet, une sagesse séculière, des discours hérétiques, les subtilités d’une fourberie astucieuse, et même la violence quand il le peut. Toul en déplorant et en dévoilant les artifices et les ruses de cet ennemi, saint Cyprien avait dit de lui [3] : « Il ravit les hommes à l’Église même, et tandis que ceux-ci croient déjà s’être approchés de la lumière et avoir échappé à la nuit du siècle, il verse de nouveau sur eux d’autres ténèbres sans qu’ils s’en aperçoivent, de sorte que ces hommes, après avoir abandonné l’Évangile de Jésus-Christ, ses observances et ses lois, se disent chrétiens, et croient avoir la lumière, tandis qu’ils marchent dans les ténèbres. C’est ainsi qu’ils sont flattés et trompés par leur ennemi qui, selon l’expression de l’Apôtre, se transfigure comme en ange de lumière et suborne ses ministres comme des ministres de justice lorsqu’ils affirment la nuit pour le jour, la mort pour le salut, le désespoir sous l’aspect de l’espérance, la perfidie sous l’apparence de la fidélité, l’antéchrist sous le nom de Jésus-Christ, de sorte que lorsqu’ils disent faussement des choses vraisemblables, ils éludent la vérité par leurs subtilités. »
3. Mais bien que les commencements de ce nouveau schisme, comme il arrive toujours en pareil cas, fussent enveloppés de beaucoup de détours, Nous en avons cependant entrevu la perversité et les périls, et, selon que Nous l’imposait Notre devoir, Nous, y avons résisté de toutes Nos forces par Nos Lettres Apostoliques du 24 février 4870, commençant par ces mots : Non sine gravissimo, et par celles du 20 mai de la même année, dont les premiers mots sont : Quo impensiore. Toutefois, la chose en vint à ce point que, méprisant les exhortations, les avertissements et les censures de ce Siège Apostolique, les auteurs et les fauteurs de ce schisme ne craignirent pas de se choisir un pseudo-patriarche ; mais Nous, par Nos lettres Ubi prima du 11 mars 1871, Nous déclarâmes que cette élection était nulle et schismatique, et que l’élu ainsi que les électeurs avaient encouru les peines canoniques. Or, après s’être emparés par la violence des églises catholiques, après avoir contraint le patriarche légitime, notre vénérable frère Antoine Pierre IX, à quitter le territoire de l’empire ottoman, après avoir occupé militairement le siège patriarcal de Cilicie, dans le Liban, et s’être emparés même de la préfecture civile, ces nouveaux schismatiques se sont imposés à la nation catholique arménienne, et s’efforcent par tous les moyens de l’entraîner avec eux en la détachant de la communion et de l’obéissance du Siège Apostolique. Or, afin que tout s’accomplisse selon leurs désirs, celui qui se donne surtout beaucoup de peine, c’est un des prêtres néo-schismatiques, Jean Kupélian, que Notre vénérable frère Nicolas, archevêque de Marcianopolis et délégat apostolique dans la Mésopotamie et dans d’autres contrées, avait, par Notre Autorité, publiquement et nommément excommunié, et qu’il avait déclaré séparé de l’Église catholique, parce qu’il avait déjà fomenté des troubles et suscité le schisme dans la ville de Diarbékir, appelée aussi Amida. En effet, après avoir reçu du pseudo-patriarche une consécration épiscopale sacrilège et s’être emparé du pouvoir, cet homme ose et prétend soumettre à sa domination les catholiques du rite arménien, employant ouvertement pour cela, tantôt les promesses, tantôt les menaces. Que si jamais il pouvait réussir, les catholiques seraient entièrement réduits de nouveau à cette si misérable condition sous laquelle ils gémissaient quarante-deux ans auparavant, lorsqu’ils étaient sous la domination des vieux schismatiques de leur rite.
4. Afin d’éloigner de vous de si grands maux, Nous n’avons, en vérité, négligé aucun moyen, suivant en cela l’exemple que Nous ont toujours donné nos prédécesseurs, dont les plus illustres évêques et les pères des Églises orientales eurent toujours coutume, dans de semblables circonstances, d’implorer l’autorité, l’appui et le secours. C’est dans ce but que Nous y avons envoyé notre légat extraordinaire ; et afin que tout le monde pût voir que Nous n’avons manqué en rien, Nous avons dernièrement adressé une lettre personnelle au très-haut empereur ottoman, en demandant que les dommages causés aux arméniens catholiques fussent justement réparés, et que le pasteur exilé fût rendu à son troupeau. Mais les artifices de ceux qui, tout en se disant catholiques, sont les ennemis de la croix de Jésus-Christ, ont empêché que les faits ne répondissent à Nos vœux.
5. Il est donc évident que les choses en sont arrivées à un tel point qu’elles font craindre sérieusement que les auteurs et les disciples du nouveau schisme ne fassent pire et ne finissent par séduire et entraîner dans la voie de la perdition, comme ils se le proposent, ceux d’entre les catholiques, tant Arméniens que des autres rites, qui sont ou plus faibles dans la foi ou moins défiants. Aussi les devoirs apostoliques de Notre charge Nous imposent-ils l’obligation de vous parler de nouveau et de vous faire entendre à tous Nos enseignements, afin de dissiper les ténèbres et d’écarter les voiles épais dont Nous savons la vérité enveloppée, et pouvoir ainsi affermir ceux qui savent résister, soutenir ceux qui chancellent, et, avec le secours de Dieu, rappeler dans la voie du bien ceux qui ont eu le malheur de s’écarter de la vérité et de l’unité catholique, si toutefois ils veulent Nous entendre, ce que Nous demandons instamment à Dieu.
6. La principale fraude dont les auteurs et les disciples du nouveau schisme se servent pour le masquer, c’est surtout le nom de catholiques qu’ils ne craignent pas d’usurper, malgré la sentence de condamnation émanée de Notre autorité. Telle a toujours été, du reste, la coutume des hérétiques et des schismatiques : ils s’appellent catholiques et s’attribuent avec orgueil de grandes choses, pour induire en erreur tout à la fois et les peuples et les princes. Parmi les Pères qui l’ont remarqué, Nous citerons saint Jérôme qui disait [4] : « Les hérétiques ont coutume de dire à. leur roi, à leur Pharaon : Nous sommes les fils de ces sages qui nous ont transmis, dès le principe, la doctrine apostolique ; nous sommes les fils des anciens rois appelés rois des philosophes, et en nous se trouve la science des Écritures unie à la sagesse du siècle. »
Or, pour prouver qu’ils sont catholiques, ces néoschismatiques en appellent à une déclaration de foi, comme ils l’appellent, qu’ils ont publiée le 6 février 1870, dans laquelle ils disent qu’il n’y a rien qui soit en désaccord avec la foi catholique. Mais il n’a jamais été permis à personne de prouver qu’il est catholique en produisant à son gré des formules de foi où l’on a coutume de passer sous silence ce que l’on n’aime pas confesser ; il est au contraire de toute nécessité de souscrire aux formules proposées par l’Église, comme nous l’atteste l’histoire ecclésiastique de tous les temps.
8. Ce qui confirme aussi que leur déclaration de foi était trompeuse et perfide, c’est qu’ils ont rejeté celle qui, suivant la coutume, leur a été proposée en Notre nom, et que Notre Vénérable Frère Antoine Joseph, archevêque de Tyane et légal apostolique de Constantinople, leur avait ordonné de souscrire par ses lettres monitoires du 29 septembre de la même année. Il est en effet aussi contraire à la constitution divine de l’Église qu’à la tradition perpétuelle et constante que quelqu’un puisse prouver la catholicité de sa foi et s’appeler véritablement catholique lorsqu’il n’obéit pas à ce Siège Apostolique, car il est nécessaire que ce siège [5], par sa primauté plus élevée, domine toutes les autres églises, c’est-à-dire tous les fidèles répandus dans le monde, et celui [6] qui abandonne cette chaire de Pierre, sur laquelle l’Église est fondée, se persuade faussement qu’il est dans l’Église, puisque celui-là est déjà schismatique [7] et pécheur qui élève une chaire contre la chaire unique de Pierre, de laquelle [8] découlent sur toutes les autres les droits sacrés de communion.
9. Les illustres évêques des églises orientales connaissaient si bien cette vérité, que dans le synode célébré à Constantinople l’an 536, Mennas, évêque de cette ville [9], déclarait cette doctrine qui eut l’approbation des Pères : « Nous suivons, comme votre charité le sait, le Siège Apostolique, et nous lui obéissons ; nous acceptons ceux qui sont en communion avec lui, et nous condamnons ceux qu’il condamne. » Saint Maxime [10], abbé de Chrysopolis, exprimait cette vérité d’une manière plus claire encore et plus expressive, lorsqu’en parlant de Pyrrhus le monothélite il disait : « Si Pyrrhus ne veut point être hérétique ni s’entendre appeler de ce nom, il ne doit chercher à complaire ni à celui-ci, ni à celui-là ; c’est inutile et irraisonnable, car de même que lorsqu’un seul est scandalisé à cause de lui, tous le sont également, de même aussi, lorsqu’il satisfait à un seul, il complaît à tous. Qu’il se bâte avant tout de satisfaire au Siège de Rome, car si ce Siège est satisfait, tous les autres sièges le reconnaîtront d’un commun accord pour un homme pieux et orthodoxe. Il parle donc inutilement celui qui imagine de m’attirer à lui par de semblables discours ; il faut auparavant qu’il contente et qu’il implore le très-saint Pape de la très-sainte Église romaine, c’est-à-dire le Siège Apostolique, qui a reçu en tout et pour tout, du Verbe incarné même de Dieu, le commandement, l’autorité et le pouvoir de lier et de délier, commandement, autorité et pouvoir qu’il a non seulement sur tous les saints synodes dans les limites fixées par les saints canons, mais encore sur toutes les saintes églises de Dieu qui sont dans le monde. » Aussi Jean, évêque de Constantinople, protestait-il solennellement, comme le fit plus tard à l’unanimité le VIIIe concile œcuménique, lorsqu’il disait « que les noms de ceux qui étaient séparés de la communion de l’Église catholique, c’est-à-dire de ceux qui n’adhéraient pas en toutes choses au Siège Apostolique, ne devaient pas être prononcés dans les saints mystères [11]. » Il signifiait clairement par ces paroles qu’il ne les reconnaissait point comme de vrais catholiques. Toutes ces déclarations sont d’un tel poids qu’il faut en conclure que tout homme qui a été déclaré schismatique par le pontife romain doit cesser entièrement d’usurper le nom de catholique tant qu’il ne reconnaît pas et ne révère pas expressément tout son pouvoir.
10. Mais comme les néo-schismatiques ne peuvent en retirer aucun avantage, ils se sont mis à suivre les traces des hérétiques modernes ; ils se sont excusés en disant que la sentence de schisme et d’excommunication, portée contre eux en Notre nom par Notre Vénérable Frère l’archevêque de Tyane, délégué apostolique dans la ville de Constantinople, était injuste et par conséquent nulle et sans valeur. Ils ont même été jusqu’à dire qu’ils ne pouvaient s’y soumettre, de crainte que les fidèles, privés de leur ministère, n’embrassassent le parti des hérétiques. Mais ce sont là des raisons d’une nouvelle espèce, complètement inouïes et inconnues aux Pères de l’Église. En effet, « l’Église entière répandue dans le monde sait que le Siège de l’Apôtre saint Pierre a le droit de délier les liens imposés par sentence de n’importe quel évêque, puisque ce siège a le droit de juger les affaires de toute l’Église, et qu’il n’est permis à personne d’en appeler à son jugement [12]. » Aussi les hérétiques jansénistes ayant osé enseigner [13] que sous prétexte d’injustice on pouvait mépriser l’excommunication lancée par son légitime prélat, et continuer à remplir, malgré tout, ce qu’ils appellent son propre devoir, Clément XI, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, publia contre les erreurs de Quesnel la constitution Unigenitus, par laquelle étaient proscrites et condamnées ces mêmes propositions qui, du reste, ne différaient en rien de quelques articles de Jean Vicleff, déjà condamnés par le synode de Constance et par le pape Martin V. Il peut arriver parfois, il est vrai, que par suite de la faiblesse humaine, quelqu’un soit frappé de censure par son prélat ; mais il faut, comme le fait observer saint Grégoire le Grand Notre prédécesseur [14], « que celui qui est sous la dépendance d’un pasteur craigne d’être lié, même injustement, et ne critique pas le jugement de son pasteur avec témérité, de peur que, même s’il est lié injustement, il ne se rende coupable, par le fait de son orgueil et de sa critique passionnée, d’une faute qui n’existait pas d’abord. » Si donc ceux-là mêmes qui sont liés par une sentence injuste du pasteur doivent craindre, que faut-il dire de ceux qui sont liés précisément parce que, rebelles à leur pasteur et à ce Siège Apostolique, ils ont déchiré et déchirent par un nouveau schisme la robe sans couture du Christ, c’est-à-dire l’Église ?
11. Quant à la charité avec laquelle les prêtres surtout doivent poursuivre les fidèles, elle doit partir d’un cœur pur, d’une conscience droite et d’une foi sincère, comme nous l’enseigne l’apôtre saint Paul (I Tim., I, 5.) qui, énumérant ailleurs les qualités qui doivent nous distinguer comme les ministres de Dieu, ajoutait : dans une charité sincère et dans la parole de vérité (II Cor., vi, 6.). Or, Jésus-Christ lui-même, notre Dieu, qui est charité (I Joan., iv, 8.), a clairement ordonné de considérer comme païens et comme publicains ceux qui n’écouteraient pas l’Église (Matt., xviii, 17.). Du reste, Notre prédécesseur saint Gélase [15] répondait à Euphême, évêque de Constantinople, qui lui alléguait de semblables difficultés : « C’est au troupeau de suivre le pasteur lorsque celui-ci veut le ramener aux pâturages salutaires, et non point au pasteur de Suivre le troupeau à travers les sentiers égarés, il faut en effet instruire le peuple et non pas le suivre ; et notre devoir est de lui faire connaître, s’il l’ignore, ce qui est permis ou ce qui ne l’est pas, et non point de nous rendre à ses volontés [16]. »
12. Mais les néo-schismatiques disent qu’il n’a pas été question de dogme, mais de discipline, parce que c’est à la discipline que se rapporte Notre Constitution Reversurus du 12 juillet 1807, et par conséquent on ne peut refuser le nom de catholiques à ceux qui refusent de la reconnaître. Mais vous comprenez aisément, Nous n’en doutons point, combien un tel subterfuge est inutile et vain. L’Église catholique, en effet, a toujours considéré comme schismatiques ceux qui résistent opiniâtrement à ses légitimes prélats, et surtout au Pasteur suprême, et qui refusent d’exécuter leurs ordres et même de reconnaître leur autorité. Les membres de la faction arménienne ayant suivi une pareille ligne de conduite, personne ne pourrait en aucune manière les croire exempts du crime de schisme, alors même qu’ils n’auraient pas été condamnés comme tels par l’Autorité Apostolique. En effet, l’Église, ainsi que l’ont enseigné les Pères [17], est le peuple réuni au prêtre et le troupeau adhérent à son pasteur ; d’où il suit que l’évêque est dans l’Église, et que l’Eglise est dans l’évêque, et si quelqu’un n’est point avec l’évêque, il n’est plus dans l’Église. D’ailleurs, comme le faisait observer Pie VI, Notre prédécesseur, dans ses lettres apostoliques [18], par lesquelles il condamnait la constitution civile du clergé de France, souvent la discipline est tellement unie au dogme, et a une telle influence sur la conservation de sa pureté, que les saints conciles n’ont pas hésité, dans beaucoup de cas, de frapper d’anathème les violateurs de la discipline et de les séparer de la communion de l’Eglise.
13. Les néo-schismatiques sont encore allés plus loin, tant il est vrai « qu’il n’y a pas de schisme [19] qui n’invente quelque hérésie pour montrer qu’il avait de bonnes raisons de séparer de l’Église. » Ils n’ont donc pas craint de Nous accuser, Nous et le Siège Apostolique, d’avoir outrepassé les limites de Notre pouvoir et d’avoir osé porter la faux dans la moisson d’autrui lorsque nous avons prescrit l’observance de certains points de discipline dans le patriarcat arménien, comme si les églises orientales ne devaient conserver avec Nous que la communion et l’unité de foi, sans être soumises à l’autorité apostolique de saint Pierre dans les questions qui regardent la discipline. Or, une telle doctrine est non seulement hérétique après les définitions et les déclarations du Concile Œcuménique du Vatican sur la nature et les raisons de la primauté du Souverain-Pontife, mais elle a toujours été considérée et abhorrée comme telle par l’Eglise catholique. C’est pour ce motif que les évêques du concile œcuménique de Calcédoine, confessant ouvertement dans ses actes l’autorité suprême du Siège Apostolique, demandaient humblement à Notre prédécesseur saint Léon de vouloir bien confirmer et sanctionner leurs décrets, même ceux qui traitaient de la discipline.
14. Et en vérité « le successeur de Pierre [20], par cela seul qu’il tient la place de Pierre, a de droit divin tout le troupeau de Jésus-Christ confié à sa garde, de sorte qu’il reçoit, de concert avec l’épiscopat, le pouvoir du gouvernement universel, tandis qu’aux autres évêques il est nécessaire de leur assigner une portion spéciale du troupeau, afin qu’ils puissent exercer sur cette portion la juridiction ordinaire du gouvernement ; et cela non par droit divin, mais par droit ecclésiastique, non par un ordre de Jésus-Christ, mais par une disposition hiérarchique. Si le droit suprême d’assigner ainsi les portions du troupeau était contesté à saint Pierre et à ses successeurs, les fondements mêmes des églises, surtout des principales, en seraient ébranlés, ainsi que leurs prérogatives ; « car si le Christ [21] a voulu que les autres princes de l’Église eussent quelque chose de commun avec saint Pierre, ce n’est jamais que par l’entremise de Pierre qu’il leur a donné ce qu’il ne leur a pas refusé. » En effet, « c’est saint Pierre qui a illustré [22] le siège (d’Alexandrie), en y envoyant l’évangéliste son disciple ; c’est lui qui a fondé le siège (d’Antioche), qu’il occupa pendant sept ans, bien qu’il dût le quitter ensuite. Quant aux décrets portés dans le concile de Calcédoine relativement au siège de Constantinople, Anatole lui-même, évêque de cette ville [23], et l’empereur Marcien [24] reconnurent publiquement qu’ils avaient absolument besoin d’être approuvés et confirmés par le Siège Apostolique.
15. Aussi les néo-schismatiques auront beau se vanter d’être catholiques ; ils ne pourront jamais se le persuader à eux-mêmes, à moins de ne tenir aucun compte de la tradition constante et perpétuelle de l’Eglise, et confirmée de la manière la plus éclatante par les témoignages des Pères. Et si les subtilités et les fourberies des hérétiques n’étaient pas suffisamment connues et bien prouvées, on ne pourrait comprendre comment le gouvernement ottoman peut considérer comme catholiques ceux qu’il sait avoir été bannis de l’Eglise catholique par un jugement émane de Notre Autorité. Si donc l’on veut que la religion catholique puisse se maintenir en toute sécurité et en toute liberté dans l’empire ottoman, comme le garantissent les décrets du très-haut empereur, il faut admettre tout ce qui appartient à cette même religion, telle qu’est précisément la primauté de juridiction du Pontife romain, et laisser déterminer qui sont ceux qui sont ou ne sont pas catholiques à son jugement, en sa qualité de chef et pasteur universel et suprême de cette religion, car c’est là un droit que l’on reconnaît universellement à toute société purement humaine et privée.
16. Et puis ces néo-schismatiques assurent qu’ils ne s’opposent nullement aux institutions de l’Église catholique, et qu’ils ne veulent autre chose que défendre les droits de leurs églises, de leur nation, et même les droits de leur haut empereur, qu’ils s’imaginent avoir été violés par Nous. C’est ainsi qu’ils ne craignent pas de rejeter sur nous et sur ce Siège Apostolique la cause des troubles actuels ; et en cela ils se comportent comme autrefois les Acaciens schismatiques envers Notre prédécesseur saint Gélase [25], et avant eux les hérétiques ariens qui calomniaient le pape Libère, Notre prédécesseur, parce qu’il refusait de condamner saint Athanase, évêque d’Alexandrie, et de communiquer avec eux [26]. On pourra donc s’attrister d’une pareille conduite, mais non pas s’en étonner. En effet, comme l’écrivait à ce sujet le même pape saint Gélase à l’empereur Anastase : « Il est souvent dans la nature des malades d’accuser les médecins qui veulent les rappeler à la santé par des ordonnances proportionnées à leur maladie, plutôt que de consentir à réprouver et à éloigner leurs appétits nuisibles. » Mais comme il semble que c’est surtout au moyen de ces accusations que les néo-schismatiques se concilient la faveur des puissants et les entraînent à protéger leur mauvaise cause, il devient absolument nécessaire, pour que les fidèles ne soient point induits en erreur, de traiter cette question d’une manière plus développée que s’il s’agissait simplement de réfuter ces calomnies.
17. Nous ne voulons certainement pas rappeler ici l’état malheureux dans lequel tombèrent les églises catholiques de l’Orient, après que le schisme s’y fut introduit, et que Dieu, voulant venger l’unité de son Église déchirée, eut permis la destruction de l’empire grec. Ce n’est pas non plus notre intention de rappeler toute la peine qu’ont prise Nos prédécesseurs pour ramener, aussitôt qu’ils le purent, les brebis égarées dans le bercail unique et vrai de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et bien que les fruits n’aient pas abondamment répondu à leur travail, toutefois, par la miséricorde divine, quelques églises de différents rites sont revenues à la vérité et à l’unité catholique ; et le Saint-Siège, les accueillant dans ses bras comme des enfants nouveaux nés, a montré avant toute autre chose sa sollicitude pour les raffermir dans la foi catholique et les conserver entièrement exempts de toute tache d’hérésie.
18. Aussi, dès que la nouvelle fut parvenue à Rome, de la propagation en Orient des dogmes pervers d’une certaine secte déjà condamnée par le Siège apostolique, dogmes qui tendaient surtout à abaisser la primauté de juridiction du Souverain Pontife, Pie VII d’heureuse mémoire, profondément ému de la gravité et du danger d’une telle doctrine, songea à prendre des mesures opportunes, dans la crainte que, par suite de vaines sollicitudes et d’inutiles discussions, la formule sûre que les Pères avaient transmise ne vint quelque jour à s’effacer peu à peu de l’esprit des fidèles. C’est pourquoi il ordonna d’envoyer aux patriarches et aux évêques orientaux l’antique formule de saint Hormisdas, Notre prédécesseur, et il leur enjoignit [27] en même temps d’exiger, partout où s’étendait leur juridiction, que les évêques et tous les membres du clergé séculier et régulier, ayant charge d’âmes, souscrivissent, s’ils ne l’avaient déjà fait auparavant, la profession de foi prescrite aux Orientaux par Urbain VII, profession de foi qui devait également être exigée de ceux qui seraient initiés plus tard aux ordres ecclésiastiques ou promus à quelque ministère sacré.
19. Mais peu après, c’est-à-dire en l’an 1806, un synode dit d’Antioche fut réuni dans le monastère de Carcaphas, dans le diocèse de Bérouth. Les dispositions de ce synode avaient été empruntées, en grande partie, d’une manière secrète et frauduleuse au synode de Pistoie, dont plusieurs propositions avaient été condamnées par le Siège de Rome ; parmi ces propositions, les unes avaient été copiées textuellement, les autres insinuées d’une manière ambiguë. Elles renfermaient, en outre, d’autres propositions qui sentaient le baïanisme et le jansénisme, étaient contraires à l’autorité ecclésiastique, troublaient l’état de l’Église et étaient opposées à la sainte doctrine et à la discipline bien connue de l’Église. Ce synode de Carcaphas, dont les actes furent publiés en arabe à l’insu du Saint-Siège en 1810, avait excité de nombreuses plaintes de la part des évêques, et fut enfin désapprouvé et condamné par Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Grégoire XVI, qui dans ses lettres apostoliques [28] ordonna aux évêques de puiser la règle de leur gouvernement et de leur doctrine dans les autres synodes depuis longtemps approuvés par le Siège Apostolique ; et plût à Dieu que les erreurs dont fourmillait ce synode eussent disparu avec sa condamnation ! Loin de là : ces doctrines ne cessèrent pas de se répandre furtivement, attendant une occasion favorable pour se manifester aux yeux du public, et les néo-schismatiques arméniens ont osé réaliser maintenant ce qu’ils avaient tenté en vain il y a vingt ans.
20. Mais comme la discipline est la sauvegarde de la foi, il fallait aussi que le Siège Apostolique, suivant son droit et son devoir, s’appliquât activement à la rétablir. Il ne manqua jamais à son devoir, assurément très-grave, bien que, en raison des circonstances de temps et de lieu, il n’ait pu remédier peu à peu qu’aux difficultés les plus occurrentes, attendant toujours des temps meilleurs qui, grâce à Dieu, vinrent enfin. En effet, sur les instances de Nos prédécesseurs Léon XII et Pie VIII, qui daignèrent appuyer les souverains catholiques de l’Autriche et de la France, le très-haut empereur ottoman, après avoir connu la différence qui existe entre les catholiques et les hérétiques, voulut bien soustraire les premiers à l’autorité civile des seconds, et ordonna que désormais, selon l’usage du pays, ils eussent leur propre chef, ou préfet civil, comme on l’appelle. On put alors, pour la première fois, créer en toute sûreté, à Constantinople, des évêques du rite arménien, jouissant de leur pouvoir ordinaire ; on put construire des églises catholiques du même rite, et professer et exercer librement le culte catholique. C’est pourquoi Notre prédécesseur Pie VIII, d’heureuse mémoire, établit à Constantinople le siège archiépiscopal des Arméniens [29], soucieux avant tout d’y faire fleurir la discipline ecclésiastique de la manière la plus convenable et la plus opportune que possible.
21. Au bout de quelques années, aussitôt que les circonstances Nous parurent avantageuses, Nous érigeâmes [30] des sièges épiscopaux soumis au siège primatial de Constantinople, et ce fut alors qu’on établit les règles à suivre pour l’élection des évêques. Plus tard, par un diplôme impérial en date du 7 avril 1857, adressé à Notre Vénérable Frère Antoine Abassoun, alors primat de Constantinople, le très-haut empereur de l’empire ottoman pourvut enfin, de sa propre autorité, à ce que le pouvoir de celui qu’on appelle le préfet civil ne s’immisçât pas dans les choses spirituelles, ce qui est tout à fait contraire aux lois de l’Église catholique. Mais lorsque, d’après la demande des Arméniens eux-mêmes, Nous réunîmes, par Nos Lettres Apostoliques commençant par le mot Reversurus, au siège patriarcal de Cilicie l’Église primatiale de Constantinople, dont le litre fut ainsi abrogé, il Nous sembla opportun et même nécessaire de prescrire, par l’autorité de cette même Constitution, de remettre en vigueur la discipline ecclésiastique dans tout le patriarcat arménien.
22. Mais l’homme ennemi commença par semer la zizanie dans l’église arménienne de Constantinople, en faisant, peu après, soulever par quelques-uns la question de la préfecture civile de la communauté arménienne, qu’ils accusaient le nouveau patriarche d’avoir usurpée. Une grave perturbation suivit de près cette controverse, et le même patriarche fut encore accusé d’avoir trahi les droits nationaux en acceptant, comme il convient à un évêque catholique, Notre susdite constitution, contre laquelle se tournèrent dès lors toutes les menées, toutes les machinations et toutes les criailleries des dissidents.
23. A ce sujet, deux sortes de dispositions ont été surtout incriminées celles qui concernaient l’élection des évêques, et celles qui se rapportaient à l’administration des biens ecclésiastiques. Ce sont là, en effet, les dispositions qu’on a calomnieusement représentées comme contraires aux droits de la nation arménienne, et même à ceux du très-haut empereur. Et bien que les conditions que nous avons prescrites sur ces deux points essentiels dussent être parfaitement connues, toutefois il sera bon que nous les répétions ici. Il y a toujours eu, en effet, des hommes [31], et il y en a encore, qui parlent dans la vanité de leur sentiment à cause de l’ignorance qui est en eux, et d’autres [32] qui, semblables aux devins et aux interprètes de songes, prononcent leur jugement sur ce qu’ils ignorent.
24. Nous avons ordonné que le patriarche fût élu par le synode des évêques, et que les laïques, et même tous les clercs non revêtus du caractère épiscopal, ne pussent prendre aucune part à son élection. Nous avons pareillement défendu que le nouvel élu pût faire usage de son autorité, ou comme l’on dit, fût intronisé avant d’avoir reçu ses lettres de confirmation du Siège Apostolique. Quant au mode d’élection des évêques, Nous avons prescrit que tous les évêques de la province se réunissent en synode, et proposent au Siège Apostolique trois ecclésiastiques méritants. Nais dans le cas où tous les évêques ne pourraient se rendre au synode, Nous avons prescrit qu’au moins trois évêques pourvus de diocèses se réunissent en synode avec le patriarche, et qu’ils fassent connaître par écrit aux évêques absents les trois candidats qu’ils auront proposés. Cela fait, le Pontife romain choisira l’un de ces trois sujets et lui confiera la direction de l’église vacante. Du reste Nous avons déclaré que Nous ne doutions pas que les évêques ne missent tous leurs soins à proposer des candidats dignes et méritants, et que Nous espérions que jamais ni Nous ni Nos successeurs ne serions forcés, pour remplir les devoirs de Notre ministère apostolique, de choisir et de placer à la tête de l’église vacante un ecclésiastique qui n’aurait pas été proposé par les évêques.
25. Si l’on veut examiner ces dispositions avec un esprit dégagé des préoccupations de parti, on les trouvera en tout conformes à l’esprit catholique des saints canons. Pour ce qui regarde l’exclusion des laïques de l’élection des évêques, il faut, pour ne rien énoncer de contraire à la foi catholique, distinguer avec soin le droit d’élire les évêques et la faculté de rendre témoignage sur la vie et les mœurs de ceux qui doivent être élus. Reconnaître aux laïques le droit d’élire les évêques serait renouveler les opinions fausses de Luther et de Calvin qui affirmaient que ce pouvoir appartenait aux laïques de droit divin ; or, personne n’ignore que l’Eglise catholique a toujours réprouvé cette doctrine, et que le peuple n’a jamais eu, ni de droit divin, ni de droit ecclésiastique, le pouvoir d’élire les évêques ou les autres ministres du culte.
20. Au sujet du témoignage que le peuple rend sur la vie et les mœurs de ceux qui doivent être élevés à l’épiscopat, Nous répondons : « Lorsque [33], par suite de la violence des ariens que favorisait l’empereur Constance, les évêques catholiques commencèrent à être chassés de leurs sièges, sur lesquels on plaçait les disciples d’Arius, comme le déplore saint Athanase (Hist. Arian. ad Monach., n. 4), on fut forcé, par la nécessité même des temps, de permettre au peuple d’assister aux élections des évêques, afin de l’exciter à défendre dans son siège l’évêque qu’il avait vu élire sous ses yeux. » Il est vrai que cette coutume fut quelque temps en vigueur dans l’Église ; mais comme elle donnait lieu à des désordres continuels, à des tumultes et à d’autres abus, il fallait l’en écarter et se passer du témoignage et du désir du peuple sur la personne à élire. En effet, comme le fait remarquer saint Jérôme [34], « parfois le jugement du peuple et du vulgaire s’égare, et parmi les prêtres qui doivent être approuvés, chacun suit ses propres inclinations, de sorte que c’est moins un bon chef que l’on cherche qu’un chef qui ressemble à soi-même. »
27. Néanmoins, en prescrivant le mode d’élection, Nous avons laissé au synode même des évêques libre faculté de s’enquérir des qualités des candidats de la manière qu’il lui plairait, et même de provoquer le témoignage du peuple si cela lui faisait plaisir. Et ce qui le prouve, c’est que, même après Notre Constitution, ce témoignage du peuple fut demande par les prélats arméniens lorsque, il y a plus de trois ans, il s’agit d’élire un évêque pour les provinces de Sébast et Tokat, comme en font foi les actes envoyés b ce Saint-Siège. Toutefois, lorsqu’il s’agit de l’élection du patriarche, Nous n’avons pas cru et nous ne croyons pas devoir accorder une pareille faculté, soit à cause de l’éminence de sa dignité patriarcale, soit parce qu’il est placé à la tête de tous les évêques de son pays, soit enfin parce que les actes envoyés à ce Siège Apostolique indiquent clairement que les élections des patriarches d’un rite oriental quelconque ont toujours clé faites par les évêques seuls, excepté peut-être quand des circonstances particulières et extraordinaires ont exigé le contraire. C’est ce qui est arrivé, par exemple, lorsque les catholiques cherchaient à se garantir contre le pouvoir et la violence des schismatiques auxquels ils étaient soumis, et que, ayant choisi un autre patriarche, ils voulaient comme confirmer, par le fait seul de leur éloignement des schismatiques, leur véritable et sincère conversion à la foi catholique ; c’est ce qui est arrivé dans l’élection d’Abraham Pierre I.
28. Mais ce que quelques-uns ont le plus de peine à souffrir, et ce dont ils se plaignent le plus, c’est que Nous ayons réclamé pour ce Siège Apostolique le droit et le pouvoir d’élire l’évêque parmi les trois candidats, et que Nous ayons défendu l’intronisation du patriarche élu avant qu’il ait été confirmé par le Pontife romain. À propos de quoi ils Nous opposent les coutumes de leurs églises et les canons, comme si Nous Nous étions écarté de l’observance des saints canons. On pourrait à bon droit leur répondre par les paroles de saint Gélase, Notre prédécesseur [35], qui eut à souffrir la même calomnie de la part des Acaciens schismatiques : « Ils nous objectent les canons, disait-il, ce qui prouve qu’ils ne savent pas ce qu’ils disent, car par le fait seul qu’ils refusent d’obéir au premier siège qui leur conseille des choses justes et sensées, ils montrent qu’ils attaquent ces canons. » Ce sont en effet les canons eux-mêmes qui reconnaissent la pleine autorité divine de saint Pierre sur l’Eglise tout entière, et qui proclament, comme il est dit dans le concile d’Ephèse [36], que saint Pierre, jusqu’à présent et toujours, vit et gouverne dans ses successeurs. Ce fut donc à juste litre que Étienne, évêque de Larissa, put répondre hardiment à ceux qui s’imaginaient que l’intervention du Pontife romain diminuait, jusqu’à un certain point, les privilèges des églises de la ville royale de Constantinople : « L’autorité du Siège apostolique qui a été donnée au prince des apôtres par notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ est supérieure à tous les privilèges des saintes églises, et toutes les églises du monde reposent sur cette autorité qu’elles reconnaissent [37]. »
29. Certainement, si vous rappelez à votre souvenir l’histoire de votre pays, vous y verrez que les exemples de Pontifes romains usant d’un tel pouvoir, lorsqu’ils en ont jugé l’exercice nécessaire pour sauvegarder les églises orientales ne manquent pas. C’est ainsi que le Pontife romain Agapet, de sa propre autorité, chassa Anthime du siège de Constantinople et lui substitua Mennas, sans avoir réuni aucun synode. C’est ainsi encore que Martin Ier, Notre prédécesseur, confia ses pouvoirs, pour les pays orientaux, à Jean, évêque de Philadelphie, et, comme il dit lui-même [38] : En vertu de l’autorité apostolique qui nous a été donnée de Dieu par saint Pierre, le prince des Apôtres, ordonna au même évêque de constituer des évêques, des prêtres et des diacres dans toutes les villes des provinces soumises soit au siège de Jérusalem, soit à celui d’Antioche. Et s’il vous plaît de vous reporter à des époques plus récentes, vous trouverez que l’évêque des Arméniens de Mardin a été élu et consacré de par l’autorité de ce Siège Apostolique. Enfin nos prédécesseurs confièrent ce soin des églises aux patriarches de Cilicie, en leur attribuant l’administration du pays de Mésopotamie pour tout le temps qu’il plairait au Saint-Siège. Or, tout cela est parfaitement conforme au pouvoir du suprême Siège romain, pouvoir que l’Église des Arméniens, si l’on excepte la déplorable époque du schisme, a toujours reconnu, proclamé et respecté. Et en cela il n’y a rien d’étonnant, lorsqu’on voit ceux mêmes d’entre vos concitoyens qui sont encore éloignés de la foi catholique conserver dans sa pleine vigueur l’antique tradition de ce grand évêque et martyr, en qui vous êtes justement fiers d’admirer l’illuminateur de votre nation, que Chrysostome [39] appelait un soleil levant sur les contrées de l’Orient, et dont les rayons étincelants pénètrent jusque chez les Grecs ; quand on les voit, disons-nous, conserver la tradition que ce grand évêque et martyr avait reçu son autorité du Siège Apostolique, auprès duquel il n’hésita pas à se rendre sans se laisser aucunement effrayer par les difficultés d’un long et pénible voyage.
30. Ce sont donc ces motifs très-graves, longuement et mûrement pesés, comme Dieu en est témoin, qui Nous ont poussé, après avoir examiné les faits anciens et récents, à en venir enfin à ces déterminations, et cela sans y être excité par d’autres, mais de notre propre mouvement et en pleine connaissance de cause. En effet, chacun comprend aisément que de la régulière élection des évêques dépend le bonheur éternel des peuples, parfois même leur félicité temporelle ; et c’est pour cette raison qu’ayant surtout égard aux circonstances de temps et de lieu, nous avons dû veiller à ce que le pouvoir d’instituer de saints évêques fût rendu tout entier au Siège Apostolique d’où il procède. Toutefois, nous avons cru devoir tempérer l’exercice de ce pouvoir de telle sorte que Nous avons non seulement conservé au synode des évêques le droit d’élire le patriarche, mais Nous lui avons encore accordé celui de Nous proposer trois candidats propres à occuper les sièges vacants, comme Nous l’avons établi dans notre Constitution dont Nous avons parlé plus haut.
31. Bien plus, afin d’exciter le zèle des nonchalants et de stimuler encore ceux qui sont déjà sur la bonne voie, Nous avons déclaré que Nous espérions qu’on Nous proposerait des sujets vraiment convenables et tout à fait dignes d’une si grande charge, de sorte que Nous ne fussions jamais forcé de nommer au siège vacant une personne prise en dehors des candidats proposés. C’est du reste ce que Nous avions déjà fait remarquer dans la méthode établie par Nous en 1853 [40]. Or, Nous avons appris que plusieurs ont saisi dans ces paroles, d’ailleurs très simples, une occasion de soupçonner que la proposition faite par les évêques réunis en synode ne fût illusoire et de nulle valeur à Nos yeux. D’autres sont allés plus loin et ont pensé que ces paroles cachaient le dessein de confier à des évêques latins le gouvernement des Arméniens. En vérité, des accusations aussi ineptes ne méritent aucune réponse, car ceux-là seuls ont pu Nous accuser, qui se sont égarés dans leurs vaines pensées, et qui se sont effrayés lorsqu’il n’y avait rien à craindre. Quant à Notre droit de choisir un sujet en dehors des trois candidats proposés, Nous n’avons pas cru devoir le passer sous silence, afin que dans l’avenir le Siège Apostolique ne fût jamais forcé de recourir à l’exercice de ce droit. Du reste, n’en aurions-Nous pas parlé, que ce droit et ce devoir seraient restés dans toute leur intégrité à la chaire de Saint-Pierre. En effet, les droits et les privilèges accordés à cette chaire par Jésus-Christ lui-même peuvent être attaqués, mais ne sauraient jamais lui être enlevés, et il n’est pas au pouvoir d’un homme de renoncer à un droit divin qu’il peut être parfois obligé d’exercer par la volonté de Dieu même.
32. Du reste, bien que ces prescriptions aient été imposées il y a déjà bientôt vingt ans, et que plusieurs fois il ait été question d’élire des évêques, il ne Nous est jamais arrivé de Nous servir de ce pouvoir, pas même lorsque, à une époque plus récente et après la publication de la Constitution Reversurus, Nous avons une fois reçu une liste de trois candidats, parmi lesquels il nous a été impossible de choisir un évêque. Dans cette circonstance, plutôt que de nommer une personne en dehors de ces trois candidats, Nous avons ordonné au synode des évêques de renouveler la liste d’après les règles par Nous prescrites ; et si ce renouvellement n’a pas encore eu lieu, c’est au schisme qui commença alors à déchirer l’Église des Arméniens qu’on doit en attribuer la cause. Mais Nous espérons bien que les temps, pour les églises catholiques arméniennes, ne seront jamais malheureux à ce point que les Pontifes romains soient forcés de nommer à leurs sièges des candidats non proposés par le synode des évêques.
33. Il convient d’ajouter quelques réflexions sur la défense d’introniser les patriarches avant que leur élection n’ait été confirmée par ce Siège Apostolique. Les documents les plus anciens attestent que jamais l’élection des patriarches n’a été tenue pour valide et ratifiée sans le consentement et la confirmation du Pontife romain, d’où il suit que cette confirmation a toujours été demandée avec prière, même de la part des empereurs, par ceux qui avaient été élus à un siège patriarcal. Ainsi, sans recourir à d’autres exemples dans une question si connue, Nous rappellerons Anatole, évoque de Constantinople, qui était certainement loin d’avoir bien mérité du Siège Apostolique ; bien plus, Photius lui-même, le premier auteur du schisme grec ; ces deux patriarches sollicitèrent du Pontife romain la confirmation de leur élection, employant pour cela l’intervention des empereurs Théodore, Michel et Basile. Les pères de Chalcédoine [41], au contraire, voulurent maintenir sur son siège Maxime, évêque de Chalcédoine, bien qu’ils eussent déclaré nuls tous les actes du synode, ou plutôt du brigandage d’Ephèse, dans lequel ce même Maxime avait été substitué à Domnus. Et pourquoi ? Parce que « le saint et bienheureux Pape qui confirma l’épiscopat du saint et vénérable Maxime avait assez montré, par son juste jugement, qu’il avait approuvé le mérite de Maxime. »
34. Que s’il s’agit des patriarches de ces églises qui, à des époques plus récentes, sont rentrés dans l’unité catholique après avoir abjuré le schisme, vous n’en trouverez aucun qui n’ait demandé la confirmation du Pontife romain. El les mêmes pontifes romains les ont tous confirmés par leurs lettres, de telle sorte que, par le même acte, ils les instituaient et les plaçaient à la tête de leurs églises. Il est arrivé, sans doute, que les patriarches élus exerçaient leur autorité avant d’avoir été confirmés par le Souverain Pontife ; mais ce n’était que par suite d’une tolérance du Saint-Siège motivée par l’éloignement de ces contrées, les périls de la route et les malheurs dont ils étaient souvent menacés par la tyrannie des schismatiques du même rite. Une pareille faveur, du reste, a été accordée par dispense en Occident à ceux qui étaient très-éloignés, en vue de l’utilité des églises, et de la nécessité où elles se trouvaient [42]. Mais il est juste aussi de remarquer que les causes de cette tolérance ont cessé d’exister depuis que les voyages n’offrent plus de difficultés et que les catholiques, grâce à la bienveillance du très-haut empereur ottoman, ont été soustraits au pouvoir civil des schismatiques. Et d’abord, il n’est personne qui ne voie qu’une telle prescription pourvoit avec plus de sûreté à la conservation de la foi, qui pourrait être troublée au gré de celui qui, indigne de remplir une si haute charge, s’emparerait du siège patriarcal avant d’avoir été confirmé par l’autorité du Siège Apostolique ; et puis tout le monde doit reconnaître que cette prescription empêche les occasions des troubles qui pourraient s’élever si le patriarche élu devait abandonner son siège après avoir été rejeté par le Siège Apostolique.
35. Certainement, si l’on veut examiner avec attention les choses en elles-mêmes, on verra à l’évidence que toutes les prescriptions de Notre Constitution tendent à la conservation et à l’accroissement de la foi catholique, aussi bien qu’à la défense de la vraie liberté de l’Église et de l’autorité des évêques ; autorité dont les droits et les privilèges que la fermeté du Siège Apostolique consolide, affermit et appuie, ont toujours été vigoureusement défendus par les Pontifes romains contre les hérétiques et les ambitieux, sur les instances des évêques de tout rang, de toute nation et de tout rite.
36. Quant aux droits qu’on appelle nationaux, Nous n’avons pas besoin de Nous étendre beaucoup pour y répondre. En effet, s’il s’agit seulement des droits civils, Nous dirons qu’ils sont soumis au pouvoir du souverain, auquel il appartient d’en juger et d’en décider selon qu’il le croira plus convenable pour le bien de ses sujets. Si, au contraire, par droits nationaux on entend les droits ecclésiastiques, Nous répondrons alors que personne ne peut ignorer que jamais les catholiques n’ont reconnu aux nations ou aux peuples aucun droit sur l’Eglise. Dieu les a toutefois si bien réunis dans l’unité de son nom, sous la conduite de celui qu’il a placé à la tête de son Église, saint Pierre, le pasteur suprême et le prince des Apôtres, qu’il n’y a plus désormais, comme le disait l’Apôtre, de Gentils ni de Juifs, de Barbares ni de Scythes, d’esclaves ni d’hommes libres ; il n’y a plus que le Christ qui est tout en tous [43], Il résulte de là que le corps tout entier de l’Église étant compacte et parfaitement uni, tout accroissement d’alimentation opéré suivant la grâce produit une augmentation du corps en rapport avec la grandeur de chaque membre pour son édification dans la charité [44]. En effet, le Seigneur non seulement n’a donné aux peuples et aux nations aucun pouvoir sur l’Église, mais il leur a enjoint de croire [45] aux apôtres chargés de les instruire. De là vient que saint Pierre lui-même déclara publiquement, en présence des Apôtres et des anciens assemblés, que Dieu l’avait choisi afin que les nations reçussent par sa bouche l’enseignement de l’Évangile et y crussent (Act., xv, 7.).
37. En outre, on Nous accuse d’avoir violé les droits du très-haut empereur Ottoman. C’est une calomnie trop vulgaire et déjà usée par suite du long emploi qu’en ont fait les hérétiques. En effet, cette calomnie, inventée d’abord par les Juifs contre Jésus-Christ, et employée par les païens auprès des empereurs romains, les hérétiques s’en emparèrent bientôt, et s’en servirent très-souvent auprès des princes catholiques eux-mêmes, et plût à Dieu qu’ils ne s’en servissent plus maintenant ! Aussi saint Jérôme [46] a‑t-il dit que « les hérétiques ont coutume de flatter le haut pouvoir royal, et cela afin d’imputer aux rois leur propre orgueil et pour que le roi paraisse avoir fait ce qu’ils ont fait eux-mêmes. Ils accusent, dit-il, auprès de lui les saints et les prédicateurs de la loi, et ordonnent aux docteurs de ne point prêcher en Israël, pour ne pas aller contre la volonté du roi, parce que Béthel, c’est-à-dire la maison de Dieu, et une fausse église est la sanctification du roi et la maison du royaume. » Le silence et le mépris seraient plus que suffisants pour anéantir des calomnies aussi impudentes, tant elles sont contraires aux enseignements de la foi catholique, à Notre caractère et à Nos habitudes. Mais Nous devons aussi penser aux simples et aux ignorants, et faire en sorte qu’ils n’éprouvent de dommage en pensant mal et défavorablement de Nous et du Siège Apostolique, par suite des sarcasmes des méchants « qui, tout en accusant les autres, ne travaillent qu’à procurer des appuis à leurs propres vices [47]. »
38. La doctrine de l’Église catholique, reçue de Jésus-Christ même et enseignée par les Apôtres, est donc qu’il faut rendre à César ce qui est à César, mais aussi à Dieu ce qui est à Dieu : c’est pourquoi Nos prédécesseurs n’ont jamais négligé d’inculquer, quand il en fut besoin, la fidélité et l’obéissance dues aux princes. D’où il faut conclure que l’administration des affaires civiles appartient à l’empereur, et que les affaires ecclésiastiques regardent exclusivement les prêtres. Or, parmi les affaires ecclésiastiques il faut compter tout ce qui est nécessaire à l’établissement et au maintien de ce qu’on appelle la discipline extérieure de l’Église ; et ce serait une hérésie, ainsi que l’a déjà défini Notre prédécesseur Pie VI, d’heureuse mémoire, de soutenir que l’usage de ce pouvoir reçu de Dieu est un abus de l’autorité de l’Église [48]. Le Siège Apostolique s’est toujours donné beaucoup de peine pour conserver cette distinction des pouvoirs dans toute son intégrité ; et tous les plus saints prélats ont ouvertement blâmé l’immixtion des princes séculiers dans les affaires ecclésiastiques ; immixtion que saint Athanase [49] appelait un spectacle nouveau et une invention de l’hérésie arienne, et qui fut toujours réprimée par les plus saints prélats, parmi lesquels il suffira de rappeler les noms de Basile de Césarée, Grégoire le théologien, Jean Chrysostome et Jean Damascène. Ce dernier affirmait hautement [50] que « personne ne pourra jamais se persuader que l’Église est administrée par les décrets des empereurs ; elle est au contraire gouvernée par les régies des Pères, qu’elles soient écrites ou non. » C’est pourquoi les Pères du concile œcuménique de Calcédoine [51], dans la cause de Photius, évêque de Tyr, proclamèrent hautement en présence des ministres de l’empereur, qui y donnèrent leur assentiment, que « contre les règles ecclésiastiques aucune pragmatique (c’est-à-dire aucun droit impérial) ne prévaudra, mais que les canons des pères devront conserver toute leur vigueur. » Ces mêmes ministres ayant ensuite demandé « si le saint concile voulait que cette disposition fût appliquée à toutes les pragmatiques qui avaient été faites au détriment des canons, tous les évêques répondirent : « Que toutes les pragmatiques cessent ; que les canons conservent leur vigueur ; telle est la ligne de conduite que vous devez suivre. »
39. On Nous accuse d’avoir violé les droits de l’empereur sur deux points : d’abord lorsque Nous avons déterminé les règles à suivre dans l’élection et l’institution des saints prélats, puis lorsque Nous avons défendu au patriarche d’aliéner les biens ecclésiastiques sans avoir consulté auparavant le Siège Apostolique.
40. Et pourtant, que peut-on dire qui rentre plus dans l’ordre des choses ecclésiastiques que les élections des évêques ? Nous ne lisons nulle part dans les saintes lettres que ces élections aient été soumises à la décision des princes ou du peuple. Nous lisons au contraire que les Pères de l’Église, les conciles œcuméniques, les constitutions apostoliques ont toujours reconnu et défini qu’elles relevaient de l’autorité ecclésiastique. Si donc, quand il s’agit de l’institution d’un pasteur ecclésiastique, le Siège Apostolique détermine les régies à suivre dans ces mêmes élections, comment peut-on l’accuser d’avoir violé les droits du très-haut empereur, puisqu’il exerce les droits, non d’une autorité, mais ceux de la sienne propre ? Sans doute, l’autorité de l’évêque sur le peuple qui lui est confié est grande et vénérable ; mais le pouvoir civil n’en a rien à craindre, car il trouvera toujours dans un évêque, non un ennemi, mais un défenseur des droits légitimes du prince. Que si, par un effet de la faiblesse humaine, il pouvait en arriver autrement, le Siège apostolique lui-même ne manquerait pas de sévir contre l’évêque qui réellement refuserait au prince légitime la fidélité et la soumission qui lui sont dues. Et il n’y a pas à craindre qu’un ennemi du prince légitime puisse se glisser jusqu’à la dignité épiscopale. En effet, conformément aux lois de l’Eglise, on a coutume de faire une longue et minutieuse enquête sur ceux qui doivent être promus à l’épiscopat, afin qu’ils soient reconnus doués des vertus que l’Apôtre requiert en eux. Or, celui-là serait certes loin d’être doué de ces vertus, que l’enquête ferait connaître comme un homme qui n’accomplirait pas le précepte du bienheureux Pierre [52] : « Soyez soumis à toute créature humaine à cause de Dieu, nous dit le prince des Apôtres ; soyez soumis, soit au roi comme étant à la tête, soit aux autres chefs comme étant envoyés par lui pour le châtiment des méchants et la gloire des bons. Soyez aussi soumis, parce que telle est la volonté de Dieu, afin que, en faisant le bien, vous réduisiez au silence l’ignorance des hommes imprudents ; soyez soumis comme des hommes libres, et non point comme des hommes qui se font de la liberté un masque d’iniquité, mais comme des serviteurs de Dieu. »
41. Mais si, comme il a paru utile au premier conquérant ottoman de Constantinople et à ses successeurs, on trouve bon de confier aussi aux évêques et aux autres membres du clergé une charge et une administration civile, ce n’est pas une raison pour que la pleine et entière puissance de l’Église dans leur élection puisse être amoindrie. En effet, il serait absolument inconvenant que les choses du ciel dussent céder le pas et être assujetties aux choses de la terre, et les choses spirituelles aux temporelles. Du reste, il serait toujours au plein pouvoir du très-haut empereur, si jamais il le croyait utile, de confier à un autre la charge et la puissance civiles, sans que pour cela les évêques catholiques cessassent de conserver dans toute sa plénitude et liberté l’exercice de l’autorité ecclésiastique. Du reste, on sait très-bien que ce fait s’est présenté plusieurs fois, et notamment à l’occasion du firman spécial du très-haut empereur ottoman en 1857.
42. Tout cela a déjà été exposé officiellement, en Notre nom et par Notre ordre, à la Sublime Porte ottomane par Notre vénérable Frère l’archevêque de Thessalonique, quand il remplissait les fonctions de Légat extraordinaire à Constantinople. Il est donc évident que Nos adversaires doivent s’abstenir de répéter sans cesse ces vieilles calomnies, s’ils ne veulent passer pour des ennemis systématiques, et pour des gens qui s’intéressent plus à un parti qu’à la vérité.
43. Nous avons d’ailleurs été profondément étonné quand Nous avons appris qu’à propos du rétablissement et de la confirmation de la loi sur l’aliénation des biens ecclésiastiques on Nous accusait de vouloir non seulement usurper les droits impériaux, mais encore revendiquer pour Nous les biens des églises arméniennes. Les biens ecclésiastiques appartiennent aux églises et sont sous leur dépendance, absolument comme les biens civils appartiennent aux citoyens. C’est là un principe que la seule raison naturelle suggère à chacun, bien plus que les canons ne Vont établi. Dans les premiers siècles de l’Église, l’administration dé ces biens était laissée à la discrétion et à la conscience des évêques ; mais plus tard les conciles eurent soin de régler par leurs décrets cette administration, et ils publièrent des lois qui déterminaient la manière dont ces biens devaient être administrés et les raisons pour lesquelles on devait en permettre l’aliénation. De cette manière l’ancien pouvoir des évêques fut circonscrit et remis au prudent jugement des synodes, ou parfois à celui des prélats supérieurs. Mais soit à cause de la célébration peu fréquente des conciles, soit pour d’autres motifs, il semblait qu’on n’eût pas encore assez pourvu à la sûreté des biens ecclésiastiques, et l’on dut faire intervenir l’autorité du Siège Apostolique, qui prescrivit que les biens des églises ne pourraient être aliénés sans l’assentiment du Pontife romain.
44. Cette prescription de loi parut tellement grave et nécessaire pour l’intérêt de ces mêmes églises, que depuis longtemps déjà il fut établi que les élus aux églises cathédrales, métropolitaines et même patriarcales s’obligeraient, sous la religion du serment, à s’y conformer. Et que ce serment ail été prêté, par rapport aux biens de leur mense, par les patriarches mêmes du rite oriental, à peine leurs églises furent-elles revenues à la vérité et à l’unité catholique, les actes qui sont conservés dans nos archives apostoliques en font foi ; et il n’est pas un seul de ces patriarches qui n’ait promis par serment d’observer cette loi. C’est ce qu’ont fait, et c’est ce que font encore tous les jours les évêques du rite latin, à quelque pays, royaume ou république qu’ils appartiennent, sans que jamais les puissances civiles se soient plaint qu’une telle pratique violait leurs droits. Et cela se comprend bien, car par ces lois le Pontife romain n’usurpe ni ne s’arroge rien ; il s’en tient uniquement soit à définir, après en avoir délibéré, ce qu’il faut que l’évêque fasse dans l’intérêt des églises ou dans des cas particuliers, soit à déléguer à l’évêque lui-même le pouvoir de décider là-dessus ; et le Pontife romain en agit comme un père de famille penserait devoir en agir avec ses enfants. Mais si, tandis que les patriarches étaient déjà soumis à la loi qui leur défendait d’aliéner les biens de leur mense sans l’autorisation du Siège Apostolique, Nous avons cru devoir étendre dans Notre Constitution la même règle aux autres biens ecclésiastiques, Nous ne pensons pas que ceux qui veulent juger avec droiture puissent Nous soupçonner d’avoir donné cette prescription sans y être poussé par de très-graves raisons, dont Nous savions fort bien qu’il Nous faudrait rendre compte à Dieu. Qu’il suffise de savoir, et tout homme sage le comprendra sans peine, que bien loin d’avoir porté un préjudice aux droits légitimes de personne, Notre Constitution a pourvu avec plus de sûreté et d’efficacité aux intérêts des églises et à la conservation de leurs biens.
45. On dit que les droits du très-haut empereur ont été lésés par Nos décrets ; comment cela ? Nous avouons franchement ne pas le comprendre du tout. Non seulement Nous n’avons pas voulu violer ces droits, mais Nous n’avons pas même cru qu’il fût possible de le faire, car si l’on ne peut dire que la puissance dont jouissent les patriarches et les évêques dans l’empire ottoman relativement à l’administration des biens ecclésiastiques, est contraire aux droits du haut empereur, on ne peut le dire davantage de la puissance que le Saint-Siège fait valoir sur ces mêmes biens suivant son devoir et son droit, lorsqu’il détermine, par l’intervention même de son autorité, la manière dont les prélats des églises doivent user de leur puissance, afin que ce soit pour l’édification et non pour la destruction. Il est évident que Nous avons pourvu, de cette manière, à la conservation de ces mêmes biens, et que Nos prescriptions seront d’une très-grande utilité aux Églises catholiques qui sont établies dans l’Orient. Tout lé monde reconnaîtra cette vérité dès que les discussions se seront calmées, et ceux qui viendront après Nous éprouveront les avantages de ces lois, si elles sont religieusement observées. Or, comme le haut empereur ottoman a assuré, par ses décrets, la liberté des églises catholiques, et nous a signifié avec beaucoup de bonté qu’il les prenait sous sa protection, Nous ne doutons nullement qu’après un examen approfondi de l’état de la question, et après avoir repoussé les calomnies accumulées par Nos adversaires, il ne finisse plutôt par se réjouir que par se plaindre des mesures qui tourneront évidemment à l’utilité de ces mêmes églises.
46. Une invention non moins calomnieuse, c’est celle imaginée par certains hommes des temps modernes, et accueillie aussitôt par les dissidents orientaux, qui n’ont pas rougi de représenter le Pontife romain, en tant que Vicaire de Jésus-Christ, comme une autorité étrangère, qui s’introduit dans le gouvernement intérieur des États et des nations, ce qu’il faut absolument empêcher, disent-ils, afin que les droits du haut empereur soient maintenus dans toute leur intégrité, et que toute entrée soit fermée aux envahissements que les autres princes pourraient se permettre, excités par un tel exemple.
47. Mais il est facile de comprendre combien ces suppositions sont fausses, et combien elles sont contraires au bon sens et à. l’organisation divine de l’Eglise catholique. Et tout d’abord, il est faux que les Pontifes romains se soient écartés des limites de leur puissance ou introduits dans l’administration civile des États, et qu’ils aient usurpé les droits des princes. Si on ne craint pas de lancer de pareilles calomnies contre les Pontifes romains, parce qu’ils statuent sur les élections des évêques et des ministres sacrés de l’Église, sur leurs causes et sur toutes les autres affaires concernant la discipline ecclésiastique, même celle qu’on appelle discipline extérieure, on doit nécessairement en conclure, ou que ceux qui tiennent un pareil langage ne connaissent point l’organisation divine, c’est-à-dire immuable de l’Église catholique, ou bien qu’ils la rejettent. Or, cette organisation a toujours été stable, et le sera toujours ; et l’on ne peut exiger en aucune façon qu’elle soit sujette à des changements, dans les pays surtout où la liberté et la sécurité nécessaires à l’Église catholique ont été assurés par les décrets impériaux du Prince souverain. Mais c’est un dogme de la foi catholique que l’Église est une et que le Pontife romain est son chef en même temps que le père et le docteur de tous les chrétiens. On ne peut donc pas dire qu’il soit un étranger pour aucun des chrétiens, ni pour aucune des églises particulières des chrétiens, à moins toutefois que l’on ne veuille soutenir que le chef est étranger aux membres, le père à ses enfants, le maître à ses disciples et le pasteur à son troupeau.
48. Du reste, ceux qui ne craignent pas d’appeler le Siège Apostolique une puissance étrangère déchirent l’unité de l’église en parlant de la sorte, ou fournissent au moins un prétexte pour la déchirer, puisqu’ils dénient par un tel langage au successeur de saint Pierre le titre et les droits de Pasteur universel. Ils manquent donc par là à la fidélité qu’ils doivent à l’Église catholique, s’ils sont au nombre de ses enfants, où ils portent atteinte à la liberté qui lui est nécessaire, s’ils n’en font pas partie, car Notre-Seigneur Jésus-Christ a manifestement enseigné (Joan. x. 5.) que les brebis doivent connaître et entendre la voix du Pasteur et le suivre, tandis qu’elles doivent s’éloigner de l’étranger, parce qu’elles ne doivent pas connaître la voix des étrangers. Si donc le Souverain Pontife est appelé un étranger pour quelque église particulière, celle-ci sera, par conséquent, une étrangère pour le Siège Apostolique, c’est-à-dire pour l’Église catholique qui est une, et qui seule a été fondée sur Pierre par la parole du Seigneur. Quiconque la sépare de ce fondement ne conserve plus l’Église divine et catholique, mais s’efforce de faire une église humaine [53]. Or une telle église, unie seulement par les liens humains, qu’on appelle liens de nationalité, ne serait point unie par le lien des prêtres fermement attaches à la chaire de Pierre, ne serait point affermie par la solidité de cette même chaire et n’appartiendrait pas à l’unité parfaite et universelle de l’Église catholique.
49. Nous avons cru, Vénérables Frères et chers Fils, qu’il était de Notre devoir, dans l’état actuel des choses, de vous écrire toutes ces considérations, à vous qui avez reçu en partage la même foi que Nous dans la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus-Christ, afin de confirmer encore la sincérité de votre esprit par de tels enseignements. Vous voyez, en effet, se vérifier au milieu de vous ce que les saints Apôtres de Dieu avaient depuis longtemps prédit, c’est-à-dire que dans les derniers temps, des hommes viendraient et produiraient l’illusion par leurs tromperies en marchant selon leurs propres concupiscences. Veillez donc à ne point quitter l’Évangile qui vous a appelés dans la grâce de Jésus-Christ pour un autre ; et cet autre évangile, ce sont ces hommes qui vous troublent et veulent changer l’Évangile du Christ. Oui, vraiment, ceux-là veulent changer l’Évangile du Christ, qui s’efforcent d’écarter le fondement que Jésus-Christ lui-même a donné à son Église, et qui nient ou suppriment le soin universel de paître les brebis et les agneaux confiés à Pierre dans l’Évangile. Il est vrai, « Dieu permet et souffre ces choses [54], tout en laissant à chacun le libre usage de sa volonté, afin que, tandis que le péril de la vérité éprouve vos cœurs et vos esprits, la foi, que vous avez conservée intacte au milieu des épreuves, brille d’une lumière éclatante. » Toutefois, vous devez suivre le précepte de l’Apôtre et éviter ceux qui s’enfoncent tous les jours dans le mal ; vous ne devez admettre sous aucun prétexte dans votre société nul de ceux qui communiquent avec de tels hommes, comme vous avez noblement et constamment fait jusqu’ici, afin de conserver pure et sans tache la foi catholique dans vos cœurs.
50. « Mais que personne n’essaie de vous circonvenir, comme le faisaient les anciens schismatiques [55], en vous disant qu’il ne s’agit pas de religion, mais de coutumes, ou bien que le Siège Apostolique ne prétend nullement défendre la cause de la communion ou de la foi catholique, mais qu’il se plaint comme d’une injure de ce qu’il a paru avoir été méprisé par eux, car il n’est que trop vrai que ceux qui sont dans l’erreur ne cessent de répandre de tels propos et autres semblables, afin de tromper les simples. » Mais il est désormais prouvé jusqu’à l’évidence, d’après les déclarations et les écrits des dissidents lancés dans le public, que c’est la primauté de juridiction, accordée par Notre-Seigneur Jésus-Christ à ce Siège Apostolique dans la personne de Pierre, qu’ils attaquent ouvertement, puisqu’ils lui nient le droit d’exercer cette juridiction sur les églises du rit oriental. C’est là une erreur manifeste, à laquelle Notre Constitution mentionnée plus haut a pu fournir une occasion ou un prétexte pour des esprits turbulents et ignorants, mais dont elle n’a pu et ne peut être la véritable cause. « Le Siège Apostolique ne se plaint pas d’une injure [56], mais il défend la foi, la communion sincère ; et cela est tellement vrai que si tous ceux qui ont paru s’être pris à le mépriser reviennent avec un cœur vraiment repenti à l’intégrité de la foi et de la communion catholique, le Pontife romain les accueillera comme ont coutume de faire les pères à l’égard de leurs enfants, avec toute la tendresse dont son cœur est capable, et avec une pleine et entière charité. » Afin donc que Dieu, plein de miséricorde, daigne nous accorder cette faveur, de Notre côté, Nous lui adressons depuis longtemps de ferventes prières dans toute l’humilité de Notre cœur, et Nous désirons et Nous voulons que de votre côté vous en fassiez autant.
51. Du reste, Vénérables Frères et chers Fils, ranimez votre confiance dans le Seigneur et dans la puissance de sa vertu : revêtez-vous de l’armure de Dieu, afin que vous puissiez résister dans les jours de malheur en vous couvrant toujours du bouclier de la foi, et n’attachez pas plus de prix à votre vie qu’à vous-mêmes. Souvenez-vous de vos ancêtres qui ne craignirent pas de souffrir l’exil, la prison et la mort même, afin de conserver pour eux et pour vous le remarquable don de la vraie foi catholique. Ils savaient bien, en effet, qu’il ne faut pas craindre ceux qui tuent le corps, mais celui-là seul qui peut perdre notre corps et notre âme en nous livrant au feu éternel. Faites donc reposer en Dieu toute votre sollicitude, car c’est lui qui a soin de vous : il ne permettra pas que vous soyez tentés au-dessus de vos forces, mais il vous enverra le secours de sa grâce au moment de la tentation, afin que vous puissiez la surmonter. Vous vous réjouirez un jour, quoiqu’il faille aujourd’hui que vous soyez un peu tristes au milieu des différentes tentations, pour qu’au jour de la révélation de Jésus-Christ l’épreuve de votre foi, bien plus précieuse que l’or qui est éprouvé lui-même par le feu, soit trouvée digne de louange, de gloire et d’honneur. Enfin, au nom de ce même Dieu, Notre Sauveur, Nous vous supplions de parler et d’agir tous avec ensemble, de vous trouver en parfaite communauté de sentiments et d’opinions, et de garder avec la plus grande sollicitude l’union de foi dans le lien de la paix. Que cette paix de Dieu, qui surpasse tout ce que nous pouvons concevoir, garde vos cœurs et vos intelligences en Jésus-Christ Notre-Seigneur, au nom et par l’autorité de qui Nous vous donnons de toute l’affection dont Nous sommes capable, à vous, Vénérables Frères et chers Fils, qui persévérez dans la communion et l’obéissance du Saint-Siège, notre bénédiction apostolique.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 6 janvier 1873, et la vingt-septième année de Notre Pontificat.
PIE IX, PAPE.
Source : Discours de Très Saint-Père le Pape Pie IX, tome II, p. 412, Librairie Adrien Le Clere, 1875
- In suprema, 6 janvier 1848.[↩]
- Matth., xxiv, 5.[↩]
- Lib. De unit., n. 3.[↩]
- Comment. in Isaie, cap. xix, 12, 13.[↩]
- S. Iren., lib. 3, Contra hæres., cap. iii.[↩]
- S. Cypr., lib. De unit.[↩]
- Conc. Aquilei et S. Ambr., ép. xi, ad Imperatores.[↩]
- Labb. Collect. Concil. et Ven., t. VII, col. 1279.[↩]
- Labb. Coll. Conc. Ed. Ven., I, VII, col. 1279.[↩]
- Epist. ad Petrum illustrem, Coll. Conc. V. VI, col. 1520.[↩]
- Libell. Joann., Episc. Constantinopolitani ad S. S. Hormisdam, Conc. œcum., VIII, art. 1.[↩]
- S. Gelas., ad Episc. Dardaniæ, ep. 26.[↩]
- Const., Unigenitus, prop. 91, 92,93.[↩]
- Hom. xxvi, in Evang., § 5.[↩]
- Epist. 3, ad Euphem., n. 15.[↩]
- S. Célestin., Pp.. ad Episc. Apul. et Calabr., n. 3.[↩]
- S. Cyprian., ep. 66, ad Flor. Pupianum, n. 8.[↩]
- Quod aliquantum 10 martii 1791.[↩]
- S. Hieronim., in ep. ad Tit.. c. 3, v. 10, 11.[↩]
- Pius VI, in Brev., Super soliditate, 28 nov. 1786.[↩]
- S. Leo Serm. 3 in arm. assumpt. suæ.[↩]
- Greg. M. lib. 7, ep. 10 ad Eulog. Ep. Alexandr.[↩]
- Anatol. ad S. Leon., ep. 132, n. 4.[↩]
- Marcian ad S. Leon., ep. 100.[↩]
- S. Gelas., epist. 12 ad Anastasima Augustum, n. 1.[↩]
- S. Athanas., in Hist. Arianor. ad Monach., n. 35.[↩]
- Encycl. S. C. de Prop. Fide, 6 julii 1803.[↩]
- Greg. XVI, epist. litt. Melchitarum catholicorum, 16 septembris 1835.[↩]
- Apostolicis litteris Quod jamdiu, 6 julii 1830.[↩]
- Apost. litt. Universi Dominici gregis, 30 aprilis 1850.[↩]
- Ephes., iv, 17,18.[↩]
- Proverb., xxiii, 7.[↩]
- Pius VI, apost, litt. contr. civil. cleri constit., 10 mart. 1791.[↩]
- Lib. I, advers. Jovinian., n. 34.[↩]
- In Commonit. ad Faustum, n. 5.[↩]
- Œcum. Syn. Ephesin., act. 3.[↩]
- Steph. Lariss. Episc. in Libell. oblat. Bonif. II, et Rom. Syn. an. 531.[↩]
- Epist. ad Joan. Philadelph. Labbe, Collect. Concil. ed. Venet., t. VII, col. 22.[↩]
- Encom. S. Greg. Armenor. Illumin. ex homiliar. Armen. in oper. S. Joan. Chrysost. Parisiis, 1864, t. XII, coll. 943.[↩]
- Instruct. Licet, 20 augusti 1853.[↩]
- Concil. Chalcedon., act. x.[↩]
- Conc. Lat. IV. can. 26.[↩]
- Coloss., iii, 11.[↩]
- Eph. iv, 16.[↩]
- Matth., xxviii, 19.[↩]
- Comment. in Amos, cap. vii, 10, 11.[↩]
- Greg. Naz., Oral. 43 in laud. S. Basil., n. 68.[↩]
- Const., Auctorem fidei, propos. 4.[↩]
- Hist. Arianor. ad Monach., n. 52.[↩]
- Orat. 2 De Sacr. imaginib., n. 16.[↩]
- Conc. Chalced., action, iv.[↩]
- I Petr. ii, 13.[↩]
- S. Cyprian., epist. ad Antoniam, n. 24.[↩]
- S. Cypr., lib. De unit. Eccl., n. 10.[↩]
- S. Gelas., epist. 18 ad Episc. Dardan., n. 6.[↩]
- S. Gelas., loc. cit.[↩]