Romanité

Statue de saint Pierre, Basilique du Vatican. Source : Wikimedia Commons.

Pourquoi le chré­tien regarde vers Rome… même aujourd’hui !

Le jubi­lé pro­cla­mé par le pape, et les pèle­ri­nages orga­ni­sés à cette occa­sion sont l’occasion de pro­cla­mer l’attachement des catho­liques à Rome et au Siège de Pierre. Sans illu­sion sur la pos­si­bi­li­té – plus qu’une pos­si­bi­li­té aujourd’hui ! – que le suc­ces­seur de Pierre fasse du tort à l’Eglise.

La ques­tion se pose alors de ce qu’est la vraie roma­ni­té qui fait par­tie de l’esprit chré­tien. Mgr Lefebvre, nour­ri de cet esprit romain au Séminaire Français de Rome, le décrit en évo­quant dans son Itinéraire spi­ri­tuel les grandes familles romaines de la période des per­sé­cu­tions avec leur géné­ro­si­té jusqu’au mar­tyre, la langue latine, la litur­gie romaine, les Pères et théo­lo­giens de langue latine. A contra­rio l’aversion des héré­siarques et enne­mis de l’Eglise à l’égard de Rome est elle aus­si signi­fi­ca­tive : « en bref, les Chrétiens sont ceux qui ne sont pas Romains », ose écrire Luther au pape Léon X en octobre 1520 !

Qu’est-ce donc que la roma­ni­té ? Sans doute, elle ne consiste pas dans la connais­sance éru­dite des lettres clas­siques latines. On peut être un fils fervent de l’Eglise sans être savant ! Elle ne réside pas plus dans une dévo­tion au pape qui rende aveugle sur les désastres des réformes enga­gée depuis les années 60. « L’homme a des devoirs envers son intel­li­gence, et ces devoirs sont graves », dit le père Labourdette… Refuser de voir, c’est y man­quer gravement.

L’attachement des fidèles à Rome tient d’abord, his­to­ri­que­ment, à la pré­di­ca­tion, au mar­tyre et à la sépul­ture des Apôtres saint Pierre et saint Paul à Rome. Leur pré­di­ca­tion fonde l’autorité magis­té­rielle du Siège romain, leur sépul­ture attire la dévo­tion des fidèles. Le pri­mat dont Pierre est inves­ti fonde celui de ses suc­ces­seurs. C’est donc sur la per­sonne du Prince des Apôtres que se fonde l’attachement des cœurs chré­tiens à Rome.

Or la Sainte Ecriture tend à mon­trer Pierre comme tenant la place de Jésus : il doit paître son trou­peau (Jean 21, 15–17 « mes agneaux, mes bre­bis »), détient les clés du royaume des cieux, clés qui sont aus­si un emblème mes­sia­nique [1], et se voit impo­ser le nom de Pierre ; or être le rocher d’Israël était un titre divin dans l’Ancien Testament. Dans les Actes des Apôtres, Pierre est pré­sen­té dans des pos­tures qui rap­pellent l’Evangile : il fait se lever des para­ly­tiques [2], gué­rit de mul­tiples autres malades [3], res­sus­cite une défunte [4]. Dans l’anecdote d’Ananie et Saphire [5], son rôle évoque même celui de Dieu jugeant Adam et Eve. Regarder vers Pierre, c’est regar­der vers Jésus-​Christ et vers le Père.

Celui qui exerce l’autorité légi­time, en par­ti­cu­lier la pre­mière selon la nature, celle du père de famille, repré­sente Dieu lui-​même ; le res­pec­ter, c’est hono­rer Dieu, mal­gré les imper­fec­tions qui défi­gurent son image.

Comme le père est image de Dieu, le suc­ces­seur de Pierre repré­sente Jésus-​Christ. Aussi la roma­ni­té n’est pas autre chose que la pié­té filiale à l’égard du Siège de Pierre, en qui on recon­naît une auto­ri­té qui repré­sente celle de Dieu, comme on honore ses parents qui ont pro­lon­gé l’œuvre de Dieu pour notre exis­tence. On peut user de sa pru­dence per­son­nelle pour prendre ses dis­tances avec des parents mal­heu­reu­se­ment indignes sans ces­ser d’être leurs enfants. L’application à la situa­tion pré­sente de l’Eglise se fait de même. Et ain­si la Fraternité Saint-​Pie X peut reven­di­quer sa roma­ni­té sans contra­dic­tion. « Honorez votre père et votre mère, afin que vous viviez long­temps sur la terre que le Seigneur votre Dieu vous don­ne­ra.[6] »

Notes de bas de page
  1. Isaïe 22, 22 et Apocalypse 3, 7[]
  2. Actes 3, 6 ; 9, 34[]
  3. Actes 5, 15[]
  4. Actes 9, 40[]
  5. Actes 5[]
  6. Exode 20, 12[]