ous recevons beaucoup de visites, chaque jour. La plupart repartent convaincus. Le Cardinal de Vilnius a avoué à un de nos prêtres qu’il craignait que la plupart des fidèles ne passent chez nous. Quant à moi, je espère. Cela montre qu’il y a encore du beau travail à faire dans ce pays qui s’appelle « terra Mariana » (terre mariale). Parmi nos fidèles, un juriste, collaborateur de l’évêque du lieu, responsable de « la colline des Croix », un lieu très important de pèlerinages, à Kaunas, le rédacteur en chef de l’édition catholique la plus importante du pays « XXI Amzius » et qui nous demande de publier dans son journal. Assistent également à la Messe le président du parti politique des ex-exilés, propriétaire du prieuré, et sa femme.
Une vingtaine de prêtres est très intéressée par la Fraternité. Ils voudraient collaborer ou devenir membres. Le côté matériel reste difficile, mais les possibilités d’apostolat sont exceptionnellement favorables. J’ai l’impression que de tous côtés les portes s’ouvrent. Je n’ai pas encore pu répondre à toutes les demandes de visite.
Nous avons déménagé dans la même rue et notre nouveau propriétaire, le chef d’un parti politique chrétien et démocratique (d’après l’abbé Edmundas, c’est le parti le plus catholique du pays, prônant toujours la doctrine sociale catholique pré-conciliaire, qui compte des prêtres et des évêques) nous loue un local beaucoup plus spacieux, mieux aménagé, plus beau, pour la moitié du prix du précédent : il constate depuis l’indépendance une invasion des idées libérales lui détruisent toute morale, à travers les mass-médias. Celles-ci, aux mains des libéraux, construisent une nouvelle civilisation païenne moderne, ayant chassé et découronné N.S.J.C. Ils ont beaucoup d’argent et influencent les jeunes, dans les écoles. Les anciens, qui tiennent les traditions, meurent et c’est la dissolution naturelle de la résistance. Quant à l’Eglise, elle ne donne plus de témoignage fort et clair dans le monde. L’Eglise en Lituanie collabore avec le gouvernement et cède sur le plan des principes : l’euthanasie est acceptée. La hiérarchie se plaint que le peuple résiste et ne la suit pas. Un grand nombre de prêtres se révolte et veut organiser une résistance. Ils sont comme à l’Ouest, persécutés, humiliés, mis de côté. Les Lituaniens, quand ils vont à l’étranger, sont très choqués par la liturgie catholique ne serait-ce que la communion dans la main. La tactique des modernistes est de donner au peuple ce qu’il peut accepter et aller doucement. Mais en Lituanie, il faut aller très, très lentement, car les gens sont très conservateurs, et les libéraux vont trop vite, et perdent patience avec cette lenteur.
Le propriétaire m’apprend qu’en mettant le local en ordre pour mon arrivée, il a découvert deux micros cachés, datant du temps des communistes. L’antenne d’émission se trouve en face, sur le toit de ce bâtiment. Je lui demande de m’informer des méthodes communistes, car nous avons des missions en Russie et Biélorussie.
– Les communistes vous envoient un homme « au cour large » qui va essayer de gagner votre confiance, devenir votre ami. Ensuite, il va essayer de vous convaincre de travailler avec eux. Si vous refusez, ils vont vous observer pour trouver le point faible de votre caractère, et vous faire à nouveau des propositions « très intéressantes » : argent, femmes, situation, cela dépend de la sensibilité de la victime… Et ils vont de nouveau essayer de vous lier avec des engagements, des amitiés, des promesses, bref des liens de votre point faible.
– C’est ce que le diable fait aussi.
– C’est bien, si vous changez de temps à autre le prêtre.
Priez pour moi et pour les autres prêtres, nous sommes comme des agneaux ignorants et naïfs parmi les loups professionnels et expérimentés. Seulement l’Immaculée Conception, la Très Sainte Vierge Marie peut nous sauver des embûches et des griffes du démon.
Ceci explique peut-être la lente réaction dans le passé où le modernisme avait du mal à passer. Mais après la mort, il y a deux ans, de Mgr Sladkevicius qui a arrêté ou ralenti le mouvement progressiste, tout est allé très vite et les Lituaniens veulent maintenant réagir et trouver des mesures de sauvegarde. Voilà, pourquoi, tout à coup, se dessine ce mouvement d’intérêt pour la Fraternité.
Un séminariste de 4ème année du séminaire de Kauna, envoyé à nous par un évêque, veut rentrer chez nous, las des immoralités du séminaire, mais il voudrait ne pas tout recommencer et pouvoir sauter quelques années. S’ajoutent de nombreuses vocations : pré-séminaristes, postulants religieux, tertiaires.
Une congrégation féminine obéit au testament spirituel du Cardinal Vincentas Sladkevicius, son fondateur, décédé le 28 mai 2000 : « Quand la Fraternité Saint Pie X viendra, vous la rejoindrez. C’est d’elle que viendra la restauration de l’Eglise en Lituanie ».
Nous nous trouvons actuellement à la limite de nos possibilités d’accueil de vocations. Nous devons déjà penser à la suite car, si cela continue ainsi, ce qui est tout à fait probable, nous devrons inventer une solution efficace pour accepter ces vocations : Les faire attendre n’est pas l’idéal et il faut des prêtres pour donner une formation solide à la piété et à la doctrine. II y a aussi une grande soif des fidèles pour les Exercices de Saint Ignace, c’est ce que j’ai constaté lors un sermon sur le discernement des esprits. Nous allons organiser au plus tôt des retraites.
Un avocat s’occupe d’établir les bases juridiques de nos deux associations : une fondation pour nos activités religieuses et une institution publique pour les autres activités. Après cela, nous pourrons souscrire un contrat de location pour la maison de Kaunas qui nous servira de premier prieuré ; ensuite nous chercherons à fournir le matériel nécessaire à partir d’amis de l’Europe de l’Ouest.
J’ai reçu la visite de Monsieur Sillard de l’ASCA (France) et de l’Abbé Verlinden (prieur d’Anvers en Belgique) avec des cadeaux pour la mission : l’un apporte une Citroën BX et un précieux encensoir en argent, et l’autre cinq cartons de matériel liturgique. Cela tombe bien, car nous avons peu de choses en ce moment. Deo Gratias !
Père Eric Jacqmin
« D’après l’agence Apic et l’Aide à l’Eglise en détresse, les catholiques représentent plus de 80% de la population mais seulement 10% sont pratiquants. Mgr Kauneckas dénonce, lui aussi, « l’influence du libéralisme, du matérialisme et de l’hédonisme occidentaux, néfastes à l’Eglise ». Un collaborateur d’AED a constaté « le manque d’initiatives pastorales frappant du clergé (sic). Les survivants du clergé dissident ont vieilli et se sont parfois coupés de l’Eglise ou des évêques, n’arrivant pas à s’adapter à la nouvelle situation… » La tendance missionnaire nouvelle évangélisation du Cal Backys, n’est certainement pas majoritaire. Les jeunes prêtres et les séminaristes… ont conservé l’esprit de routine. Un moine interrogé : « L’état d’esprit dans certains séminaires est tel qu’il vaudrait mieux fermer au moins une année et repartir à zéro » (E.d.M. janvier 2003). »