Monsieur l’abbé de Cacqueray, Supérieur du District de France pour la FSSPX, à Notre-Dame-de-Fontpeyrine (24), le jeudi 1er mai 2003 pour la messe anniversaire du 30e jour pour le repos de l’âme de monsieur l’abbé Roch
Il est entouré de messieurs les abbés de Champeaux, diacre, et Golvan, sous-diacre. Plus de 150 fidèles avaient fait le déplacement au sanctuaire préféré de monsieur l’abbé Roch pour un dernier hommage solennel.
Un mois auparavant, l’abbé de Cacqueray avait célébré les funérailles de l’abbé Roch en l’église Saint-Eloi de Bordeaux. C’est le magnifique sermon prononcé à cette occasion que nous vous livrons ci-dessous.
Vendredi 4 avril 2003
Chers confrères,
Chère famille,
Mes bien chers frères,
La personnalité de Monsieur l’abbé ROCH est trop connue parmi vous pour qu’il soit nécessaire de s’y arrêter longuement. Contentons-nous de rappeler quelques lignes de son parcours à la fois atypique et édifiant.
Ce Genevois est né dans le protestantisme et a même reçu une éducation fortement protestante puisqu’il était fils de pasteur protestant dans une ville citadelle et symbole du protestantisme. Rien ne pouvait le prédisposer à se convertir au Catholicisme ni son milieu familial ancré dans le protestantisme, ni les fréquentations qui furent les siennes. Ajoutons encore que de solides études scientifiques lui avaient permis de commencer une carrière qui s’annonçait brillante. Le monde déroulait devant lui ses fastes et ses séductions. Comment aurait-il pu se tourner vers le Catholicisme ?
D’autant que l’époque ne s’y prêtait pas ! En 1968–1969, années de sa conversion, l’Eglise est bouleversée de fond en comble par les fruits du concile Vatican Il. Les fidèles arrêtent de pratiquer par millions, les prêtres défroquent et quittent leur sacerdoce par milliers. Jamais le visage de l’Eglise n’a paru aussi rebutant. L’œcuménisme avec les protestants entraîne une réaction unanime chez eux puisque l’Eglise Catholique, au nom de cet œcuménisme, s’est massivement protestantisée, quel avantage y aurait-il désormais à se convertir ?
Tout semblait se liguer contre la conversion du Genevois de 26 ans. Et voilà pourtant qu’en janvier 1968, la grâce invinciblement pressante de Dieu triomphe de tous ces obstacles. Denis ROCH se trouve irrésistiblement porté vers la Très Sainte Vierge par la prière du chapelet. Il sera reçu dans l’Eglise Catholique le 5 juillet 1969. Son caractère, qui s’accommode mal des demi-mesures, trouve bien des motifs de déception dans les églises conciliaires ravagées par le poison moderniste. C’est alors qu’il entend parler de Monseigneur Lefebvre dont la rencontre, le 17 décembre 1970, est décisive pour le fervent converti. Il pressent toute la vérité du combat que s’apprête à mener l’évêque d’Ecône et décide de s’y rallier avec toute son ardeur. Il est saisi, comme tous ceux qui ont eu la grâce de l’approcher, par la bonté et la sainteté de cet évêque de 65 ans dont la fameuse Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, tout juste fondée, est encore à l’état du grain de sénevé. Et il confie au prélat qu’une seconde grâce a suivi sa conversion au Catholicisme, celle de la vocation. Il va finalement entrer au séminaire d’Ecône à l’âge de 29 ans, pour être ordonné au début de l’été chaud, le 29juin 1976. Notons ici sa ténacité bien connue. Monseigneur se montre d’abord assez réticent devant cette vocation imprévue et qui vient de si loin, mais il finit par se laisser convaincre par la détermination de l’ancien protestant dont il relatera l’itinéraire à l’occasion de sa première messe, célébrée à Genève le 7 juillet 1976.
Il en restera une très grande affection et estime mutuelle entre les deux hommes.
Elle se traduira, dans cette Fraternité toute jeune, par les responsabilités importantes attribuées à notre confrère. Encore diacre, il recevra la charge d’économe général de la Fraternité. Bientôt il sera également nommé supérieur du district de Suisse, charge qu’il exercera jusqu’en 1988, avant d’arriver au prieuré Notre-Dame de la Mongie à Vérac puis au prieuré Sainte Jeanne d’Arc en Périgord.
La maladie qui a fini par l’emporter le trouva à ce dernier poste. Lui qui avait le corps et l’âme d’un lutteur dut mener contre le mal un véritable combat dans les dernières années. Moments d’angoisse, de solitude, d’accablement : autant de tentations contre lesquelles il lui fallut lutter. Il fut heureusement soutenu par la présence d’âmes dévouées, d’amitiés fidèles et de prières nombreuses ne cessant de l’accompagner. Le souvenir de la maladie de l’un de ses fils spirituels, l’abbé Henry LA PRAZ, lui fut certainement d’une grande aide pour comprendre la maladie, la souffrance et les trésors qui leur sont attachés.
Si beaucoup d’entre vous ici présents ont bénéficié de sa vie surnaturelle et de son zèle apostolique, les dernières années donnèrent sans conteste un éclat inégalé à son rayonnement sacerdotal, puisque, après avoir compris quelle action purifiante la souffrance exerce sur les âmes, il vécut cette purification en lui-même. Je me contenterai de rapporter l’une de ses dernières paroles audibles : « Je souffre le martyre mais je suis très heureux dans mon cœur ». Cette belle parole exprime une résignation et, plus qu’une résignation, la compréhension de ce dépouillement extrême de tout soi-même que réalise l’union de l’âme à Jésus-Christ. S’il a pu y avoir, dans une aussi longue maladie, des propos impatients causés par la souffrance, je crois qu’il faut retenir cette conclusion admirable victorieuse de toute impatience : « Je souffre le martyre mais je suis très heureux dans mon cœur ».
Une telle phrase nous élève très haut, jusqu’au sommet du Calvaire, au moment où Notre-Seigneur éprouve sur la Croix les plus grandes souffrances de sa Passion et les plus grandes joies de la Rédemption. Les unes et les autres ne sont pas incompatibles et c’est ce profond secret que notre confrère a sans doute voulu formuler ici. Peu après, Notre-Seigneur rendait son âme à Dieu. La javeline romaine s’enfonça encore dans son côté, mais sans plus le faire souffrir désormais : « Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Une telle pensée exhalée par une âme agonisante est profondément sacerdotale. Elle exprime que le prêtre, ontologiquement prêtre et victime à la fois, doit vivre en lui-même le sacrifice qu’il accomplit à l’autel. L’abbé ROCH, après avoir célébré l’une de ses dernières messes, bien difficilement, eut ces mots : « Ma messe, je n’ai plus que ma messe, c’est la seule chose qui me tient ». Autre parole infiniment profonde. Heureux prêtre dépossédé de tout, n’ayant plus que sa messe pour trésor, cette messe qui – seuls les prêtres peuvent vraiment comprendre ce mot – nous « tient ». C’est vraiment notre vie. Elle exprime notre raison d’être. Nous sommes faits pour la messe et notre vie ne peut arriver à l’unité qu’au travers du sacrifice de l’autel.
Cher confrère, groupés par centaines autour de vous, vos confrères, vos enfants s’unissent à vous par la prière afin que le Bon Dieu vous permette de le rejoindre au plus vite dans le face-à-face éternel, auprès de ceux qui, nous l’espérons, se trouvent déjà dans la béatitude éternelle : Monseigneur LEFEBVRE votre père spirituel et le nôtre, l’abbé LA PRAZ et tant d’autres encore. L’une de vos dernières volontés fut que cette messe en présence de votre corps soit célébrée en Aquitaine. Il en résulte un devoir particulier pour tous ceux qui habitent cette région de prier spécialement pour vous.
Je voudrais remercier tous ceux qui se sont déjà associés aux veillées de prière successives et noter l’heureuse présence de nos sœurs à l’hôpital au moment où notre confrère est décédé. J’y vois un émouvant et beau symbole de la vocation de nos sœurs, trop méconnue hélas : remplir auprès du prêtre le rôle de Notre-Dame auprès de son Divin Fils.
La dévotion de notre confrère aux cœurs unis de Jésus et de Marie nous fait multiplier nos prières aujourd’hui et demain, en ces jours spécialement consacrés aux cœurs de Jésus et de Marie, et nous souhaitons que ce bel élan de prières de tout le prieuré, au moment du décès, continue, s’étende, que la prière pour les prêtres et leur sanctification devienne une priorité de tous nos fidèles.