Pie XII

260ᵉ pape ; de 1939 à 1958

23 septembre 1950

Exhortation apostolique Menti Nostrae

Sur le prêtre, sa sainteté, ses règles de vie

Table des matières

Donné à Rome, près St-​Pierre, le 23 sep­tembre de l’Année du grand Jubilé 1950, la dou­zième de Notre Pontificat.

Introduction

Motif de l’Exhortation

125. Dans Notre esprit reten­tit tou­jours la voix du divin Rédempteur qui dit à Pierre : Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-​ci ?… Pais mes agneaux, pais mes bre­bis (Jn 21, 15. 16. 17), et celle du Prince des apôtres lui-​même, exhor­tant les évêques et les prêtres de son temps : Paissez le trou­peau de Dieu qui vous est confié… et en deve­nant les modèles du trou­peau (1 P 5, 2. 3).

126. Réfléchissant atten­ti­ve­ment à de telles paroles, Nous jugeons qu’une des prin­ci­pales obli­ga­tions de Notre magis­tère suprême est de veiller de Notre mieux à ce que les efforts des véné­rables pas­teurs et des prêtres char­gés d’apprendre au peuple chré­tien à évi­ter le mal, à triom­pher des dan­gers qui le menacent et à par­ve­nir à la sain­te­té, soient tou­jours plus efficaces.

Et cela est d’autant plus néces­saire en notre temps que, par suite de l’horreur de la der­nière guerre, les peuples sont non seule­ment en butte à de graves dif­fi­cul­tés, mais encore for­te­ment trou­blés dans leur âme ; et que les enne­mis du nom chré­tien, deve­nus inso­lents par suite des conjonc­tures inhé­rentes à la situa­tion actuelle de la socié­té civile, s’efforcent, avec une haine per­fide et par de sub­tils arti­fices, d’éloigner les hommes de Dieu et de Jésus-Christ.

Sollicitude du Pape à l’égard du clergé

127. La néces­si­té – que tous les gens de bien com­prennent – d’une res­tau­ra­tion chré­tienne Nous pousse à repor­ter spé­cia­le­ment Notre pen­sée et Notre cœur vers les prêtres du monde entier, sachant bien que c’est sur­tout l’action humble, vigi­lante et ardente de ceux qui vivent au milieu de leur peuple et en connaissent la gêne, les peines, les afflic­tions spi­ri­tuelles et maté­rielles, qui peut, à l’aide des pré­ceptes évan­gé­liques, réfor­mer les mœurs et éta­blir inébran­la­ble­ment sur la terre le « règne de jus­tice, d’amour et de paix » de Jésus-​Christ [1].

Mais il est abso­lu­ment impos­sible que le minis­tère sacer­do­tal atteigne plei­ne­ment les résul­tats qui répon­draient d’une façon adé­quate aux besoins de notre temps, si les prêtres ne brillent pas au milieu du peuple par une insigne sain­te­té et ne sont pas de dignes ministres du Christ, de fidèles dis­pen­sa­teurs des mys­tères divins (1 Co 4, 1), d’efficaces col­la­bo­ra­teurs de Dieu (1 Co 3, 9), prêts à toute œuvre bonne (cf. 2 Tm 3, 17).

128. C’est pour­quoi Nous ne pen­sons pas pou­voir mieux mani­fes­ter Notre gra­ti­tude aux prêtres du monde entier – qui, à l’occasion du cin­quan­tième anni­ver­saire de Notre sacer­doce, Nous ont témoi­gné leur sen­ti­ment filial en priant pour Nous – qu’en adres­sant à tout le cler­gé une pater­nelle exhor­ta­tion à tendre à la sain­te­té sans laquelle le minis­tère qui lui est confié ne sau­rait être fécond.

L’Année Sainte que Nous avons pres­crite, avec l’espérance d’une res­tau­ra­tion des mœurs selon les ensei­gne­ments de l’Evangile, Nous dési­rons qu’elle donne comme pre­mier fruit celui de voir les pas­teurs des fidèles tendre avec un plus grand zèle vers les som­mets de la ver­tu, et qu’ainsi, entraî­nés et armés, ils tra­vaillent mieux à réno­ver selon l’esprit de Jésus-​Christ le trou­peau qui leur est confié.

Il faut cepen­dant rap­pe­ler que si, de nos jours, les besoins accrus de la socié­té chré­tienne exigent de plus en plus la per­fec­tion inté­rieure des prêtres, ceux-​ci sont déjà tenus, en ver­tu même de la nature du sublime minis­tère que Dieu leur a confié, à tra­vailler inlas­sa­ble­ment, tou­jours et par­tout, à l’œuvre de leur propre sanctification.

Le sacerdoce, don du divin Rédempteur

129. Comme l’ont ensei­gné Nos pré­dé­ces­seurs, et par­ti­cu­liè­re­ment Pie X [2] et Pie XI [3], et Nous-​même y avons tou­ché dans les Lettres ency­cliques Mystici Corporis [4] et Mediator Dei [5], le sacer­doce est vrai­ment le grand don du divin Rédempteur qui, pour per­pé­tuer jusqu’à la fin des siècles l’œuvre de salut du genre humain qu’il avait consom­mée sur la Croix, a trans­mis ses pou­voirs à l’Eglise qu’il vou­lut ain­si faire par­ti­ci­per à son unique et éter­nel sacerdoce.

Le prêtre est comme un « autre Christ », puisqu’il est mar­qué du carac­tère indé­lé­bile qui fait de lui une image vivante du Sauveur ; le prêtre repré­sente le Christ qui disait : Comme le Père m’a envoyé, moi aus­si je vous envoie (Jn 20, 21) ; Qui vous écoute, m’écoute (Lc 10, 16).

Préparé par l’appel divin à ce très saint minis­tère, il est éta­bli pour les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin d’offrir des obla­tions et des sacri­fices pour les péchés (He 5, 1). C’est à lui donc que doit aller qui veut vivre de la vie du divin Rédempteur et rece­voir force, sou­la­ge­ment et ali­ment de l’âme ; et c’est encore à lui que doit deman­der les remèdes oppor­tuns celui qui s’efforce de reve­nir des mœurs dépra­vées à une vie fructueuse.

En consé­quence, tous les prêtres peuvent s’appliquer en toute jus­tice les paroles de l’Apôtre : Nous sommes ouvriers avec Dieu (1 Co 3, 9).

Cette haute digni­té exige des prêtres qu’ils cor­res­pondent avec la fidé­li­té la plus grande à leur très grave mis­sion. Destinés à pro­cu­rer la gloire de Dieu sur la terre, à ali­men­ter et à accroître le Corps mys­tique du Christ, il est abso­lu­ment néces­saire qu’ils excellent de telle sorte par la sain­te­té de leurs mœurs que par eux se répande par­tout la bonne odeur du Christ (2 Co 2, 15).

Obligation fondamentale du prêtre

130. Chers Fils, le jour même où vous fûtes éle­vés à la digni­té sacer­do­tale, l’Evêque, au nom de Dieu, vous a solen­nel­le­ment indi­qué quelle était votre obli­ga­tion fon­da­men­tale : « Comprenez ce que vous accom­plis­sez ; retra­cez dans votre vie ce que vous faites à l’autel, en ce sens que, célé­brant le mys­tère de la mort du Seigneur, vous mor­ti­fiiez vos membres en les sous­trayant aux vices et aux convoi­tises. Que votre doc­trine soit un remède spi­ri­tuel pour le peuple de Dieu, que le par­fum de votre vie réjouisse l’Eglise du Christ, afin que par la pré­di­ca­tion et par l’exemple, vous édi­fiiez la mai­son qui est la famille de Dieu. » [6]

Totalement exempte de péchés, que votre vie, plus encore que celle des simples fidèles, soit cachée avec le Christ en Dieu (cf. Col 3, 3).

Ainsi ornés de cette émi­nente ver­tu exi­gée par votre digni­té, tra­vaillez à l’achèvement de l’œuvre de la Rédemption, mis­sion à laquelle vous des­tine l’ordination sacerdotale.

Tel est le pro­gramme que vous avez libre­ment et spon­ta­né­ment accep­té ; soyez saints, parce que, comme vous le savez, votre minis­tère est saint !

I. Sainteté personnelle

a) Le Christ modèle des vertus

1. La charité, lien de la perfection

131. Selon l’enseignement du divin Maître, la per­fec­tion de la vie chré­tienne consiste avant tout dans la cha­ri­té envers Dieu et le pro­chain (cf. Mt 22, 37 ; 38 ; 39), cha­ri­té qui doit être ardente, empres­sée, active.

D’une cha­ri­té de cette sorte on peut dire vrai­ment qu’elle ren­ferme toutes les ver­tus (cf. 1 Cor 13. 4 ; 5 ; 6 ; 7) et qu’elle est appe­lée, a juste titre, le lien de la per­fec­tion (Col 3, 14).

Ainsi, tout homme, quel que soit son état de vie, doit diri­ger vers cette fin ses inten­tions et ses actes.

132. Toutefois, à cette obli­ga­tion le prêtre est tenu d’une façon spé­ciale. Toute son acti­vi­té sacer­do­tale, de par sa nature même – c’est en effet pour cela que le prêtre a été appe­lé par Dieu comme dis­pen­sa­teur des mys­tères sacrés et qu’il en a reçu la fonc­tion et le cha­risme – doit tendre à ceci don­ner sa col­la­bo­ra­tion au Christ, Prêtre unique et éter­nel. D’où néces­si­té pour lui de suivre et d’imiter Celui qui, pen­dant sa vie ter­restre, n’eut d’autre but que de mon­trer son ardent amour envers le Père et de livrer aux hommes les tré­sors infi­nis de son cœur.

2. Une foi qui éclaire toute la vie

133. Avant tout donc, le prêtre doit être ani­mé du désir de s’unir inti­me­ment au divin Rédempteur afin d’accepter doci­le­ment et avec une volon­té inté­grale les pré­ceptes de la doc­trine chré­tienne et de les appli­quer géné­reu­se­ment dans toutes les cir­cons­tances de sa vie, de sorte que la foi catho­lique éclaire tou­jours sa conduite et que celle-​ci soit comme le reflet de sa foi.

Se diri­geant à la lumière de cette ver­tu, il tien­dra son regard fixé sur le Christ, il sui­vra de très près ses ensei­gne­ments, ses actions et ses exemples, pro­fon­dé­ment convain­cu qu’il ne doit pas se conten­ter d’accomplir les devoirs aux­quels sont astreints les simples fidèles, mais qu’il doit tendre chaque jour plus vive­ment à cette per­fec­tion de vie exi­gée par la haute digni­té sacer­do­tale, selon l’avertissement de l’Eglise : « Les clercs doivent mener une vie inté­rieure et exté­rieure plus sainte que les laïcs et être pour eux un bel exemple par leurs ver­tus et leur bonne conduite. » [7]

134. Parce qu’elle dérive du Christ, la vie sacer­do­tale doit tota­le­ment et tou­jours être diri­gée vers lui. Le Christ est le Verbe de Dieu qui ne dédai­gna pas de prendre la nature humaine, qui vécut notre vie sur terre pour accom­plir la volon­té du Père Eternel, qui répan­dit autour de lui le par­fum du lis, qui vécut dans la pau­vre­té et pas­sa en fai­sant le bien et en gué­ris­sant toutes sortes d’infirmités (Ac 10, 38) et enfin s’offrit en vic­time pour le salut de ses frères.

Vous avez ain­si devant les yeux, chers Fils, la syn­thèse de cette admi­rable vie ; efforcez-​vous de la repro­duire en vous, vous sou­ve­nant de cette exhor­ta­tion : Je vous ai don­né l’exemple afin que, comme j’ai fait, vous fas­siez vous aus­si (Jn 13, 15).

3. L’humilité, fondement de la perfection

135. L’édifice de la per­fec­tion chré­tienne com­mence par l’humilité : Devenez mes dis­ciples, car je suis doux et humble de cœur (Mt 11, 29).

Considérant la sublime digni­té à laquelle nous avons été appe­lés par le Baptême et l’Ordre, et gar­dant conscience de notre misère spi­ri­tuelle, ne ces­sons de médi­ter la divine sen­tence de Jésus-​Christ : Sans moi vous ne pou­vez rien faire (Jn 15, 5).

Que le prêtre ne se fie pas à ses propres forces, qu’il ne se com­plaise pas sans rete­nue dans ses talents, qu’il ne recherche pas l’estime et la louange des hommes, qu’il n’ambitionne pas des postes éle­vés, mais qu’il imite le Christ venu sur terre non pour être ser­vi, mais pour ser­vir (Mt 20, 28). Qu’il se renonce lui-​même selon l’enseignement de l’Evangile (cf. Mt 16, 24) ; qu’il ne s’attache pas trop aux choses ter­restres afin de suivre plus faci­le­ment et plus promp­te­ment le divin Maître. Tout ce qu’il a, tout ce qu’il est, pro­vient de la bon­té et de la puis­sance divines. S’il veut donc se glo­ri­fier, qu’il se rap­pelle les paroles de l’Apôtre : Quant à moi, je ne me glo­ri­fie­rai de rien, sinon de mes fai­blesses (2 Cor 12, 5).

4. Immolation de la volonté par l’obéissance

136. Cet esprit d’humilité, illu­mi­né par la foi, dis­pose l’âme à l’immolation de la volon­té par l’obéissance exi­gée. Le Christ lui-​même, dans la socié­té qu’il a fon­dée, a éta­bli une auto­ri­té légi­time qui conti­nue et per­pé­tue la sienne. Partant, en obéis­sant aux supé­rieurs ecclé­sias­tiques, c’est au divin Rédempteur lui-​même qu’on obéit.

A une époque comme la nôtre, où le prin­cipe d’autorité est témé­rai­re­ment ébran­lé, il est abso­lu­ment néces­saire que le prêtre, tout en res­tant fer­me­ment atta­ché aux pré­ceptes de la foi, consi­dère et accepte l’autorité non seule­ment comme le rem­part de la reli­gion et de la socié­té, mais encore comme le fon­de­ment de sa sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle. Tandis que les enne­mis de Dieu, déployant une cri­mi­nelle habi­le­té, s’efforcent de flat­ter et d’exciter les dési­rs déré­glés de cer­tains pour les ame­ner à se dres­ser contre les ordres de notre Mère la Sainte Eglise, Nous aimons à louer digne­ment et à encou­ra­ger pater­nel­le­ment cette nom­breuse armée de ministres de Dieu qui, pour témoi­gner ouver­te­ment leur chré­tienne obéis­sance et conser­ver intacte leur propre fidé­li­té au Christ et à l’autorité légi­time éta­blie par lui, ont été jugés dignes de souf­frir des opprobres pour le nom de Jésus (Ac 5, 41), et non seule­ment des opprobres, mais les per­sé­cu­tions, les cachots et même la mort.

5. La chasteté et les moyens de la sauvegarder

137 Le prêtre a comme champ d’activité propre tout ce qui se rap­porte à la vie sur­na­tu­relle, puisqu’il pour­voit à l’accroissement de cette même vie et qu’il en assure l’échange dans le Corps mys­tique du Christ. C’est pour­quoi il doit renon­cer à tout ce qui est du monde pour vaquer seule­ment à ce qui est du Seigneur (1 Cor 7, 32 ; 33). Et c’est pré­ci­sé­ment parce qu’il doit être libre de tous sou­cis pro­fanes et se consa­crer tota­le­ment au ser­vice de Dieu, que l’Eglise a éta­bli la loi du céli­bat, afin qu’il soit tou­jours plus mani­feste à tous que le prêtre est ministre de Dieu et père des âmes.

Par cette obli­ga­tion du céli­bat, bien loin de perdre entiè­re­ment le pri­vi­lège de la pater­ni­té, le prêtre l’accroît à l’infini, car la pos­té­ri­té qu’il ne sus­cite pas à cette vie ter­restre et pas­sa­gère, il l’engendre à la vie céleste et éternelle.

Plus res­plen­dit la chas­te­té du prêtre, plus celui-​ci devient, par son union avec le Christ, « hos­tie pure, hos­tie sainte, hos­tie imma­cu­lée » [8].

Pour gar­der dans toute son inté­gri­té comme un tré­sor ines­ti­mable la pure­té sacer­do­tale, il est néces­saire d’observer reli­gieu­se­ment l’exhortation du Prince des Apôtres que nous réci­tons chaque jour à l’office divin : Soyez sobres et veillez (1 P 5, 8).

Oui, veillez, chers Fils, puisque votre chas­te­té est expo­sée à de nom­breux dan­gers, tant à cause de la cor­rup­tion des mœurs que des sol­li­ci­ta­tions du vice si fré­quentes de nos jours, et de cette exces­sive liber­té qui s’introduit tou­jours plus dans les rap­ports entre les deux sexes et qui essaie par­fois d’envahir l’exercice même du saint minis­tère. Veillez et priez (Mc 14, 38), en vous sou­ve­nant que vos mains touchent les choses les plus saintes, que vous êtes consa­crés à Dieu et que vous devez le ser­vir lui seul. L’habit même que vous por­tez vous aver­tit que vous ne devez pas vivre pour le monde, mais pour Dieu. Efforcez-​vous donc avec géné­ro­si­té, confiants dans la pro­tec­tion de la Vierge Mère de Dieu, de res­ter chaque jour « sans souillure et sans tache, purs et chastes, comme il convient aux ministres du Christ et aux dis­pen­sa­teurs des mys­tères de Dieu » [9].

139. A ce pro­pos, Nous croyons bon de vous enga­ger spé­cia­le­ment à vous conduire comme il sied à des prêtres dans la direc­tion des asso­cia­tions et des confré­ries fémi­nines ; évi­tez toute fami­lia­ri­té ; chaque fois que votre concours néces­saire y est exi­gé, apportez-​le au seul titre de ministres sacrés. Et dans la direc­tion de ces asso­cia­tions, que votre par­ti­ci­pa­tion se limite à ce qui est requis par votre minis­tère sacerdotal.

6. Détachement des biens terrestres

140. Mais ce n’est pas assez de renon­cer aux volup­tés char­nelles par la chas­te­té, ni de sou­mettre spon­ta­né­ment votre volon­té aux supé­rieurs par l’obéissance ; vous devez encore tenir votre cœur chaque jour plus éloi­gné des richesses et des biens ter­restres. Nous vous exhor­tons vive­ment, chers Frères, à ne pas vous prendre d’affection immo­dé­rée pour les choses de cette terre, essen­tiel­le­ment tran­si­toires et péris­sables. Suivez l’exemple admi­rable des grands saints d’hier et d’aujourd’hui qui, unis­sant un juste déta­che­ment des biens maté­riels et une très grande confiance dans la Providence à un zèle sacer­do­tal dévo­rant, ont accom­pli des œuvres mer­veilleuses, n’ayant comp­té que sur Dieu qui ne refuse jamais les secours nécessaires.

Même les prêtres qui ne font pas pro­fes­sion de pau­vre­té par un vœu spé­cial doivent se lais­ser gui­der par l’amour de cette ver­tu, amour qu’ils doivent prou­ver par la sim­pli­ci­té et la modes­tie de leur genre de vie, l’absence de luxe dans leur demeure et par leur géné­ro­si­té envers les pauvres.

Qu’ils s’abstiennent sur­tout de se lan­cer dans des entre­prises éco­no­miques sus­cep­tibles de les éloi­gner de leur saint minis­tère et de dimi­nuer l’estime que les fidèles leur doivent. Ayant l’obligation de se consa­crer de toutes ses forces au salut des âmes, le prêtre doit pou­voir tou­jours s’appliquer la parole de saint Paul : Ce ne sont pas vos biens que je cherche, mais vous-​mêmes (2 Cor 12, 14).

7. Le prêtre doit être un modèle de toutes les vertus

141. Nous aurions encore bien des choses à dire qui Nous viennent à l’esprit, s’il fal­lait détailler toutes les ver­tus par les­quelles le prêtre doit repro­duire en lui-​même, le plus fidè­le­ment pos­sible, le Modèle divin qui est Jésus-​Christ. Mais Nous avons pré­fé­ré ne sou­li­gner à votre atten­tion que les ver­tus qui Nous semblent les plus néces­saires à notre époque. Pour ce qui est des autres, qu’il suf­fise de vous rap­pe­ler les paroles de ce livre d’or qu’est l’Imitation du Christ : « Le prêtre doit être orné de toutes les ver­tus et don­ner aux autres l’exemple d’une vie pure. Ses mœurs ne doivent pas res­sem­bler à celles du peuple : il ne doit pas mar­cher dans les voies com­munes, mais il doit vivre comme les anges dans le ciel ou comme les hommes par­faits sur la terre » [10].

b) Secours surnaturels accordés par le Christ

1. Nécessité de les utiliser

142. Personne n’ignore, chers Fils, qu’il est impos­sible à un chré­tien, et par­ti­cu­liè­re­ment aux prêtres, d’imiter dans la vie de chaque jour les admi­rables exemples du divin Maître sans le secours de la grâce et sans l’utilisation de ces ins­tru­ments de la grâce qu’il a mis lui-​même à notre dis­po­si­tion, uti­li­sa­tion d’autant plus indis­pen­sable qu’est plus éle­vé le degré de per­fec­tion que nous devons atteindre, et que plus grandes sont les dif­fi­cul­tés déri­vant de notre nature encline au mal.

Aussi jugeons-​Nous oppor­tun de pas­ser à la consi­dé­ra­tion d’autres véri­tés sublimes et confor­tantes qui font appa­raître plus net­te­ment encore toute l’élévation que doit avoir la sain­te­té sacer­do­tale et toute l’efficacité des secours accor­dés par Jésus-​Christ pour que nous puis­sions accom­plir en nous les des­seins de la divine miséricorde.

2. Avec le Christ, victime d’expiation au Calvaire

143. De même que toute la vie du Sauveur fut ordon­née à son propre sacri­fice, ain­si toute la vie du prêtre, qui doit repro­duire en soi l’image du Christ, doit être avec lui, par lui et en lui [11] un sacri­fice agréable à Dieu.

En effet, le sacri­fice que le divin Rédempteur offrit sur la Croix, au Calvaire, ne fut pas seule­ment l’immolation de son Corps ; Chef de l’humanité, il s’offrit lui-​même comme Victime d’expiation ; et « en remet­tant son esprit entre les mains du Père, il se remet lui-​même à Dieu comme homme pour lui confier tous les hommes » [12].

3. Le Christ dans le Sacrifice eucharistique

144. La même chose se pro­duit dans le Sacrifice Eucharistique qui est le renou­vel­le­ment non san­glant du sacri­fice de la Croix : le Christ s’offre lui-​même au Père Eternel pour sa gloire et pour notre salut. Lorsque, Prêtre et Hostie, il agit comme Chef de l’Eglise, il offre et immole non seule­ment lui-​même, mais aus­si tous les fidèles et, en un cer­tain sens, tous les hommes [13].

145. Si cela vaut pour tous les fidèles, cela vaut d’autant plus pour les prêtres qui sont les ministres du divin Rédempteur, sur­tout pour célé­brer le Sacrifice Eucharistique. Lorsque, tenant la place du Christ dans le Sacrifice Eucharistique, les prêtres consacrent le pain et le vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, ils peuvent pui­ser à la source même de la vie sur­na­tu­relle les inépui­sables tré­sors du salut et toutes les grâces dont ils ont besoin pour eux-​mêmes et, de plus, pour l’accomplissement de leur mission.

Uni si étroi­te­ment aux divins mys­tères, le prêtre ne peut pas ne pas avoir faim et soif de jus­tice (cf. Mt 5, 6) ; devant s’offrir et s’immoler lui-​même avec le Christ, il ne peut pas ne pas sen­tir le besoin d’adapter sa vie .à sa haute digni­té et d’orienter toute sa conduite vers le sacri­fice. Aussi bien ne se bornera-​t-​il pas à célé­brer la sainte messe, mais il la vivra inti­me­ment. Ainsi pourra-​t-​il y pui­ser la force sur­na­tu­relle qui le trans­for­me­ra com­plè­te­ment et le fera par­ti­ci­per à la vie de sacri­fice du divin Rédempteur.

4. Participation au Sacrifice du Christ

146. Saint Paul pose comme prin­cipe fon­da­men­tal de la per­fec­tion chré­tienne le pré­cepte : Revêtez-​vous du Seigneur Jésus-​Christ (Rm 13, 14). S’il s’applique à tous les chré­tiens, ce pré­cepte vaut tout par­ti­cu­liè­re­ment pour les prêtres. Se revê­tir du Christ, c’est non seule­ment régler sa pen­sée sur sa doc­trine, mais aus­si com­men­cer une vie nou­velle qui, pour connaître les splen­deurs du Thabor, devra se confor­mer sur­tout aux souf­frances et aux angoisses de notre Rédempteur au Calvaire. Cette exi­gence com­porte un tra­vail long et pénible qui trans­forme notre âme en l’état de vic­time pour qu’elle par­ti­cipe inti­me­ment au sacri­fice du Christ. Ce tra­vail ardu et assi­du ne consiste pas en vel­léi­tés, il ne se limite pas à des dési­rs et à des pro­messes ; il doit être, au contraire, un exer­cice de zèle conti­nu qui porte à un renou­vel­le­ment fruc­tueux de l’esprit ; il doit être un exer­cice de reli­gion qui rap­porte tout à la gloire de Dieu ; il doit être un exer­cice de péni­tence qui refrène et dirige les mou­ve­ments de l’âme ; il doit être un acte de cha­ri­té qui enflamme le cœur d’amour pour Dieu et pour le pro­chain et pousse à des œuvres de misé­ri­corde ; il doit être enfin une allé­gresse dans la volon­té en action, qui, par l’effort et la lutte, conduit à la plus haute perfection.

147. Le prêtre s’efforcera donc de repro­duire dans son âme ce qui se pro­duit sur l’autel du Sacrifice. Comme Jésus-​Christ s’immole lui-​même, ain­si son ministre doit s’immoler avec lui ; comme Jésus expie les péchés des hommes, ain­si le prêtre, sui­vant les voies ardues de l’ascèse chré­tienne, doit arri­ver à sa propre puri­fi­ca­tion et à celle des autres. C’est l’avertissement de saint Pierre Chrysologue : « Soyez le sacri­fice et le prêtre de Dieu ; ne per­dez pas ce que vous a don­né l’autorité de Dieu. Revêtez la robe de la sain­te­té ; cei­gnez la cein­ture de la chas­te­té ; que le Christ soit le voile de votre tête ; que la Croix soit la défense de votre front ; met­tez sur votre poi­trine le sacre­ment de la science divine ; brû­lez conti­nuel­le­ment le par­fum de la prière ; sai­sis­sez le glaive de l’Esprit ; faites de votre cœur un autel et offrez ain­si avec confiance votre corps en vic­time à Dieu… Offrez votre foi pour le châ­ti­ment de la per­fi­die ; immo­lez votre jeûne pour que cesse la vora­ci­té ; offrez en sacri­fice la chas­te­té pour que meure la luxure ; éle­vez sur l’autel la pié­té pour que soit ren­ver­sée l’impiété ; invi­tez la misé­ri­corde pour que soit détruite l’avarice ; et pour que dis­pa­raisse la folie, il faut tou­jours immo­ler la sain­te­té : ain­si, libre de toute atteinte du péché, ton corps sera ton hos­tie » [14].

5. Union intime et intégrale avec le Christ

148. Nous vou­lons ici rap­pe­ler par­ti­cu­liè­re­ment aux prêtres ce que Nous avons pro­po­sé à la médi­ta­tion de tous les fidèles dans l’Encyclique Mediator Dei [15] : « Assurément le Christ est Prêtre, mais il est Prêtre pour nous, non pour lui, car il pré­sente au Père Eternel des prières et des sen­ti­ments reli­gieux au nom du genre humain tout entier ; de même il est Victime, mais pour nous, puisqu’il se met lui-​même à la place de l’homme cou­pable. Le mot de l’Apôtre : Ayez en vous les sen­ti­ments qui étaient dans le Christ Jésus (Ph 2, 5), demande donc de tous les chré­tiens qu’ils repro­duisent, autant qu’il est humai­ne­ment pos­sible, les sen­ti­ments dont était ani­mé le divin Rédempteur lorsqu’il offrait le sacri­fice de lui-​même, c’est-à-dire qu’ils repro­duisent son humble sou­mis­sion d’esprit, qu’ils adorent, honorent, louent et remer­cient la sou­ve­raine majes­té de Dieu. Il demande encore d’eux-mêmes qu’ils prennent en quelque sorte la condi­tion de vic­time, qu’ils se sou­mettent com­plè­te­ment aux pré­ceptes de l’Evangile, qu’ils s’adonnent spon­ta­né­ment et volon­tiers à la péni­tence et que cha­cun déteste et expie ses fautes. Il demande enfin que tous, avec le Christ, nous mou­rions mys­ti­que­ment sur la Croix, de manière à pou­voir faire nôtre la pen­sée de saint Paul : Je suis cru­ci­fié avec le Christ (Gal 2, 19). »

149 Prêtres et Fils bien-​aimés, nous avons dans nos mains un grand tré­sor, la perle la plus pré­cieuse, à savoir les richesses inépui­sables du Sang de Jésus-​Christ ; pui­sons le plus lar­ge­ment pos­sible dans ce tré­sor pour être, par le sacri­fice total de nous-​mêmes au Père avec Jésus-​Christ, les vrais média­teurs de jus­tice en ce qui regarde le culte de Dieu (Hb 5, 1), et pour méri­ter que nos prières soient agréées et obtiennent des grâces sur­abon­dantes pour toute l’Eglise et pour toutes les âmes. Lorsque nous serons inti­me­ment unis au Christ par son sacri­fice et par le nôtre et que nous uni­rons nos voix au chœur des habi­tants de la Jérusalem céleste, « illi canentes iun­gi­mur almae Sionis aemu­li » [16], alors seule­ment, revê­tus de la force du Sauveur, nous pour­rons des­cendre avec confiance des som­mets de la sain­te­té, où nous serons par­ve­nus, pour por­ter à tous les hommes la vie et la lumière sur­na­tu­relles de Dieu par le minis­tère sacerdotal

c) L’oraison et les exercices de piété

1. L’Office divin

150. La sain­te­té par­faite exige éga­le­ment une conti­nuelle com­mu­ni­ca­tion avec Dieu. Afin que ce contact intime que l’âme sacer­do­tale doit éta­blir avec Dieu ne soit jamais inter­rom­pu dans la suc­ces­sion des jours et des heures, l’Eglise a impo­sé aux prêtres l’obligation de réci­ter les Heures cano­niales ou l’Office divin. De cette façon, elle a fidè­le­ment obser­vé le pré­cepte du divin Rédempteur, disant : Il faut tou­jours prier sans jamais se las­ser (Lc 18, 1). De fait, l’Eglise, de même qu’elle ne cesse jamais de prier, désire ardem­ment aus­si que ses enfants n’arrêtent jamais leurs sup­pli­ca­tions ; elle leur répète l’exhortation de saint Paul : Par lui (Jésus), offrons inces­sam­ment à Dieu une hos­tie de louange, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom (Hb 13, 15). Aux prêtres, l’Eglise a confié cette charge par­ti­cu­lière de consa­crer à Dieu, d’une cer­taine manière, le cours du temps et tous les évé­ne­ments en priant éga­le­ment au nom du peuple.

151. En rem­plis­sant cette obli­ga­tion de réci­ter l’Office, le prêtre conti­nue à faire, au cours des siècles, ce que le Christ a fait, lui qui, durant sa vie mor­telle, mul­ti­pliait prières et sup­pli­ca­tions… Offrant avec force cris et larmes, il a été exau­cé pour sa pié­té (Hb 5, 7). Cette prière de l’Office a, sans aucun doute, une effi­ca­ci­té par­ti­cu­lière, car elle est faite au nom du Christ, c’est-à-dire « par Notre-​Seigneur Jésus-​Christ » qui est notre Médiateur auprès du Père, qui lui offre per­pé­tuel­le­ment sa satis­fac­tion, ses mérites, le prix sou­ve­rain de son Sang. Cette prière est, à un titre par­ti­cu­lier, la « voix du Christ » qui « prie pour nous comme notre Prêtre ; qui prie en nous comme notre Chef » [17]. Pareillement, l’Office divin est tou­jours la « voix de l’Eglise » qui exprime les vœux et les dési­rs de tous les fidèles qui, étant asso­ciés à la prière et à la foi du prêtre, louent Jésus-​Christ et, par lui, rendent grâces au Père Eternel et obtiennent de lui chaque jour et à chaque heure les secours néces­saires. C’est ain­si que se renou­velle chaque jour, d’une cer­taine manière, par les prêtres, ce que Moise fit autre­fois quand, au som­met de la mon­tagne, levant les bras au ciel, il s’entretenait avec le Seigneur, lui deman­dant avec ins­tance sa misé­ri­corde en faveur de son peuple qui pei­nait dou­lou­reu­se­ment dans la val­lée au-​dessous de lui.

152. L’Office cano­nial est aus­si un moyen sou­ve­rai­ne­ment effi­cace pour faire arri­ver à la sain­te­té. De fait, dans l’Office, il ne s’agit pas seule­ment de réci­ter des for­mules ou des can­tiques com­po­sés d’après les règles de l’art ; il ne s’agit pas seule­ment de règles par­ti­cu­lières ou rubriques à obser­ver ni uni­que­ment des céré­mo­nies exté­rieures du culte divin mais il s’agit prin­ci­pa­le­ment de l’élévation de notre esprit et de notre âme vers Dieu, afin de nous unir aux esprits bien­heu­reux louant éter­nel­le­ment le Seigneur [18].

153. C’est pour­quoi les Heures cano­niales doivent être réci­tées « digne, attente ac devote », comme cela est indi­qué au début de l’Office. Il est néces­saire que le prêtre récite ces prières ayant la même inten­tion que le Christ quand Il priait. C’est donc comme la voix propre du Christ qui, par son ministre, implore de son Père très clé­ment les bien­faits de la Rédemption ; c’est la voix de Celui auquel les pha­langes angé­liques, tous les saints du ciel, tous les chré­tiens de la terre sont unis pour rendre à Dieu la gloire qui lui est due ; c’est la voix même de Jésus-​Christ, notre avo­cat, voix qui nous fait obte­nir les tré­sors immenses de ses mérites.

Méditez atten­ti­ve­ment et régu­liè­re­ment ces véri­tés fécondes que l’Esprit Saint révèle par les sen­tences des Saintes Ecritures et que les écrits des Pères et des Docteurs com­mentent. Pendant que vos lèvres répètent les paroles divines qui ont été com­mu­ni­quées par l’Esprit Saint qui les ins­pi­rait, efforcez-​vous de ne rien perdre d’un tel tré­sor. Afin que votre âme fasse fidè­le­ment écho à la voix de Dieu, éloi­gnez avec soin et assi­dû­ment tout ce qui peut dis­traire votre esprit ; ras­sem­blez vos pen­sées par le recueille­ment, afin de pou­voir vous appli­quer avec plus de faci­li­té et de fruit à la contem­pla­tion des choses éternelles.

154. Dans Notre Encyclique Mediator Dei [19], Nous avons abon­dam­ment et suf­fi­sam­ment expli­qué pour­quoi l’Eglise, pen­dant le cours de l’année litur­gique, rap­pelle à notre sou­ve­nir et pré­sente devant nos yeux, dans un ordre bien choi­si, tous les mys­tères de Jésus-​Christ, nous fait célé­brer les jours de fêtes de la Vierge Marie et des saints du ciel. Ces ensei­gne­ments doc­tri­naux que Nous avons don­nés à tous les chré­tiens, parce que très utiles à tous, doivent être – cela convient – médi­tés spé­cia­le­ment par vous, prêtres, vous qui, par le Sacrifice Eucharistique et par l’Office divin, comme on l’appelle, jouez le rôle prin­ci­pal dans le cours du cycle liturgique.

2. Méditation quotidienne

155. Pour nous pous­ser chaque jour avec plus d’ardeur à atteindre la sain­te­té, l’Eglise nous recom­mande avec ins­tance, outre la célé­bra­tion de la messe et la réci­ta­tion de l’Office divin, d’autres exer­cices de pié­té. Il Nous plaît d’en par­ler ici et de pro­po­ser quelques pen­sées à votre réflexion.

L’Eglise nous exhorte par-​dessus tout à la médi­ta­tion qui porte l’esprit vers les réa­li­tés sur­na­tu­relles, l’appelle à pen­ser aux choses célestes, dirige tout droit vers Dieu notre âme qui le désire ardem­ment. Cette médi­ta­tion des choses saintes nous pré­pare de la meilleure façon à célé­brer le Sacrifice Eucharistique et à faire notre action de grâces après la messe ; en outre, elle nous dis­pose à com­prendre et à goû­ter les suaves beau­tés de la litur­gie. La médi­ta­tion nous porte à contem­pler les véri­tés éter­nelles, ain­si que les admi­rables exemples et pré­ceptes de l’Evangile.

Or, il est tout à fait néces­saire que les prêtres imitent per­son­nel­le­ment et avec le plus grand soin ces exemples évan­gé­liques et les ver­tus du divin Rédempteur. Mais de même que la nour­ri­ture cor­po­relle n’alimente pas la vie du corps, ne la sou­tient pas, ne la déve­loppe pas si elle n’est digé­rée et trans­for­mée et conver­tie en notre propre sub­stance, de même le prêtre ne peut acqué­rir la maî­trise de soi et de ses sens, ni puri­fier son âme, ni tendre, comme il le faut, à la ver­tu, ni enfin rem­plir fidè­le­ment, acti­ve­ment et avec fruit les devoirs du minis­tère sacré, si ce n’est en médi­tant et en contem­plant les mys­tères du divin Rédempteur et en vivant la vie du Christ, Modèle suprême et abso­lu de la per­fec­tion et Source inta­ris­sable de sainteté.

156. A cause de cela, Nous pen­sons que c’est pour Nous une grave obli­ga­tion de vous exhor­ter d’une façon par­ti­cu­lière à la pra­tique de la médi­ta­tion quo­ti­dienne, pra­tique recom­man­dée aus­si à tous les clercs par le Code de droit cano­nique [20]. De même que le sou­ci et la recherche de la per­fec­tion sacer­do­tale sont entre­te­nus et ren­for­cés par la médi­ta­tion quo­ti­dienne, ain­si la négli­gence à faire cette médi­ta­tion pro­duit ce dégoût des choses spi­ri­tuelles qui refroi­dit et affai­blit la pié­té, qui non seule­ment arrête ou para­lyse le sti­mu­lant qui pousse cha­cun à se sanc­ti­fier, mais cause de graves pré­ju­dices au minis­tère sacer­do­tal. C’est pour­quoi on doit affir­mer très jus­te­ment qu’aucun autre moyen de sanc­ti­fi­ca­tion ne pos­sède l’efficacité par­ti­cu­lière de la médi­ta­tion, et que la pra­tique quo­ti­dienne de cette der­nière est abso­lu­ment irremplaçable.

157. Qu’on ne sépare pas de la médi­ta­tion et contem­pla­tion des choses célestes les prières vocales, sans pour cela négli­ger les autres prières pri­vées qui, dans la situa­tion par­ti­cu­lière à cha­cun, aide­ront effi­ca­ce­ment à réa­li­ser l’union de l’âme avec Dieu. Il est bon cepen­dant de se rap­pe­ler que la pié­té, ain­si qu’un véri­table et ardent esprit de prière valent davan­tage que des prières mul­ti­pliées. Cet ardent esprit de prière est, plus que jamais, par­ti­cu­liè­re­ment néces­saire de nos jours, où le « natu­ra­lisme », comme on l’appelle, a enva­hi les esprits et les âmes des hommes, et où la ver­tu est expo­sée à des dan­gers de tout genre, dan­gers qui se pré­sentent par­fois aus­si à ceux qui exercent le minis­tère sacré. Qu’est-ce qui pour­ra mieux vous aider à vous pré­mu­nir contre ces embûches, qu’est-ce qui pour­ra mieux éle­ver l’âme vers les choses célestes, vous impo­ser de vivre dans l’union avec Dieu, que la prière assi­due et la demande du secours divin ?

3. Dévotion à la Sainte Vierge

158. Mais comme les prêtres peuvent être appe­lés à un titre tout par­ti­cu­lier les enfants de la Vierge Marie, ils ne pour­ront faire moins que de nour­rir à son égard une très ardente dévo­tion, de l’invoquer avec confiance, d’implorer fré­quem­ment sa pro­tec­tion tuté­laire et puis­sante. Donc chaque jour, comme l’Eglise le recom­mande [21], les prêtres s’appliqueront à réci­ter le rosaire de Marie (cha­pe­let) ; cette réci­ta­tion nous fai­sant aus­si médi­ter les mys­tères du divin Rédempteur, nous sommes ain­si conduits « à Jésus par Marie ».

4. Visite au Très Saint Sacrement

159. Avant de ter­mi­ner sa jour­née de tra­vail, le prêtre se ren­dra au pied du taber­nacle et il demeu­re­ra là au moins pen­dant quelque temps pour ado­rer Jésus dans le sacre­ment de son amour, pour répa­rer l’ingratitude de tant d’hommes envers ce sacre­ment, pour s’enflammer chaque jour davan­tage d’amour envers Dieu, et pour demeu­rer, d’une cer­taine manière, durant les heures de repos de la nuit – la nuit fait pen­ser au silence de la mort – pré­sent dans le Sacré Cœur de Jésus.

5. Examen de conscience

160. Que le prêtre n’omette pas de faire chaque jour son exa­men de conscience et de faire la cen­sure de son âme et de sa conduite. Cet exa­men est, sans aucun doute, très effi­cace, soit pour se rendre compte de la marche de sa vie spi­ri­tuelle durant la jour­née, soit pour écar­ter les obs­tacles qui empêchent ou retardent les pro­grès dans la ver­tu, soit enfin pour pour­suivre avec plus d’ardeur toutes les choses qui rendent plus fruc­tueux les tra­vaux du minis­tère sacer­do­tal et pour implo­rer du Père céleste la misé­ri­corde pour tant d’actes accom­plis d’une façon répréhensible.

6. La confession fréquente

161. Cette misé­ri­corde et le par­don des péchés nous sont accor­dés d’une manière spé­ciale par le sacre­ment de Pénitence, chef-​d’œuvre de la bon­té de Dieu, pour don­ner de la force à notre fra­gi­li­té. Qu’il n’arrive jamais, chers Fils, que le ministre de cette salu­taire récon­ci­lia­tion s’abstienne lui-​même de ce sacre­ment. L’Eglise a éta­bli, comme vous le savez, sur ce sujet, la pres­crip­tion sui­vante « Les Ordinaires des lieux veille­ront à ce que tous les clercs puri­fient fré­quem­ment au sacre­ment de Pénitence les souillures de leur conscience » [22]. Bien que ministres de Jésus-​Christ, nous sommes cepen­dant misé­rables : com­ment pourrons-​nous donc mon­ter à l’autel et célé­brer les saints mys­tères si nous ne nous pré­oc­cu­pons pas de sou­vent expier et de nous puri­fier ? La confes­sion fré­quente « aug­mente la vraie connais­sance de soi, favo­rise l’humilité chré­tienne, tend à déra­ci­ner les mau­vaises habi­tudes, com­bat la négli­gence spi­ri­tuelle et la tié­deur, puri­fie la conscience, for­ti­fie la volon­té, se prête à la direc­tion spi­ri­tuelle et, par l’effet propre du sacre­ment, aug­mente la grâce » [23].

7. La direction spirituelle

162. A ce sujet, il Nous semble oppor­tun de vous faire, chers Fils, une autre recom­man­da­tion : en entrant dans la vie spi­ri­tuelle et en y mar­chant, n’ayez pas une trop grande confiance en vous-​mêmes, mais avec humi­li­té et sim­pli­ci­té, rece­vez le conseil et deman­dez l’aide de ceux qui, avec une sage dis­cré­tion, peuvent vous conduire, vous annon­cer à l’avance les dan­gers qui menacent, vous indi­quer de même les remèdes appro­priés, et dans toutes les dif­fi­cul­tés inté­rieures et exté­rieures, vous conduire avec droi­ture et oppor­tu­ni­té, et vous diri­ger vers une per­fec­tion chaque jour plus accom­plie à laquelle vous invitent et vous appellent les exemples des saints et les ensei­gne­ments auto­ri­sés des maîtres de l’ascèse chré­tienne. En effet, sans ces pru­dents direc­teurs de conscience, il est très dif­fi­cile de répondre comme on le doit aux impul­sions de l’Esprit Saint et de la grâce divine.

8. Les exercices de retraite

163. Enfin, Nous dési­rons recom­man­der à tous la pra­tique des exer­cices spi­ri­tuels. Quand, durant quelques jours nous nous sépa­rons de l’entourage fami­lier, de nos occu­pa­tions habi­tuelles, de notre cou­tu­mière façon de vivre et que nous entrons dans la soli­tude et le silence, il nous est alors cer­tai­ne­ment plus facile de prê­ter atten­ti­ve­ment l’oreille aux ensei­gne­ments divins qui pénètrent plus pro­fon­dé­ment nos âmes. Ces exer­cices spi­ri­tuels, en nous appe­lant à rem­plir les devoirs de notre minis­tère avec plus de per­fec­tion et à contem­pler les mys­tères si émou­vants de Jésus-​Christ, affer­missent notre volon­té de telle manière que nous puis­sions ser­vir le Christ dans la sain­te­té et la jus­tice toute notre vie durant (Lc 1, 74.75).

II. Sainteté du ministère

a) Le prêtre, dispensateur et apôtre

164. Au Calvaire, le côté du divin Rédempteur a été trans­per­cé, son Sang très saint a cou­lé et s’est répan­du comme un tor­rent débor­dant à tra­vers les siècles pour puri­fier les consciences des hommes, expier leurs péchés et leur dis­tri­buer les tré­sors du salut.

Les prêtres sont des­ti­nés à l’exécution de ce sublime office. Ils ont, en effet, la charge, non seule­ment de ména­ger et de com­mu­ni­quer la vie et la grâce du Christ aux membres de son Corps mys­tique, mais aus­si de veiller au déve­lop­pe­ment du même Corps mys­tique, car ils doivent sans cesse don­ner à l’Eglise de nou­veaux enfants, les édu­quer, les ins­truire, les gui­der. Ils sont les dis­pen­sa­teurs des mys­tères de Dieu (1 Cor 4, 1) : ils doivent pour autant ser­vir Jésus-​Christ avec une par­faite cha­ri­té et consa­crer toutes leurs forces au salut de leurs frères. Ils sont les apôtres de la lumière : ils doivent pour autant éclai­rer le monde de la doc­trine de l’Evangile et être eux-​mêmes bien affer­mis dans la foi chré­tienne pour pou­voir la com­mu­ni­quer aux autres et suivre les exemples et les ensei­gne­ments du divin Maître, afin de pou­voir rame­ner à lui toutes les âmes. Ils sont les apôtres de la grâce et du par­don : ils doivent donc se consa­crer entiè­re­ment à pro­cu­rer le salut des hommes et les atti­rer à l’autel de Dieu pour qu’ils puissent s’y nour­rir du Pain de la vie céleste. Ils sont les apôtres de la cha­ri­té : ils doivent donc pro­mou­voir les œuvres et les ins­ti­tu­tions de cha­ri­té, d’autant plus urgentes aujourd’hui que les besoins des pauvres ont gran­di démesurément.

165. Le prêtre devra en outre s’employer à faire com­prendre aux fidèles la vraie doc­trine de la « Communion des Saints », à la leur faire sai­sir et expé­ri­men­ter ; qu’ils la déve­loppent inten­sé­ment par ces orga­ni­sa­tions qui s’appellent « l’Apostolat litur­gique » et « l’Apostolat de la prière ». Pareillement on favo­ri­se­ra toutes les formes et méthodes d’apostolat qui, aujourd’hui, du fait des besoins par­ti­cu­liers du peuple chré­tien, prennent tant d’importance et une telle gra­vi­té. Il fau­dra donc veiller avec le plus de zèle pos­sible à ce que l’enseignement du caté­chisme soit don­né à tous, à ce que « l’Action catho­lique » et « l’Action mis­sion­naire » soient lar­ge­ment pro­pa­gées et encou­ra­gées ; et de même faire en sorte que, grâce à la col­la­bo­ra­tion de laïcs bien ins­truits et bien for­més, se déve­loppent chaque jour toutes les œuvres qui se rap­portent à la bonne orga­ni­sa­tion des affaires sociales, comme le demande notre temps.

1. Exercer l’apostolat en union avec le Christ

166. Que le prêtre se sou­vienne cepen­dant que son minis­tère si impor­tant sera d’autant plus fécond qu’il sera lui-​même plus étroi­te­ment uni au Christ et qu’il sera gui­dé dans l’action par l’esprit du Christ. Alors son action sacer­do­tale ne se rédui­ra pas à une acti­vi­té pure­ment natu­relle qui fatigue le corps et l’esprit, et l’expose, lui prêtre, à des dévia­tions du droit che­min, nui­sibles tant à lui qu’à l’Eglise ; mais son tra­vail et ses constants efforts seront sou­te­nus par la grâce que Dieu refuse aux orgueilleux, mais qu’il accorde volon­tiers et lar­ge­ment à ceux qui, tra­vaillant hum­ble­ment dans « la vigne du Seigneur », ne se cherchent pas eux-​mêmes ni leur propre béné­fice (cf. 1 Cor 10, 33), mais uni­que­ment la gloire de Dieu et le salut des âmes. Fidèle aux leçons de l’Evangile, que le prêtre ne mette donc pas sa confiance, comme Nous l’avons déjà dit, en lui-​même et dans ses propres forces, mais qu’il la place dans l’aide du Seigneur, selon ces paroles : Celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose, mais Celui qui fait croître, Dieu (1 Cor 3, 7).

167. Quand l’apostolat est ain­si ordon­né et ins­pi­ré, il est impos­sible que le prêtre n’attire pas vive­ment à lui, par une force divine, toutes les âmes. S’il repro­duit en lui et dans ses mœurs comme la vivante image du Christ, tous ceux qui se tournent vers lui comme vers un maître recon­naî­tront, sous l’effet d’une intime per­sua­sion, que les paroles qu’il dit ne sont pas les siennes, mais celles de Dieu, et qu’il agit non par sa propre force, mais par la force de Dieu. Que celui qui parle dise les paroles de Dieu ; que celui qui exerce un minis­tère l’exerce par la force reçue de Dieu (1 P 4, 11). Bien plus, dans son effort vers la sain­te­té et dans l’exercice scru­pu­leux de son minis­tère, le prêtre doit s’efforcer de tenir le rôle du Sauveur et de repré­sen­ter la per­sonne du Christ si par­fai­te­ment qu’il puisse, en toute modes­tie, reprendre les paroles de l’Apôtre des nations : Soyez mes imi­ta­teurs comme je le suis du Christ (1 Cor 4, 16).

2. Eviter « l’hérésie de l’action »

168. Pour ces rai­sons, tout en louant légi­ti­me­ment ceux qui, dans les années qui ont sui­vi cette longue et ter­rible guerre, et sous l’impulsion de l’amour de Dieu et du pro­chain, ain­si que sous la direc­tion et en sui­vant l’exemple de leurs Evêques, ont consa­cré toutes leurs forces au sou­la­ge­ment de tant de misères maté­rielles et morales, Nous ne pou­vons omettre d’exprimer Notre pré­oc­cu­pa­tion et Notre anxié­té à ceux qui, à cause des cir­cons­tances par­ti­cu­lières et du temps, se sont trop sou­vent engouf­frés dans le tour­billon de l’activité exté­rieure jusqu’à négli­ger le pre­mier devoir du prêtre qui est celui de sa propre sanc­ti­fi­ca­tion. Nous avons déjà dit, en un docu­ment public [24], qu’ils doivent être rame­nés dans une voie plus droite ceux qui pré­sument que l’on peut sau­ver le monde par ce que l’on a jus­te­ment appe­lé « l’hérésie de l’action » : l’action qui n’a pas son fon­de­ment dans l’aide de la grâce et qui ne se sert pas constam­ment des moyens néces­saires à l’acquisition de la sain­te­té qui nous ont été don­nés par le Christ. Mais de la même façon, Nous avons éga­le­ment jugé utile de pous­ser aux œuvres du minis­tère ceux qui, trop dés­in­té­res­sés des affaires exté­rieures et dou­tant presque de l’efficacité du secours divin, ne s’emploient pas selon leurs pos­si­bi­li­tés à faire péné­trer l’esprit chré­tien dans la vie quo­ti­dienne, en employant toutes les formes d’action qui conviennent à notre époque [25].

3. Dévouement total au salut des âmes

169. Nous vous enga­geons tous vive­ment à vous consa­crer selon vos forces avec empres­se­ment, étroi­te­ment unis au Rédempteur par qui nous pou­vons tout (cf. Ph 4, 13), au salut de ceux que la Providence a confiés à vos soins. Avec quelle ardeur Nous dési­rons, chers Fils, que vous riva­li­siez avec ces saints qui, au temps pas­sé, ont démon­tré magni­fi­que­ment par leurs grandes œuvres la puis­sance en ce monde de la grâce divine ! Que cha­cun de vous, en toute humi­li­té et véri­té, puisse tou­jours s’attribuer – vos fidèles en seront témoins – la parole de l’Apôtre des nations : Pour moi, je dépen­se­rai très volon­tiers et me dépen­se­rai moi-​même tout entier pour vos âmes (2 Cor 12, 15). Eclairez les esprits, diri­gez les consciences, récon­for­tez et sou­te­nez les âmes qui se débattent dans le doute ou gémissent dans la souf­france. A ces formes prin­ci­pales d’apostolat, joi­gnez toutes les autres qu’exigent les besoins de notre temps. Mais qu’il appa­raisse tou­jours à tous que le prêtre, en toutes ses acti­vi­tés, ne cherche rien d’autre que le bien des âmes et n’a pas autre chose en vue que le Christ à qui il doit consa­crer ses forces et tout lui-même.

b) L’efficacité sanctifiante du ministère.

1. Ministère nourri de charité

170. De même que pour vous sti­mu­ler à réa­li­ser votre sanc­ti­fi­ca­tion per­son­nelle, Nous vous avons exhor­tés à repro­duire dans votre conduite la vivante image du Christ, ain­si main­te­nant, pour pro­cu­rer et déve­lop­per l’efficacité sanc­ti­fiante de votre minis­tère, Nous vous enga­geons encore ins­tam­ment à suivre les traces du Rédempteur. Rempli du Saint-​Esprit, il pas­sa en fai­sant le bien et gué­ris­sant tous ceux qui étaient asser­vis par le diable, car Dieu était avec lui (Ac 10, 38). Fortifiés par le même Esprit et sous son impul­sion, vous pour­rez exer­cer un minis­tère qui, nour­ri et enflam­mé par la cha­ri­té chré­tienne, sera riche en force divine et s’efforcera de com­mu­ni­quer cette force aux autres.

Que votre zèle apos­to­lique soit vivi­fié par cet amour divin qui sup­porte tout d’un cœur serein, qui ne se laisse pas vaincre par les obs­tacles et qui embrasse tout le monde, pauvres et riches, amis et enne­mis, croyants et incroyants. Ce labeur du jour et ces quo­ti­diennes souf­frances, vous les devez aux âmes pour le salut des­quelles notre Sauveur a endu­ré patiem­ment jusqu’à la mort la plus cruelle, dou­leurs et sup­plices par les­quels il nous remit dans l’amitié de Dieu. Cette ami­tié, vous le savez, est le seul et le plus grand des biens. Ne vous lais­sez donc pas prendre d’un désir immo­dé­ré du suc­cès ; ne vous lais­sez pas abattre si, après un tra­vail conscien­cieux, vous ne recueillez pas les fruits dési­rés, car l’un sème et l’autre récolte (Jn 4, 37).

2. Zèle empreint de bonté

171. Que votre zèle apos­to­lique brille en outre d’une immense bon­té. S’il est par­fois tout à fait néces­saire – et c’est un devoir pour tous – de com­battre l’erreur et de repous­ser le vice, le cœur du prêtre doit cepen­dant res­ter tou­jours ouvert à la com­pas­sion. Il faut com­battre l’erreur de toutes ses forces, mais aimer le frère qui erre et le conduire avec une cha­ri­té inlas­sable au salut. Quel bien n’ont pas fait, quelles œuvres admi­rables n’ont pas accom­plies les saints avec leur dou­ceur, même en des cir­cons­tances et dans des milieux faus­sés par le men­songe et dégra­dés par le vice !

Certainement, il tra­hi­rait son minis­tère celui qui, pour plaire aux hommes, flat­te­rait leurs mau­vaises incli­na­tions ou favo­ri­se­rait leur manière erro­née de pen­ser et d’agir, au pré­ju­dice de la doc­trine chré­tienne et de l’intégrité des moeurs. Cependant, une fois sau­ve­gar­dés et défen­dus les ensei­gne­ments de l’Evangile, lorsque les hommes qui sont tom­bés misé­ra­ble­ment sont ani­més du désir sin­cère de reve­nir dans la bonne voie, le prêtre doit se sou­ve­nir de la réponse du Seigneur au Prince des Apôtres qui lui deman­dait com­bien de fois il devait par­don­ner à son frère : Je ne te dis pas jus­qu’ à sept fois, mais jusqu’à sep­tante fois sept fois (Mt 18, 22).

3. Détachement des biens terrestres

172 L’objet de votre zèle, ce ne sont pas les biens ter­restres et pas­sa­gers, mais les biens éter­nels. Le but prin­ci­pal des prêtres qui aspirent, comme ils le doivent, à la sain­te­té, doit être celui-​ci : tra­vailler uni­que­ment pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Combien de prêtres, même dans les graves dif­fi­cul­tés actuelles, ont gar­dé devant les yeux les exemples et les avis de l’Apôtre des nations qui, se conten­tant de peu et ne cher­chant que les choses abso­lu­ment néces­saires, affir­mait : Ayant de quoi man­ger et de quoi nous cou­vrir, contentons-​nous de cela (1 Tim 6, 8).

A cause de ce dés­in­té­res­se­ment et de ce déta­che­ment des choses ter­restres unis à la confiance en la divine Providence, et Nous sem­blant dignes de la plus grande louange, le minis­tère sacer­do­tal a don­né des fruits abon­dants pour le bien spi­ri­tuel et même social de l’Eglise.

4. Zèle actif, éclairé par la sagesse et la science

173. Enfin ce zèle actif doit être éclai­ré par les lumières de la sagesse et de la science et enflam­mé par l’ardeur de la cha­ri­té. Quiconque se fixe comme but sa propre sanc­ti­fi­ca­tion et celle des autres doit être muni d’une solide doc­trine où entrent non seule­ment la théo­lo­gie, mais aus­si les sciences et la culture modernes, afin d’être capable, avec toutes ces qua­li­tés de l’esprit, en bon père de famille, de tirer de son tré­sor du neuf et du vieux (Mt 13, 52) et de rendre son minis­tère tou­jours plus appré­cié de tous et plus fécond. Avant tout, que votre acti­vi­té s’inspire tou­jours fidè­le­ment des pres­crip­tions du Siège Apostolique et des règles fixées par les Evêques. Qu’il n’arrive jamais, chers Fils, que demeurent mortes ou que ne répondent pas aux besoins des fidèles, par suite d’une mau­vaise direc­tion, toutes ces formes nou­velles d’apostolat qui sont aujourd’hui si oppor­tunes, spé­cia­le­ment dans les pays où le cler­gé n’est pas suf­fi­sam­ment nombreux.

Que chaque jour donc s’accroisse votre zèle labo­rieux, qu’il sou­tienne l’Eglise de Dieu, qu’il serve d’exemple aux fidèles et qu’il dresse de puis­sants rem­parts contre les­quels se brisent les assauts des enne­mis de Dieu.

5. Aux directeurs de conscience du clergé

174. Nous vou­lons aus­si que Notre exhor­ta­tion pater­nelle s’adresse d’une façon par­ti­cu­lière aux prêtres qui, avec humi­li­té et ardente cha­ri­té, veillent à la sanc­ti­fi­ca­tion de leurs confrères au titre de conseillers, de confes­seurs ou de direc­teurs spi­ri­tuels. Le bien incal­cu­lable qu’ils font à l’Eglise demeure le plus sou­vent caché, mais il écla­te­ra au grand jour dans la gloire du Royaume de Dieu.

Nous qui, il y a peu d’années, et à Notre grande joie, avons accor­dé les hon­neurs suprêmes des autels au prêtre de Turin, Joseph Cafasso – qui, en des temps très dif­fi­ciles, fut le guide spi­ri­tuel, sage et saint à la fois, de très nom­breux prêtres qu’il fit pro­gres­ser dans la ver­tu et dont il ren­dit mer­veilleu­se­ment fécond le saint minis­tère –, Nous avons pleine confiance que, par son puis­sant patro­nage, notre divin Rédempteur sus­ci­te­ra de nom­breux prêtres d’une égale sain­te­té qui sau­ront se conduire eux-​mêmes et diri­ger leurs confrères à une telle per­fec­tion de vie que les fidèles, admi­rant leurs exemples, seront por­tés de leur plein gré et de bon cœur à les imiter.

III. Directives pour la formation de l’esprit sacerdotal

175. Nous avons jusqu’ici expo­sé les véri­tés et les règles prin­ci­pales sur les­quelles s’appuient le sacer­doce catho­lique et les charges du minis­tère. Les prêtres dési­reux de se sanc­ti­fier se conforment cer­tai­ne­ment avec soin à ces véri­tés et à ces règles, dans leur vie quo­ti­dienne tan­dis que cer­tains déser­teurs et trans­fuges ont, hélas ! aban­don­né misé­ra­ble­ment les devoirs contrac­tés au jour de leur ordination.

Cependant, pour que Notre pater­nelle exhor­ta­tion soit plus effi­cace, Nous esti­mons oppor­tun de déve­lop­per spé­cia­le­ment cer­tains détails ayant trait à la vie actuelle. Ceci est d’autant plus néces­saire que dans la vie moderne cer­taines situa­tions et cer­taines dis­cus­sions se pré­sentent d’une nou­velle manière qui requiert de Nous des remarques plus pré­cises et des soins plus atten­tifs. Nous vou­lons donc enga­ger pater­nel­le­ment tous les prêtres, et en pre­mier lieu les Evêques, à pro­mou­voir géné­reu­se­ment et avec grand soin tout ce qui parait néces­saire en nos temps, et à redres­ser, à cor­ri­ger tout ce qui se cor­rompt et s’écarte du droit che­min de la véri­té, de l’honnêteté et de la vertu.

a) Recrutement

1. Union fraternelle des séculiers et religieux

176. Après les vicis­si­tudes longues et variées de la der­nière guerre, le nombre de prêtres, vous le savez bien, dans les pays catho­liques comme dans les Missions, s’est avé­ré bien sou­vent dis­pro­por­tion­né avec des besoins tou­jours crois­sants. Nous enga­geons donc tous les prêtres, qu’ils soient membres du cler­gé sécu­lier ou des Ordres et Congrégations reli­gieuses, à res­ter unis dans les liens de la cha­ri­té fra­ter­nelle et à tendre cou­ra­geu­se­ment, dans l’union de leurs forces et de leurs volon­tés, vers le but com­mun qui est le bien de l’Eglise, leur propre sanc­ti­fi­ca­tion et celle du pro­chain. Tous, même les reli­gieux qui vivent dans la retraite et le silence, peuvent contri­buer à l’efficacité de l’apostolat sacer­do­tal par la prière et le sacri­fice et, pour ceux qui le peuvent, par l’action, qu’ils s’y donnent géné­reu­se­ment et avec ardeur.

2. Recrutement des vocations

177. Mais il est néces­saire aus­si de recru­ter, à l’aide de la grâce de Dieu, des frères et com­pa­gnons de tra­vail. Nous appe­lons l’attention spé­cia­le­ment des Ordinaires et de tous ceux qui ont charge du trou­peau chré­tien à un titre quel­conque pour qu’ils plaident et déve­loppent cette cause très impor­tante inté­res­sant direc­te­ment l’avenir de l’Eglise. Sans nul doute, la socié­té fon­dée par le Christ ne man­que­ra jamais des prêtres néces­saires à sa mis­sion ; il importe cepen­dant de veiller tous et de tra­vailler et, nous rap­pe­lant la parole du Seigneur : La mois­son est abon­dante et les ouvriers peu nom­breux (Lc 10, 2), d’utiliser toutes nos forces à pro­cu­rer à l’Eglise des ministres les plus nom­breux et les plus saints possible.

178 Le divin Rédempteur lui-​même nous indique le che­min le plus sûr pour sus­ci­ter de nom­breuses voca­tions sacer­do­tales : Priez le Maître de la mois­son d’envoyer des ouvriers à sa mois­son (Lc 10, 2). Nous devons en effet le deman­der par une prière humble et confiante.

179. Il n’en est pas moins néces­saire que les esprits de ceux qui sont appe­lés par Dieu à entrer dans le sacer­doce soient pré­pa­rés à rece­voir l’impulsion et l’action invi­sible de l’Esprit Saint. A cet effet peuvent assu­ré­ment être d’une aide pré­cieuse les parents chré­tiens, les curés, les confes­seurs, les supé­rieurs de sémi­naires, les prêtres et tous les fidèles qui ont sou­ci de tra­vailler à l’accroissement de l’Eglise et de venir au secours de ses besoins. Que les ministres de Dieu aient soin, non seule­ment en chaire et au caté­chisme, mais aus­si dans les conver­sa­tions pri­vées oppor­tu­né­ment arran­gées, de dis­si­per les pré­ju­gés, les opi­nions fausses, si répan­dues actuel­le­ment contre l’état sacer­do­tal ; qu’ils en montrent la haute digni­té, la beau­té, l’utilité et le grand mérite. Tous les parents chré­tiens, à quelque classe qu’ils appar­tiennent, doivent deman­der au ciel la grâce qu’au moins un de leurs fils soit appe­lé à son ser­vice. Que tous les chré­tiens estiment de leur devoir de favo­ri­ser et d’aider de tout leur pou­voir ceux qui se sentent appe­lés au sacerdoce.

3. Sélection éclairée et prudente des candidats

180. L’éveil et la pro­tec­tion des voca­tions, que le Code de Droit cano­nique [26] confie et recom­mande aux pas­teurs des âmes, doit être le sou­ci par­ti­cu­lier de tous les prêtres qui, non seule­ment doivent rendre hum­ble­ment et géné­reu­se­ment grâces à Dieu pour l’inestimable don qu’ils ont reçu, mais n’avoir rien de plus à cœur et de plus agréable que de trou­ver et de se pré­pa­rer, en l’aidant, un suc­ces­seur par­mi les jeunes qu’ils savent doués des qua­li­tés néces­saires pour une pareille tâche. Pour atteindre effi­ca­ce­ment ce but, tout prêtre doit s’efforcer d’être et de se mon­trer un exemple de vie sacer­do­tale qui puisse deve­nir, pour les jeunes qu’il approche, et en qui il aura décou­vert les signes de l’appel divin, un idéal à imiter.

4. Aptitudes intellectuelles et morales des aspirants

181. Cette recherche éclai­rée et pru­dente des can­di­dats doit se faire tou­jours et par­tout ; pas seule­ment par­mi les jeunes qui sont déjà au Séminaire, mais encore à l’école élé­men­taire, dans tous les éta­blis­se­ments d’étude, et par­ti­cu­liè­re­ment chez les jeunes qui prêtent leur aide aux diverses branches et formes de l’apostolat catho­lique. Même s’ils n’arrivent que tar­di­ve­ment au sacer­doce, ceux-​là sont sou­vent armés de plus grandes et plus sûres ver­tus, ayant déjà subi l’épreuve, raf­fer­mi leur cœur au contact des dif­fi­cul­tés de la vie et col­la­bo­ré dans des œuvres étroi­te­ment unies au minis­tère sacerdotal.

Il est cepen­dant tou­jours néces­saire d’examiner avec soin chaque can­di­dat au sacer­doce et de s’enquérir sur­tout avec quel esprit et pour quelles rai­sons il a for­mé ce pro­jet. En par­ti­cu­lier, quand il s’agit d’enfants, il importe d’examiner avec soin s’ils sont doués des qua­li­tés phy­siques et morales néces­saires et s’ils aspirent au sacer­doce uni­que­ment pour la digni­té de cet état et pour leur propre bien spi­ri­tuel et celui du prochain.

182. Vous connais­sez bien, Vénérables Frères, les apti­tudes intel­lec­tuelles et morales que l’Eglise exige en cette matière des jeunes qui aspirent au sacer­doce, et il est super­flu de Nous attar­der à expo­ser ces choses et leurs rai­sons. Nous croyons plus utile d’attirer, par contre, votre atten­tion pour que vous exa­mi­niez avec pru­dence et avec soin les apti­tudes phy­siques de ceux qui veulent rece­voir les saints Ordres. Cela, parce que la der­nière guerre a lais­sé des traces et des troubles nom­breux dans la géné­ra­tion mon­tante. Qu’on exa­mine donc sur ce point, avec un soin par­ti­cu­lier, les can­di­dats de cet âge, en recou­rant, si besoin est, au juge­ment d’un méde­cin compétent.

b) Education des futurs prêtres

Si ce choix des voca­tions est fait avec intel­li­gence et pru­dence, Nous sommes sûr que se lève­ront par­tout des rangs ser­rés de sémi­na­ristes d’élite.

1. Son importance

183. Si beau­coup de pas­teurs sont gra­ve­ment pré­oc­cu­pés de la dimi­nu­tion crois­sante des jeunes voca­tions sacer­do­tales, ils ne le sont pas moins au sujet de l’éducation de ceux qui sont déjà entrés au Séminaire. Nous n’ignorons pas, Vénérables Frères, com­bien ardue est cette œuvre et com­bien de dif­fi­cul­tés, et les­quelles ! com­porte sa réa­li­sa­tion mais vous reti­re­rez une grande conso­la­tion de l’avoir menée à bien puisque, comme le rap­pelle Notre Prédécesseur Léon XIII, « de l’application et du zèle que vous aurez mis à for­mer des prêtres, vous reti­re­rez les fruits les plus dési­rables et vous expé­ri­men­te­rez que votre charge épis­co­pale en devien­dra à la fois plus facile et plus féconde en résul­tats » [27].

C’est pour­quoi Nous jugeons oppor­tun de vous fixer quelques direc­tives impo­sées par la néces­si­té plus grande que jamais de for­mer de saints prêtres.

2. Adaptation

184. Remarquons tout d’abord que les petits sémi­na­ristes ne sont que des enfants sépa­rés du milieu natu­rel de leur famille. il est donc néces­saire que la vie menée au Séminaire par ces enfants se rap­proche, autant que pos­sible, de la vie nor­male des enfants. On don­ne­ra une grande impor­tance à leur for­ma­tion reli­gieuse, mais en tenant compte de leurs capa­ci­tés et de leur degré de déve­lop­pe­ment. Et que cette édu­ca­tion soit don­née dans des locaux assez amples et adap­tés pour assu­rer leur san­té phy­sique et morale. Toutefois, même en tout cela, qu’on observe « la juste mesure et la modé­ra­tion », de façon que ceux qui doivent être for­més au renon­ce­ment et aux ver­tus évan­gé­liques ne vivent pas « dans des mai­sons somp­tueuses, dans les dou­ceurs et les raf­fi­ne­ments du confort » [28].

3. Formation de la conscience

185. On veille­ra géné­ra­le­ment à déve­lop­per les qua­li­tés natives et per­son­nelles de chaque enfant, tout en aigui­sant en lui la conscience de sa res­pon­sa­bi­li­té en ses actes, le juge­ment qu’il doit por­ter sur les hommes et les évé­ne­ments, l’esprit d’initiative. Les direc­teurs de Séminaires recour­ront donc pru­dem­ment aux répri­mandes et allé­ge­ront pro­gres­si­ve­ment, selon l’âge des élèves, les rigueurs de la sur­veillance et de la dis­ci­pline, de façon à ache­mi­ner len­te­ment les jeunes à se conduire eux-​mêmes et à prendre la res­pon­sa­bi­li­té de leurs actes. En cer­tains domaines, ils accor­de­ront non seule­ment aux élèves une juste liber­té d’action ; ils les habi­tue­ront à la réflexion pour leur faci­li­ter l’assimilation des prin­cipes théo­riques ou pra­tiques. Que les direc­teurs ne craignent pas non plus de tenir les jeunes au cou­rant des évé­ne­ments actuels ; car, outre qu’ils leur don­ne­ront ain­si les élé­ments néces­saires pour se for­mer un juge­ment mûr, qu’ils ne refusent pas non plus des dis­cus­sions sur ces sujets afin d’entraîner les jeunes à peser les évé­ne­ments et leurs causes.

186. Si ces direc­tives sont soi­gneu­se­ment obser­vées, les jeunes seront for­més à l’honnêteté et à la loyau­té, et ils auront, pour eux-​mêmes et pour les autres, l’estime de la droi­ture et de la fer­me­té, en même temps que l’horreur de la dupli­ci­té et de toute sorte de men­songe. Cette droi­ture et cette loyau­té seront une base dont on se ser­vi­ra tant pour mieux diri­ger ces jeunes que pour juger s’ils sont vrai­ment appe­lés par Dieu à rece­voir les saints Ordres.

4. Contact avec la vie du peuple

187. Si les jeunes – sur­tout ceux qui sont entrés au Séminaire à un âge tendre – étaient éle­vés dans un milieu trop sépa­ré du monde, ils ren­con­tre­raient cer­tai­ne­ment, à la sor­tie du Séminaire, des dif­fi­cul­tés dans leurs rela­tions, soit avec le peuple, soit avec les classes culti­vées, et il s’ensuivrait sou­vent, soit des atti­tudes impru­dentes devant les fidèles, soit un mépris pour l’éducation reçue. Il faut veiller à ce que les sémi­na­ristes prennent gra­duel­le­ment et pru­dem­ment contact avec les juge­ments et les goûts intimes du peuple, de peur que, jeunes prêtres entrant dans le minis­tère, ils ne soient déso­rien­tés : ce qui serait non seule­ment trou­blant pour eux, mais dom­ma­geable pour leur acti­vi­té sacerdotale.

5. Formation intellectuelle

188. Outre cela, les direc­teurs de Séminaires doivent mettre leurs plus grands soins dans la for­ma­tion intel­lec­tuelle des élèves.

Vous n’ignorez pas, Vénérables Frères, les règle­ments et les ins­truc­tions don­nés à ce sujet par le Siège Apostolique, et que Nous-​même avons rap­pe­lés à tous lors de la pre­mière audience que Nous avons accor­dée aux élèves des Séminaires et des Collèges de Rome au début de Notre pon­ti­fi­cat [29].

A ce sujet, Nous vou­lons avant tout qu’au moins la culture lit­té­raire et scien­ti­fique des futurs prêtres ne le cède en rien à celle des laïques qui suivent les mêmes études. Si l’on y veille, on aura par le fait même pour­vu sérieu­se­ment à la for­ma­tion des esprits et faci­li­té en temps vou­lu le choix des sujets. De cette façon, les sémi­na­ristes se sen­ti­ront plus libres lorsqu’il s’agira de choi­sir leur état de vie et évi­te­ront faci­le­ment la ten­ta­tion, faute d’avoir la for­ma­tion et la culture intel­lec­tuelles pour trou­ver une situa­tion dans le monde, d’être for­cés de res­ter dans une voie qui n’est pas faite pour eux, selon le rai­son­ne­ment de l’économe infi­dèle : Je ne puis tra­vailler la terre, j’ai honte de men­dier (Lc 16, 3).

Et s’il arri­vait qu’un élève, dont on pou­vait espé­rer un ser­vice utile pour l’Eglise, se reti­rât du Séminaire, il n’y aurait pas à tant le regret­ter ; car un jeune qui a trou­vé sa voie ne pour­ra pas ne pas se sou­ve­nir dans la suite des bien­faits reçus au Séminaire, et ne pas joindre son action géné­reuse à l’action du laï­cat catholique.

189. Parmi les sciences nom­breuses exi­gées pour la for­ma­tion intel­lec­tuelle des jeunes sémi­na­ristes, si l’étude des ques­tions sociales a aujourd’hui une grande por­tée, il faut accor­der la plus grande valeur aux études phi­lo­so­phiques et théo­lo­giques, « selon la pen­sée du Docteur angé­lique » [30], jointes à la connais­sance des besoins et des erreurs de notre temps. Ces études sont de la plus grande impor­tance et uti­li­té, soit pour le prêtre, soit pour le peuple chré­tien. Les maîtres de la vie spi­ri­tuelle affirment, en effet, que ces études, à condi­tion qu’elles soient menées avec une bonne méthode, sont d’une grande effi­ca­ci­té pour gar­der et nour­rir l’esprit de foi, pour refré­ner les pas­sions, pour conduire l’âme à l’union avec Dieu.

Pour le prêtre, il faut ajou­ter que, devant être comme le sel de la terre et la lumière du monde (Mt 5, 13.14), il doit se dépen­ser for­te­ment à la défense de la foi, en prê­chant l’Evangile du Christ et en réfu­tant les erreurs qui se répandent de tous côtés dans le peuple. Or, il ne pour­ra com­battre effi­ca­ce­ment ces fausses doc­trines s’il ne pos­sède à fond les plus solides prin­cipes de la phi­lo­so­phie et de la théo­lo­gie catholique.

190. A ce pro­pos, il n’est pas inutile de rap­pe­ler que la méthode d’enseignement en usage dans les écoles catho­liques pos­sède une effi­ca­ci­té par­ti­cu­lière, tant pour don­ner à l’esprit des notions claires des choses que pour mon­trer la cohé­sion orga­nique et par­faite des véri­tés confiées à l’Eglise, édu­ca­trice des chré­tiens, comme un dépôt sacré. Hélas il ne manque pas aujourd’hui d’esprits qui, s’éloignant des récents ensei­gne­ments de l’Eglise et mini­mi­sant la clar­té et la pré­ci­sion des concepts, se sont non seule­ment éloi­gnés de la bonne méthode de nos écoles, mais ouvrent de plus la voie à des erreurs et à des opi­nions confuses, comme le prouve l’expérience.

c) La vie spirituelle et ses moyens

1. La vie intérieure

Nous vous enga­geons donc tous vive­ment, Vénérables Frères, pour que les études des futurs prêtres ne se perdent pas lamen­ta­ble­ment dans les voies de la confu­sion et du doute, à veiller avec soin à ce que les direc­tives don­nées dans ce but par le Siège Apostolique soient loya­le­ment reçues et observées.

191. Si, dans l’exercice de Notre charge apos­to­lique, Nous avons encore recom­man­dé avec tant de sol­li­ci­tude une culture intel­lec­tuelle supé­rieure du cler­gé, il est aisé de com­prendre cepen­dant que Nous n’avons rien de plus à cœur que la sérieuse for­ma­tion spi­ri­tuelle et morale de ces jeunes clercs ; car s’il en était autre­ment, une science même émi­nente, enta­chée d’orgueil ou de pré­somp­tion qui s’insinue faci­le­ment dans les âmes, pour­rait pro­vo­quer les pires dom­mages. Aussi l’Eglise, notre Mère, veut-​elle, par-​dessus tout, que les jeunes gens, dans les Séminaires, ébauchent les fon­de­ments de cette sain­te­té que, par la suite, dans toute leur vie, ils doivent mani­fes­ter et affermir.

192. Comme Nous l’avons déjà écrit pour les prêtres, Nous insis­tons éga­le­ment ici pour que les jeunes clercs aient la plus intime convic­tion qu’il leur faut s’efforcer de tout leur pou­voir d’acquérir ces orne­ments de l’âme que sont les ver­tus, et quand ils y sont par­ve­nus, de les gar­der fer­me­ment avec le désir de les accroître.

2. L’esprit de foi

193. Lorsque chaque jour, presque tou­jours aux mêmes heures, les jeunes gens rem­plissent les mêmes devoirs de pié­té, il est à craindre que les sen­ti­ments inté­rieurs de l’âme ne concordent pas avec la pra­tique exté­rieure de la reli­gion. Et cela, chez eux, peut tour­ner faci­le­ment à la rou­tine ou même deve­nir plus grave, lorsque, ayant quit­té le Séminaire, ils se trouvent empor­tés par l’accomplissement néces­saire de leurs devoirs.

Il ne faut donc rien négli­ger et appor­ter un soin par­ti­cu­lier à ce que, durant leur for­ma­tion, les futurs clercs vivent pieu­se­ment cette vie qui est leur but, qu’ils la nour­rissent d’esprit sur­na­tu­rel et que cet esprit sur­na­tu­rel en dirige les actes. Qu’ils accom­plissent toute chose à la lumière de la foi divine et en union avec le Christ Jésus. Qu’ils soient convain­cus qu’ils ne peuvent s’abstenir de ce saint genre de vie, eux qui doivent un jour deve­nir prêtres et repré­sen­ter le divin Maître dans l’Eglise. Rien, en effet, ne pousse tant les jeunes clercs à acqué­rir les dignes ver­tus du sacer­doce, à triom­pher des dif­fi­cul­tés et à suivre les conseils qui les sau­ve­gardent que ce sen­ti­ment pro­fond de piété.

3. Acquisition des vertus

194. Il faut que ceux qui se chargent de la for­ma­tion morale des clercs aient en vue prin­ci­pa­le­ment de les faire s’attacher aux ver­tus que l’Eglise demande à ses prêtres. Nous en avons déjà par­lé autre part dans cette Exhortation ; il n’y a pas lieu certes d’y reve­nir. Cependant, Nous ne pou­vons Nous empê­cher de recom­man­der de tout Notre pou­voir qu’on forme par­ti­cu­liè­re­ment les aspi­rants au sacer­doce à toutes ces ver­tus qui sont comme le fon­de­ment où s’appuie toute la sain­te­té des prêtres.

195. Il faut à tout prix que les jeunes gens arrivent à ce goût de l’obéissance, qu’ils s’habituent à sou­mettre fran­che­ment leur volon­té à la volon­té de Dieu dont les direc­teurs du Séminaire doivent être regar­dés comme les inter­prètes. Qu’il n’y ait donc rien dans leur manière d’agir qui soit à l’encontre de la volon­té divine. De cette obéis­sance dont Nous par­lons, que les jeunes clercs en cherchent l’exemple auprès du divin Rédempteur qui n’eut ici-​bas qu’un seul but : O Dieu (je viens) faire votre volon­té (Hb 10, 7).

196. Que les jeunes gens, dans les Séminaires, apprennent dès le plus jeune âge à obéir volon­tiers et filia­le­ment à leurs direc­teurs, pour qu’un jour ils se sou­mettent sans effort à la volon­té de leur Evêque, comme Ignace d’Antioche, cet ath­lète le plus invin­cible du Christ en don­nait le pré­cepte : « Obéissez tous à l’Evêque, comme Jésus-​Christ à son Père » [31] ; « Qui honore l’Evêque est hono­ré par Dieu ; qui tra­vaille en cachette de l’Evêque sert le diable » [32] ; « Ne faites rien sans l’Evêque ; gar­dez votre corps comme le temple de Dieu ; aimez l’union ; fuyez la dis­corde ; soyez les imi­ta­teurs de Jésus-​Christ comme lui-​même l’est de son Père. » [33]

4. Soin tout particulier de la chasteté

197. Il faut appor­ter un soin par­ti­cu­lier et vigi­lant à ce que les jeunes sol­dats de la milice sacrée fassent grand cas de la chas­te­té, l’aiment et la défendent dans leur cœur car, en cette ver­tu se trouve, pour une grande part, ce qui leur fait embras­ser ce genre de vie et y per­sé­vé­rer. Par consé­quent, cette ver­tu qui se trouve expo­sée à tant de dan­gers dans les rap­ports de la vie humaine, doit depuis long­temps et fer­me­ment se trou­ver enra­ci­née dans l’âme des aspi­rants à la digni­té sacer­do­tale. Il ne suf­fit donc pas d’éclairer les clercs sur la nature du céli­bat des prêtres et la chas­te­té qu’ils doivent obser­ver [34], il faut de plus les ins­truire des périls qu’ils peuvent ren­con­trer. Il faut éga­le­ment exhor­ter les élèves des Séminaires à ce que dès leur jeune âge, ils prennent garde à ces dan­gers en recou­rant à ces méthodes de mor­ti­fi­ca­tion des pas­sions que pro­posent les maîtres de la vie spi­ri­tuelle ; car d’autant plus ferme et constant sera cet empire sur les pas­sions, d’autant plus l’âme pro­gres­se­ra dans les autres ver­tus, et plus abon­dants seront les fruits du minis­tère sacer­do­tal. Et si quelque clerc se montre sur ce point enclin au mal, et que, après une expé­rience qui a duré le temps conve­nable, il ne se cor­rige pas de sa fai­blesse, il faut, quoi qu’il en coûte, l’écarter du Séminaire avant sa pro­mo­tion aux Ordres sacrés.

5. Dévotion au Très Saint Sacrement

198. Ces ver­tus dont Nous avons par­lé et toutes les autres qui doivent à juste titre orner l’âme des prêtres, les jeunes gens qui vivent au Séminaire les acquer­ront faci­le­ment si, dès l’enfance, ils ont été éle­vés dans une tendre et sin­cère pié­té à l’égard du Christ Jésus, « vrai­ment, réel­le­ment et sub­stan­tiel­le­ment » [35] pré­sent par­mi nous sur cette terre, sous les espèces du Très Saint Sacrement ; si ces jeunes élèves acceptent conseils et tra­vaux dès qu’ils viennent du Christ ou ont le Christ pour objet.

6. Dévotion à la Sainte Vierge

199. L’Eglise sera certes com­blée d’une grande joie si, à cette pié­té à l’égard du Très Saint Sacrement de l’Eucharistie, ces tout jeunes hommes joignent une pié­té par­ti­cu­lière envers la Bienheureuse Vierge Marie : pié­té, disons-​Nous, qui pousse l’âme à se confier entiè­re­ment à la Mère de Dieu et l’engage à suivre les exemples de ses ver­tus, atten­du que jamais un prêtre dont la jeu­nesse aura été nour­rie d’un amour excep­tion­nel envers Jésus et Marie ne man­que­ra d’activité intel­li­gente et adroite.

d) Les nouveaux prêtres

1. Nécessité d’une initiation au ministère

200. Nous ne pou­vons ici Nous empê­cher, Vénérables Frères, de vous exhor­ter à prendre un soin tout par­ti­cu­lier des tout nou­veaux prêtres.

Au moment où ils quittent l’enclos du Séminaire pour rem­plir leurs saintes fonc­tions, un dan­ger peut se pré­sen­ter aux prêtres, du fait qu’ils se lancent dans le champ ouvert de l’apostolat, s’ils n’ont pas été ins­truits avec pru­dence des condi­tions nou­velles de cette vie. C’est pour­quoi il vous est utile de consi­dé­rer que les bons espoirs for­més au sujet des nou­veaux prêtres peuvent ne pas abou­tir si quelqu’un ne les fait pas avan­cer pas à pas dans leurs tra­vaux, si quelqu’un n’est pas là pour veiller sur eux sage­ment dans leurs débuts et pour les gui­der comme un père.

Aussi jugeons-​Nous très utile que ces nou­veaux prêtres, par­tout où cela peut se faire, soient pla­cés en cer­taines ins­ti­tu­tions où, sous la direc­tion d’hommes d’une expé­rience très éten­due, ils se culti­ve­ront dans la pié­té et les sciences sacrées en même temps qu’ils seront ini­tiés à leurs charges sacer­do­tales, cha­cun sui­vant ses dis­po­si­tions natu­relles. Dans ce but, Nous sou­hai­tons que ces ins­ti­tu­tions soient ain­si éta­blies, soit une par dio­cèse, soit, si les cir­cons­tances le demandent, une pour plu­sieurs diocèses.

En ce qui concerne Notre Ville, c’est ce que, pour Notre cin­quan­tième anni­ver­saire sacer­do­tal, Nous avons réa­li­sé bien volon­tiers lorsque Nous avons déci­dé l’érection de l’Institut St-​Eugène pour les jeunes prêtres [36].

201. Nous vous exhortons,Vénérables Frères, dans la mesure du pos­sible, à ne pas envoyer des prêtres encore sans expé­rience au milieu des œuvres du minis­tère, et à ne pas les dési­gner pour des lieux éloi­gnés de la ville prin­ci­pale du dio­cèse ou des grands centres. Car s’ils se trou­vaient en cette situa­tion, iso­lés, sans expé­rience, pri­vés de maîtres pru­dents, leur zèle et leur vie sacer­do­tale en seraient, sans aucun doute, gra­ve­ment compromis.

Il Nous semble très bon éga­le­ment, Vénérables Frères, que ces nou­veaux prêtres vivent avec le prin­ci­pal curé du lieu et ses vicaires, car ain­si il est plus facile, à la suite de leurs aînés, de les for­mer au saint minis­tère et de leur don­ner un goût plus vif de la piété.

C’est pour­quoi Nous rap­pe­lons à tous les pas­teurs des âmes qu’entre leurs mains, en grande par­tie, se trouve pla­cé l’avenir de ces jeunes prêtres. Car la force et l’ardeur avec les­quelles ces jeunes prêtres se donnent à leur pre­mier minis­tère pour­ront par­fois s’éteindre ou cer­tai­ne­ment dimi­nuer à l’exemple de prêtres plus âgés, tels ceux qui ne brillent pas par l’éclat des ver­tus ou qui pré­fèrent un genre de vie de tout repos, sous pré­texte de ne pas chan­ger de vieilles rou­tines dont ils ont pris l’habitude.

2. Avantages de la vie communautaire du clergé

202. Nous approu­vons et Nous recom­man­dons vive­ment ce qui était déjà un sou­hait de l’Eglise [37], qu’on intro­duise la cou­tume de la vie en com­mun pour le cler­gé d’une même cure ou de plu­sieurs cures voisines.

Si l’usage de la vie en com­mun peut appor­ter quelques incom­mo­di­tés, per­sonne ne doute cepen­dant qu’elle pro­cure de grands avan­tages. Tout d’abord elle favo­rise un esprit de cha­ri­té et de zèle de jour en jour plus grand chez les prêtres ; ensuite elle est un exemple pour le peuple chré­tien de leur déta­che­ment volon­taire de leurs inté­rêts et de leurs proches, et elle rend mani­feste le soin reli­gieux que prennent les prêtres de leur chasteté.

3. Persévérance dans la vie d’études

203. Mais encore les prêtres doivent-​ils s’appliquer à l’étude comme le porte le Code de droit cano­nique : « Que les clercs n’interrompent pas, après la récep­tion du sacer­doce, leurs études, sur­tout des sciences sacrées » [38]. Le même Code pres­crit aux nou­veaux prêtres, non seule­ment de subir un exa­men « annuel pen­dant au moins trois ans com­plets » [39], mais encore de tenir des réunions fré­quentes durant l’année « pour pro­mou­voir.., la science et la pié­té » [40].

4. Opportunité des bibliothèques sacerdotales

204. Mais, pour favo­ri­ser ces études que sou­vent les prêtres ne peuvent pour­suivre à cause de la modi­ci­té de leur avoir, il importe gran­de­ment que les Ordinaires des lieux, sui­vant les excel­lentes anciennes règles de l’Eglise, réta­blissent dans leur pres­tige d’autrefois les biblio­thèques de l’évêché, des col­lèges de cha­noines ou des cures elles-mêmes.

Ces biblio­thèques, bien qu’elles aient été pour la plu­part pillées et rui­nées, se trouvent encore plus d’une fois dotées et enri­chies, à l’occasion d’un splen­dide héri­tage, de par­che­mins et d’ouvrages, manus­crits ou impri­més, « qui sont un témoi­gnage insigne des tra­vaux sans fin entre­pris par l’Eglise comme de l’autorité dont elle a joui, et éga­le­ment de la foi en Dieu et de la pié­té qui ani­mait nos ancêtres, de leurs études infa­ti­gables et de leur goût d’une par­faite élé­gance » [41].

Que ces biblio­thèques ne soient pas le refuge dédai­gné des livres, mais bien plu­tôt comme une construc­tion vivante où l’on a amé­na­gé une salle pra­tique pour la lec­ture des ouvrages. Mais avant tout, que ces biblio­thèques soient dis­po­sées pour l’usage des lec­teurs contem­po­rains, four­nies d’écrits de tous genres, prin­ci­pa­le­ment en matière reli­gieuse et sociale, de sorte que les pro­fes­seurs, les curés et sur­tout les plus jeunes prêtres puissent y pui­ser un savoir satis­fai­sant pour répandre les véri­tés de l’Evangile ou réfu­ter les erreurs.

IV. Problèmes actuels

a) Attrait du nouveau et de l’insolite

205. Enfin, Nous pen­sons, Vénérables Frères, que c’est de Notre devoir de vous adres­ser quelques aver­tis­se­ments au sujet des dan­gers ou dif­fi­cul­tés plus par­ti­cu­liers à notre époque.

Nous sommes cer­tain que vous avez déjà noté par­mi les prêtres, spé­cia­le­ment par­mi ceux moins bien pour­vus de science doc­tri­nale et d’une moins grande aus­té­ri­té de vie par rap­port à leurs confrères, une cer­taine avi­di­té de nou­veau­tés qui va se répan­dant d’une façon tou­jours plus grave et plus inquié­tante. La nou­veau­té n’est jamais par elle-​même un cri­tère de véri­té ; elle ne peut être louable que lorsqu’elle confirme la véri­té et porte à la droi­ture et à la vertu.

L’époque où nous vivons souffre d’une sérieuse dévia­tion. On doit déplo­rer que plu­sieurs sys­tèmes phi­lo­so­phiques naissent et dis­pa­raissent sans nul­le­ment amé­lio­rer la conduite des hommes ; on voit des œuvres qui déforment éton­nam­ment l’art et qui cepen­dant ont la pré­ten­tion de s’appeler chré­tiennes ; en beau­coup de pays, les méthodes de gou­ver­ne­ment ou d’administration abou­tissent plus à favo­ri­ser les inté­rêts per­son­nels des citoyens qu’à pro­cu­rer la pros­pé­ri­té com­mune de tous ; les orga­ni­sa­tions de la vie éco­no­mique et sociale ou rela­tives à ces matières offrent plus de dan­ger pour les hon­nêtes gens que pour les citoyens habiles à ruser. Il s’ensuit natu­rel­le­ment qu’il ne manque pas, de nos jours, de prêtres qui subissent de quelque façon l’influence de ce mal conta­gieux ; qui se pénètrent d’opinions et qui adoptent un genre de vie, même en ce qui concerne le vête­ment et le soin du corps, éga­le­ment étran­gers à leur digni­té et aus­si à leurs devoirs de prêtre ; qui se laissent gui­der par cet engoue­ment pour les nou­veau­tés, tant dans la pré­di­ca­tion au peuple chré­tien que dans la réfu­ta­tion des erreurs des adver­saires qui, en agis­sant ain­si, non seule­ment affai­blissent leur esprit de foi, mais, leur bonne répu­ta­tion étant détruite, dimi­nuent l’efficacité du minis­tère sacre.

206. Nous atti­rons très spé­cia­le­ment votre vigi­lance, Vénérables Frères, sur ces choses. Nous ne dou­tons nul­le­ment qu’en face de cet atta­che­ment exces­sif à l’égard du pas­sé et de ce désir immo­dé­ré du futur ou du nou­veau qui se mani­festent chez plu­sieurs prêtres, vous sau­rez user de cette pru­dence qui doit être sage et vigi­lante lorsqu’elle cour­ra des risques dans des voies nou­velles, cher­chant ce qu’il faut per­mettre en fait d’élan et d’activité ou bien de lutte pour que seule la véri­té soit vic­to­rieuse. Nous sommes loin de pré­tendre que les tra­vaux apos­to­liques ne doivent pas être en rap­port avec la vie de notre époque et que les œuvres que l’on orga­nise aujourd’hui ne doivent pas répondre aux besoins de notre temps. Mais comme il est néces­saire que l’activité sacer­do­tale, bien que réa­li­sée dans l’Eglise, soit orga­ni­sée par la hié­rar­chie légi­time, on ne doit pas inau­gu­rer de nou­velles formes d’apostolat si ce n’est avec l’agrément de l’Evêque. Que les Ordinaires d’une même région ou d’une même nation se consultent oppor­tu­né­ment et s’entendent sur ces ques­tions dans le des­sein de pour­voir aux besoins par­ti­cu­liers de leurs régions et d’étudier les méthodes les plus aptes et les plus appro­priées à l’apostolat reli­gieux. Si toutes les choses sont mises dans l’ordre vou­lu, il est impos­sible que l’action sacer­do­tale soit sans effi­ca­ci­té. Que tous les prêtres se per­suadent de ce qui suit, à savoir qu’il faut obéir à la volon­té de Dieu plu­tôt qu’à celle des hommes et qu’il faut régler et four­nir l’activité de l’apostolat non selon ses opi­nions per­son­nelles, mais d’après les lois ou les normes de la hié­rar­chie. Il se trompe de toute façon le prêtre qui croit pou­voir, par l’emploi d’activités inso­lites et extra­va­gantes, et cacher la pau­vre­té de son âme et coopé­rer effi­ca­ce­ment à la dif­fu­sion du règne du Christ.

b) La question sociale

1. Opposition ferme au communisme

207. Nous pen­sons que les prêtres doivent avoir une façon d’agir sem­blable à cette droi­ture d’attitude dont Nous avons par­lé, quand il s’agit des doc­trines sociales telles qu’elles sont pro­po­sées de nos jours.

Il y a aujourd’hui des prêtres non seule­ment inquiets, mais aus­si décon­te­nan­cés et indé­cis en face des machi­na­tions des com­mu­nistes qui se pro­posent prin­ci­pa­le­ment d’arracher la foi chré­tienne à ceux-​là mêmes aux­quels ils pro­mettent le bon­heur tem­po­rel. Mais le Siège Apostolique, par de récents docu­ments rela­tifs à ce sujet, a indi­qué clai­re­ment la voie à suivre par tous ; per­sonne ne doit la quit­ter s’il ne veut pas man­quer à son devoir.

2. Conséquences nuisibles du capitalisme

208. D’autre part, ne sont pas rares les prêtres qui se montrent timides et incer­tains en ce qui concerne le sys­tème éco­no­mique qui a tiré son nom de l’accumulation exces­sive des biens pri­vés. Plus d’une fois l’Eglise en a dénon­cé les consé­quences gra­ve­ment per­ni­cieuses. En effet, elle a indi­qué non seule­ment les abus des grandes richesses et même du droit de pro­prié­té qu’un pareil régime éco­no­mique engendre et pro­tège, mais elle a aus­si ensei­gné que la richesse et la pos­ses­sion doivent être les ins­tru­ments de la pro­duc­tion de biens pour l’avantage de la socié­té tout entière et aus­si pour la sau­ve­garde et le déve­lop­pe­ment de la liber­té et de la digni­té de la per­sonne humaine.

Les dom­mages cau­sés par les deux sys­tèmes éco­no­miques doivent convaincre tout le monde, mais spé­cia­le­ment les prêtres, de l’obligation d’adhérer et de res­ter fidèles à la doc­trine sociale que l’Eglise indique, de la faire connaître aux autres et de la leur faire mettre en pra­tique selon leurs moyens. Seule, en effet, cette doc­trine peut por­ter remède aux maux qui se sont si lar­ge­ment éten­dus et accrus ; cette doc­trine unit et met dans un accord par­fait toutes les exi­gences de la jus­tice et les devoirs de la cha­ri­té : elle com­mande d’établir un ordre social qui, loin d’opprimer les indi­vi­dus et de les iso­ler les uns des autres par la pré­oc­cu­pa­tion exces­sive des inté­rêts de cha­cun, réunit tous les hommes dans des rela­tions réci­proques de bonne har­mo­nie et par les liens d’une ami­tié fraternelle.

3. Attitude du prêtre justice et charité

209. Que les prêtres mar­chant sur les traces du divin Maître viennent, selon leur pou­voir, au secours des pauvres et des tra­vailleurs et de tous ceux qui se trouvent dans la gêne et la misère. Parmi ces der­niers, tout le monde le sait, il faut aus­si comp­ter beau­coup de gens de la classe moyenne et de membres du cler­gé. Néanmoins, que les prêtres ne négligent pas ceux qui, tout en pos­sé­dant les biens de la for­tune en suf­fi­sance, sont des indi­gents quant à leur âme. Aussi faut-​il les appe­ler à renou­ve­ler com­plè­te­ment leur vie, en se sou­ve­nant de l’exemple de Zachée qui a dit : Je donne aux pauvres la moi­tié de mes biens, et si j’ai fait quelque tort à quelqu’un, je lui rends le qua­druple (Lc 19, 8). Quand il s’agit de dis­cus­sion sur une matière sociale, les prêtres ne doivent jamais oublier le but vers lequel doit tendre leur mis­sion : à savoir, avec zèle, sans hési­ta­tion aucune, qu’ils exposent les vrais prin­cipes doc­tri­naux qui concernent le droit de pro­prié­té, la richesse, la jus­tice, la cha­ri­té ; leur exemple mon­tre­ra com­ment ces mêmes prin­cipes doivent être appli­qués de la façon la plus convenable.

Que les laïcs se pré­oc­cupent de l’application effec­tive de ces prin­cipes doc­tri­naux à la vie sociale. S’il ne s’en trouve pas de capables pour cela, le prêtre les ins­trui­ra et les for­me­ra aus­si par­fai­te­ment que possible.

e) Sollicitude du Pape pour le clergé pauvre

1. Inégalité de la situation économique

210. Nous esti­mons oppor­tun de par­ler ici de la misé­rable situa­tion maté­rielle dans laquelle vivent, en cet après-​guerre, un nombre consi­dé­rable de prêtres, spé­cia­le­ment dans les pays qui ont eu à subir les plus graves dom­mages, soit à cause de la guerre elle-​même, soit à cause de la situa­tion poli­tique. Cet état de choses Nous cause une angoisse pro­fonde, et Nous met­tons tout en œuvre, selon Nos moyens, pour sou­la­ger les mal­heurs, les peines et l’extrême indi­gence de beau­coup de ces prêtres.

Vous savez très bien, Vénérables Frères, com­ment – dans les pays où les besoins parais­saient être plus grands –, par l’entremise de la Sacrée Congrégation du Concile, Nous avons accor­dé des pou­voirs extra­or­di­naires aux Evêques et édic­té des lois par­ti­cu­lières en vue d’éliminer équi­ta­ble­ment les inéga­li­tés les plus graves dans la situa­tion éco­no­mique des prêtres d’un même dio­cèse. Nous savons qu’en cer­tains endroits de nom­breux prêtres, vrai­ment dignes d’éloges, ont répon­du à l’appel de leurs pas­teurs ; ailleurs, des dif­fi­cul­tés ont sur­gi qui ont empê­ché les direc­tives ou les règles don­nées d’avoir toute leur effi­ca­ci­té. Nous vous exhor­tons cepen­dant à per­sé­vé­rer, gui­dés par l’amour pater­nel, dans la voie où vous êtes enga­gés, car il est inad­mis­sible que le pain quo­ti­dien manque aux ouvriers envoyés dans la vigne du Seigneur. En cette matière, n’hésitez pas à Nous com­mu­ni­quer de temps en temps les résul­tats de vos efforts.

2. Prévoyance sociale

211. Nous louons vive­ment, véné­rables Frères, toutes les déci­sions que vous pren­drez d’un com­mun accord pour assu­rer aux prêtres le néces­saire pour la vie de chaque jour, non seule­ment pour le pré­sent, mais aus­si pour l’avenir, moyen­nant cer­taines orga­ni­sa­tions oppor­tunes de pré­voyance – elles existent déjà dans la socié­té civile, et Nous les approu­vons – qui pour­voient aux besoins des prêtres prin­ci­pa­le­ment dans le cas de mala­die, quand la san­té décline, quand sur­vient la vieillesse. Par là vous libé­re­rez les prêtres de la sol­li­ci­tude rela­tive à leur sub­sis­tance et à leur situa­tion maté­rielle future.

A ce pro­pos, il Nous plaît d’exprimer Notre gra­ti­tude aux prêtres qui, sans faire atten­tion aux incon­vé­nients que cela pou­vait leur cau­ser, sont venus et viennent en aide à leurs confrères qui avaient besoin de secours, spé­cia­le­ment à ceux qui étaient malades ou à l’âge de la vieillesse. En agis­sant ain­si, ces prêtres donnent une preuve écla­tante de cette cha­ri­té mutuelle que le Christ a pré­sen­tée à ses dis­ciples comme le signe carac­té­ris­tique auquel tout le monde les recon­naî­trait : C’est à ceci que tous vous recon­naî­tront pour mes dis­ciples, à votre mutuelle cha­ri­té (Jn 13, 35). Nous sou­hai­tons aus­si que ces liens de cha­ri­té fra­ter­nelle se res­serrent chaque jour davan­tage entre les prêtres de toutes les nations, afin qu’il soit tou­jours plus mani­feste que les prêtres, ministres d’un même Dieu, Père de tous, sont ani­més dans leurs rap­ports mutuels du même esprit de cha­ri­té, quel que soit le pays où ils demeurent.

3. Obligation des fidèles à l’égard du clergé

212. Mais vous com­pre­nez sans aucun doute qu’il vous est impos­sible de remé­dier par­fai­te­ment aux dif­fi­cul­tés de cette situa­tion si les fidèles ne sont pas inti­me­ment convain­cus qu’ils ont l’obligation de venir en aide au cler­gé, cha­cun pour sa part, et si on ne prend pas tous les moyens oppor­tuns pour arri­ver à ce résultat.

En consé­quence, faites com­prendre aux fidèles confiés à vos soins l’obligation qui leur incombe de secou­rir leurs prêtres qui se trou­ve­raient dans le besoin. Elle garde tou­jours sa valeur la sen­tence du divin Rédempteur : L’ouvrier a droit à son salaire (Lc 10, 7). Comment peut-​on deman­der aux prêtres d’accomplir avec empres­se­ment les devoirs de leur minis­tère si ces prêtres n’ont pas à leur dis­po­si­tion les choses néces­saires à la vie ? Du reste, les fidèles qui négligent leur devoir sur ce point frayent la voie, même s’ils ne le veulent pas, aux enne­mis de l’Eglise qui, en plu­sieurs pays, pour­ront ain­si plus faci­le­ment affa­mer le cler­gé pour pou­voir le sépa­rer ou le déta­cher de l’autorité légitime.

Les pou­voirs publics, selon les condi­tions des divers pays, sont éga­le­ment dans l’obligation de pour­voir aux besoins du cler­gé : la socié­té civile ne tire-​t-​elle pas d’incalculables bien­faits spi­ri­tuels et moraux du minis­tère sacerdotal ?

V. Exhortation finale

Nécessité pour le prêtre d’atteindre à la sainteté

213. Enfin, avant de ter­mi­ner cette Exhortation, Nous ne pou­vons Nous abs­te­nir de réité­rer ici, mais en abré­gé, les avis ou encou­ra­ge­ments que, chaque jour, vous devez avoir devant les yeux, car il faut les regar­der comme vos normes ou direc­tives prin­ci­pales dans votre conduite et votre acti­vi­té. Puisque nous sommes prêtres du Christ, il faut que nous tra­vail­lions de toutes nos forces à ce que la Rédemption opé­rée par le Christ obtienne la plus effi­cace appli­ca­tion dans toutes les âmes. Considérez atten­ti­ve­ment les besoins si graves de notre époque. Il faut faire effort pour rame­ner aux pré­ceptes du chris­tia­nisme les frères qui sont, ou éga­rés par l’erreur, ou aveu­glés par les pas­sions pour éclai­rer les peuples avec la lumière de la doc­trine chré­tienne, pour les gui­der confor­mé­ment aux lois éta­blies par le Christ, pour leur for­mer une conscience pro­fon­dé­ment péné­trée de leurs obli­ga­tions chré­tiennes ; enfin, pour les sti­mu­ler tous à lut­ter avec cou­rage dans les com­bats pour le triomphe de la véri­té et de la justice.

Nous aurons atteint le but pro­po­sé seule­ment quand nous serons par­ve­nus à un degré de sain­te­té tel que nous fas­sions pas­ser dans les autres la vie et les ver­tus que nous aurons fait déri­ver du Christ en nous.

214. Nous adres­sons à chaque prêtre l’exhortation même de l’apôtre saint Paul : Garde-​toi de négli­ger la grâce qui est en toi, que les anciens t’ont confé­rée par l’imposition des mains (1 Tim 4, 14). Donne-​leur toi-​même en tout l’exemple des bonnes œuvres, ensei­gnant avec pure­té, digni­té, parole saine, irré­pré­hen­sible, en sorte que l’adversaire ait la confu­sion de ne rien trou­ver à redire contre nous (Tit 2, 7–8).

Chers Fils, faites le plus grand cas de la grâce du minis­tère que vous avez reçu ; vivez en sorte que cette grâce pros­père en vous et pro­duise les fruits les plus abon­dants qui contri­bue­ront gran­de­ment au bien de l’Eglise et à la conver­sion de ses ennemis.

Pour que Notre Exhortation pater­nelle réa­lise heu­reu­se­ment ce qui est son but, dere­chef Nous vous adres­sons ces paroles qui, par­ti­cu­liè­re­ment au cours de cette Année Sainte, paraissent si oppor­tunes : Renouvelez-​vous au plus intime de votre esprit et revêtez-​vous de l’homme nou­veau créé à l’image de Dieu dans la jus­tice et la sain­te­té véri­tables (Ep 4, 23–24). Soyez les imi­ta­teurs de Dieu comme des enfants bien-​aimés et mar­chez dans la cha­ri­té à l’exemple du Christ qui nous a aimés et s’est livré lui-​même à Dieu pour nous, comme une obla­tion et un sacri­fice d’agréable odeur (Ep 5, 1–2). Remplissez-​vous de l’Esprit Saint. Entretenez-​vous les uns les autres de psaumes, d’hymnes et de can­tiques spi­ri­tuels, chan­tant et psal­mo­diant du fond du cœur en l’honneur du Seigneur (Ep 5, 18–19) ; veillant avec une per­sé­vé­rance conti­nuelle et en priant pour tous les saints (Ep 6, 18).

Méditant ces pres­santes invi­ta­tions de l’Apôtre des nations, Nous jugeons oppor­tun de vous sug­gé­rer de vous adon­ner, durant cette Année Sainte, en plus de ce qui est régu­liè­re­ment éta­bli, aux exer­cices spi­ri­tuels d’une retraite extra­or­di­naire, de telle sorte que, pous­sés par la fer­veur de la pié­té que vous y aurez pui­sée, vous soyez plus aptes pour appe­ler les autres âmes à béné­fi­cier des tré­sors de l’indulgence divine.

Confiance en Marie, Mère des prêtres

215. Mais vous savez très bien par expé­rience com­bien il vous est dif­fi­cile de mar­cher sur le che­min ardu de la sain­te­té et de bien vous acquit­ter des charges qui vous sont confiées. C’est pour­quoi avec confiance éle­vez vos regards, vos pen­sées et vos sen­ti­ments vers celle qui, étant la Mère du Prêtre Eternel, est, par là même, la Mère très aimante du cler­gé catho­lique. Vous connais­sez par­fai­te­ment la bon­té de cette Mère à votre égard, et très sou­vent, en beau­coup d’endroits, prê­chant sur la misé­ri­corde du Cœur Immaculé de Marie, vous avez réveillé d’une façon mer­veilleuse la foi et la pié­té du peuple chrétien.

Si la Vierge, Mère de Dieu, aime toutes les âmes d’un amour ardent, elle a cepen­dant une pré­di­lec­tion toute par­ti­cu­lière pour les prêtres qui doivent repro­duire en eux l’image vivante de Jésus-​Christ. Lorsque vous consi­dé­re­rez, pour la plus grande conso­la­tion de votre âme, et cet amour spé­cial de Marie et sa par­ti­cu­lière pro­tec­tion en faveur de vous tous, alors vous sen­ti­rez que vos efforts pour acqué­rir la sain­te­té et pour accom­plir les charges de votre minis­tère sacer­do­tal se feront plus faci­le­ment. De tout Notre pou­voir Nous vou­lons confier tous les prêtres du monde entier à la Bienheureuse Mère de Dieu, média­trice des grâces célestes, afin que par son inter­ces­sion Dieu fasse des­cendre sur eux une abon­dante effu­sion de son Esprit qui les conduise tous à la sain­te­té et régé­nère les moeurs du genre humain.

Bénédiction spéciale au clergé persécuté

216. Espérant la réa­li­sa­tion de ces vœux et sou­haits salu­taires, par l’entremise du patro­nage de Marie, la Vierge Immaculée, Nous implo­rons de Dieu qu’il donne des grâces abon­dantes à tous, mais spé­cia­le­ment aux Evêques et aux prêtres qui sont per­sé­cu­tés, empri­son­nés, exi­lés, parce qu’ils défendent cou­ra­geu­se­ment les droits et la liber­té de l’Eglise. Nous leur expri­mons Notre affec­tion spé­ciale et Nous les exhor­tons pater­nel­le­ment à conti­nuer à don­ner encore cet exemple émi­nent de cou­rage sacer­do­tal et de vertu.

Comme gage des dons célestes et en témoi­gnage de Notre pater­nelle bien­veillance, Nous accor­dons de grand cœur à tous et à cha­cun de vous, Vénérables Frères, ain­si qu’à tous vos prêtres, la Bénédiction Apostolique.

Donné à Rome, près St-​Pierre, le 23 sep­tembre de l’Année du grand Jubilé 1950, la dou­zième de Notre Pontificat.

PIE XII, PAPE.

Notes de bas de page
  1. Préface de la messe de la fête du Christ-​Roi.[]
  2. Cf. Pie X, Exhortation Haerent ani­mo au cler­gé catho­lique du 4 août 1908. ASS XLI (1908) 555–577.[]
  3. Cf. Pie XI, Lettre ency­clique Ad catho­li­ci sacer­do­tiidu 20 décembre 1935. AAS XXVIII (1936) 1–53.[]
  4. Cf. Pie XII, Lettre ency­clique Mystici Corporis du 29 juin 1943. AAS XXXV (1943) 194–248.[]
  5. Cf. Pie XII, Lettre ency­clique Mediator Dei du 20 novembre 1947. AAS XXXIX (1947) 521–595.[]
  6. Pontifical Romain, De l’ordination des prêtres.[]
  7. Code de Droit Canon, can. 124.[]
  8. Missel Romain, Canon.[]
  9. Pontifical Romain, Ordination des diacres.[]
  10. Imitation de Jésus-​Christ, IV, v, 13, 14.[]
  11. Cf. Canon de la messe.[]
  12. S. Athanase, De incar­na­tione, n. 12 ; PL 26, 1003 sq.[]
  13. Cf. S Augustin, De Civitate Dei, l. X, vs. PL 41, 284.[]
  14. S. Pierre Chrysologue, Sermo CVIII, PL 52, 500–501.[]
  15. Pie XII, Lettre ency­clique Mediator Dei du 20 novembre 1947 : AAS XXXIX (1947) 552, 553.[]
  16. Bréviaire Romain, Hymne pour la dédi­cace des églises.[]
  17. S. Augustin, Enarr. in Ps. LXXXV, n. 1 : PL 37, 1081.[]
  18. Cf. Pie XII, Lettre ency­clique Mediator Dei du 20 novembre 1947 : AAS XXXIX (1947) 574.[]
  19. Cf. Pie XII, Lettre ency­clique Mediator Dei du 20 novembre 1947. AAS XXXIX (1947) 521–595.[]
  20. Cf. Code de Droit Canon, can. 125, 2.[]
  21. Cf. Code de Droit Canon, can. 125, 2.[]
  22. Code de Droit Canon, can. 125, 1.[]
  23. Pie XII, Lettre ency­clique Mystici Corporis du 29 juin 1943. AAS XXXV (1943) 235.[]
  24. Cf. Pie XII, Lettre apos­to­lique Cum proxime exeat du 16 juin 1944. AAS XXXVI (1944) 239.[]
  25. Cf. Pie XII, Allocution aux membres de l’Action catho­lique ita­lienne, 7 sep­tembre 1947. AAS XXXIX (1947) 425–431.[]
  26. Code de Droit Canon, can. 1353.[]
  27. Léon XIII, Lettre ency­clique Quod mul­tum du 22 août 1886 : Acta Leonis, VI, p. 158.[]
  28. Pie XII, Allocution Caritatis debi­tum du 25 novembre 1948 : AAS XI (1948) 552.[]
  29. Cf. Pie XII, Discours Sollemnis conven­tus du 24 juin 1939. AAS XXXI (1939) 245–251.[]
  30. Code de Droit Canon, can. 1366, 2.[]
  31. S. Ignace d’Antioche, Ad Smyrmaeos, VIII, 1. PG 8, 714.[]
  32. S. Ignace d’Antioche, Ad Smyrmaeos, IX, 1. PG 8, 715.[]
  33. S. Ignace d’Antioche, Ad Philadelphienses, VII, 2. PG 5, 700.[]
  34. Cf. Code de Droit Canon, can. 132.[]
  35. Cf. Concile de Trente, sess. XIII, c. 8. Denzinger n. 883.[]
  36. Cf. Pie XII, Motu Proprio Quandoquidem du 2 avril 1949 : AAS XLI (1949) 165–167.[]
  37. Cf. Code de Droit Canon, can. 134.[]
  38. Code de Droit Canon, can. 129.[]
  39. Code de Droit Canon, can. 130, 1.[]
  40. Code de Droit Canon, can. 131, 1.[]
  41. Cf. Lettre du car­di­nal Pierre Gasparri, secré­taire d’Etat, à l’Episcopat d’Italie, 15 avril 1923 : Enchiridion Clericorum, Imprimerie Polygl. Vat. 1937, p. 613.[]
4 août 1908
Exhortation du clergé catholique à la sainteté à l'occasion du cinquantième anniversaire de sacerdoce du Souverain Pontife
  • Saint Pie X